Et si toutes les recommandations nutritionnelles étaient fausses ? La question se pose à la lecture d’un article d’Edward Archer, Carl J. Lavie et James O. Hill : The Failure to Measure Dietary Intake Engendered a Fictional Discourse on Diet-Disease Relations (L’échec des mesures de prise nutritionnelle a engendré un discours fictionnel sur les associations régime-maladie) publié dans Frontiers in Nutrition (2018jA37).
La même proposition a été étudiée et démontrée par Guy-André Pelouze (2019A45). Si (presque) toutes les données collectées dans les enquêtes nutritionnelles sont fausses, alors (presque) tout ce qu’on raconte sur l’association à un risque de maladie chronique d’un aliment ou d’un régime alimentaire est erroné. Au panier les « cinq fruits et légumes par jour » du Programme National Nutrition Santé (PNNSN1) à l’origine du Nutri-scoreN2 en France ? D’autres auteurs (Cash R, 2008N3) ont déjà signalé les limites de l’enquête SU.VI.MAX dont est issu ce slogan simpliste. Un exemple de « décorticage » d’étude nutritionnelle est clairement présenté par Jérémy Anso (2013N4). Une critique détaillée de la pratique de recommandations publiques figure sur la page Redefining healthy diets ?N5 (disponible en traduction automatique). Extrait :
La vision réductionniste […] de ce qui constitue une alimentation saine conduit au nutritionnisme et à la constitution de règles à suivre […]. Ce phénomène est encouragé et amplifié par les industriels de l’alimentation qui bénéficient systématiquement d’une méthodologie favorisant l’analyse fragmentée de nutriments et d’aliments uniques. En tant que telle, elle a « détourné l’attention de l’étude des ingrédients, des additifs et des techniques de transformation utilisés dans la fabrication des aliments ultra-transformés », tout en « occultant les déterminants sociaux, commerciaux et écologiques plus larges de la santé alimentaire » […].
Sommaire
⇪ La controverse
Les enquêtes nutritionnelles sont utilisées dans le monde entier pour élaborer des recommandations de bonnes pratiques adressées au public et aux établissements chargés de restauration collective : écoles, hôpitaux, maisons de retraite etc. Des erreurs de données ou d’analyse pourraient induire des propositions inadéquates en termes de macronutriments, micronutriments ou besoins caloriques. Les biais inhérents à la méthodologie — objet de l’article d’Edward Archer et al. (2018jA37) — pourraient aussi orienter les politiques publiques vers la diabolisation ou la survalorisation de certains aliments et nutriments. J’ai évoqué ce problème dans mon article Compléments alimentaires (casse‐tête).
Les associations régime-maladie reposent pour la plupart sur des données couvrant une large population à l’échelle nationale, ou importées d’autres pays — notamment les USA qui sont les premiers ciblés par l’article. C’est dire que la disqualification des méthodes de collecte de données serait une véritable « bombe à fragmentation » susceptible de déranger nos certitudes sur « comment bien se nourrir »… Voire peut-être, par effet collatéral, d’envoyer au chômage les milliers d’enquêteurs et d’analystes rsponsables (aux frais du contribuable) des enquêtes nutritionnelles ! Il n’est donc pas surprenant que cette controverse ait pris l’allure d’un champ de bataille que nous contemplons à distance.
Présentés superficiellement, les articles d’Edward Archer et collègues (listés au bas de cette page) peuvent évoquer une théorie du complot : comment se fait-il que des milliers de chercheurs aient obtenu des résultats convergents, bien qu’inexacts, sur les associations régime-maladie à partir d’enquêtes menées depuis six décennies dans de nombreux pays ? Ont-ils été manipulés à leur insu pour parvenir à un tel consensus ? Le lobby de l’industrie maraîchère est-il l’instigateur en toile de fond de nos « cinq fruits et légumes » ? Il faut lire en détail l’article d’Edward Archer et al. (2018jA37) pour comprendre qu’aucune interprétation complotiste n’est envisagée. Ce sont tout simplement les biais méthodologiques qui entraînent un renforcement des croyances, aboutissant à la construction d’un « discours fictionnel » sur les qualités ou défauts de tel ou tel aliment. Par exemple, si la croyance populaire dit que le sel est néfaste à la santé cardiovasculaire, les participants à une enquête auront tendance à sous-déclarer leur consommation de sel, ce qui aboutit lors de l’analyse statistique à un renforcement de l’association du sel à telle maladie. L’exemple est d’ailleurs pertinent, voir l’article Le sel est-il notre ami ?
Ce biais est ouvertement entretenu par les chercheurs de l’étude NutriNet-Santé N6 qui recrutaient des informateurs, en novembre 2018, avec un message du Pr. Serge Hercberg rédigé en ces termes (fautes d’orthographe corrigées) :
[…] de plus en plus d’études suggèrent qu’il existerait un lien entre certaines maladies de peau (psoriasis, eczéma, acné…) et l’alimentation. Les modifications de l’alimentation dans les pays occidentaux (régimes souvent plus riches en aliments transformés, en graisses, en sucres, pauvres en micronutriments…) pourraient en partie expliquer l’augmentation du nombre de maladies allergiques et inflammatoires observées dans la population.
Aussi, nous souhaitons vous proposer à nouveau ce questionnaire portant sur certaines maladies de peau dont le point commun est qu’il s’agit de maladies inflammatoires ou auto-immunes c’est à dire secondaires à des dérèglements du système de défense de l’organisme (ou immunité). Ce questionnaire permettra aux chercheurs de l’équipe d’étudier en détail les liens entre ces maladies de peau et les consommations alimentaires.
Les biais et incohérences de cette enquête NutriNet-Santé — réalisée à partir de questionnaires web postés par des Nutrinautes (sic) — ont été signalés par Laurent Buhler dans son article Consommation d’aliments bio et risque de cancer. Il n’empêche qu’elle est exploitée aujourd’hui à titre de preuve de l’association entre certains types d’aliments et l’incidence de certaines maladies : par exemple, les édulcorants et les maladies cardiovasculaires (Debras C et al., 2022N7) ou les cancers (Debras C et al., 2022N8) — deux études recommandées (2022N9) par Michel de Lorgeril, défenseur acharné des essais cliniquesN10 randomisés/contrôlés en double insu, et pourfendeur des études observationnellesN11. Le raisonnement est circulaire : (1) les « nutrinautes », convaincus que les édulcorants sont « mauvais pour la santé », minimisent leur consommation dans leurs déclarations ; (2) cette erreur de saisie se traduit par une plus forte association entre la quantité consommée et l’incidence de maladies ; (3) cette forte association ne fait rien d’autre que renforcer la croyance qui prévalait lors de la saisie des questionnaires.
