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Jeûne et restriction calorique

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Le jeûneN1 est un sujet sensible, étant données les cono­ta­tions reli­gieuses, mystiques, cultu­relles et poli­tiques de cette pratique…

La ques­tion que je souhaite abor­der ici est la place de la restric­tion calo­rique (en géné­ral) en termes de longé­vité et de main­tien de la santé.

Sommaire

Mon expérience

fasting

J’ai décou­vert le jeûne dans le contexte de l’ac­tion non-violente d’ins­pi­ra­tion gand­hienne (années 1960–70). La dénon­cia­tion de la torture en Algérie, l’op­po­si­tion à l’ex­ten­sion du camp mili­taire au Larzac, la mobi­li­sa­tion pour la créa­tion d’un statut d’ob­jec­teur de conscience et, loca­le­ment, la réha­bi­li­ta­tion de personnes logées en bidon­ville, ont été l’oc­ca­sion d’ins­crire cette pratique comme une forme d’ac­tion poli­tique recon­nue du public. On parlait de jeûnes protes­ta­taires ou grèves de la faimN2 pour effa­cer toute conno­ta­tion reli­gieuse. Ces grèves étaient souvent indi­vi­duelles, notam­ment en milieu carcé­ral, parfois prolon­gées jusqu’au décès des protestataires.

Akahi Ricardo et Camila Castello
Akahi Ricardo et Camila Castello, qui prétendent ne pas s’être nour­ris pendant 9 ans… Source : N3

Personne n’ignore — mis à part les respi­ria­nistesN4 qui prétendent se nour­rir de prāna ou de lumière ! (voir N5·N6·N7 et N8) — que s’abs­te­nir de toute nour­ri­ture solide conduit à la mort après quelques semaines. La durée du sursis varie forte­ment selon les individus.

Les jeûnes collec­tifs de ces années étaient pour la plupart limi­tés à une dizaine de jours. En veillant à une hydra­ta­tion suffi­sante, ils produi­saient souvent un effet salu­taire sur la santé des mili­tants, d’au­tant plus ceux qui avaient une tendance au surpoids. C’est ainsi que j’avais adopté une pratique régu­lière du jeûne avec pour objec­tif prin­ci­pal de ne plus prendre de poids et d’épu­rer mon orga­nisme — on parle aujourd’­hui de « détoxi­ner »N9. Selon les époques, je faisais une semaine de jeûne au prin­temps ou à la fin de l’été, ou encore une jour­née par semaine, plus roman­ti­que­ment trois jours à la pleine lune…

L’effet de régu­la­tion du poids, remar­quable les premières années, s’est rapi­de­ment estompé. Pour compen­ser une prise de poids (envi­ron 1 kilo par an) qui me parais­sait inéluc­table, malgré l’adop­tion d’une alimen­ta­tion presque exclu­si­ve­ment végé­ta­rienne exempte de produits indus­triels, j’ai effec­tué de nombreuses tenta­tives de jeûne hydrique inté­gral sur une durée jusqu’à 3 ou 4 semaines. Ceci pour consta­ter qu’elles résul­taient toujours en une perte de poids insi­gni­fiante avec une reprise dans les mois suivants qui aggra­vait mon cas. C’est l’effet yo-yoN10 bien connu de tout régime priva­tif (Gutierrez N, 2023N11 ; Grzelka K et al., 2023N12). ?

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Source : N13

Quelle que soit la durée du jeûne, je le vivais dans un état d’eu­pho­rie qui peut expli­quer un engoue­ment pour cette pratique. J’y voyais la réponse à un besoin de détoxi­ca­tionN14 en dépit des témoi­gnages de personnes chez qui cette « puri­fi­ca­tion » se tradui­sait plutôt par des maux de tête. Je ne me suis jamais posé la ques­tion d’un réel besoin de nettoyage alors que ma nour­ri­ture était répu­tée saine et l’en­vi­ron­ne­ment des plus favo­rables — voir mon article Détoxination.

Pendant ces longues périodes de jeûne, je n’éprou­vais aucune faiblesse dans l’exé­cu­tion du travail quoti­dien ni d’ef­forts physiques. Il est vrai que j’avais de plus en plus de réserves !

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Cette expé­rience m’a convaincu que le jeûne (de plus d’une jour­née) n’avait aucun effet, pour ce qui me concerne, sur la régu­la­tion du poids. Aucune étude scien­ti­fique concluant aux bien­faits du jeûne théra­peu­tique ne mentionne la guéri­son de l’obé­sité parmi les béné­fices escomp­tés. Je me suis libéré de l’obé­sité, bien plus tard, en modi­fiant radi­ca­le­ment mes habi­tudes alimen­taires — voir mon article chrononutrition - expérience. En l’ab­sence de patho­lo­gie, elle peut être vain­cue — pour la majo­rité des personnes mais pas toutes — avec un meilleur équi­libre nutri­tion­nel rédui­sant la part des glucides au béné­fice des « bonnes graisses ». Voir à ce sujet mes articles Glucides ou lipides ? et Diète cétogène - expérience. J’aborderai plus tard l’im­por­tance de la santé des micro­biotes dont j’ai commencé à faire l’ex­pé­rience fin 2022.

Une version contes­tée de la promo­tion du jeûne théra­peu­tique consiste à préco­ni­ser une restric­tion calo­rique de longue durée comme remède à l’insulinorésistanceN15 ; voir à ce sujet le commen­taire véhé­mentN16 de Jane Plain à propos des efforts déses­pé­rés de Jimmy Moore et des préco­ni­sa­tions contro­ver­sées de Jason FungN17. L’expérimentation de disette réali­sée par Ancel Keys aux USA en 1944–1945 (Minnesota Starvation ExperimentN18) au cours de laquelle 36 hommes volon­taires ont été soumis pendant six mois à un régime d’en­vi­ron 1500 kcal/jour, a montré que cette situa­tion indui­sait de la détresse, de la dépres­sion et de l’hys­té­rie, avec une baisse signi­fi­ca­tive de la libido et une obses­sion de la nour­ri­ture. Ces effets sont en tous points analogues à ceux de l’anorexie nerveuseN19.

D’autres expé­riences person­nelles abou­tissent à des résul­tats différents.

Effets mesurables

NataliaBataeva
Natalia Bataeva
Source : N20

Un docu­men­taire Le jeûne, une nouvelle théra­pie ? a été diffusé par ARTE le 6 mars 2011, donnant lieu à de nombreux commen­taires (voir N21). Il débute par la présen­ta­tion de plusieurs décen­nies d’ex­pé­rience du jeûne théra­peu­tique en Russie, notam­ment au sana­to­rium de Goriachinsk dans la plaine sibé­rienne. Ces travaux ont été docu­men­tés en russe sans être traduits ni publiés dans des revues médi­cales. La suite du repor­tage présente la clinique BuchingerN22 sur les rives du lac de Constance en Allemagne, où l’on soigne par le jeûne des mala­dies chro­niques. Les décla­ra­tions des soignants s’ap­puient sur des travaux menés aux USA, prin­ci­pa­le­ment en expé­ri­men­ta­tion animale.

Il est inté­res­sant de signa­ler que ce repor­tage est souvent cité à l’ap­pui de l’af­fir­ma­tion : « Le jeûne guérit le cancer ». En réalité, la présen­ta­tion des travaux de l’équipe de Valter D LongoN23 cités à plusieurs reprises dans le repor­tage (exempleN24) annonce que le jeûne ne guérit pas le cancer mais peut retar­der la crois­sance des tumeurs et amélio­rer les effets de la chimio­thé­ra­pie. Il s’agis­sait d’ailleurs plutôt de short-term star­va­tion, autre­ment dit une restric­tion calorique/protéinique de durée n’ex­cé­dant pas 24 heures — voir mon article Cancer - approche métabolique. Dans une autre étude (Cheng CW et al., 2014N25) l’équipe a montré qu’un jeûne prolongé (3 jours) pour­rait aussi entraî­ner un renou­vel­le­ment de cellules souches qui contre­car­re­rait l’immu­no­sup­pres­sionN26 provo­quée par la chimio­thé­ra­pie — voir FMD ci-dessous.

Dans la litté­ra­ture scien­ti­fique, le cancer est cité comme une contre-indication à la pratique du jeûne théra­peu­tique. Pour plus de détails, voir mon article Cancer - sources.

En ce qui concerne les cures en clinique de jeûne, il n’est pas surpre­nant qu’elles ne fassent l’ob­jet d’au­cune publi­ca­tion scien­ti­fique. Pour commen­cer, on n’y a pas conduit des essais rando­mi­sés contrô­lésN27 : la clien­tèle de ces cliniques est volon­taire ; on n’étu­die pas un échan­tillon repré­sen­ta­tif de la popu­la­tion qui serait réparti par tirage au sort dans plusieurs groupes, dont un qui béné­fi­cie­rait plei­ne­ment du trai­te­ment (jeûne, exer­cice physique, coaching psycho­lo­gique, envi­ron­ne­ment) et les autres pour qui le jeûne serait remplacé par une nutri­tion équi­li­brée sans restric­tion calo­rique, ou même qui conti­nue­raient à s’ali­men­ter selon leurs habi­tudes tout en parti­ci­pant aux autres acti­vi­tés proposées.

L’absence de choix d’un échan­tillon de popu­la­tion intro­duit un biais consi­dé­rable. Les clients (assez fortu­nés) de ces cliniques sont en majo­rité des personnes qui souffrent de mala­dies chro­niques plus ou moins graves, souvent en surpoids, résul­tat d’une mauvaise hygiène alimen­taire. Il est clair qu’un séjour de quelques semaines dans un envi­ron­ne­ment accueillant avec prome­nades en forêt, exer­cice enca­dré par des entraî­neurs, psycho­thé­ra­pie et absence de malbouffe, ne pouvait qu’a­mé­lio­rer leur état, y compris pour la rémis­sion tempo­raire de symp­tômes graves. Leur santé conti­nue à s’amé­lio­rer si, une fois rentrés chez eux, les patients gardent les bonnes habi­tudes acquises durant leur séjour en clinique. Mais tout cela pour­rait n’avoir rien à voir avec la pratique du jeûne. Une pratique nutri­tion­nelle équi­li­brée et l’éli­mi­na­tion de toute addic­tion auraient peut-être de meilleurs effets sur le long terme.

