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Carnivore Code

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Cet article est consa­cré à l’ou­vrage The Carnivore Code de Dr Paul Saladino (2020N1). Ni ce titre, ni les propo­si­tions de gens qui se présentent comme « carni­vores » sur les réseaux sociaux, ne m’in­ci­taient à en entre­prendre la lecture. Une bande d’hu­lu­ber­lus jetant des pavés dans la mare du véganisme ?

L’échange oral entre Paul Saladino et Chris Kresser — Tout sur le régime carnivore — ouvrait toute­fois quelques pistes. L’idée m’est venue de lire au mini­mum la préface de Mark SissonN2. Je sais qu’il arrive que l’au­teur d’une préface n’ait pas lu le livre en entier, mais Mark est de ceux pour qui j’ai le plus d’es­time. Son ouvrage Primal Endurance (2018N3) a profon­dé­ment restruc­turé mon approche de l’exercice physique.

Source : N1

J’ai donc télé­chargé la version numé­rique de The Carnivore Code pour la préface… et pour­suivi jusqu’à ce que me paraisse incon­tour­nable une étude appro­fon­die de la version papier.

Mon objec­tif n’est pas de promou­voir un régime « hors-norme » basé (presque) exclu­si­ve­ment sur des aliments d’ori­gine animale, mais plutôt de rendre compte de l’ar­gu­men­ta­tion de Paul Saladino et du travail docu­men­taire à l’ap­pui. Car cet ouvrage cite plus de 700 réfé­rences dans un format respec­tant les conven­tions acadé­miques inter­na­tio­nales — dont bien des auteurs fran­co­phones gagne­raient à s’inspirer !

Le contenu peut inci­ter à suivre la voie tracée par l’ex­pé­rience de l’au­teur qui raconte son parcours. Au delà de toute adhé­sion, le lecteur peut jauger ses propres certi­tudes en matière de nutri­tion à l’aune des données actuelles des sciences biomé­di­cales. S’il n’est pas convaincu, il devra pour le moins recon­naître que ses convic­tions ne reposent pas sur une base scien­ti­fique univoque.

La qualité édito­riale est telle que cet ouvrage me paraît plus le fruit d’un travail collec­tif que l’en­tre­prise soli­taire du jeune méde­cin (diplômé en psychia­trie) qui en est l’au­teur. Il donne la liste des proches qui l’ont aidé (page 341). Toutefois, la ques­tion de l’iden­tité des contri­bu­teurs est secon­daire à mes yeux.

À celles et ceux qui adop­te­raient sans hési­ter la pratique nutri­tion­nelle de l’au­teur, il me paraît utile de signa­ler d’emblée qu’a­dop­ter un « régime carni­vore » ne se résume pas à rempla­cer les cinq fruits et légumes par des saucisses et du steak haché ! Pour la même raison qu’on ne devient pas végé­ta­rien en se passant de viande… Rien de tout cela : chan­ger de régime néces­site un bon socle de connais­sances pour éviter d’avoir à « payer la note » au bout de quelques mois ou en prenant de l’âge.

Mais oublions la page de couver­ture : The Carnivore Code s’adresse en prio­rité à celles et ceux qui sont confron­tés à un état de santé réfrac­taire aux trai­te­ments médi­caux et qu’au­cun ajus­te­ment de style de vie n’a pu amélio­rer sur le long terme. Pourquoi ne pas se rappro­cher d’un régime carni­vore dans la mesure où, si c’est le bon choix, les effets béné­fiques devraient être visibles sans attendre ? Pour les autres qui ne souffrent pas de mala­dies chro­niques, le regard inci­sif porté sur les enquêtes nutri­tion­nelles — complé­tant mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ? — permet­tra de revi­si­ter de nombreuses croyances sur les bien­faits procla­més de certains végé­taux, sans pour autant renon­cer radi­ca­le­ment à leur consommation.

L’étude de ce dossier abou­ti­rait à un nouveau para­digme : si les humains — ainsi que de nombreux animaux — utilisent depuis long­temps les vertus médi­ci­nales des plantes, leurs sources nutri­tion­nelles seraient pour l’es­sen­tiel de prove­nance animale. Le végé­tal n’ap­pa­raît que comme substi­tut en cas de restric­tion des ressources. Si cette hypo­thèse est vraie, consom­mer n’im­porte quel fruit, légume ou graine « parce que ça ne peut que faire du bien » équi­vaut donc à se soigner en piochant au hasard, cinq fois par jour, dans une armoire à pharmacie…

Je regrette que la compi­la­tion et la traduc­tion de frag­ments resti­tuent impar­fai­te­ment la cohé­rence de cet ouvrage. Seule la lecture du texte inté­gral permet­trait d’évi­ter le reproche de cherry pickingN4 (biais de confir­ma­tionN5) — voir mon article Cerises, brocoli, protéines, propagande. Merci d’avance aux lecteurs de me signa­ler les lacunes et les erreurs d’interprétation !