➡ Bien entendu, cette critique s’adresse uniquement à la méthodologie : que les études méritent d’être mises à la poubelle ne signifie pas pour autant que les édulcorants seraient sans danger pour les risques cités.
Qu’ils soient issus de croyances populaires ou de travaux scientifiques, les discours normatifs dominants ont tendance à proliférer au delà des frontières. Le consensus se substitue à la preuve, et on finit même par oublier l’origine de ce consensus, réduit à des « éléments de langage » du style « la viande rouge est cancérigène »… Dans ces conditions, il n’est pas facile de « renverser la table » — voir par exemple mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ?
Archer et ses collègues ont mis en exergue les biais méthodologiques les plus fréquents dans la collecte de données nutritionnelles. Ils mettent en cause les méthodes de collecte « basées sur la mémoire » : memory-based dietary assessment methods (M‑BM) qui sont les plus répandues. Leur critique vise avec insistance les recommandations visant à limiter la consommation « de sucre, de sel, de gras et de cholestérol alimentaire ». L’argument rhétorique est que, si la majorité des enquêtes affichant une corrélation positive entre la consommation de ces aliments et l’incidence de maladies chroniques (obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, cancer…) ont failli à la rigueur scientifique, la diabolisation de ces aliments n’a plus lieu d’être.
Les articles de cette équipe ont nourri une controverse depuis 2013 : plusieurs salves de réponses des acteurs des enquêtes nutritionnelles qui défendaient leurs pratiques. Les chercheurs reconnaissent les défauts et limites de la collecte M‑BM, mais ils mettent en avant des techniques de correction, de compensation ou de croisement de données permettant de les neutraliser pour obtenir un corpus de données fiables. Ce débat est hautement technique — un peu à la manière de ceux sur la validité des sondages d’opinion — et les articles nombreux et détaillés (voir les références). Je me suis contenté d’en glaner (cherry pickingN12) quelques extraits qui ne suffisent pas à prendre position. J’invite donc le lecteur averti à lire l’intégralité des articles cités en références pour construire une analyse plus conclusive.
La question de la validité des données nutritionnelles reste ouverte. D’autres approches ne faisant pas appel aux M‑BMs existent, notamment les essais contrôlés randomisés (randomized clinical trials, RTCN13) que les auteurs préconisent, mais qu’ils n’ont pas eux-mêmes mis en œuvre dans le cadre des associations régime-maladie. Ils se sont plutôt focalisés sur des mesures « en laboratoire » de l’activité physique et de la consommation énergétique des individus — par exemple Edward Archer et al. (2018iA41).
La lecture du CV détaillé d’Edward ArcherN14 permet de saisir quelques motivations de cette spécialisation. Éduqué en psychologie, physiologie et Exercise Science, expert en épidémiologie de la nutrition et de l’activité physique, il fait figurer dans ses personal interests les arts martiaux (ceinture noire dans plusieurs disciplines), le culturisme et le yoga. Il mentionne aussi une expérience professionnelle d’entraînement en polo (1991–1997).
Ayant balayé (à tort ou à raison) toutes les études nutritionnelles basées sur les M‑BMs et les recommandations qui en sont issues, Archer E et collègues affirment, travaux à l’appui, que la principale cause des maladies métaboliques (obésité, diabète etc.) ne serait pas la nutrition (en termes de nature et quantité des nutriments) mais le manque d’exercice physique. Par conséquent, pour eux, le discrédit frappant le sucre, le sel, le gras et le cholestérol serait infondé. Ils raisonnent en termes de « calories » — un point de vue dont les limites sont discutées dans mon article Manger et bouger ? où j’ai signalé les facéties d’un co-auteur de certaines études citées en référence, par exemple Edward Archer et Steven N Blair (2015A21).
Une accusation de conflit d’intérêt est reproduite à la fin de cet article. Elle ne suffit pas à disqualifier l’auteur car les soutiens financiers sont ouvertement déclarés dans ses publications. S’il « dédiabolise » le sucre, il est clair que l’industrie sucrière et celle des boissons à bulles ont tout intérêt à soutenir ses travaux. Le problème se situe moins dans ce lien d’intérêt que dans la validité scientifique des arguments utilisés pour affranchir cet aliment de toute culpabilité. J’en donne un aperçu à partir d’une lecture critique de l’article In Defense of Sugar : A Critique of Diet-Centrism (Archer E, 2018dA36).
➡ Je tiens à remercier Edward Archer de m’avoir communiqué le texte intégral de certains de ses articles qui ne sont pas en accès public. La plupart de ceux listés en référence sont librement accessibles sur ResearchGate.
⇪ Principes d’utilisation des M‑BM
Parmi les 6 méthodes de collecte de données « basées sur la mémoire » (memory-based dietary assessment methods, M‑BM) décrites par Jee-Seon Shim et al. (2014A14), les plus utilisées sont, sur le long terme, les questionnaires sur la fréquence de consommation d’aliments (Food Frequency Questionnaire, FFQN15), et sur le court terme les comptes-rendus nutritionnels sur 24 heures (24-Hour dietary recalls, 24HRN16).
Dans un article intitulé Le moment est-il venu d’abandonner le Food Frequency Questionnaire, Alan R Kristal et collègues (2005A4, p. 2827) proposaient quatre mesures pour l’amélioration des techniques de collecte :
- Enrichir les données au delà de ce que permettent les questionnaires sur papier, par exemple en incluant des photographies des plats consommés ;
- Mesurer le comportement nutritionnel et pas seulement les aliments : par exemple, quelle sorte de pain consommez-vous ?
- Utiliser la technologie informatique pour collecter des donnés en temps réel — par exemple, aujourd’hui, des applications sur smartphones ;
- Collecter des données sur plusieurs jours sans se soucier de les documenter en détail, plutôt que sur un seul jour avec une documentation et un codage contraignants.
En 2016, le National Cancer Institute (aux USA) a rappelé les principes d’utilisation des instruments d’évaluation nutritionnelle basés sur l’autodéclaration — FFQ et 24HRA28.