Plus préci­sé­ment, sachant qu’un grand nombre de mala­dies chro­niques, douleurs arti­cu­laires, ou même mala­dies auto-immunes, sont liées à de l’in­flam­ma­tion, et qu’une des causes de cette inflam­ma­tion se trouve dans la nutri­tion, il est logique que les symp­tômes s’at­té­nuent ou dispa­raissent pendant une longue période de jeûne hydrique. L’efficacité du jeûne est dans ce cas le signal de mauvais choix nutri­tion­nels : le plus souvent, aujourd’­hui, la croyance qu’un régime prin­ci­pa­le­ment végé­tal devrait réduire l’in­flam­ma­tion alors que c’est l’in­verse qui se produit. Lire mon article à ce sujet. Paul Saladino écrit (sources à l’ap­pui) dans Carnivore Code (2020N28) :

La majo­rité des mala­dies dont nous souf­frons aujourd’hui sont de nature auto-immune et inflam­ma­toire, et je crois qu’en nous concen­trant sur les aliments d’origine animale riches en nutri­ments en évitant les toxines présentes dans les plantes qui déclenchent ces proces­sus, nous retrou­ve­rons rapi­de­ment notre droit ances­tral à une santé et une vita­lité optimales.

C Lee et Valter D Longo (2011N29) écrivent :

La réponse physio­lo­gique au jeûne est tout à fait diffé­rente de celle à un régime sous-calorique. Chez les mammi­fères, il y a trois étapes méta­bo­liques pendant la priva­tion de nour­ri­ture (Wang et al., 2006N30). Tout d’abord, la phase postab­sorb­tive, qui peut durer au moins 10 heures après l’in­ges­tion de nour­ri­ture et implique l’uti­li­sa­tion du glyco­gèneN31 en tant que source prin­ci­pale d’éner­gie stockée. Lorsque le stock de glyco­gène dans le foie a été épuisé, elle est suivie par la seconde phase dans laquelle des acides aminés servent de substrat pour la néoglu­co­ge­nèseN32.

Finalement, les acides gras et le glycé­rolN33 libé­rés par les tissus adipeux deviennent la prin­ci­pale source d’éner­gie. Le glucose rési­duel est surtout consommé par le cerveau, et les corps céto­niquesN34 nouvel­le­ment déri­vés des graisses (acétoa­cé­tate, β‑hydroxybutyrate et acétone) deviennent en quelques jours des sources de carbone majeures (Cahill, 1970N35 ; Cahill et al., 1970N36 ; Cahill, 2006N37).

Lee et Longo précisent (ibid.) :

Suite à un jeûne prolongé durant une semaine ou plus, le β‑hydroxybutyrate dérivé de graisses devient le corps céto­niqueN34 le plus abon­dant, ce qui repré­sente envi­ron les deux tiers du carbu­rant du cerveau, et la produc­tion de glucose atteint un niveau très modeste (Cahill, 2006N37). Au cours de la dernière phase de jeûne prolongé, les réserves de graisse sont épui­sées et une dégra­da­tion muscu­laire rapide se produit pour alimen­ter la néoglu­co­ge­nèseN32. […]

On estime qu’une personne de 70 kg peut couvrir ses besoins calo­riques de base avec les réserves de graisse pendant jusqu’à 2–3 mois de jeûne (Cahill GF & Owen OE, 1968N38 ; Cahill GF et al., 1968N39 ; Saudek CD & Felig P, 1976N40). Ainsi, un jeûne prolongé est faisable et géné­ra­le­ment bien toléré chez les humains, mais peut être accom­pa­gné par des effets secon­daires rela­ti­ve­ment mineurs, tels que maux de tête, des étour­dis­se­ments, des nausées, de la faiblesse, de l’œdème, de l’ané­mie et de l’amé­nor­rhée (Bloom WL, 1959N41 ; Drenick EJ et al., 1964N42 ; Thomson TJ et al., 1966N43). Dans certains rares cas, on a signalé qu’un jeûne extrême pour des périodes de plusieurs semaines ou plus chez des sujets obèses avait entraîné des compli­ca­tions mortelles comme l’in­suf­fi­sance rénale, l’in­suf­fi­sance cardiaque et l’aci­dose lactique (Cubberley PT et al, 1965N44 ; Spencer IOB, 1968N45 ; Garnett ES et al., 1969N46 ; Runcie J & Thomson TJ, 1970N47). […] En outre, la pratique du jeûne devrait être réser­vée à des sujets qui ne présentent pas d’ir­ré­gu­la­ri­tés dans les voies métaboliques.

Pratiquer un jeûne de longue durée (typi­que­ment plus de cinq jours) sans surveillance médi­cale comporte de sérieux risques. Par exemple, chez une personne diabé­tique (de type 1 ou de type 2 dans une phase avan­cée) ou sujette à un alcoo­lisme chro­nique, le pancréas est inca­pable de sécré­ter suffi­sam­ment d’in­su­line pour limi­ter la produc­tion de corps céto­niquesN34. Cette insuf­fi­sance peut se traduire par une acido­cé­toseN48 qui peut être fatale.

La ques­tion de la fonte muscu­laire fait l’ob­jet de débat. Chez une personne qui n’a pas d’abon­dantes réserves de graisse elle peut démar­rer beau­coup plus tôt que la semaine évoquée par Lee et Longo (voir ci-dessus). Il est probable que tout jeûne hydrique dépas­sant 48 heures se traduise par une perte de muscle — remplacé par de la graisse après la reprise alimen­taire. On peut aisé­ment obser­ver cette obésité sarco­pé­niqueN49 chez les fana­tiques de « détox »…

Certains auteurs vont jusqu’à recom­man­der le jeûne sec (sans hydra­ta­tion) pour « élimi­ner le gras plus vite que le muscle ». Selon Gudinez B (2018N50), un orga­nisme en état de cétoseN51 pour­rait fabri­quer de l’eau en interne à partir du gras. Mais elle ajoute que ce méca­nisme n’est effi­cace qu’a­près une alimen­ta­tion riche en graisses. Par consé­quent, les graisses brûlées sont celles des aliments et non la graisse corpo­relle. De plus, cette oxyda­tion génère, non pas des cétones comme souhaité, mais du gaz carbo­nique et de l’eau (Stookey JD, 1999N52). Cette approche est donc très risquée et certai­ne­ment à pros­crire au-delà de 24 heures ! Les respi­ria­nistesN4 en ont popu­la­risé une version suici­daire avec leur Processus des 21 joursN53

Respirianistes
Un groupe de musi­ciens respi­ria­nistesN54 qui se nour­ris­saient « d’air et de lumière » aux Pays-Bas. La femme la plus à gauche est morte de faim à 62 ans, voir l’ar­ticleN8

Plus géné­ra­le­ment, tout jeûne induit un méca­nisme d’auto­pha­gieN55 béné­fique au démar­rage — destruc­tion de compo­sants cellu­laires endom­ma­gés — mais qui peut assez vite deve­nir symp­to­ma­tique (Dinkov G & P Saladino, 2023N56 50:30), par un effon­dre­ment de la masse muscu­laire — en s’ap­pa­ren­tant à un auto-cannibalisme des ressources de l’or­ga­nisme. Leonoor, leader du groupe sectaire Contact & MuziekN54 (photo ci-contre) écrivait :

Si vous décou­vrez que la nutri­tion n’est en fait pas du tout néces­saire, tout chan­gera et tout sera diffé­rent, mais aussi de plus en plus fami­lier. Nous ressen­tons beau­coup plus de contact avec notre corps, manger nous fatigue, c’est notre expé­rience, digé­rer la nour­ri­ture est un travail diffi­cile. […] Nous avons besoin de gens qui montrent que c’est possible, très bien. Dans le monde entier, il y a de plus en plus de personnes qui y travaillent, des sources lumi­neuses, vivant de la lumière, des respi­ria­nistes. […]

En fait vous n’avez pas besoin de nour­ri­ture. Des bébés et des enfants meurent des suites de vacci­na­tions, les parents sont même accu­sés de maltrai­tance, lais­sés dans une confu­sion totale et n’ont pas la possi­bi­lité de recon­naître leur tris­tesse, leur colère et leur perplexité.

Un autre risque, au commen­ce­ment d’un jeûne hydrique de longue durée, est la libé­ra­tion de toxines accu­mu­lées dans les cellules grais­seuses qui peuvent avoir des effets indé­si­rables sur l’or­ga­nisme. Le régime simu­lant le jeûne (FMD) et la variante de jeûne faible en protéines (PSMD) — voir ci-dessous — évitent cet écueil en four­nis­sant des nutri­ments capables de détoxi­fier l’organisme.

Certaines personnes réagissent mal au jeûne, ce qui se traduit par un taux élevé d’hor­mone de stress (corti­solN57). Dans un entre­tien filmé (2023N56 40:51–44:28), Georgi Dinkov cite des travaux montrant qu’au­cun patient atteint d’un cancer n’avait un rapport corti­sol sur DHEAN58 infé­rieur à 1.5. Celui-ci ne devrait pas dépas­ser 0.5 — en début d’après-midi, pas à jeun… Dinkov précise :

Ces éléva­tions chro­niques de corti­sol, qui se produisent lors d’un jeûne, ne sont bonnes pour personne, mais une personne jeune et en bonne santé est proba­ble­ment mieux placée pour y faire face et béné­fi­cier de la réduc­tion des endo­toxines. Mais si vous êtes plus âgé… c’est peut-être la pire chose à faire.

Les personnes âgées sont connues pour se fragi­li­ser très rapi­de­ment si elles sautent, ne serait-ce qu’un seul repas. Elles ne mangent pas très souvent, mais elles ont besoin de leur repas. Si vous ne le leur donnez pas, elles peuvent très vite décli­ner.

En fonc­tion de la personne, le jeûne peut donc ne pas produire les effets béné­fiques escomp­tés, et bon nombre de ces effets béné­fiques peuvent être imités en prenant du char­bon de bois, en rédui­sant les amidons résis­tants, et en consom­mant davan­tage d’hy­drates de carbone simples, tels que le miel et les jus de fruits. Ces mesures permet­traient proba­ble­ment d’ob­te­nir les mêmes résul­tats, en termes de rapport entre le corti­sol et la DHEAN58 […] et la plupart des gens peuvent le faire. […]

En réalité, le jeûne permet de réduire l’in­flam­ma­tion due aux endo­toxines. Prenez donc du char­bon végé­tal […] et mangez-en une cuillère à soupe par jour. C’est proba­ble­ment plus que suffi­sant. Vous n’avez pas besoin de vous tortu­rer.