➡ J’ai inscrit en italiques et marqué (comme ce para­graphe) mes commen­taires personnels.

Sommaire

➡ Si vous avez des réti­cences, lisez en premier la Discussion !

Résumé

➡ Traduction de la présen­ta­tion (publi­ci­taire) sur Amazon​.fr (2020N1)

⚪️ Nous vivons plus long­temps que jamais, mais pas mieux. Des millions de personnes souffrent de mala­dies comme le diabète, la dépres­sion, les douleurs arti­cu­laires, les cardio­pa­thies et les mala­dies auto-immunesN6. Des millions d’autres ont essayé sans succès de perdre du poids et de ne pas le reprendre. Si cette situa­tion vous semble fami­lière, vous n’êtes pas seul·e. Et vous savez à quel point il est frus­trant et décou­ra­geant d’en­chaî­ner les régimes, les proto­coles de soin et les pres­crip­tions qui n’ap­portent que peu de soula­ge­ment — et peuvent même aggra­ver votre souffrance.

Il existe une meilleure solu­tion, elle commence par les aliments que vous mangez. Il est scien­ti­fi­que­ment prouvé que le régime carni­vore réduit l’in­flam­ma­tion, améliore le sommeil, réduit les douleurs arti­cu­laires, améliore la clarté mentale et vous aide à perdre du poids. Le Dr Paul Saladino a fait l’ex­pé­rience directe des avan­tages incroyables d’un régime à base de viande et a aidé des centaines de patients à trans­for­mer leur santé grâce à son programme nutritionnel.

Dans ce livre révo­lu­tion­naire, le Dr Saladino révèle la vérité choquante sur les aliments dont on nous dit qu’ils étaient indis­pen­sables à une bonne santé, comme les céréales complètes, les plantes et les légumes verts à feuilles. Il démonte ces mythes un par un et révèle le poten­tiel de guéri­son d’un régime entiè­re­ment carné : celui pour lequel notre corps a été conçu. Avec des conseils étape par étape, des exemples de menus et une foire aux ques­tions, The Carnivore Code est le seul guide dont vous ayez besoin pour expé­ri­men­ter par vous-même les incroyables bien­faits du régime carni­vore. ⚪️

➡ Ce « quatrième de couver­ture » a été rédigé pour vendre le livre… Il peut dissua­der une personne hostile à ces idées, bien qu’elle ait peu de chances d’ex­traire le livre du rayonnage !

Introduction

Paul Saladino. Source : carni​vo​re​cast​.com

(Page XV) Si vous deviez élabo­rer le régime alimen­taire idéal pour l’homme, quels types de para­mètres utiliseriez-vous pour défi­nir cette sélec­tion d’ali­ments ? Je voudrais que ce régime comprenne (1) tous les nutri­ments dont nous avons besoin pour fonc­tion­ner de manière opti­male (2) sous les formes les plus biodis­po­nibles, et (3) avec la plus petite quan­tité de toxines. Il devrait conte­nir toutes les vita­mines, tous les miné­raux, tous les acides aminés et autres éléments consti­tu­tifs dont nous avons besoin pour nous épanouir, mais aucune des substances qui perturbent notre biochi­mie ou provoquent des inflam­ma­tions et des dommages cellu­laires. Cela paraît raison­nable, non ? C’est ce que j’ap­pelle l’énigme du régime opti­mal.

(Page XV) Ce livre va héris­ser quelques plumes, il sera contro­versé, il aura de nombreux détrac­teurs et remet­tra en ques­tion de nombreuses croyances ancrées depuis long­temps et accep­tées à tort comme des canons. Mais je suis bien­veillant avec ces réac­tions car il va aussi aider un grand nombre de personnes.

(Pages XV-XVI) Ce livre est l’his­toire de la façon dont nous pouvons tous atteindre notre poten­tiel complet. Ces objec­tifs sont réali­sables pour chacun d’entre nous, et je crois que le facteur le plus impor­tant pour les atteindre est ce que nous consom­mons dans notre alimen­ta­tion. La nour­ri­ture que nous ingé­rons est le facteur déter­mi­nant pour savoir si nous prenons le chemin de l’obé­sité, du brouillard céré­bral et de la fatigue, ou le chemin de l’optimisation.

➡ Ici, Paul Saladino fait l’im­passe sur l’exer­cice physique, qui « va de soi » car il occupe une place centrale dans sa vie quoti­dienne de jeune sportif.

(Page XVI) Tout au long de ma forma­tion médi­cale et de ma pratique de la méde­cine allo­pa­thique tradi­tion­nelle, j’en suis arrivé à une conclu­sion très déce­vante : le système dans lequel j’ai été formé n’aide pas les gens à vivre mieux. Bien sûr, il peut corri­ger des problèmes aigus comme une rupture d’ap­pen­dice ou une jambe cassée, mais lors­qu’il s’agit de mala­die chro­nique et de corri­ger la cause profonde de la mala­die, il échoue lamentablement.