Les erreurs de mesure sont liées à des erreurs aléatoires compensées par l’analyse statistique, et des erreurs liées à des biais méthodologiques qui ne peuvent être corrigées ou compensées que par d’autres analyses basées sur des méthodes réfractaires à ces biais. La combinaison de plusieurs instruments de collecte est reconnue comme bénéfique, bien que sa mise en œuvre nécessite des études plus approfondies.
Pour compenser le décalage entre la déclaration de quantité consommée et la consommation réelle, il est suggéré de faire appel chaque fois que possible à des biomarqueursN17 disponibles pour quelques aliments. Selon le National Cancer InstituteN18 :
Recovery biomarker = un type de biomarqueur directement lié à la consommation et qui n’est pas sujet à l’homéostasie [N19] ni à des différences substantielles de métabolisme entre individus ; par exemple, l’eau doublement étiquetée [N20] pour l’apport énergétique et l’azote urinaire pour l’apport en protéines.
Dans les mêmes recommandations, il est suggéré de faire appel à l’ajustement énergétique (energy adjustment) qui tient compte du fait que les besoins en énergie de l’organisme sont liés à sa taille, à son efficacité métabolique et son activité physiqueN21 :
L’utilisation d’un ajustement énergétique pour tenir compte des erreurs de mesure (…) dans les études sur le régime alimentaire et la santé repose sur l’hypothèse selon laquelle les individus tendent à déclarer de manière erronée les quantités de la plupart des aliments et des boissons à un degré identique et dans la même direction. Même si cette hypothèse ne tient pas parfaitement (par exemple, il semble que les aliments moins sains tendent à être sous-déclarés dans une plus grande mesure que les aliments sains) des preuves suggèrent que l’hypothèse est raisonnable.
Il est généralement admis que l’ajustement énergétique est avantageux dans les analyses d’associations régime-maladie. Il est donc presque toujours utilisé, en particulier lorsqu’un questionnaire de fréquence alimentaire (FFQ) est le principal instrument d’évaluation de la nutrition.
Enfin, est reconnu que l’enregistrement en temps réel d’un compte-rendu alimentaire (24HR) peut inciter le participant à modifier ses apports alimentaires en réaction à l’acte d’enregistrementA28.
Les recommandations pour mener à bien une enquête nutritionnelle sont résumées dans des tableaux publiés par le National Cancer Institute (2016A29).
⇪ Critiques de cette approche
La validité scientifique des enquêtes nutritionnelles construites à l’aide de rapports « basés sur la mémoire » (M‑BM) fait l’objet de controverses en marge desquelles, nous le verrons, les lobbies de l’agro-alimentaire cherchent aussi à avancer quelques pions. Les enjeux de santé publique ne coincident pas toujours avec les intérêts de groupes industriels…
Pour commencer, il s’agit d’études observationnellesN11 mesurant la corrélation entre, par exemple, la consommation d’un aliment et un désordre métabolique. Une corrélation n’est jamais qu’une hypothèse de lien causal, un indice qui invite à la réalisation d’études prospectives contrôlées (RCT) randomisées en double aveugleN22 pour obtenir la preuve du lien de causalité — voir le début de mon article Cancer - sources.
Les statisticiens S Stanley Young et Alan Karr (2011A8) ont étudié 12 articles dans lesquels 52 recommandations nutritionnelles avaient été énoncées à partir d’études observationnelles. Des études randomisées contrôlées ont été menées pour vérifier la véracité de ces recommandations. Aucune étude randomisée n’a pu répliquer les résultats des études observationnelles, et 5 % d’entre elles ont même produit un résultat dans la direction opposée ! Exemple : les RCT évaluant l’impact sur le risque de cancer de la consommation de béta-carotèneN23 — succédané de vitamine A — ont montré que ce risque était augmentéN24 alors que les études observationnelles avaient conclu à un risque diminué de 31 %.
Plutôt que de balayer une bibliographie détaillée — très technique et ennuyeuse — je préfère citer l’article récent d’Edward Archer et al. (2018jA37) qui contient de nombreuses références dont une partie est reproduite ci-dessous. Ces auteurs formulent ainsi l’objet de leur analyse critique (2018jA37, p. 2) :
Compte tenu du discours fictionnel sur les associations régime-maladie et de l’escalade du débat sur la validité des M‑BMA35·A34·A16·A26·A33·A32, le but de cette analyse critique est de présenter la preuve que les controverses actuelles concernant les associations régime-maladie ne sont pas motivées par des différences scientifiquement établies d’effets physiologiques de l’apport alimentaire (c.-à‑d. aliments et boissons consommés). Nous soutenons plutôt que la confusion actuelle à propos des effets supposés sur la santé du sucre, du sel, du gras et du cholestérol alimentaire a été engendrée par un discours fictionnel sur les associations régime-maladie issu de rapports épidémiologiques profondément erronés, manifestement trompeurs et pseudoscientifiquesA19·A36·A35·A34·A30·A11·A23·A40. Nous soutenons ici que la confusion entretenue par le discours fictionnel et l’utilisation de méthodes pseudoscientifiques pour éclairer les politiques publiques a conduit le domaine de la science de la nutrition à perdre sa crédibilité et son autorité scientifique.
Dans une section intitulée The Fatal Flaws of Nutrition Epidemiology and the use of M‑BMs (Archer E et al., 2018jA37, p. 3–5), les auteurs dressent une liste détaillée des failles et promesses erronées des enquêtes nutritionnelles faisant appel aux M‑BMs.
Voici le résumé de quelques points de cette section qui gagne à être lue en entier. Le texte intégral est en libre accès sur Edward Archer et al. (2018jA37).
⇪ Les M‑BMs ne mesurent pas la quantité de nourriture ingérée
(Archer E et al., 2018jA37, p. 3) Les données collectées dans les enquêtes en M‑BM ne sont pas des estimations d’une consommation réelle mais des estimations devinées (guestimates) de ce que les personnes interrogées veulent et peuvent se souvenir sur ce qu’ils pensent avoir mangé ou bu dans le passé, ou ce qu’elles voudraient que les enquêteurs pensent qu’ils ont consommé. […] Par conséquent il existe une forte disparité entre les données anecdotiques et objectives de la consommation de nourriture.