Invariablement, les personnes qui béné­fi­cient le plus du jeûne ont tendance à être plus jeunes, plus minces et en meilleure santé. Les personnes en surpoids ou plus âgées, c’est-à-dire celles qui ont plus de 50 ans, ne supportent pas bien le jeûne. Une étude a montré que les personnes de plus de 50 ans qui prati­quaient le jeûne de façon chro­nique couraient, une fois le jeûne terminé, un risque beau­coup plus élevé de contrac­ter une infec­tion poten­tiel­le­ment mortelle, proba­ble­ment en raison du corti­sol qui est immunosuppresseur.

Il faut enfin signa­ler que la pratique du jeûne théra­peu­tique est un facteur de pertur­ba­tion des cycles chro­no­bio­lo­giques. Dans La Chrono-diététique (2013, p. 47), Jean-Marie Bourre écrit :

Le jeûne réitéré jour après jour dérègle les horloges biolo­giques, ce qui accroît le risque de mala­die méta­bo­lique. Le seul jeûne physio­lo­gique est celui de la nuit de sommeil, il dure entre 6 et 8 heures. Étalée sur plusieurs jours, la restric­tion calo­rique peut reca­ler les horloges, alors que le jeûne frac­tionné les dérègle.

Édouard Courot écrit à ce sujet (2016N59 pages 78 et 80) :

[…] On peut suppo­ser que la sécrétion cyclique de certaines enzymes diges­tives gastro- intes­ti­nales, ainsi que de nombreux métabolites ayant un rôle dans le métabolisme, se font à des heures précises en prévision d’un apport alimen­taire afin d’optimiser la diges­tion et l’utilisation des nutri­ments.

Par conséquent, des repas pris à heures régulières renforcent les oscil­la­tions de ces rythmes et sont un facteur de protec­tion vis‑à-vis de troubles métaboliques. […]

De façon générale, sauter un repas perturbe la synchro­ni­sa­tion des horloges périphériques. Pour faire l’analogie avec l’horloge centrale, c’est un peu comme si un indi­vidu se main­te­nait exposé à la lumière pendant 24h en sautant une nuit : l’horloge centrale en serait perturbée.

La thèse de méde­cine de Jérôme Lemar (2011N60) comporte une revue biblio­gra­phique de publi­ca­tions sur les effets théra­peu­tiques du jeûne en expé­ri­men­ta­tion humaine et animale. L’auteur commence par situer le jeûne dans une vision d’en­semble hors du contexte médi­cal. Il en décrit ensuite le méca­nisme méta­bo­lique, puis il aborde les « diètes » dans le cadre de la méde­cine conven­tion­nelle. La suite de la thèse s’in­té­resse au jeûne en tant que pratique amai­gris­sante ainsi qu’aux jeûnes prolon­gés « théra­peu­tiques » dans le cadre des méde­cines non-conventionnelles. L’auteur termine par des données sur l’alternate-day fasting (voir ci-dessous) et une étude critique de la détoxi­fi­ca­tion — voir mon article Détoxination. Pour ce qui est du jeûne théra­peu­tique en géné­ral, il conclut (pages 122 et 125) :

La lecture critique de ces articles a donné des résul­tats parfois inté­res­sants, souvent contras­tés et de faible niveau de preuve à court-terme, et des résul­tats majo­ri­tai­re­ment manquants à long-terme. Dans ces études, certains biais ont paru évitables et justi­ciables d’une évalua­tion plus rigou­reuse. D’autres diffi­cul­tés métho­do­lo­giques ques­tionnent sur la poten­tia­lité d’ob­te­nir des preuves factuelles solides lorsque le jeûne est évalué en inten­tion de trai­ter [N61]. Enfin, les béné­fices réels liés à ces pratiques sont restés à l’image de leurs méca­nismes d’ac­tion, incon­nus, impré­cis et hypo­thé­tiques. […]

L’étude des bien­faits suppo­sés du jeûne théra­peu­tique ne répond pas aux exigences actuelles de la méde­cine factuelleN62. Les études sont en majo­rité de type « série de cas », de qualité moyenne ou faible, rare­ment contrô­lées, certaines étant de faible niveau de preuve, voire litté­ra­le­ment inin­ter­pré­tables en termes statis­tiques. Leurs évalua­tions à long terme sont soit manquantes soit impré­cises. Sans comp­ter les innom­brables indi­ca­tions pres­sen­ties n’ayant pas, à notre connais­sance, fait l’objet d’une évalua­tion de type essai clinique, l’analyse des quelques indi­ca­tions ayant pu être plus ou moins appro­fon­dies dans ce travail oscille entre discours de réserve, de prudence, de perplexité, voire de rejet.

L’important pour tous les régimes est que les amélio­ra­tions conti­nuent après la période de trai­te­ment, ce qui est rare­ment le cas du jeûne hydrique de longue durée dont les bien­faits sont souvent anni­hi­lés par effet yo-yoN10 (Gutierrez N, 2023N11).

Un exemple typique de biais du survi­vantN63 est le cas de Jimmy MooreN64 auteur de nombreux ouvrages. En 2004, il avait réussi à perdre plus de 50 kilos en suivant un régime sans glucides — en élimi­nant viandes, fromages et œufs. Toutefois, il n’a cessé de reprendre du poids après cette date, préten­dant que son obésité était liée à des problème de santé indé­pen­dants de son mode de vie. Associé par la suite au Dr Jason Fung, Jimmy Moore parve­nait à perdre de nouveau un peu de poids en se soumet­tant à des jeûnes de longue durée (21 à 31 jours), mais la reprise était inévi­table. Il a donc été contraint d’adap­ter son discours, en pleine disso­nance cogni­tive, pour conti­nuer à promou­voir sa méthode — et vendre ses livres !

Cette situa­tion pathé­tique se retrouve chez de nombreuses personnes deve­nues célèbres après une « guéri­son mira­cu­leuse » attri­buée à un chan­ge­ment d’ha­bi­tudes alimen­taires, et qui conti­nuent à prôner un régime auquel elles ont renoncé pour des raisons de santé — voir mon article Pour les végan·e·s.

Régime simulant le jeûne (FMD)

Une pratique de restric­tion calo­rique sur des périodes de cinq jours est décrite par Valter D Longo sous le nom de régime simu­lant le jeûne (Fasting Mimicking Diet®, FMDN65). Elle est présen­tée en détail dans son ouvrage The Longevity Diet (2018N66, ou Le Régime de longé­vitéN67 en fran­çais) — dans lequel j’ai relevé un bon nombre d’in­co­hé­rences et de falsi­fi­ca­tions, voir mon article Régime de longévité - cuisine à l'italienne.

Source : N68

L’étude A Periodic Diet that Mimics Fasting Promotes Multi-System Regeneration, Enhanced Cognitive Performance, and Healthspan, menée sur des humains et des souris par Sebastian Brandhorst, Valter D Longo et al. (2015N68), a mesuré les effets de ces périodes de 5 jours, durant lesquels les sujets se conten­taient d’un régime à base de plantes hypo­ca­lo­rique, bien que dense en macro­nu­tri­ments, faible en glucides et protéines, mais riche en graisses.

Le régime FMD propose 1090 calo­ries le premier jour et 725 chacun des 4 jours suivants (voir l’ar­ticle de presseN69). Les propor­tions calo­riques des macro­nu­tri­ments sont 45 % de glucides, 45 % de graisses et 10 % de protéines. Il est fait d’un mélange d’ali­ments végé­taux, d’élec­tro­lytes et de complé­ments vita­mi­nés, commer­cia­lisé (aux USA pour 249 dollars) dans le kit ProLonN65.

Brandhorst et collègues (2015N68) ont observé que, pendant les périodes de demi-jeûne FMD, l’or­ga­nisme puise dans ses réserves de glucose, de graisses et de cétonesN70, mais il élimine aussi une frac­tion de ses globules blancs. Cette raré­fac­tion des globules sanguins amorce un proces­sus condui­sant à la régé­né­ra­tion de cellules immu­ni­taires grâce à la produc­tion de cellules souchesN71. Entre autres, une réduc­tion de la protéine kinase A (PKAN72) que l’équipe avait précé­dem­ment asso­ciée à une augmen­ta­tion de longé­vité, et dont on sait par d’autres travaux qu’elle régule le renou­vel­le­ment des cellules souches et leur pluri­po­tenceN73 — la faculté de se diffé­ren­cier en plusieurs types de cellules.

L’expérience animale suggère que la pratique du FMD serait plus effi­cace que le jeûne hydrique inté­gral en termes de « répa­ra­tion de l’or­ga­nisme ». Le régime simu­lant le jeûne peut être prati­qué pério­di­que­ment selon les besoins ressen­tis : d’une fois par mois à deux ou trois fois par an. Valter Longo et ses collègues (2016N74) affirment qu’il serait plus béné­fique pour la santé et la longé­vité que le jeûne frac­tionné (en anglais inter­mit­tent fasting) décrit ci-dessous, mais cette compa­rai­son fait débat, et les « preuves » restent anecdotiques…

Pratique du demi-jeûne fractionné

Le demi-jeûne frac­tionné est une tech­nique de mise en forme, sans préten­tion mira­cu­leuse malgré ses effets béné­fiques obser­vés et docu­men­tés. On parle de demi-jeûne pour dési­gner une restric­tion calo­rique qui peut aller du quart de la ration habi­tuelle à la suppres­sion de toute nour­ri­ture solide. Cela pour une durée limi­tée, de quelques heures à 48 heures. En méde­cine, on consi­dère que l’or­ga­nisme est « à jeun » après 6 heures sans nourriture.

Le frac­tion­ne­ment peut prendre de multiples formes. Il est défini succinc­te­ment sur la page jeûne inter­mit­tentN75 de Wikipedia. Voici cinq options décrites sur un article (lien cassé) consa­cré au trai­te­ment de l’obésité :

  1. Leangains Jeûner de 14 à 16 heures et se nour­rir les 8 à 10 heures restantes dans la jour­née. Il est souvent suggéré de jeûner ainsi la nuit et de rompre le jeûne 6 heures après le réveil.
  2. Eat Stop Eat Jeûner inté­gra­le­ment pendant 24 heures une ou deux fois par semaine.
  3. The Warrior Diet Consiste à jeûner chaque jour pendant 20 heures et à se nour­rir unique­ment d’un repas copieux chaque nuit. Pendant le jeûne, si on le désire, on peut consom­mer des fruits ou légumes crus, ainsi que des sources de protéines. Les promo­teurs justi­fient ce régime en affir­mant qu’il serait en accord avec le cycle circa­dien car notre espèce aurait été program­mée pour se nour­rir la nuit — ce qui est contre­dit par la chronobiologie…
  4. Fat Loss Forever Une combi­nai­son des méthodes précé­dentes : on décide d’une jour­née joker par semaine (sans restric­tion) suivie d’un jeûne de 36 heures. Le reste de la semaine, on choi­sit parmi les autres proto­coles ceux qui s’ac­cordent le mieux avec son acti­vité et ses contraintes socio-professionnelles.
  5. UpDayDownDay™ Un jour avec forte restric­tion calo­rique (par exemple 400 kcal) et le suivant sans restric­tion (par exemple 2000 kcal).