Ce n’est cepen­dant pas un livre sur ce qui ne va pas dans le système médi­cal. De tels livres ont été écrits et ce n’est pas mon objec­tif ici. Il s’agit d’un livre sur la façon de reprendre en main votre propre santé en faisant atten­tion à ce que vous mangez et, ce faisant, en mani­fes­tant le super-héros qui est en vous et qui peut vous botter plus de fesses que vous ne l’au­riez jamais cru possible.

➡ Invitation très nord-américaine à « se bouger le c… » !

(Page XVII) Je pense que la solu­tion à l’énigme de ce que nous devrions manger réside dans notre « manuel de l’uti­li­sa­teur », la méthode que nous devrions suivre pour une nutri­tion correcte. Malheureusement, ce manuel n’est pas un véri­table livre qui aurait été livré à nos familles exta­tiques, en même temps que nos corps glis­sants, le jour où nous sommes venus au monde. Ce serait formi­dable et cela rendrait beau­coup plus facile la réponse à cette ques­tion. Hélas, l’uni­vers ne fonc­tionne pas de cette façon. Notre mode d’emploi est en fait un code inscrit dans nos gènes. Il se trouve dans notre ADN et il est là depuis que nous sommes deve­nus « humains », il y a 3 ou 4 millions d’années.

Alors, comment sommes-nous censés redé­cou­vrir ce code afin de deve­nir les êtres surhu­mains que nous sommes censés être ?

Transformers Generation

(Page XVII) En gran­dis­sant, quand je perdais mes Transformers ou mes GI Joes, ma mère me deman­dait toujours où je les avais vus la dernière fois. Il y a beau­coup de sagesse là-dedans. Je pense que nous devrions commen­cer notre recherche du manuel d’uti­li­sa­tion là où nous l’avons vu la dernière fois. Nos ancêtres connais­saient la réponse à cette énigme, et cet ensemble parti­cu­lier de connais­sances a été trans­mis de géné­ra­tion en géné­ra­tion, tissé dans notre être avant même notre naissance.

(Page XVII) Mon père est méde­cin et ma mère est infir­mière prati­cienne. J’ai donc été très exposé à la méde­cine en gran­dis­sant. Les conver­sa­tions à table portaient sur des sujets comme la fibril­la­tion auri­cu­laire, l’hy­per­ten­sion et le choles­té­rol. Lorsque j’ac­com­pa­gnais mon père à l’hô­pi­tal, je voyais la mala­die de très près à un jeune âge, ce qui a créé une fasci­na­tion en moi. Je voulais savoir ce qui n’al­lait pas chez les patients de mon père et comment ils pour­raient retrou­ver la santé.

(Page XVIII) Bien que mes parents soient des profes­sion­nels de la santé, nous ne mettions pas beau­coup l’ac­cent sur une alimen­ta­tion saine à la maison. Nous avions un régime alimen­taire améri­cain assez stan­dard qui compre­nait des dîners devant la télé­vi­sion, des fast foods, du pain, des pâtes et des glucides trans­for­més. J’ai égale­ment grandi à une époque où les graisses étaient l’en­nemi, car elles étaient diabo­li­sées à tort depuis les années 1950 par les indus­tries des céréales et des aliments trans­for­més. Après l’école, je me souviens d’avoir dévoré avec vora­cité plusieurs bols de céréales sans jamais me sentir rassa­sié. J’ai égale­ment souf­fert d’ir­ri­ta­bi­lité, d’obé­sité infan­tile, d’asthme et d’ec­zéma. J’étais un enfant de l’ère des produits allé­gés en graisse, et cela se voyait.

Ma santé s’est un peu amélio­rée à l’uni­ver­sité, mais ce n’était certai­ne­ment pas l’idéal. J’ai étudié la chimie au College of William and Mary avec l’in­ten­tion initiale de faire des études de méde­cine. Pendant mes quatre années d’uni­ver­sité, j’ai eu de nombreuses pous­sées d’ec­zéma sévères et j’ai souvent dû prendre des stéroïdes par voie orale, comme la pred­ni­sone. Ces médi­ca­ments ont permis d’en­rayer le proces­sus auto-immun en cours, mais ils ont égale­ment provo­qué d’hor­ribles insom­nies, des sautes d’hu­meur et une prise de poids. Les choses étaient encore très déséqui­li­brées, mais je n’avais aucune idée que ces symp­tômes pouvaient être causés par les aliments que je mangeais.