Cette disparité dans les déclarations peut être liée à de nombreux facteurs « culturels ». Par exemple, selon leur âge, les personnes peuvent avoir un avis divergent sur les bons/mauvais aliments : les jeunes ont tendance à déprécier la viande et donc à sous-déclarer leur consommation. Ce biais (impossible à évaluer) explique peut-être le résultat paradoxal affiché par Morgan E Levine, Valter D Longo et al. (2014N25) à partir des données du NHANESA18 selon lequel une consommation élevée de protéines animales augmenterait le risque de cancer chez les 50–65 ans mais le diminuerait au-dessus de 65 ans… Voir à ce sujet la critique de Neville Wilson (2014N26).
Un autre exemple est l’étude observationnelle de Bernard Srour et al. (2019A43) sur la cohorte NutriNet-SantéN6 qui détermine un risque de diabète de type 2 augmenté de 15 % chez les sujets consommant des aliments ultra-transformés. L’étude repose sur des questionnaires basés sur la mémoire de consommation en 24 heures — 5.7 en moyenne pour chaque participant. Bien entendu, on souhaiterait que ce soit vrai ! Mais si les sujets ont sous-déclaré les quantités de ces aliments dont ils connaissent la nocivité, le résultat statistique ne reflète peut-être pas la réalité. Un résultat inverse aurait certainement suscité un doute sur la méthodologie.
Comme je l’ai déjà signalé, la collection des données peut aussi inciter le participant à modifier ses apports alimentaires en réaction à l’acte d’enregistrement.
⇪ Les M‑BMs sont construits sur des « erreurs de catégories »
Ils reposent en effet sur une pseudo-quantification : la traduction de données qualitatives (nominales/anecdotiques) en données numériques qui peuvent être des nombres entiers ou des pourcentages. Ces variables donnent ensuite lieu à des traitements numériques dont les résultats ne reflètent pas la réalité des expériences dont elles sont issues.
(Archer E et al., 2018jA37, p. 4) Plutôt que de mesurer la consommation réelle des participants, les enquêteurs attribuent des valeurs nutritives ou caloriques « de référence » aux aliments et boissons mentionnés pour créer des estimations de remplacement (proxy-estimates) de cette consommation. Ce processus de pseudo-quantification est littéralement l’inverse d’une métrologie scientifique parce que les consommations réelles des participants en nutriments et calories ne sont jamais « découvertes » et restent inconnues.
⇪ Problème des bases de données nutritionnelles
Les tables nutritionnelles utilisées pour la pseudo-quantification des FFQs et des 24HRs, comme celle du National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES N27), contiennent moins de 8000 aliments distincts, alors qu’on estime à plus de 85 000 le nombre d’aliments sur le marché alimentaire des USA, et plus de 200 000 codes figurent dans les bases de données de composition de nourriture du Département de l’agriculture aux USA (USDA) (A37, p. 5)..
Albert-László Barabási et al. (2019A44) signalent que la plupart des enquêtes ne portent que sur 150 nutriments jugés essentiels. Ils suggèrent de recourir à des analyses basées sur l’intelligence artificielle pour faire apparaître les corrélations sur un bien plus large spectre de données.
Par ailleurs, les valeurs de référence de contenu nutritionnel ou calorique des aliments sont très variables en raison des changements rapides du « paysage de la production de nourriture » : modifications des pratiques agricoles, de la qualité des sols et semences, de la température, des méthodes de stockage et de préparation culinaire etc. Il n’est donc pas possible de faire appel à des valeurs de référence standardisées pour quantifier les informations obtenues à partir d’images d’aliments et de boissons, de capteurs ou d’instruments collectés.S
⇪ L’impossibilité de quantifier l’erreur de mesure
Ni les chercheurs ni les participants ne connaissent la validité et la fiabilité des consommations rapportées de nourriture et de boisson. Edward Archer et al. écrivent (2018jA37, p. 5) :
De même, il n’est pas possible de quantifier la disparité entre les estimations indirectes de la consommation de nutriments et de calories et la consommation réelle du répondant, car les apports en nutriments et en calories des participants n’ont jamais été mesurés ; ces valeurs ont simplement été attribuées aux aliments et boissons déclarés. Il est important de noter que les erreurs dans les rapports verbaux ou textuels originaux seront propagées de manière imprévisible via une pseudo-quantification de manière non quantifiable. Cela rend les estimations finales de la consommation de nutriments et de calories essentiellement dénuées de sens.
⇪ Argumentation sélective
Une lecture approfondie de l’article d’Edward Archer, Gregory Pavela et Carl J Lavie (2015A23) révèle un usage sélectif de citations qui frappe d’incohérence les propos de leurs contradicteurs. Par exemple, ils écrivent (p. 1736) :
En 2013, mes collègues et moi-même avons démontré, via deux méthodes indépendantes, qu’environ 55 % à 88 % des estimations de l’apport calorique des M‑BM de l’Enquête nationale sur la santé et la nutrition (NHANES) (1971–2010) étaient physiologiquement invraisemblables [2013A11] et souvent « incompatibles avec la vie » [2013A13]. Davy et Estabrooks [2015A20] admettent que nos résultats sont « … bien reconnus et approuvés… » mais poursuivent avec la déclaration contradictoire « nous croyons que [ces données] reflètent une représentation raisonnable de l’apport alimentaire habituel ». Ces affirmations sont des contradictions logiques et démontrent l’échec des épidémiologistes de la nutrition à reconnaître l’évidence : les données physiologiquement non plausibles au niveau de la population ne constituent pas une simple limitation des M‑BM ; ce sont des réfutations empiriques directes de ces méthodes.
Brenda M Davy et Paul A Estabrooks (2015A20) sont ici accusés de contradictions logiques. Or la lecture de leur article révèle une parfaite cohérence. Ils ont écrit (p. 845) que « loin d’être un secret bien gardé, les limitations des méthodes d’évaluation par autodéclaration de nutrition et d’activité physique sont bien reconnues et approuvées par ceux utilisant ces méthodes », et non pas « les résultats d’Archer et collègues sont bien reconnus et approuvés ». S’ils déclarent plus loin (p. 846) que les résultats du NHANES « reflètent une représentation raisonnable de l’apport alimentaire habituel », c’est après un énoncé précis des méthodes de correction, comme par exemple les rapports 24HR multiples basés sur la méthode automatique multiple-pass de l’USDA (Automated Multiple-Pass Method) [Moshfegh AJ, Rhodes DG, Baer DJ et al., 2008A7]. Cette méthode a été validée en utilisant le critère standard de l’eau doublement étiquetée [N20] comme biomarqueur de la dépense énergétique totale (et donc de la consommation d’énergie si le poids du corps est stable pendant la période d’observation) (2015A20, p. 845).