Sur le site du Dr Joseph Mercola, deux méthodes analogues à celles-ci ont été décrites et commen­tées. Ainsi, Dr Krista VaradyN76 recom­man­dait The Other Day DietN77, une réduc­tion calo­rique tous les deux jours (5e option ci-dessus) qui a inspiré le Stop & go de Taty Lauwers (voir ci-dessous).

Source : N78

Dr. Michael Mosley fait la promo­tion du régime 5:2N79 dans lequel on mange norma­le­ment 5 jours par semaine et on se limite pendant 2 jours au quart du besoin calo­rique. Les deux jours de diète ne sont pas consé­cu­tifs, à chacun de déci­der comment les répar­tir. L’ouvrage de Kate Harrison (2015N78) — recom­mandé par Taty Lauwers — décrit bien cette pratique.

➡ Des variantes du demi-jeûne frac­tionné, par exemple 4 jours de réduc­tion calo­rique et pas de restric­tion les 3 jours suivants, sont vendues au prix fort sur les sites qui prétendent guérir l’obé­sité « sans régime ni exer­cice ni médi­ca­ments » (Mike Whitfield par exempleN80). Ces sites utilisent des ‘upsell templates’N81 conçues par des spécia­listes de la vente forcée qui exploitent la naïveté des consom­ma­teurs et font du ‘buzz’ à l’aide de publi-reportages bien posi­tion­nés sur les moteurs de recherche — voir mon article
“Health coaching” : business models en roue libre.

La pratique du demi-jeûne quoti­dien (méthode 1 ci-dessus) est à première vue plus évidente que celle de jeuner en alter­nance. On peut en effet penser qu’il serait diffi­cile de ne pas compen­ser une période de restric­tion par de la surcon­som­ma­tion, mais des retours d’ex­pé­rience sur l’UpDayDownDay ne confirment pas cette crainte. La pério­di­cité de la restric­tion calo­rique permet dans tous les cas de réduire l’insulinorésistanceN15 et de régu­ler la ghré­lineN82, une hormone diges­tive qui stimule l’appétit.

Le choix entre une pratique pério­dique quoti­dienne ou hebdo­ma­daire de restric­tion calo­rique est condi­tionné par l’aug­men­ta­tion de l’hor­mone de stress (corti­solN57) qui peut être déran­geante si elle se produit chaque jour. Une fois que la pratique de restric­tion calo­rique a restauré la sensi­bi­lité à l’in­su­line — autre­ment dit la « flexi­bi­lité méta­bo­lique » — il est préfé­rable d’aug­men­ter la fenêtre alimen­taire. En effet, si l’on prive l’or­ga­nisme de glucose pendant trop long­temps, il produit du corti­sol pour stimu­ler la produc­tion de glucose par le foie. Cette augmen­ta­tion du corti­sol peut contri­buer à l’in­flam­ma­tion chro­nique et aux dommages cellu­laires, et donc para­doxa­le­ment se traduire par une prise de poids (voir pageN83)…

Pour ne pas contra­rier mon horloge biolo­gique, en accord avec les prin­cipes de la chrono-nutrition®N84, je pratique, au besoin, un demi-jeûne frac­tionné en commen­çant par un repas de midi pauvre en glucides et en suppri­mant le goûter et le dîner. Le jeûne est donc rompu au petit-déjeuner suivant.

Cette pratique ne modi­fie en rien mes petits-déjeuners « chrono » en qualité ni en quan­tité. Les repas suppri­més sont le goûter et le dîner. Les jours autres que jeunés, ma nour­ri­ture reste proche de la chrononutrition, à l’ex­cep­tion, bien entendu, des repas joker. Il est a priori moins contrai­gnant de se libé­rer des contraintes le temps d’un repas, que des jour­nées entières comme dans l’UpDayDownDay™ (méthode 5). Avantage véri­fiable : le respect de l’horloge biolo­gique circa­dienneN85 mini­mise la sensa­tion de faim, car celle-ci est (probablement)l accen­tuée par des bacté­ries sensibles au rythme circadien.

L’état de cétoseN51 est parfois véri­fiable le lende­main matin à l’as­pect et l’odeur parti­cu­lière de l’urine. On peut aussi utili­ser un lecteur de glycé­mie — certains mesurent aussi les cétonesN86 — car les bande­lettes réac­tivesN87 ne me paraissent pas fiables. En cétose, la glycé­mie devrait être comprise entre 60 et 80 mg/dl ou le taux de cétones entre 1.5 et 3 mmol/l. La cétose cesse à la fin du jeûne.

Dans son ouvrage Au-delà des régimes (2019N88 p. 13–18), Taty Lauwers distingue quatre caté­go­ries de prati­quants de régimes amin­cis­sants, dont les deux premières — les bleus et les touche-à-tout des régimes — n’ont pas encore déve­loppé une résis­tance physio­lo­gique à la priva­tion, et les dernières — vété­rans et madones — chez qui un régime restric­tif peut produire un effet yo-yo, autre­ment dit leur poids ne varie plus quelles que soient leurs habi­tudes nutri­tion­nelles et sportives.

L’auteure se situait dans cette dernière caté­go­rie, après de nombreux essais infruc­tueux de régimes alimen­taires, entre autres ceux faibles en glucides (low-carb high-fat), la chrono-nutrition®, la paléo­nu­tri­tion et le jeûne inter­mit­tent. Elle a mis en pratique une « issue de secours » qu’elle appelle le mode Stop & go (N88 pages 67–105). On peut clas­ser cette méthode dans le type 5 (UpDayDownDay™, voir ci-dessus) car c’est une décli­nai­son de The Other Day Diet ensei­gné par Krista VaradyN77 : alter­ner un jour « gras » (sans restric­tion) et un jour « maigre » où l’on consomme seule­ment le quart du contenu calo­rique habi­tuel, typi­que­ment 500 kcal en moyenne.

La restric­tion porte prin­ci­pa­le­ment sur les glucides et les lipides, aliments les plus riches en calo­ries. Le choix des aliments pendant les jours maigres et gras reste indi­vi­duel. Il n’y a aucune contrainte sur les propor­tions respec­tives de glucides et lipides, ni sur une limite à respec­ter les jours « gras ». La régu­la­tion de l’ap­pé­tit se fait d’elle-même une fois que l’or­ga­nisme a retrouvé son méta­bo­lisme normal.

Dans une étude clinique en 2017, Krista Varady a montré que The Other Day Diet permet­tait de perdre 3 à 8 % de son poids en trois à douze moisN89. Une dimi­nu­tion lente du surpoids est préfé­rable et plus durable. D’autre part, la progres­sion se mesure plutôt au tour de taille qui permet d’es­ti­mer la quan­tité de graisse viscérale.

La pério­di­cité du Stop & go respecte les rythmes chro­no­bio­lo­giques en instau­rant une alter­nance régu­lière (de période courte) entre une nutri­tion à satiété et une phase de « nettoyage » de l’or­ga­nisme. Cette forme de jeûne inter­mit­tent se distingue donc des régimes simu­lant le jeûne (voir plus haut) qui imposent la restric­tion pendant cinq jours, au risque de désyn­chro­ni­ser les horloges péri­phé­riques circa­diennesN85 — voir N90 et N74.

Le cycle de 48 heures du Stop & go s’ins­talle faci­le­ment lorsque l’or­ga­nisme ressent le béné­fice d’une alter­nance entre « jours de fête » et « jours de repos ». Cela suppose qu’on ait déjà une vie bien réglée en termes de cycles de sommeil et de nour­ri­ture : on peut alors se fier aux sensa­tions pour déci­der du contenu, des quan­ti­tés et heures des repas. La solu­tion opti­male est diffé­rente pour chaque indi­vidu et peut évoluer dans le temps. Celle qui me convient le mieux est de ne consom­mer qu’un petit-déjeuner léger (mais « chrono » avec fromage/beurre/œuf) le jour de « repos » et d’en­chaî­ner sur un jeûne hydrique qui dure donc presque 24 heures. Le « jour de fête », juste avant la rupture de jeûne, une séance d’exercice de haute intensité multi­plie les effets du jeûne — voir plus bas au para­graphe « Exercice ».

Cette pratique restaure en partie la sensa­tion de satiété — sensi­bi­lité à la leptineN91 ? — car on ne tend pas à compen­ser la restric­tion calo­rique en se surali­men­tant le jour suivant. Il est donc attendu qu’une personne dont le surpoids serait causé prin­ci­pa­le­ment par un excès de nour­ri­ture puisse en béné­fi­cier pour régu­ler son appétit.

Toutefois, la régu­la­tion de l’ap­pé­tit dépend forte­ment de la nature des aliments consom­més. Dans mon cas, le retour de la satiété était bloqué par la consom­ma­tion deve­nue trop récur­rente de yaourts (nature/bio/lait de brebis ou de chèvre) — effrac­tion à ma pratique béné­fique de chrononutrition ! Ces laitages n’ap­portent rien d’utile si l’on consomme déjà une grande variété de fromages affi­nés au lait cru ; par contre, comme tout aliment fermenté, ils sont suscep­tibles de modi­fier le micro­biote intes­ti­nalN92 avec pour effet une stimu­la­tion de l’ap­pé­tit. Un autre raison est que le lacto­sé­rumN93 (petit-lait) augmente la résis­tance à l’in­su­lineN15 : plus d’in­su­line dimi­nue la glycé­mie et peut provo­quer des frin­gales (Adams RL & KS Broughton, 2016N94). Ce méca­nisme est décrit par Michael Eades dans The Arrow #200. J’avais fait l’er­reur de croire que les seuls yaourts concer­nés étaient ceux enri­chis au « bifi­dus » et autres substances magiques…

Anabolisme et cata­bo­lisme
Source : Mirandole (2018N95)

Supprimer tous les yaourts a vite restauré chez moi un méca­nisme plus net de satiété, au point que les périodes de restric­tion calo­rique se sont instal­lées spon­ta­né­ment, sans schéma prééta­bli, et ne sont pas vécues comme de la « restric­tion ». Cette impres­sion de natu­rel me paraît en phase avec ce que décrit Paul Saladino (2020N28 page 161) :

[Les] deux proces­sus oppo­sés de dégra­da­tion et de crois­sance des cellules sont respec­ti­ve­ment appe­lés cata­bo­lismeN96 et anabo­lismeN97, et tous deux jouent un rôle vital tout au long de notre vie, car notre corps oscille entre des périodes de construc­tion et de recy­clage des compo­sants cellu­laires tout au long de la journée.