(Page XIX) Le travail d’as­sis­tant médi­cal en cardio­lo­gie m’a donné un avant-goût de ce qu’é­tait la vie dans les tran­chées de la méde­cine occi­den­tale. C’était nul. J’ai été immé­dia­te­ment désillu­sionné et déçu par ce que j’y ai rencon­tré, mais ce n’était pas dû à un manque de méde­cins intel­li­gents ni gentils et bien inten­tion­nés. J’ai eu la chance d’être enca­dré par de nombreuses personnes incroya­ble­ment talen­tueuses qui m’ont beau­coup appris sur la façon dont la méde­cine est prati­quée. Ma plus grande décep­tion concer­nait le para­digme médi­cal global et le système médi­cal lui-même. Ni à l’hô­pi­tal ni à la clinique, les patients ne s’amé­lio­raient, et la progres­sion vers l’ag­gra­va­tion de la mala­die était constante. Parfois, leur déclin était ralenti par des médi­ca­ments, mais la marche vers la morbi­dité était implacable.

J’ai commencé à m’in­ter­ro­ger sur mon rôle dans tout cela. Est-ce que j’ai­dais vrai­ment les gens à mener des vies plus complètes et de meilleure qualité avec les statines, les médi­ca­ments contre la tension arté­rielle, l’in­su­line et les anti­coa­gu­lants, ou est-ce que je ne faisais que retar­der l’iné­vi­table ? N’y avait-il vrai­ment aucun moyen d’in­ver­ser des mala­dies comme les cardio­pa­thies, l’hy­per­ten­sion arté­rielle ou le diabète en les trai­tant à la racine ? Nos ancêtres souffraient-ils des mêmes cruelles mala­dies chro­niques que celles auxquelles nous sommes confron­tés aujourd’­hui ? Ou bien y a‑t-il eu une sorte de chan­ge­ment fonda­men­tal dans notre façon de vivre qui pour­rait être à l’ori­gine de ces écarts obser­vés en matière de clarté mentale, de force, de compo­si­tion corpo­relle saine et de vitalité ?

(Page XIX) Après avoir passé quelques années en tant qu’as­sis­tant médi­cal, j’ai réalisé que je ne pouvais pas conti­nuer à travailler dans un système auquel je ne croyais pas, alors que des ques­tions aussi fonda­men­tales que celles-ci restaient sans réponse.

(Pages XIX-XX) Peu de gens ont la chance de faire deux fois leurs études de méde­cine, mais à bien des égards, c’est ce que j’ai fait. Pendant mes quatre années d’école de méde­cine à l’uni­ver­sité d’Arizona et mes quatre années suivantes de rési­dence en psychia­trie à l’uni­ver­sité de Washington, j’ai tout vu sous un angle diffé­rent de celui de l’école d’as­sis­ta­nat. Les six années que j’avais déjà passées en méde­cine (deux à l’école d’as­sis­ta­nat et quatre à exer­cer en tant qu’as­sis­tant en cardio­lo­gie) m’ont permis d’avoir une approche diffé­rente la deuxième fois. J’ai posé beau­coup de ques­tions. Je pense que j’ai énervé plus d’un profes­seur, d’un méde­cin trai­tant et d’un résident avec mes demandes inces­santes de connais­sances plus appro­fon­dies sur les causes des mala­dies que nous rencon­trions. Il en a été de même en rési­dence. Depuis l’époque où je suivais mon père à l’hô­pi­tal, j’ai toujours voulu savoir « pour­quoi », et j’es­pé­rais que ces occa­sions de ques­tion­ner se présentent.

(Page XX) Comme mon bon ami le Dr Ken Berry aime à le dire, l’école de méde­cine et l’in­ter­nat ont pour but de vous ensei­gner quelle pilule donner. Ils ne servent pas à comprendre ce qui cause la mala­die. J’ai donc fait ce que j’étais censé faire et j’ai appris, encore et encore, quelle pilule donner. À la fin de tout cela, j’ai réussi mes examens pour le diplôme, mais je n’avais toujours pas l’im­pres­sion de savoir comment aider mes patients à se réta­blir, ce qui était profon­dé­ment déce­vant. J’avais étudié aussi dur que possible et appris toutes les réponses aux ques­tions stan­dard, mais mes patients souf­fraient toujours. Ce n’était pas censé être comme ça.

Pour ajou­ter l’in­sulte à la bles­sure, je n’avais pas non plus été capable de me guérir moi-même. Lorsque j’étais méde­cin assis­tant, j’ai décou­vert le régime paléo et le concept m’a plu. Pendant la décen­nie qui a suivi, j’ai évité les céréales, les légu­mi­neuses et les produits laitiers et j’ai suivi un régime stric­te­ment biolo­gique basé sur des aliments d’ori­gine animale et végé­tale. Ce chan­ge­ment m’a permis de consta­ter une amélio­ra­tion de la compo­si­tion corpo­relle et de la clarté mentale, mais mon eczéma tenace persis­tait et deve­nait parfois très grave. Pendant mes études de méde­cine, j’avais commencé à apprendre le jiu-jitsu, mais la pratique de cet art mari­tal m’a handi­capé d’une manière que je n’avais jamais connue aupa­ra­vant dans ma vie. Elle s’est avérée être à la fois la source d’une grande souf­france et d’une profonde satis­fac­tion. Malheureusement, tout ce temps passé sur les tapis avec les coudes et les genoux expo­sés a provo­qué une forte pous­sée d’ec­zéma, qui a fini par s’in­fec­ter avec une souche de bacté­rie strep­to­coc­cique. J’ai donc déve­loppé un impé­tigo, suivi d’une cellu­lite, puis d’un épisode de septi­cé­mie. Je souf­frais de fièvre et de fris­sons et j’ai dû rece­voir des anti­bio­tiques par voie intra­vei­neuse. Ce n’était pas exac­te­ment le scéna­rio idéal pour un étudiant en troi­sième année de méde­cine au milieu de la partie la plus éprou­vante de sa formation.