Un examen plus détaillé de l’article d’Edward Archer et al. (2015A23) confirme que la rhétorique de ses auteurs relève plus d’une plaidoirie à charge — avec des phrases répétées ad nauseam — que d’une argumentation scientifique constructive, même si leur exposé affiche en vedette une citation très pertinente du physicien Erwin Schrödinger…
⇪ Neutralité ?
Dans le paragraphe Failure to Cite Contrary Evidence (2018jA37, p. 6), Edward Archer et al. écrivent :
Au cours des six dernières décennies, les épidémiologistes ont publié des dizaines de milliers de rapports de recherche dans lesquels des millions de souvenirs autodéclarés de perceptions de la consommation alimentaire étaient présentés comme des données équivalentes aux données sur la consommation alimentaire réelle des participants. Néanmoins, malgré un siècle de recherche dans de nombreux domaines (psychologie, sociologie et neurosciences cognitives, par exemple) démontrant que cette présentation était manifestement fausse et trompeuseA19·A35·A34, 66–70, les épidémiologistes omettaient souvent de citer, reconnaître ou aborder les preuves contraires écrasantes.
Les preuves contraires « écrasantes » mentionnées ici sont trois articles des mêmes auteurs et de contenus équivalents, et cinq articles (numérotés 66 à 70) traitant des distorsions de la mémoire en sciences cognitives ou dans les enquêtes ethnologiques, donc passant sous silence les techniques de correction d’erreurs spécifiques de l’épidémiologie nutritionnelle. Une argumentation aussi déconnectée du domaine scientifique pourrait disqualifier tous les travaux des historiens qui citent des faits (par essence non reproductibles) rapportés de documents incomplets, de témoignages écrits ou oraux dont l’objectivité ne peut pas être certifiée, quand ce n’est pas d’œuvres littéraires ou cinématographiques. C’est aussi l’arme privilégiée de discours négationnistes…
⇪ Persistance dans l’erreur des institutions
La suite de Failure to Cite Contrary Evidence rappelle les publicationsA19·A11·A23·A21 — issues de la même équipe — montrant que plus de 40 % des participants au NHANES (2015N27) avaient rapporté une consommation calorique en dessous du minimum nécessaire à la survie d’un patient en état de coma. Les auteurs s’insurgent (Archer E et al., 2018jA37, p. 6) :
Pourtant, malgré les réfutations claires et les réprimandes appuyées de manière empirique sur les M‑BMs, le comité consultatif sur les directives alimentaires de 2015 (DGAC) [2015A18] a faussement écrit que « les données non plausibles de NHANES, fournissent des estimations nationales et au niveau de groupes des apports alimentaires de la population américaine, un jour donné… »
Ils ajoutent que 80 % des études de la National Evidence Library de l’UDA (United States Department of Agriculture) utilisées par la DGAC pour énoncer des directives alimentaires étaient basées sur des M‑BMs. La publications de ces données fausses et le refus de tenir compte des preuves contraires aurait exacerbé le discours fictionnel, conduisant au Disease-Mongering of the American Diet (2018aA39) et à la « diabolisation » du sucre alimentaire (2008dA36, 2018bA40).
Par exemple, la DGAC affirme que « plusieurs nutriments sont en consommation insuffisante » malgré des analyses biochimiques (Pfeiffer CM et al., 2013A10) indiquant que la majorité des Américains ne risquent pas de carence de vitamines et de sels minéraux — vitamines A, C, D, E et folates. La DGAC affirme aussi que pour les femmes en âge de procréer « le fer est aussi un nutriment déficient ».
Edward Archer et ses collèges reprochent à la National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine (NASEM) d’avoir publié un rapport « Révision du processus d’établissement des recommandations diététiques pour les Américains » (2017A31) supposé résoudre les controverses mais n’ayant tenu aucun compte de leurs nombreuses publications revues par des pairs réfutant la validité des données nutritionnelles du NHANES (Archer E et al., 2018jA37, p. 6) […] exacerbant ainsi le discours fictionnel sur les effets supposés sur la santé du sucre alimentaire, du sel, du gras et du cholestérol.
Ils critiquent enfin la vacuité de la série d’articles “Controversy and Debate” publiés par le Journal of Clinical Epidemiology sur les distorsions des FFQs (voir les références ci-dessous), reprochant à leurs contradicteurs de s’être livrés à des attaques ignoratio elenchi, ad hominem, ad populum… (Le latin m’impressionne !)
⇪ Réponses (partielles) aux critiques d’Archer et al.
Davy et Estabrooks reprochent à Edward Archer et collègues d’avoir choisi de placer l’argument de l’observabilité indépendante, de la mesurabilité, de la fiabilité et de la falsification dans le contexte de la mémoire plutôt que des comportements que ces mémoires sont censés refléter (2015A20, p. 846). Leur perspective est que la cible comportementale — la prise de nourriture — peut être mesurée de manière fiable dans le temps. De plus, ces comportements peuvent être observés de manière indépendante, et les rapports mémorisés peuvent être falsifiés (ç.-à‑d. vérifiés expérimentalement et prouvés faux ou démontrés).
Brenda M Davy et Paul A Estabrooks signalent l’article de James R Hébert et al. (2014A15) qui décrit les avancées significatives des méthodes d’enquête nutritionnelle, incluant des propositions d’améliorations et des réponses détaillées aux critiques d’Edward Archer et collègues. Extrait (Hébert JR et al., 2014A15, p. 231) :
Archer et Blair rejettent notre critique selon laquelle ils auraient appliqué à tort le seuil de Goldberg pour identifier les sous-déclarants. Nous ne critiquons pas leur calcul ; après tout, il s’agit de simple arithmétique. Les points que nous souhaitons souligner sont ceux-ci. Premièrement, tout choix de seuil est arbitraire en l’absence de données sur les besoins métaboliques des individus. Goldberg et Black et leurs collègues insistent sur ce point dans leurs travaux fondateurs (1991A1·A2) cités par Archer et Blair comme fondements de leur décision. Deuxièmement, Black (2000A3) a suggéré dans un article publié 9 ans plus tard et 13 ans avant l’article d’Archer et Blair, « de nouvelles valeurs … pour chaque élément de l’équation de Goldberg ». Black a également évoqué la nécessité de prendre en compte « la variation de l’apport énergétique au sein d’un sujet » et « d’autres sources de variation [qui] sont augmentées à la lumière de nouvelles données » et que « l’effet de ces changements est d’élargir les limites de confiance et de réduire la sensibilité du seuil ». L’absence de prise en compte de la variabilité intra-personnelle réduit la sensibilité permettant d’identifier les sous-déclarants au niveau individuel. Troisièmement, appliquer les résultats d’un algorithme basé sur l’ajustement des valeurs moyennes afin de juger les estimations de l’ingestion individuelle est méthodologiquement incorrect.