Les effets de la restriction calorique/protéinique

À l’in­verse du jeûne hydrique de longue durée, le demi-jeûne frac­tionné (inter­mit­tent semi-fasting) et le régime simu­lant le jeûne (FMD) ont fait l’ob­jet de travaux en expé­ri­men­ta­tion animale et humaine qui mesu­raient leur effi­ca­cité, entre autres l’étude de Valter D Longo et Mark P Mattson (2014N98). Cette effi­ca­cité se situe dans le main­tien en bonne santé, garan­tie de longé­vité dont l’éli­mi­na­tion du surpoids n’est qu’un aspect. Voici une liste non-exhaustive des méca­nismes observés :

  • AutophagieN99 — qui permet une plus grande résis­tance à la mala­die et au vieillis­se­ment, avec des réserves chez les personnes souf­frant de cancer (Anso J, 2023N100)
  • Production d’hormone de crois­sance humaine (Human Growth Hormone, HGHN101)
  • Augmentation de l’hor­mone appe­lée facteur neuro­tro­phique issu du cerveau (brain-derived neuro­tro­phic factor, BDNFN102) qui protège contre des affec­tions neuro­lo­giques comme les mala­dies d’Alzheimer et de Parkinson
  • (Prouvé sur des rongeurs) protec­tion contre le diabète de type 2N103, le cancer et les mala­dies cardio­vas­cu­laires. L’ouvrage de Jason Fung, The Complete Guide to FastingN104 affirme l’ef­fi­ca­cité du jeûne théra­peu­tique pour un trai­te­ment complet, chez les humains, du diabète de type 2N103 : des patients initiés à cette pratique pendant moins de 3 semaines ont fini par se passer tota­le­ment de médicaments.

L’étude de Varady KA (2011N105) sur le trai­te­ment de l’obé­sité montre que les pratiques de restric­tion calo­rique quoti­dienne et frac­tion­née donnent des résul­tats compa­rables en termes de perte de masse grais­seuse après 3 à 12 semaines, mais que la restric­tion frac­tion­née serait plus effi­cace pour la conser­va­tion de la masse maigreN106, autre­ment dit de la masse muscu­laire et osseuse.

La restric­tion calorique/protéinique cyclique, enfin, permet­trait de ralen­tir le vieillis­se­ment. L’expérimentation animale montre un accrois­se­ment de l’es­pé­rance de vie moyenne, mais aussi de l’es­pé­rance de vie maxi­male, lié à une priva­tion régu­lière de nour­ri­ture et à des condi­tions d’exis­tence diffi­ciles (méca­nisme d’hormèseN107). Ces résul­tats sont commen­tés sur la page Caloric Restriction, Hormesis, and what they teach us about Evolution (Mitteldorf J, 2015N108) — voir une traduc­tion approxi­ma­tiveN109. On peut aussi consul­ter le site de Calorie Restriction SocietyN110.

Jason Fung (2018N111) énumère les niveaux d’ob­ser­va­tion qui servent à carac­té­ri­ser des patho­lo­gies, regret­tant qu’on ait trop long­temps négligé celui des mito­chon­driesN112 inter­mé­diaire entre ceux de la cellule et du maté­riel géné­tique — « comme si ces orga­nites [N113] ne devaient jamais tomber malades »… Il ajoute :

Une atten­tion crois­sante est accor­dée à la dysfonc­tion mito­chon­driale qui contri­bue à de nombreuses mala­dies parce que ces orga­nites se trouvent à la croi­sée de la détec­tion et de l’in­té­gra­tion des signaux de l’en­vi­ron­ne­ment pour déclen­cher des réponses cellu­laires adap­ta­tives et compen­sa­toires. Autrement dit, [les mito­chon­dries] jouent un rôle clé dans la détec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment exté­rieur et l’op­ti­mi­sa­tion de la réponse appro­priée de la cellule. La mala­die mito­chon­driale [N114] semble être liée à plusieurs des mala­dies de crois­sance exces­sive, y compris la mala­die d’Alzheimer et le cancer. Cela fait sens parce que les mito­chon­dries sont les produc­teurs d’éner­gie de la cellule.

L’étude de Weir J et al. (2017N115) consti­tue une étape vers l’ex­pli­ca­tion des méca­nismes biolo­giques qui sous-tendent l’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie asso­ciée au demi-jeûne frac­tionné. En effet, l’équipe a démon­tré un lien causal entre les modi­fi­ca­tions dyna­miques de la confi­gu­ra­tion des réseaux de mito­chon­driesN112 et la longé­vité. La Harvard Gazette préciseN116 :

Les scien­ti­fiques ont utilisé C. elegans (vers néma­todesN117) qui ne vivent que deux semaines et permettent ainsi l’étude du vieillis­se­ment en temps réel en labo­ra­toire. Les réseaux mito­chon­driaux à l’in­té­rieur des cellules basculent géné­ra­le­ment entre les états fusion­nés et frag­men­tés. Les cher­cheurs ont décou­vert que restreindre le régime alimen­taire des vers, ou imiter la restric­tion alimen­taire par mani­pu­la­tion géné­tique d’une protéine sensible à l’éner­gie appe­lée AMPK (AMP-activated protein kinaseN118), main­te­nait les réseaux mito­chon­driaux dans un état fusionné ou « juvé­nile ». En outre, ils ont constaté que ces réseaux juvé­niles augmen­taient la durée de vie en commu­ni­quant avec des orga­nitesN113 appe­lés peroxy­somesN119 pour modu­ler le méta­bo­lisme des graisses.

William Mair, un des auteurs de l’étude, décla­rait : « Notre travail montre à quel point la plas­ti­cité des réseaux de mito­chon­dries est cruciale pour les béné­fices du jeûne. Si nous bloquons les mito­chon­dries dans un état, nous bloquons complè­te­ment les effets du jeûne ou des restric­tions alimen­taires sur la longé­vité. » Il n’est donc pas abusif d’uti­li­ser le terme « santé mito­chon­driale » pour mettre en valeur ces pratiques qui permettent de vivre bien et longtemps. Ce terme ne doit toute­fois pas être réduit à l’ab­sence de mala­die mito­chon­drialeN114.

Un bémol à cette présen­ta­tion vertueuse de la restric­tion calo­rique : elle n’est pas recom­man­dée lorsque l’or­ga­nisme est en proie à une infec­tion : grippe, coro­na­vi­rus etc. — voir mon article CoVID-19 : immunité, style de vie.

Le jeûne et l’exercice

Quel que soit le proto­cole choisi, les pratiques régu­lières de restric­tion calo­rique, même asso­ciées à une nutrition équi­li­brée, ne sont pas suffi­santes pour éviter l’ac­cu­mu­la­tion de surpoids sur le long terme. Elles doivent être asso­ciées à de l’exercice, au mini­mum sous les formes « cali­brées » décrites sur ce site, une hydratation satis­fai­sante et la régu­la­rité du sommeil.

On peut se deman­der s’il est avan­ta­geux de prati­quer de l’exercice pendant la période de jeûne ou de restric­tion calo­rique. La réponse dépend des indi­vi­dus — il suffit d’es­sayer — mais quelques indi­ca­tions peuvent être utiles.

En insé­rant une séance d’exercice de haute intensitéN99 avant la rupture du jeûne, le béné­fice de l’hormone de crois­sance humaine (HGHN101) peut être augmenté. Faire de l’exer­cice au terme d’un jeûne de plus de 14 heures active autant d’auto­pha­gieN55 que jeûner pendant plusieurs jours. Cette auto­pha­gie assure un recy­clage des protéines et des orga­nites non fonc­tion­nels. Ce proces­sus permet par ailleurs de produire plus d’AMPKN118 et de NAD+N120 tout en inhi­bant le mTOR (cible de la rapa­my­cine chez les mammi­fèresN121).

Consommer des protéines après l’exer­cice à jeun réac­tive mTOR, arrê­tant ainsi l’au­to­pha­gie et démar­rant le proces­sus de recons­truc­tion (Liu GY & Sabatini DM, 2020N122). Ces deux proces­sus doivent être acti­vés de manière cyclique pour opti­mi­ser la santé.

Précaution en ce qui concerne le cancer : stimu­ler le proces­sus [d’au­to­pha­gie] pour­rait être perti­nent pour lutter contre des tumeurs précoces, de petites tailles mais contre-productif dans le cas de cancers plus avan­cés (Anso J, 2023N100).

Des études comme celle de Van Proeyen K et al. (2011N123) ont comparé les perfor­mances d’ath­lètes sur plusieurs semaines d’exercice d'endurance avec un groupe jeûnant pendant l’en­traî­ne­ment et l’autre rece­vant un apport gluci­dique : 160 grammes avant la séance, puis 1 gramme par kilo de poids et par heure pendant la séance. L’entraînement avec jeûne s’est révélé plus effi­cace pour l’aug­men­ta­tion de la capa­cité oxyda­tive muscu­laireN124 — la capa­cité des muscles à utili­ser l’oxy­gène, mesu­rée en micro­litres d’oxy­gène par gramme de muscle par heure. De plus, le jeûne faci­lite la dégra­da­tion des lipides intra­myo­cel­lu­lairesN125 — les gouttes de graisses stockées dans les cellules muscu­laires. Enfin, le jeûne a empê­ché la dimi­nu­tion de la glycé­mieN126 pendant l’exercice.

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Source : Jason Fung

Ce résul­tat para­doxal s’ex­plique par le fait que la priva­tion de nour­ri­ture oblige le corps à consom­mer en premier sa réserve de sucre stocké sous la forme de glyco­gèneN31. Lorsque cette source est épui­sée, ce qui est assez rapide, il puise dans la réserve beau­coup plus vaste de graisse stockée dans les cellules adipeuses.