(Pages XX-XXI) À ce stade, je savais que l’ali­men­ta­tion était un facteur impor­tant de santé et de mala­die. J’avais déjà essayé d’éli­mi­ner certains aliments : les aliments à forte teneur en hista­mineN7, en oxalatesN8 et en lectinesN9, les noix, les graines et le choco­lat. Finalement, j’ai essayé d’éli­mi­ner tout ce à quoi je pouvais penser pendant plusieurs mois. Je mangeais essen­tiel­le­ment des avocats, des salades et de la viande nour­rie à l’herbe, ainsi que quelques supplé­ments dont je pensais avoir besoin en raison de ma géné­tique. Pourtant, mon corps s’est atta­qué à lui-même et l’ec­zéma a conti­nué à m’assaillir.

➡ Le témoi­gnage de ce qui a précédé l’adhé­sion de Paul Saladino au régime carni­vore est impor­tant : il n’a pas tran­sité subi­te­ment du « régime stan­dard améri­cain » à celui qui lui a permis de retrou­ver la santé. Pendant des années il a tenté diverses solu­tions, incluant le végé­ta­lisme… Le mot-clé de cette démarche est, rappe­lons le, « l’optimisation ».

(Page XXI) Je n’ou­blie­rai jamais le jour où j’ai écouté Jordan Peterson sur le podcast de Joe Rogan alors que je condui­sais vers la côte de Washington pour aller surfer. Je suis sûr que le temps était pluvieux et froid et que les vagues étaient médiocres, mais ce voyage en valait vrai­ment la peine. À la fin du podcast, j’ai entendu Jordan parler de son régime à base de viande. Il a raconté comment il avait aidé sa fille, Mikhaila, à surmon­ter une mala­die auto-immuneN6 grave et comment il l’avait aidé à perdre du poids et à résoudre son apnée du sommeilN10 et des problèmes auto-immuns simi­laires. Soudain, j’ai eu une idée qui a changé le cours de ma vie à partir de ce moment-là. Et si mes propres problèmes auto-immuns et tant de problèmes inflam­ma­toires qui se mani­festent aujourd’­hui sous forme de mala­dies chro­niquesN11 pouvaient être déclen­chés par les plantes que nous mangeons ?

➡ La mention de Jordan PetersonN12 peut susci­ter de l’émo­tion dans le monde binaire qui gouverne les réseaux sociaux. Cet intel­lec­tuel cana­dien qui dit « ne pas faire de poli­tique » s’iden­ti­fie comme un « libé­ral clas­sique », critique entre autres du « gauchisme radi­cal » et du fémi­nisme moderne — voir article et le dossier sur les transgenres. Il serait donc facile de conclure que le carni­vo­risme — vili­pendé comme « carnisme » par les végé­ta­liens — est une idéo­lo­gie « de droite », par contraste avec la détes­ta­tion de la viande, marqueur de « gauche écolo­giste ». Or toutes ces caté­go­ries sont inopé­rantes parce que le récit de Peterson était celui du combat contre la mala­die de sa fille Mikhaila (2017N13).

(Page XXI) J’ai immé­dia­te­ment rejeté cette idée, l’en­ter­rant sous une montagne de décen­nies d’en­doc­tri­ne­ment selon lequel les plantes, les fibres et les phyto­nu­tri­ments étaient essen­tiels à la santé humaine. Comment ferais-je caca sans manger de fibres ? Qu’en est-il de tous les avan­tages de ces soi-disant compo­sés poly­phé­no­liquesN14 ? Qu’en est-il de mon micro­biomeN15 ? Tous les bons microbes qui vivent dans mon intes­tin ne mourraient-ils pas de faim sans amidon prébiotique ?

➡ La lecture de ce dernier para­graphe a pu vous plon­ger dans un état de disso­nance cogni­tiveN16. Tenez bon, ce n’est qu’un début ! 😀

(Page XXI) […] après des mois d’étude de la litté­ra­ture et un examen atten­tif des idées qui sous-tendent le régime carni­vore, j’ai décidé d’es­sayer. Je savais que si je ne chan­geais rien, mon eczéma n’al­lait proba­ble­ment pas s’amé­lio­rer, et je n’étais pas satis­fait de l’uti­li­sa­tion de médi­ca­ments pour le trai­ter à long terme.