Brenda Davy et Paul Estabrooks ajoutent (2015A20, p. 846) :
Nous suggérons que des progrès dans les domaines de la recherche sur l’obésité et la nutrition se réalisent grâce à une recherche interdisciplinaire utilisant une combinaison d’approches de recherche. Conformément à ce point de vue, la DGAC a utilisé divers types de preuves scientifiques, notamment des examens systématiques de pointe, des méta-analyses [N28], des rapports individuels et des analyses de données NHANES [2015N27]. Satija et al. [2015A17] ont rapporté 3 excellents résultats. Des exemples de la manière dont différents types de recherche sur la nutrition ont été combinés pour créer une base de preuves pouvant ensuite être utilisée par des groupes tels que la DGAC pour éclairer les politiques publiques.
James Hébert et al. ont remarqué par ailleurs (2015A22, p.231) que, même s’il est vrai que l’autodéclaration peut être biaisée par une estimation incorrecte de la consommation d’aliments ou de l’intensité d’exercice, ce biais n’est pas susceptible de modifier significativement les corrélations calculées sur une large population. S’il s’agit par exemple d’associer le risque d’une maladie à un quantile de quantité de consommation d’un aliment, peu importe que les sujets classés dans ce quantile aient sous-estimé de 50 % leur consommation : la corrélation restera significative. De manière générale (ibid.) on s’aperçoit au cours des années que les erreurs obéissent à des schémas observables et peuvent donc être contrôlées analytiquement.
⇪ Le défi et l’intérêt de mesurer les apports nutritionnels
Edward Archer et ses collègues soulignent que des régimes alimentaires identiques consommés par des individus différents produisent des effets métaboliques divergents (2018jA37, p. 7) ; par conséquent, une mesure du « régime » est sans intérêt si l’on ignore le phénotype métabolique de chaque individu. Sachant que le phénotypage d’un grand nombre d’individus est extrêmement coûteux en termes de ressources et d’investissement des participants, les investigations d’associations régime-maladie valides en épidémiologie (ç.-à‑d. au niveau de la population) pourraient simplement s’avérer irréalisables.
Néanmoins, ils suggèrent que les effets physiologiques non-triviaux de l’apport nutritionnel soient mesurés au moyen d’essais contrôlés randomisés (randomized clinical trials, RCT) (Archer E et al., 2018jA37, p. 2–3) :
Ainsi, pour regagner la confiance du public, il est nécessaire que le domaine reconnaisse les réfutations empiriques et théoriques des M‑BM et veille à ce que, à l’avenir, des méthodes scientifiques rigoureuses (par exemple, des essais contrôlés randomisés, RTC) soient utilisées pour étudier les effets de la nutrition sur les maladies chroniques.
Les auteurs ne précisent pas en quoi consisteraient ces RTCs. Je prendrais pour exemple l’étude Personalized Nutrition by Prediction of Glycemic Responses (Zeevi D et al., 2015A27) qui a mesuré une variation du taux de glycémie induite par la consommation d’un même aliment très différente d’un individu à un autre, bien que certains facteurs permettent de la prédire. Ils auraient surtout dû mentionner l’expérimentation animale qui ouvre de nouvelles perspectives sur les effets concomitants de pratiques nutritionnelles, d’exercice physique et de restriction calorique dans la prévention et le soin de maladies métaboliques. Voir quelques exemples dans mon article Cancer - traitement métabolique.
Ils concluent (Archer E et al., 2018jA37, p. 8) :
Nous nous rendons compte qu’on peut juger nos conclusions à la fois contraires et controversées. Néanmoins, nous estimons que le discours fictif qui perdure depuis des décennies sur les effets du sucre, du sel et des graisses alimentaires a conduit à une forme extrême d’obsession nutritionnelle occultant des preuves bien établies et engendrant la prolifération de programmes de recherche trompeurs et manifestement erronés, et des initiatives de santé publique vouées à l’échecA36·A30·A38. Ainsi, compte tenu des preuves présentées dans ce document, il incombe aux épidémiologistes de la nutrition de soutenir par une base scientifique leurs spéculations « centrées sur le régime alimentaire » et de démontrer que le « régime occidental » moyenA9·A10 a des effets non négligeables sur l’obésité et les maladies non-transmissibles dans les pays industrialisésA41.
Curieusement, la dernière référence (Archer E et al., 2018A41) n’est pas directement liée à la proposition qui la précède. Elle pointe toutefois vers un article bien documenté, non-polémique et en phase avec ma mise en garde contre une approche exclusivement centrée sur la nutrition pour entretenir sa santé. ExtraitA41, p. 14–15 :
Ainsi, ce n’est pas ce qu’on mange (c’est-à-dire le régime alimentaire) qui engendre la santé ou la maladie, mais ce que le corps fait avec ce qui a été mangé (c.-à‑d. le métabolisme des nutriments). Par conséquent, les macro- et micronutriments ne peuvent avoir d’effets sur la santé indépendamment du phénotype métabolique de l’individu consommateur, et les composants alimentaires en eux-mêmes ne peuvent pas être le facteur déterminant de l’obésité et de la santé métabolique (Archer, 2018dA36). Ainsi, l’obésité et le diabète de type 2 ne sont pas des préoccupations diététiques mais métaboliques. Les preuves à l’appui de notre argument sont communes à toutes les disciplines.
⇪ Le sucre, notre ami ?
Nous l’avons vu dans plusieurs citations, Edward Archer remet en cause à de multiples reprises la diabolisation « du sucre, du sel, du gras et du cholestérol alimentaire ». Trois de ces nutriments ont été réhabilités dans mes articles Le sel est notre ami, Pourquoi diminuer le cholestérol ? et Glucides ou lipides ?