Jason Fung compare notre orga­nisme à un camion citerne trans­por­tant du carbu­rant, qui brûle en premier celui contenu dans son réser­voir, et direc­te­ment acces­sible (voir pageN127). S’il tombe en panne, il a la possi­bi­lité d’ac­cé­der à sa cargai­son, mais l’ac­cès en est moins immédiat :

De la même manière, nous trans­por­tons une grande quan­tité d’éner­gie sous forme de graisse. Mais nos muscles sont habi­tués à fonc­tion­ner au sucre, et ils tombent en panne d’éner­gie, ce qui fait que nous avons sans arrêt besoin de refaire le plein, malgré le grand réser­voir de carbu­rant stocké sous forme de graisse.

Dans le cas du jeûne asso­cié à de l’en­traî­ne­ment, il faut comp­ter quelques jours ou semaines pour que l’or­ga­nisme prenne l’ha­bi­tude d’uti­li­ser l’éner­gie stockée dans les réserves de graisse. Ce méca­nisme de céto­ge­nèseN128 est faci­lité par l’adop­tion d’un régime pauvre en glucides et riche en graisses. Ce constat a incité des équipes d’ath­lètes à opter pour cette pratique nutritionnelle.

Il est impor­tant de noter que l’avan­tage en termes de perfor­mances spor­tives est asso­cié à une pratique de jeûne — de courte durée — et non de restric­tion calo­rique. La diffé­rence pour­rait venir du fait que le méta­bo­lisme de baseN129 (dépense d’éner­gie mini­mum quoti­dienne permet­tant à l’or­ga­nisme de survivre) dimi­nue pendant la restric­tion calo­rique afin que l’or­ga­nisme s’adapte à son envi­ron­ne­ment, alors qu’il augmente pendant les premiers temps du jeûne, comme si l’or­ga­nisme était « incité » à partir cher­cher de la nourriture.

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Les souris soumises à une restric­tion calo­rique (CR) deviennent plus actives en fin de vie (24 mois) que celles du groupe de contrôle. Cette augmen­ta­tion d’ac­ti­vité serait un des facteurs contri­buant au main­tien de leur masse muscu­laire et de leur densité miné­rale osseuse. Source : Klaske van Norren et al. (2015), doi:10.1002/jcsm.12024, licence Creative Commons NC.

L’étude Behavioural changes are a major contri­bu­ting factor in the reduc­tion of sarco­pe­nia in caloric-restricted ageing mice (Norren K et al., 2015N130) présente les effets de la restric­tion calo­rique sur la perte de masse muscu­laire liée au vieillis­se­ment (sarco­pé­nieN131) dans une popu­la­tion de souris. La restric­tion calo­rique augmente la durée de vie tout en limi­tant la sarco­pé­nie (et en préser­vant la densité miné­rale osseuseN132) alors que les animaux qui la subissent ont une masse muscu­laire un peu infé­rieure au groupe témoin pendant leur jeunesse. Cette limi­ta­tion de la sarco­pé­nie serait liée à une modi­fi­ca­tion du compor­te­ment : les sujets deviennent plus actifs en vieillis­sant, notam­ment par la pratique d’efforts inten­sifs de courte durée avant les repas du fait de l’at­tente de nour­ri­ture. Associée à une meilleure sensi­bi­lité à l’in­su­line, cette pointe d’ac­ti­vité faci­lite la synthèse de protéines. Appliqué aux humains, ce résul­tat confirme l’in­té­rêt de l’entraînement fractionné de haute intensitéN99 en amont d’un repas riche en protéines et pauvre en glucides. (Voir une discus­sion de cet article en anglais, N133.)

Typologie de l’obésité

Une piste inté­res­sante a été signa­lée par Bill Lagakos : l’es­sai clinique d’Acosta A et al. (2021N134) qui avait pour titre « La sélec­tion des médi­ca­ments contre l’obé­sité en fonc­tion des phéno­types améliore la perte de poids : essai prag­ma­tique dans une clinique de l’obé­sité ». Leur méthode :

Chez 450 parti­ci­pants souf­frant d’obé­sité, la compo­si­tion corpo­relle, la dépense éner­gé­tique au repos, la satiété, le compor­te­ment alimen­taire, l’af­fect et l’ac­ti­vité physique ont été mesu­rés par des études et des ques­tion­naires vali­dés. Ces variables ont été utili­sées pour clas­ser les phéno­types d’obé­sité. Ensuite, dans le cadre d’un essai prag­ma­tique de 12 mois réalisé dans un centre de gestion du poids, 312 patients ont été répar­tis au hasard entre un trai­te­ment guidé par le phéno­type et un trai­te­ment non guidé par le phéno­type avec des médi­ca­ments contre l’obé­sité : phen­ter­mine, phentermine/topiramate, bupropion/naltrexone, lorca­se­rine et lira­glu­tide. Le prin­ci­pal résul­tat était la perte de poids à 12 mois.

Source : Acosta A et al. (2021N134)

Et le résultat :

Quatre phéno­types d’obé­sité ont été iden­ti­fiés chez 383 des 450 parti­ci­pants (85 %) : cerveau affamé (satiété anor­male), faim émotion­nelle (alimen­ta­tion hédo­nique), intes­tin affamé (satiété anor­male) et combus­tion lente (dimi­nu­tion du taux méta­bo­lique). Chez 15 % des parti­ci­pants, aucun phéno­type n’a été iden­ti­fié. Deux phéno­types ou plus ont été iden­ti­fiés chez 27 % des patients. Dans l’es­sai clinique prag­ma­tique, l’ap­proche guidée par le phéno­type a été asso­ciée à une perte de poids 1,75 fois plus impor­tante après 12 mois, avec une perte de poids moyenne de 15,9 % contre 9,0 % dans le groupe non guidé par le phéno­type (diffé­rence ‑6,9 % [IC 95 % ‑9,4 % à ‑4,5 %], P < 0,001), et la propor­tion de patients ayant perdu > 10 % à 12 mois était de 79 % dans le groupe guidé par le phéno­type contre 34 % dans le groupe de trai­te­ment non guidé par le phénotype.

  • Le type “hungry brain” est celui d’une personne qui consom­me­rait plus que les autres à un buffet => phentermine/topiramate ou lorcaserine ;
  • Le type “emotio­nal hunger” mange pour réduire son anxiété => bupropion/naltrexone ;
  • Le type “hungry gut” a une vidange gastrique plus rapide (syndrome de dumpingN135) => liraglutide ;
  • Le type “slow burn” a un méta­bo­lisme de baseN129 réduit => phen­ter­mine + exer­cice de haute intensité.

Comme l’in­dique le diagramme, certains sujets appar­te­naient à plusieurs types. Les cher­cheurs ont traité chacun avec un médi­ca­ment spéci­fi­que­ment adapté à son type. Le groupe “slow burn” a par ailleurs reçu une pres­crip­tion de pratique d’exercice de haute intensité. La réus­site de cet essai montre que cette clas­si­fi­ca­tion était perti­nente, et surtout que l’obé­sité humaine est un phéno­mène hété­ro­gène : il n’y a pas une solu­tion unique à ce problème, valable pour tous.

Données expérimentales

La propo­si­tion du demi-jeûne frac­tionné trouve sa place dans un cadre géné­ral que l’on appelle nutri­tion restreinte dans le temps (TRF, Time-Restricted Feeding). Les cher­cheurs du Salk Institute à La Jolla (Californie) ont étudié les temps de prise de nour­ri­ture de 150 indi­vi­dus adultes, pendant 3 semaines, à l’aide d’une appli­ca­tion sur smart­phone (voir Gill S. & Panda S., 2015N136). Ils ont constaté que les rythmes de prise de nour­ri­ture étaient très variables d’un jour à l’autre, tandis que plus de la moitié des sujets s’ali­men­taient sur une période de plus de 15 heures par jour. Plus de 35 % des calo­ries étaient absor­bées après 18h. Les durées de sommeil décrois­saient à mesure que la période de prise de nour­ri­ture s’allongeait.

Par contre, si l’on impo­sait à des sujets en surpoids une période d’ali­men­ta­tion de 10 à 11 heures pendant 16 semaines avec un support visuel (feedo­gram), ces personnes perdaient du poids, retrou­vaient de l’éner­gie et dormaient mieux.

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Influence sur le poids de la nutri­tion restreinte dans le temps. Source : N137

Cette étude vient en confir­ma­tion de travaux expé­ri­men­taux menés sur des souris, Time-Restricted Feeding Is a Preventative and Therapeutic Intervention against Diverse Nutritional Challenges (Chaix A. et al., 2014N137). Lorsque les animaux ont la possi­bi­lité de se nour­rir à tout moment, ils ont tendance à deve­nir obèses, alors que ceux qui n’ont accès à la nour­ri­ture 8 à 9 heures par jour restent minces, et cela malgré que les deux groupes absorbent la même quan­tité de nourriture.

D’autre part, les souris soumises au jeûne frac­tionné (TRF) avaient un moindre niveau d’inflam­ma­tion systé­mique (N138 ou N139), de stéa­tose hépa­tiqueN140 (foie trop gras), de « mauvais choles­té­rol » et de troubles méta­bo­liques que celles nour­ries sans TRF.

Les avan­tages du jeûne frac­tionné sont main­te­nus si la contrainte est relâ­chée pendant une courte période, ce qui corres­pon­drait aux week-ends chez les humains.

Les cher­cheurs concluent que, pour les humains, un jeûne nocturne de 10 à 12 heures pour­rait être aussi effi­cace que la restric­tion calo­rique pour lutter contre le surpoids. Ils supposent que ce jeûne frac­tionné « remet à l’heure » l’horloge biolo­gique circa­dienneN85 qui avait été déré­glée par la prise de nour­ri­ture irré­gu­lière, et par consé­quent resti­tue à l’or­ga­nisme sa capa­cité de brûler les calo­ries excé­den­taires. Cette hypo­thèse est véri­fiée par l’étude de Hirao A et al. (2010N141) qui montre qu’en nour­ris­sant des souris une seule fois par jour à la même heure, on resyn­chro­nise rapi­de­ment leurs horloges biolo­giques péri­phé­riques quelle que soit l’heure choi­sie (voir discus­sionN142).