Dès les trois premiers jours, j’ai su que ce mode d’ali­men­ta­tion avait quelque chose de spécial. J’ai commencé à ressen­tir un certain calme émotion­nel et une vision de plus en plus posi­tive de la vie, comme je n’en avais jamais connu aupa­ra­vant. Je ne m’at­ten­dais pas à ce senti­ment, mais ce fut une agréable surprise. J’avais l’im­pres­sion qu’une sorte de papier de verre avait été enroulé autour de mon cerveau et qu’on l’en­le­vait lente­ment. Tout à coup, les choses étaient plus douces et plus fluides dans ma psyché. Je crois main­te­nant que c’était dû à la réso­lu­tion progres­sive d’une inflam­ma­tion de bas niveau dans mon corps, qui a commencé dans mon intes­tin et s’est trans­mise à mon cerveau.

➡ Effet placebo ?

(Page XXI) Certains ont décrit des amélio­ra­tions simi­laires de la clarté mentale avec des états de cétoseN17, et cela a sans doute joué un rôle plus tard dans mon voyage carni­vore, mais lorsque j’avais commencé à explo­rer ce mode d’ali­men­ta­tion, j’in­cluais du miel dans mon régime et je consom­mais beau­coup de glucose. C’est l’éli­mi­na­tion des plantes qui avait entraîné ce profond chan­ge­ment dans mon expé­rience de la vie, et j’étais profon­dé­ment intri­gué par les autres avan­tages qu’un régime carni­vore pour­rait avoir.

(Page XXII) Depuis lors, je ne mange que des aliments d’ori­gine animale et je m’épa­nouis comme jamais aupa­ra­vant. Ma vision de la vie reste extrê­me­ment posi­tive, mes émotions sont stables, mon sommeil est répa­ra­teur, et mon corps est fort, mon éner­gie est pleine, ma libido robuste, et oui, je fais caca tous les jours et c’est beau.

(Page XXII) Ça vous semble trop beau pour être vrai ? C’était le cas pour moi aussi ! Cela me parais­sait complè­te­ment fou lorsque j’en ai entendu parler pour la première fois, alors si vous avez de telles pensées vous êtes en bonne compa­gnie. L’expérience que j’ai vécue avec ce mode d’ali­men­ta­tion a eu un tel impact que j’ai plongé tête bais­sée dans la recherche afin de comprendre les avan­tages, les méca­nismes qui sous-tendent ces avan­tages et les pièges poten­tiels. Ce livre est l’his­toire de ce que j’ai appris en cours de route et comment j’en suis venu à l’idée que tant de nos croyances nutri­tion­nelles de longue date sont tout à fait erro­nées et nous empêchent souvent de réali­ser notre véri­table poten­tiel. La majo­rité des mala­dies dont nous souf­frons aujourd’­hui sont de nature auto-immune et inflam­ma­toire, et je crois qu’en nous concen­trant sur les aliments d’ori­gine animale riches en nutri­ments en évitant les toxines présentes dans les plantes qui déclenchent ces proces­sus, nous retrou­ve­rons rapi­de­ment notre droit ances­tral à une santé et une vita­lité optimales.

(Page XXIV) Je suis bien conscient que de nombreux concepts dont je vais parler dans ce livre s’éloignent bruta­le­ment des normes socié­tales et que beau­coup d’entre vous se demandent peut-être : « Est-ce qu’il suggère vrai­ment que je ne devrais manger que de la viande pour le reste de ma vie ? Je ne pour­rais jamais faire ça ! »

Ce livre n’a pas pour but de vous limi­ter, mais plutôt de vous donner les connais­sances néces­saires pour faire des choix qui auront un impact posi­tif sur votre qualité de vie. Il a égale­ment pour but de vous aider dans votre chemi­ne­ment person­nel afin que vous puis­siez profi­ter au maxi­mum de la vie, chaque jour. En fin de compte, c’est votre aven­ture. En parta­geant avec vous ce que j’ai appris, j’es­père vous donner les outils néces­saires pour vous lancer dans votre propre quête, plutôt que de simple­ment imiter la mienne.

L’un de ces outils est l’équa­tion de la Qualité de vie. En termes simples, lors­qu’on suit cette équa­tion, l’ob­jec­tif est de toujours trou­ver la meilleure qualité de vie possible, et pour ce faire, nous devons savoir quels sont nos objec­tifs. Chaque personne a des expé­riences uniques et des objec­tifs diffé­rents en fonc­tion du stade où elle se trouve dans son parcours, et ces facteurs se tradui­ront par une qualité de vie supé­rieure diffé­rente pour chaque personne à un moment donné.