Il reste la question du sucre (ajouté) qui est une des bases de la nutrition moderne et un produit phare de l’agriculture industrielle. La condamnation sans égard de toutes les enquêtes nutritionnelles permet à l’auteur de faire table rase pour valider d’autres hypothèses qui, indubitablement, ont une part de vérité puisque c’est le métabolisme du nutriment et pas seulement le nutriment qui influe sur notre santé.
Dans In Defense of Sugar : A Critique of Diet-Centrism (Archer E, 2018dA36), l’auteur annonce la couleur dès le résumé :
… étant donnée l’hyperbole non scientifique entourant les sucres alimentaires, je prends la position opposée et présente des preuves fortement répliquées provenant de nombreux domaines pour montrer que le « régime alimentaire » est un facteur nécessaire mais trivial de la santé métabolique, et que la rhétorique anti-sucre est simplement une maladie fabriquée centrée sur le régime alimentaire engendrée par l’analphabétisme physiologique. Ma position est que les sucres alimentaires ne sont pas responsables de l’obésité ou des maladies métaboliques et que la consommation de sucres simples et de polymères de sucres (par exemple, les amidons) jusqu’à 75 % de l’apport calorique quotidien total est sans effet sur des individus en bonne santé.
➡ Il est cocasse que cet article débute par une citation d’Ancel KeysN29 préconisant une approche rigoureuse de la science nutritionnelle, lui qui était l’auteur d’une étude épidémiologiqueN30 scandaleusement biaisée sur l’influence du régime alimentaire sur la santé — voir mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ?
L’article est une présentation caricaturale des bienfaits et de la nécessité du sucre (glucose, fructose, sucrose) et de ses polymères (amidon, glycogène, cellulose etc.), avec des phrases comme « sans sucre, nous mourons » ou « le sucre sauve des vies » justifiées par une « expérience de pensée » de personnes souffrant d’extrême dénutrition… La description passe sous silence que le foie, les reins et l’intestin peuvent aussi fabriquer du glucose à partir des réserves de graisse par néoglucogenèseN31, ce qui rend possible, chez un sujet sain, la pratique d’une diète cétogèneN32 bénéfique dans de nombreuses situations — voir mon article Diète cétogène - expérience. La privation de glucides induit aussi un mécanisme appelé cétoseN33 par lequel le foie utilise les graisses pour fabriquer des corps cétoniquesN34 qui se substituent au glucose dans l’apport d’énergie aux organes, au cerveau et à la masse musculaire.
Mon passage préféré (Archer E, 2018dA36, p. 3) :
46 % de toutes les maladies d’origine alimentaire et un nombre non négligeable de décès d’origine alimentaire aux États-Unis entre 1998 et 2008 ont été directement attribués à la consommation de fruits, de noix et de légumes. Les légumes à feuilles ont causé plus de maladies (22 %) que tout autre produit et ont été responsables de 6 % des décès. Aucune maladie d’origine alimentaire ni aucun décès n’ont été directement attribués aux boissons sucrées (SSB) [A12]
Le problème est que cet énoncé surprenant s’appuie sur l’étude de John A Painter, Robert M Hoekstra, Tracy Ayers et al. (2013A12) qui traite de questions de sécurité alimentaire, autrement dit de maladies infectieuses transmises par des aliments, ou encore d’allergies à certains végétaux. Il est évident que les risques de contamination microbienne sont quasi-négligeables lors de la consommation de boissons en bouteille ou en cannette, alors qu’ils existent avec les fruits, noix et légumes à feuilles. Aucune maladie ni décès n’a été attribué aux boissons sucrées… pour la simple raison qu’elles n’étaient pas incluses dans l’étude ! Robert Hoekstra et ses collègues concluent d’ailleurs (2013A12, p. 414) :
Le risque de maladie d’origine alimentaire n’est qu’un élément de l’équation risque-bénéfice pour les aliments ; il faut également tenir compte d’autres facteurs, tels que les avantages pour la santé d’une alimentation riche en fruits et légumes.
La suite de l’article (Archer E, 2018dA36, p. 6) appuie la plaidoirie de défense du sucre sur les données ethnologiques de chasseurs-cueilleurs modernes qui ne souffrent d’aucune maladie métabolique malgré une consommation de « sucres ajoutés » (miel et fruits) pouvant atteindre 80 % de leurs apports caloriques. Résultat obtenu parce que leur activité physique serait très nettement supérieure à celle des « civilisés »… Le problème est que les quantités de glucides consommées par les populations de chasseurs-cueilleurs sont très variables en fonction de leur environnement, de même que leurs espérances de vie : mourir jeune diminue le risque d’être frappé d’une maladie métabolique ! Si l’on veut tirer leçon des pratiques nutritionnelles de nos ancêtres — je doute que ce soit utile — il faut se baser sur des données déduites d’observations bien plus larges dans une perspective multidisciplinaire. Selon Remko S Kuipers et al. (2012A5), la consommation moyenne de glucides (et pas seulement de « sucres ajoutés ») n’aurait pas dépassé 40 % de l’apport calorique.
Libéré de la préoccupation de scientificité qu’il brandissait dans sa critique des enquêtes nutritionnelles, l’auteur continue en postulant une relation causale extrapolée de la corrélation positive entre l’augmentation massive (dans un rapport de 10) de la consommation de sucre aux USA et au Royaume-Uni au début du vingtième siècle et l’amélioration générale de la santé de leurs populations. On est prié de croire que l’accès aux commodités sanitaires et à la médecine n’ont joué aucun rôle !
Le même raisonnement est appliqué à la population cubaine qui aurait « bénéficié », à partir de 1980, d’une augmentation à la fois de la consommation domestique de sucre et de l’activité physique, associés miraculeusement au déclin de l’obésité, du diabète de type 2 et des maladies non-transmissibles. Le problème est que l’article cité en référence (Franco M, Ordunez P, Caballero B et al., 2013A6) n’attribue pas l’amélioration de la santé à une augmentation de la consommation de sucre mais à une diminution drastique de la consommation énergétique (de 2899 à 1863 Kcal/jour).
L’auteur utilise aussi (Archer E, 2018dA36, p. 6) des informations anecdotiques pour tenter de prouver que les athlètes consomment une grande quantité de sucre et de boissons sucrées pour atteindre le plus haut niveau de performance : « Plus de 50 % des cyclistes boivent des boissons sucrées pendant la course », et « Le marathonien Frank Shorter a attribué sa médaille d’or en 1972 à la consommation de boissons sucrées »… (On peut se demander qui étaient ses sponsors !)