Une revue de 18 travaux en expé­ri­men­ta­tion humaine sur la nutri­tion restreinte dans le temps (TRF) a été publiée par Jéssica do Nascimento Queiroz et al. (2020N143). La plupart de ces études confirment les effets béné­fiques de cette pratique en termes de réduc­tion de l’obé­sité, amélio­ra­tion du sommeil et d’autres para­mètres biolo­giques. Celles qui n’étaient pas concluantes portaient sur des sujets jeunes et/ou bien entraî­nés. Les auteurs concluent :

Les avan­cées dans le domaine de la chro­no­nu­tri­tion révèlent que, outre ce qu’il faut manger et en quelle quan­tité, le moment où il faut manger peut égale­ment être déter­mi­nant pour la santé. Des études humaines exami­nant les effets de la TRF sur la santé cardio-métabolique sont appa­rues récem­ment. Dans cette revue, nous avons observé des résul­tats diver­gents des inter­ven­tions de TRF. Cela peut être dû au fait que le nombre rela­ti­ve­ment faible d’études exis­tantes a été mené auprès de popu­la­tions diffé­rentes, avec des concep­tions non contrô­lées et à court terme, et avec diffé­rentes durées et moments de la jour­née pour la fenêtre de repas. Malgré cela, la TRF peut être une approche promet­teuse pour promou­voir la perte de poids et l’amé­lio­ra­tion de la santé cardio-métabolique des personnes en surpoids et obèses. Bien que cela puisse être parti­cu­liè­re­ment vrai lorsque la fenêtre de repas est placée vers le début de la jour­née avec la période de jeûne à la fin de la phase biolo­gique active, des recherches supplé­men­taires sont néces­saires pour le confir­mer. Par consé­quent, les effets de la TRF à diffé­rents moments de la jour­née sur la santé cardio-métabolique humaine, ainsi que la sécu­rité, l’ef­fi­ca­cité et la viabi­lité de cette approche diété­tique chez les personnes souf­frant de défi­ciences cardio-métaboliques et chez les personnes âgées devront être évalués dans le cadre d’études contrô­lées et à long terme.

Toutefois, ils recon­naissent (2020N143 page 5) :

[…] on ne sait toujours pas si les effets béné­fiques de la TRF obser­vés chez l’homme sont déri­vés de la restric­tion éner­gé­tique, de la perte de poids ou de la déli­mi­ta­tion d’une période d’ali­men­ta­tion en soi. Quoi qu’il en soit, la décou­verte que la TRF peut être une stra­té­gie simple pour promou­voir une réduc­tion de l’ap­port éner­gé­tique peut indi­quer son utilité en tant que stra­té­gie compor­te­men­tale pour promou­voir la perte de poids et ses avan­tages connexes pour la santé.

Quid du petit-déjeuner ?

Dans un exposé brillant (Kealey T, 2019N144) qui débute par son témoi­gnage sur des pratiques de fraude en sciences médi­cales dont il a été le témoin pendant ses études (à l’Université d’Oxford UK), Terence KealeyN145 raconte son expé­rience de diabé­tique de type 2 et la pres­crip­tion que lui avait fait son méde­cin de faire trois repas par jour et d’y consom­mer des glucides lents, notam­ment un petit-déjeuner à base de flocons d’avoine… Il avait suivi la recom­man­da­tion inverse, s’étant muni d’un gluco­mètre qui révé­lait un pic « explo­sif » de glycé­mie après un tel petit-déjeuner. Il avait donc simple­ment supprimé le petit-déjeuner et « renversé » ainsi son diabète de type 2. Il a donc publié l’ou­vrage Breakfast Is a Dangerous Meal (2017N146) pour faire connaître cette pratique.

Les « preuves » four­nies par Kealey à l’ap­pui de sa thèse sont des études inter­ven­tion­nelles rando­mi­sées et contrô­lées, mais sur de petits groupes et sans suivi sur le long terme. Plus grave, elles ne pouvaient pas respec­ter la procé­dure de double-aveugleN147 puisque les sujets étudiés savaient ce qu’ils mangeaient (ou ne mangeaient pas). Par contre, des études portant sur de grands nombres de sujets et de longues durées ont abouti au résul­tat inverse, comme par exemple The Nurses Health StudyN148, une vaste cohorte pros­pec­tive qui a étudié les habi­tudes alimen­taires de plus de 46 000 femmes, avec une période de suivi de six ans. Les cher­cheurs de l’uni­ver­sité de Harvard ont constaté que la consom­ma­tion fréquente d’un petit-déjeuner semble avoir un effet protec­teur contre le diabète de type 2, les femmes qui prenaient un petit-déjeuner sept jours par semaine présen­tant un risque infé­rieur de 20 % par rapport à celles qui ne le prenaient pas régu­liè­re­ment. Cette rela­tion était vraie même après ajus­te­ment de l’IMC. D’autres études sur des hommes adultes et des adoles­cents, mention­nées par un consul­tant (2017N149), confirment ce résul­tat. Ce consul­tant expose des faits de chro­no­bio­lo­gie qui sont décrits plus bas.

Que rete­nir de cette expé­rience ? Le petit-déjeuner est-il en lui-même un repas « dange­reux » (pour les diabé­tiques), ou le problème résidait-t-il dans les flocons d’avoine et autres « glucides lents » ? Quid d’un petit-déjeuner sans glucides, avec des protéines et des graisses de bonne qualité — comme dans une diète cétogène ou en chrononutrition ?

La mode de « sauter le petit-déjeuner » (skip­ping break­fast) s’est répan­due aux États-Unis en raison du contenu nutri­tion­nel des petit-déjeuners : les fameuses « céréales » popu­la­ri­sées par Kellogg’s. Malheureusement, de nombreux adeptes de « méde­cines natu­relles », en France, se contentent de ces trois mots en guise de recette contre l’obé­sité et le diabète… Ignorants du fait que les petit-déjeuners « pain-beurre-confiture » sont une coutume récente. J’ai entendu une soignante dans une maison de retraite se plaindre de « ces vieux à qu’on n’ar­rive pas à faire manger du sucré au petit-déj’ »

L’étude de Bo S et al. (2015N150) confirme l’in­té­rêt de la nutri­tion restreinte dans le temps, mais aussi la perti­nence de suppri­mer le dîner plutôt que le petit-déjeuner dans une pratique de jeûne frac­tionné visant un meilleur contrôle de la glycé­mie. La résis­tance à l’in­su­line (voir mon article Insulinorésistance) est en effet plus forte en soirée, ce qui dimi­nue l’éli­mi­na­tion du glucose en excès dans le sang pendant la nuit. Ils concluent :

Le même repas consommé dans la soirée [plutôt qu’au petit-déjeuner] a entraîné un RMR [méta­bo­lisme de repos, Resting Metabolic RateN151] plus faible et des réponses glycémiques/insulinémiques accrues, ce qui suggère des varia­tions circa­diennes dans la dépense éner­gé­tique et le profil méta­bo­lique d’in­di­vi­dus en bonne santé.

Le repas qui a été déplacé (entre le soir et le matin) était rela­ti­ve­ment riche en graisses (31 %) et en protéines (30 %) dans cette popu­la­tion recru­tée à Turin (Italie). La mode de skip­ping break­fast (se passer de petit-déjeuner) deve­nue popu­laire aux USA pour « perdre du poids » est à mettre en pers­pec­tive avec le contenu des petit-déjeuners améri­cains : céréales sucrées, lait, jus de fruits indus­triels etc. Supprimer un tel repas ne peut être que béné­fique… Exporter cette pratique dans des pays qui béné­fi­cient de beurre et fromages arti­sa­naux et d’œufs comme sources de graisses et protéines de bonne qualité me paraît irréfléchi.

Singh RB et al. (2019N152) sont parve­nus à la même conclu­sion au terme d’une étude inter­ven­tion­nelle sur deux groupes de 11 adultes qui devaient prendre, soit le dîner soit le petit-déjeuner pendant 4 semaines, puis inver­ser leur pratique après une inter­rup­tion de 4 semaines :

Manger le soir peut prédis­po­ser à l’obé­sité, à l’obé­sité centrale et à une augmen­ta­tion de la glycé­mie à jeun et de l’HbA1c [hémo­glo­bine glyquéeN153] qui sont des indi­ca­teurs du syndrome méta­bo­lique [N154]. En revanche, manger le matin peut dimi­nuer l’HbA1c et la pres­sion arté­rielle systo­lique, ce qui indique qu’il peut être protec­teur contre le syndrome métabolique.

Dans son article Intermittent fasting is homeopathy-level #nothing­sauceN155, Bill Lagakos souligne aussi l’avan­tage d’un early Time-Restricted Feeding (eTRF) qui consiste à se nour­rir en début de jour­née, sur le late Time-Restricted Feeding (lTRF) très prati­qué aux USA, dans lequel on se nour­rit surtout en fin de jour­née. Il souligne que l’in­té­rêt du TRF repose plus dans le réta­blis­se­ment d’un cycle circa­dien régu­lier que dans la restric­tion calo­rique qui reste minime. Pour lui, le lTRF a pour effet de pertur­ber l’hor­loge interne natu­relle des cellules, et en parti­cu­lier des cellules muscu­laires, puisque leur temps de travail est fixé pendant la jour­née. Il est prudent de ne pas repro­duire de manière irré­flé­chie une pratique véri­fiée sur des souris puisque leurs cycles d’ac­ti­vité diurne/nocturne sont diffé­rents de ceux des humains.

L’article d’Affinita A et al. (2013N156) souligne l’er­reur qui consiste à se passer de petit-déjeuner en s’ap­puyant sur une approche multi­dis­ci­pli­naire en biolo­gie, histoire, socio­lo­gie et anthro­po­lo­gie… Ils écrivent :

Une revue systé­ma­tique de la litté­ra­ture, compre­nant 45 études publiées entre 1950 et 2008, a montré que la consom­ma­tion de petit-déjeuner avait un effet posi­tif sur les perfor­mances cogni­tives, en parti­cu­lier sur la mémoire et la capa­cité d’attention, en parti­cu­lier dans la seconde moitié de la mati­née, lorsque ces compé­tences déclinent. […]

Le petit-déjeuner aide égale­ment à régu­ler l’ap­port éner­gé­tique pendant le reste de la jour­née. En fait, en raison du senti­ment de faim gran­dis­sant, les enfants et les adoles­cents qui sautent régu­liè­re­ment le petit-déjeuner ont tendance à manger plus de nour­ri­ture au prochain repas, en parti­cu­lier des aliments à haute densité et riches en matières grasses. […]

Bien que toutes les données rappor­tées soulignent le rôle impor­tant que joue le petit-déjeuner dans le main­tien de la santé et du bien-être d’un indi­vidu, les données épidé­mio­lo­giques sur les pays indus­tria­li­sés révèlent que de nombreuses personnes prennent un petit-déjeuner insa­lubre sur le plan nutri­tion­nel ou l’ignorent complè­te­ment. Le manque de temps et le manque d’appétit au réveil sont les prin­ci­pales raisons invo­quées. En outre, les adoles­cents croient à tort que le fait de sauter le petit-déjeuner peut les aider à contrô­ler leur poids, tandis que les personnes âgées souffrent d’une alté­ra­tion de leur rythme de faim/appétit.