(Page XXV) L’équation de la Qualité de vie n’est pas censée être une carte de sortie de prison ou une excuse pour manger du gâteau. Il s’agit d’un encou­ra­ge­ment à toujours être conscient de ce qui nour­rit le plus votre âme au moment présent. Il vous donne la liberté de suspendre tout effort visant à modi­fier votre mode de vie si votre qualité de vie la plus élevée change tempo­rai­re­ment. Comme je l’ai mentionné précé­dem­ment, pour certaines personnes, la meilleure qualité de vie sera toujours l’amé­lio­ra­tion de leur santé person­nelle. Les personnes atteintes d’une mala­die auto-immuneN6 ou présen­tant des signes impor­tants d’in­flam­ma­tion peuvent entrer dans cette caté­go­rie. Pour les personnes qui vont géné­ra­le­ment bien et qui cherchent à opti­mi­ser leur santé, cepen­dant, il peut y avoir un peu plus de flexibilité.

C’est votre vie. C’est votre aven­ture. Vous déci­dez de vos objectifs.

Section I

1) Nos commencements

➡ Le contenu des obser­va­tions sur l’époque paléo­li­thique est en accord, pour l’es­sen­tiel, avec la série de cours dispen­sés en 2017 au Collège de France par le paléo-anthropologue Jean-Jacques Hublin, plus parti­cu­liè­re­ment les épisodes 3, 4 et 5 (Hublin JJ, 2017N18). Lire aussi sa leçon inau­gu­rale “Biologie de la culture : Paléoanthropologie du genre Homo” (Hublin JJ, 2017N19) et écou­ter sur France Culture les trois premières émis­sions “Depuis Lucy, 3 millions d’années d’Humanité” (2021N20). Voir aussi l’ar­ticle “The evolu­tion of the human trophic level during the Pleistocene” (Ben-Dor M et al., 2021N21).

Naturel de Nouka-Hiva
Source : Wikipedia

(Pages 6–7) […] Il est clair que la consom­ma­tion d’ali­ments d’ori­gine animale a été un élément vital de notre évolu­tion depuis le début. Katherine Milton, cher­cheuse à l’Université de Berkeley, est arri­vée à la même conclu­sion dans son article inti­tulé The Critical Role Played by Animal Source Foods in Human Evolution [Milton K, 2003N22] :

Sans un accès systé­ma­tique à des aliments d’ori­gine animale, il est haute­ment impro­bable que les humains en évolu­tion aient pu atteindre leur cerveau excep­tion­nel­le­ment grand et complexe tout en pour­sui­vant leur trajec­toire évolu­tive de primates grands, actifs et très sociaux. Au fur et à mesure de l’évo­lu­tion humaine, les jeunes enfants en parti­cu­lier, avec leur gros cerveau en pleine expan­sion et leurs besoins méta­bo­liques et nutri­tion­nels élevés par rapport aux adultes, auraient béné­fi­cié d’ali­ments de haute qualité concen­trés en volume, comme la viande.

(Page 7) Afin de déter­mi­ner la propor­tion d’ali­ments d’ori­gine animale dans le régime alimen­taire de nos prédé­ces­seurs, on peut mesu­rer la quan­tité d’azote ∂15N23 dans leurs os fossi­li­sés. En exami­nant les niveaux de cet isotope, les cher­cheurs sont capables de déduire où se situent les animaux dans la chaîne alimen­taire en iden­ti­fiant leurs sources de protéines. Les herbi­vores présentent géné­ra­le­ment des niveaux de ∂15 de 3 à 7 %, les carni­vores des niveaux de 6 à 12 % et les omni­vores des niveaux inter­mé­diaires. L’analyse d’échan­tillons prove­nant d’Hommes de NéandertalN24 et des premiers humains modernes a révélé des taux de 12 % et 13,5 % respec­ti­ve­ment, soit des taux encore plus élevés que ceux d’autres animaux carni­vores connus comme la hyène et le loup.

(Page 7) Que peut-on en déduire ? Ces niveaux extrê­me­ment élevés d’iso­topes ∂15N suggèrent qu’il y a 40 000 ans, l’Homo sapiensN25 et les NéandertaliensN24 concur­rents étaient des carni­vores de haut niveau trophique. Ils consom­maient la grande majo­rité de leurs protéines à partir de grands mammi­fères comme les mammouths, plutôt qu’à partir de sources végétales.

➡ Cette obser­va­tion, corré­lée avec la compa­rai­son de dosages de l’iso­tope de carbone C15, fait débat chez les paléo-anthropologues (Hublin JJ, 2017N18). Non pas le fait que les premiers humains modernes et les Néandertaliens aient été majo­ri­tai­re­ment consom­ma­teurs de viande, mais que leur carni­vo­risme aurait été encore plus radi­cal que celui des loups et des hyènes. Diverses hypo­thèses ont été formu­lées pour expli­quer cette anoma­lie : les taux sont influen­cés par d’autres facteurs, entre autres le fait que ces humains auraient consommé de la viande en décom­po­si­tion ou/et qu’ils auraient été victimes de périodes de famine.