Les entraîneurs et anciens champions Dr Philip Maffetone et Mark Sisson ont longuement témoigné (voir mon article Exercice d'endurance) sur les effets délétères de ces pratiques — qui restent effectivement majoritaires — et le bénéfice en termes de santé et de performances d’adopter un régime pauvre en glucides et riche en graisses de bonne qualité. De nombreuses études confirment la pertinence de ce choix, par exemple David A Greene et al. (2018A42) qui ont mesuré l’effet d’une diète cétogène sur le poids et les performances d’athlètes haltérophiles.
Je finirai sur une note que j’estime positive. Edward Archer attribue l’augmentation de l’obésité et du diabète de type 2 à la transmission de phénotypes métaboliques pathologiques acquis par la mère du fait d’une activité physique insuffisanteA36, p. 7 :
Il est bien établi que le contrôle métabolique prénatal de la mère est le principal déterminant du poids de naissance et du phénotype métabolique de sa progéniture (par exemple, le rapport entre le muscle squelettique et les cellules adipeuses). Ainsi, alors que les mères devenaient de plus en plus physiquement inactives et sédentaires dans la deuxième moitié du 20e siècle, leur activité physique tombait en dessous du « point de bascule métabolique ». Cette perte de contrôle métabolique augmentait la disponibilité de sucre (glucose) et lipides dans le milieu intra-utérin pendant la grossesse. Sachant que la disponibilité du sucre (glucose) est un facteur déterminant de la cellularité fœtale et du nombre concomitant d’adipocytes (cellules graisseuses) et de cellules bêta pancréatiques, les enfants des mère inactives sont nés de plus en plus prédisposés aux maladies héréditaires (c’est-à-dire l’obésité pédiatrique et le diabète de type 2). À chaque passage de génération, ces « effets maternels » se sont accumulés et ont conduit à l’épidémie double d’obésité et de diabète de type 2.
La lecture de certains passages de cet article m’a fait songer à un écrit parodique jusqu’à ce que je réalise qu’il pourrait s’agir d’une commande de l’industrie sucrière. En effet, le texte intégral en été mis en libre accèsN35 le 4 septembre 2018 par l’International Sugar Organization avec cet avis du directeur de cet organisme : « Nous vous recommandons fortement de revoir en détail et d’extrapoler les informations pouvant être utilisées de manière positive dans vos communications ». Mais reste-t-il de la place pour des extrapolations ?
⇪ Boissons à bulles
D’autres liens d’intérêt apparaissent sur les publications de l’équipe Archer E et al. Nous avions déjà pris connaissance des facéties de son co-auteur Steven N. Blair, fondateur d’un éphémère Global Energy Balance Network financé par Coca Cola® — voir mon article Manger et bouger ?
Dans leur réponse à Edward Archer et al. (2015A23), Brende Davy et Paul Estabrooks écrivent (2015A24) :
La lettre d’Archer et al. qualifie le rapport de la DGAC de « pas scientifiquement valable » et de « mauvais conseil scientifique », ce qui est remarquable à la lumière des récents rapports des médias décrivant les efforts déployés par l’industrie alimentaire pour lutter contre les recommandations alimentaires proposées (voir A25). Cet article des médias, qui n’est qu’un exemple parmi d’autres, mentionne en particulier la société Coca Cola en tant que principal bailleur de fonds de ceux qui critiquent le rapport de la DGAC. Étant donné le lien financier déclaré de 2 des 3 auteurs (Archer et Lavie) avec la société Coca Cola, ce lien financier doit être pris en compte lors de l’examen critique de leur position. Les sections qui critiquent le rapport de la DGAC sont étroitement axées sur un seul problème, à savoir l’utilisation par le comité de recherches des méthodes de sondage en nutrition basées sur la mémoire.
L’affirmation d’Archer et al. selon laquelle le processus d’élaboration des recommandations de la DGAC « démontre un manque d’humilité épistémique ayant des conséquences importantes sur la santé publique » est injustifiée dans la mesure où la DGAC souligne bien la nécessité d’essais contrôlés randomisés dans de nombreux domaines (par exemple, les recommandations diététiques du comité consultatifA18 p. 12, 13, 18) afin de renforcer la base de données probantes, ainsi que la nécessité de mener des recherches sur les biomarqueurs alimentaires afin de mieux éclairer les futures directives nutritionnelles.
Malheureusement, la lettre d’Archer et collègues ne réussit pas à ajouter quoi que ce soit à ce dialogue en cours sur la validité des données autodéclarées sur les apports nutritionnels ni sur les points forts et les limites du rapport de la DGAC. Aucune orientation constructive pour la recherche future n’est suggérée, mais plutôt une critique répétée de l’approche du comité dans son élaboration de directives alimentaires américaines très attendues.
⇪ Conclusion
Ayant présenté des arguments pour/contre les enquêtes nutritionnelles de grande envergure construites sur la collecte et l’analyse statistique de données basées sur la mémoire (M‑BM), ainsi qu’une évaluation critique de contributions d’un des principaux acteurs de cette controverse, je suis conscient que le sujet mériterait une étude approfondie mobilisant des compétences au delà des miennes… Je ne me range donc pas dans un camp plutôt que dans l’autre.
Ce qui me paraît certain, par contre, est qu’on ne peut pas accorder aux résultats de ces enquêtes un niveau de preuve élevé. Ma position va à l’encontre de l’opinion populaire que le niveau de preuve dépendrait principalement du nombre de sujets ayant participé à l’enquête. Une étude épidémiologique couvrant des centaines de milliers de personnes paraît plus fiable a priori — et fait l’objet de gros titres dans la presse grand public — qu’un essai randomisé contrôléN13 mené sur une centaine de sujets…
Ce renversement de degrés de croyance est du même ordre que celui qui peut nous rendre dubitatifs à la lecture de résultats de méta-analysesN28 combinant les données de plusieurs dizaines d’études mais dans lesquelles les critères de randomisationN36 ne sont plus respectés, ce qui laisse la porte ouverte aux biais de sélection. Ici encore, le nombre d’études et le nombre de sujets ne sont pas garants d’un niveau de preuve satisfaisant.
⇪ ✓ Références (ordre chronologique)
🔵 Notes pour la version papier :
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Article créé le 13/03/2019 - modifié le 9/02/2024 à 15h25