La qualité du petit-déjeuner est un facteur déter­mi­nant selon la chro­no­bio­lo­gie de la nutri­tion. Édouard Courot écrit (2016N59 pages 91–92) :

La sensi­bi­lité des récepteurs à l’insuline varie de façon circa­dienne. Le matin, celle-ci atteint son maxi­mum. Un apport d’une charge glycémique élevée abou­tira à une décharge massive d’insuline qui entrai­nera une satu­ra­tion des récepteurs et une désensibilisation de ceux-ci. De plus, cette hyper­sen­si­bi­lité mati­nale des récepteurs sera respon­sable d’une dimi­nu­tion telle­ment impor­tante de la glycémie que l’on pourra obser­ver une hypoglycémie secon­daire dans les quelques heures qui suivront le repas. Cette hypoglycémie expose à un coup de faim en deuxième moitié de matinée propice au grigno­tage qui engen­drera un nouveau pic d’insuline avec toutes les conséquences métaboliques qui s’ensuivent : stockage donc prise de poids et désensibilisation des récepteurs. […]

Une étude compa­ra­tive menée en 2015 [N157] sur des patients diabé­tiques a pu […] montrer que l’équilibre glycé­mique était nette­ment amélioré lorsque ceux-ci suivaient un régime alimen­taire dont la quan­tité de calo­ries étaient décrois­sante au fur et à mesure des repas au cours de la jour­née (petit déjeu­ner > déjeu­ner > dîner).

Enfin, Shuan Rong et collègues (2019N158) ont mesuré, sur un suivi de 6550 adultes de 40 à 75 ans, une multi­pli­ca­tion par 1.87 du risque de morta­lité cardio­vas­cu­laire et par 1.19 de la morta­lité en géné­ral chez les sujets qui ne prenaient jamais de petit-déjeuner.

L’article de Queiroz JdN et al. (2020N143) confirme que la nutri­tion restreinte dans le temps (voir ci-dessus) est plus souvent béné­fique lorsque la fenêtre tempo­relle de nutri­tion se situe dans les premières heures de la jour­née, toute­fois avec cette restric­tion (page 6) :

Le fait de limi­ter la période de repas aux premiers moments de la jour­née (eTRF) afin de mieux aligner l’ali­men­ta­tion sur les rythmes circa­diens peut favo­ri­ser certains résul­tats béné­fiques pour la santé, notam­ment le méta­bo­lisme du glucose. Cependant, la décou­verte d’éven­tuels effets délé­tères sur les lipides sanguins justi­fie une étude plus approfondie.

Les « lipides sanguins » en ques­tion sont notam­ment les taux de choles­té­rol qui ont servi de prédic­teurs de santé cardio­vas­cu­laire dans les études citées. Une mise à jour de cet a‑priori s’im­pose — voir mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ?

Dans leur revue détaillée Chrono-nutrition : From mole­cu­lar and neuro­nal mecha­nisms to human epide­mio­logy and timed feeding patterns, Flanagan et al. (2020N159) confirment le plus grand inté­rêt de se nour­rir le matin pour réduire l’obésité.

Les données utili­sées pour toutes ces études sont de nature statis­tique et doivent être tempé­rées par la diver­sité des indi­vi­dus. Le micro­nu­tri­tion­niste Denis Riché écritN160 :

Les travaux de Robert Wurtman chez l’animal puis chez l’homme ont […] montré que, chez un sujet défi­ci­taire, on pouvait restau­rer le niveau intra­cel­lu­laire d’un neuro­mé­dia­teur dans un délai très rapide. L’idée d’un apport chro­no­lo­gique des précur­seurs nutri­tion­nels de ces molé­cules reste donc valide, dans l’état actuel de nos connais­sances. Chez un sujet exempt de défi­cits l’impact de ces précur­seurs reste peu visible, les régu­la­tions enzy­ma­tiques (répres­sion) ou concer­nant les récep­teurs (up et down regu­la­tions) permettent de tampon­ner un apport exces­sif. Par contre, en cas de synthèse défi­ciente, l’apport accru et chro­no­lo­gi­que­ment ciblé se montrera effi­cace. Cela indique que, si on s’en tient au seul problème du fonc­tion­ne­ment céré­bral, tout le monde n’aura pas forcé­ment besoin de manger une impor­tante portion de protéines le matin. Cette recom­man­da­tion profi­tera plutôt à ceux qui présentent des diffi­cul­tés à fabri­quer leur dopa­mine à un niveau correct.

Autres effets

Le jeûne prolongé dimi­nue la sécré­tion du facteur de crois­sance 1 ressem­blant à l’in­su­line (IGF‑1N161) et augmente le taux d’IGFBPN162 qui fixe cette IGF‑1 dans le sang. D’où une augmen­ta­tion de l’IGF‑1 circu­lant qui protège contre le vieillis­se­ment, la fragi­lité osseuse (ostéo­po­roseN163), et qui ralen­tit la progres­sion des tumeurs cancé­reuses — voir mon article Cancer - sources. Jason Fung précise (lien cassé) :

La ques­tion de l’hormone de crois­sance [N101] est vrai­ment inté­res­sante, car elle semble para­doxale. Pourquoi votre corps fabrique-t-il toute cette hormone de crois­sance si vous n’avez rien à manger ? C’est parce que l’hor­mone de crois­sance agit par le foie pour produire le facteur de crois­sance ressem­blant à l’in­su­line 1 (IGF‑1) … qui règle tous les effets de l’hor­mone de crois­sance. Si vous élimi­nez l’IGF‑1 et donnez de l’hor­mone de crois­sance, cela n’aura aucun effet.

Pendant le jeûne et la restric­tion calo­rique, votre foie régule néga­ti­ve­ment le récep­teur de l’hormone de crois­sance dans le foie. Ainsi, alors que le niveau d’hor­mone de crois­sance augmente consi­dé­ra­ble­ment, votre corps n’est pas aussi récep­tif à cette substance. Par consé­quent, il n’y a pas beau­coup d’IGF‑1. C’est très inté­res­sant.
Parce qu’alors, lorsque vous mange­rez de nouveau, c’est à ce moment-là que la grande quan­tité d’hormone de crois­sance pourra commen­cer à vous atteindre, vous pour­rez commen­cer à recons­truire toute votre muscu­la­ture et ainsi de suite… C’est, là encore, [une partie de] ce proces­sus de rajeu­nis­se­ment et de ce proces­sus anti-vieillissement.

Brandhorst et collègues résument ainsi (voir sourceN68) :

Un régime simu­lant le jeûne (FMD) deux fois par mois, débuté à un âge moyen, augmen­tait la longé­vité, dimi­nuait la graisse viscé­rale, rédui­sait l’in­ci­dence de cancers et de lésions de la peau, régé­né­rait le système immu­ni­taire et retar­dait la perte de densité miné­rale osseuse. Chez les souris âgées, les FMD favo­ri­saient la neuro­ge­nèse de l’hip­po­campe, dimi­nuaient les taux de IGF‑1N161 et l’ac­ti­vité de la PKAN72 augmen­taient la NeuroD1N164, et amélio­raient les perfor­mances cogni­tives. Dans une étude clinique pilote, trois FMD dimi­nuaient les facteurs de risque et bio-marqueurs du vieillis­se­ment, du diabète, des mala­dies cardio­vas­cu­laires et du cancer sans effet adverse majeur, ce qui vient en appui de l’usage de FMD pour amélio­rer la longévité.

Toujours en expé­ri­men­ta­tion animale, Mark P. Matsson et ses collègues (lire entre­tienN165) ont mesuré qu’un régime de restric­tion calo­rique un jour sur deux retar­dait spec­ta­cu­lai­re­ment l’ap­pa­ri­tion des mala­dies d’Alzheimer et de Parkinson chez des souris géné­ti­que­ment modi­fiées pour en subir l’im­pact. La diffé­rence, rame­née à l’échelle tempo­relle du modèle humain, équi­vau­drait à repor­ter de 45 à 90 ans la date de diag­nos­tic de la mala­die d’Alzheimer…

Un autre lien entre restric­tion calo­rique et chro­no­bio­lo­gie est exposé dans l’étude de Sonal A Patel et al. (2015N90) qui suggère que la restric­tion calo­rique ne serait béné­fique pour la longé­vité que si l’horloge biolo­gique circa­dienneN85 est encore en mesure de fonc­tion­ner, une capa­cité qui dimi­nue avec l’âge (voir page en anglaisN166). Indirectement, elle souligne l’in­té­rêt d’as­so­cier le demi-jeûne frac­tionné à une forme de chrononutrition. L’attention au rythme circa­dien est aussi un facteur impor­tant chez Valter D Longo et Satchidananda Panda (2016N74).

Malgré les promesses des travaux en expé­ri­men­ta­tion animale, on manque encore d’études robustes, au niveau métho­do­lo­gique, prou­vant l’ef­fi­ca­cité du demi-jeûne frac­tionné pour le trai­te­ment de l’obé­sité et d’autres désordres méta­bo­liques chez les humains.

Articles et ouvrages

  • L’appellation « jeûne théra­peu­tique » est-elle fondée ou usur­pée ? Éléments de réponse d’après une revue de biblio­gra­phie chez l’animal et chez l’homme. Jérôme Lemar (2011N60). Thèse de médecine.
  • Fasting : Molecular Mechanisms and Clinical Applications (Longo VD, Mattson MP, 2014N167)
  • Meal frequency and timing in health and disease (Mattson MP et al., 2014N168)
  • Intermittent Fasting (Harriet Hall, Science-Based Medicine, 2015N169)
  • A Periodic Diet that Mimics Fasting Promotes Multi-System Regeneration, Enhanced Cognitive Performance, and Healthspan (Brandhorst S et al., 2015N68)
  • La science dévoile le secret de la longé­vité (Julien Venesson, 2014N170)
  • Recherches de la CR SocietyN171

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Article créé le 21/08/2015 - modifié le 3/11/2024 à 08h21

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