(Page 7) Comme le ∂15N dans les os, les niveaux de stron­tium, de baryum et de calcium dans les dents fossi­li­sées peuvent égale­ment être utili­sés pour indi­quer les habi­tudes alimen­taires de nos ancêtres. Des études compa­rant les ratios de ces éléments suggèrent que si les AustralopithèquesN26 mangeaient un mélange de plantes et d’ali­ments d’ori­gine animale, le régime de l’Homo habi­lisN27 compor­tait beau­coup plus d’ali­ments d’ori­gine animale [Balter V et al., 2012N28], un chan­ge­ment qui coïn­cide avec la crois­sance rapide du cerveau obser­vée à cette époque de notre histoire. Le ParanthropusN29, en revanche, semble s’être davan­tage nourri d’ali­ments végé­taux, une préfé­rence qui a proba­ble­ment causé sa perte.

➡ Cette hypo­thèse appar­tient à l’auteur.

(Page 8) De nombreux anthro­po­logues étudiant des peuples indi­gènes dispa­rates ont noté une prédi­lec­tion pour les animaux les plus gras. Dans son livre The Paleoanthropology of and Archaeology of Big-Game Hunting, Speth déclare : « … la graisse, et non les protéines, semblait jouer un rôle très impor­tant dans les déci­sions des chas­seurs quant aux animaux (mâles ou femelles) à tuer et aux parties du corps à jeter ou à empor­ter. » [Speth JD, 2010N30]

(Page 8) Pourquoi nos ancêtres et les popu­la­tions indi­gènes plus récentes étaient-ils si déter­mi­nés à trou­ver de la graisse ? À un niveau très basique, c’était proba­ble­ment une pure ques­tion de calo­ries. À poids égal, les graisses four­nissent plus de deux fois plus de calo­ries que les protéines ou les glucides. De plus, le méta­bo­lisme humain fait de la graisse un aliment unique, précieux et néces­saire. […] Bien que nous puis­sions utili­ser les protéines comme source d’éner­gie en cas de besoin grâce à un proces­sus appelé gluco­néo­ge­nèse, elles ne consti­tuent pas une source d’éner­gie primaire.

(Page 9) Les récits histo­riques des explo­ra­teurs de l’Arctique nous parlent des dangers de la « famine du lapin », un état qui se produit lorsque nous mangeons trop de protéines maigres sans glucides ni graisses [Spath JD & Spielman KA, 1983N31]. Notre foie a une capa­cité limi­tée à trans­for­mer l’azote des acides aminés en urée, un composé hydro­so­luble que nous excré­tons dans notre urine [Bilsborough S & Mann N, 2006N32]. Lorsque la capa­cité du foie à trans­for­mer l’azote des protéines en urée est dépas­sée, l’ex­cès peut entraî­ner une augmen­ta­tion du taux d’am­mo­niac, ce qui provoque toutes sortes de stress dans l’organisme.

(Page 9) La limite supé­rieure pour les protéines dans notre régime alimen­taire semble être d’en­vi­ron 40 % de notre apport calo­rique total, seuil au-delà duquel nous risquons de dépas­ser la capa­cité du foie à trai­ter ce macro­nu­tri­ment. Cela signi­fie que 60 % de nos besoins calo­riques doivent être satis­faits par des graisses ou des glucides. Avez-vous déjà essayé de cher­cher des glucides diges­tibles dans la nature ? Ils sont plutôt rares ! Selon la lati­tude, les fruits pour­raient être dispo­nibles quelques fois par an pendant une très courte période de temps, mais nous devrions égale­ment entrer en compé­ti­tion avec d’autres animaux, des insectes et des moisis­sures. De plus, bien que certaines plantes aient des portions de racines qui pour­raient être comes­tibles et conte­nir des hydrates de carbone, elles sont rares et beau­coup sont toxiques.

➡ On parle ici d’époques qui précèdent la domes­ti­ca­tion du feuN33 il y a 400 000 ans. La cuis­son contri­bue forte­ment à la détoxi­fi­ca­tion et la diges­ti­bi­lité des végé­taux, mais l’ac­crois­se­ment de la taille du cerveau ne saurait lui être asso­cié car il est corrélé à la consom­ma­tion de viande il y a plus de 2 millions d’an­nées (Choi C, 2012N34).

(Page 9) Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, à part les fruits et tuber­cules occa­sion­nels, les tiges et les feuilles des plantes ne contiennent pas beau­coup de glucides et elles sont souvent truf­fées de produits chimiques de défense des plantes. La vaste gamme d’ali­ments végé­taux riches en glucides que l’on trouve aujourd’­hui dans les maga­sins d’ali­men­ta­tion n’a rien à voir avec la sélec­tion de plantes dans la nature ou avec celles que nos ancêtres devaient choisir.

(Page 10) À ce stade du livre, je souhaite parta­ger avec vous mon hypo­thèse sur le code carni­vore : Je crois que tout au long de notre évolu­tion, nos ancêtres ont chassé de préfé­rence les animaux et n’ont mangé des aliments végé­taux qu’en période de pénu­rie ou de famine. Je fonde mon hypo­thèse sur les facteurs suivants :

  1. Les données anthro­po­lo­giques, notam­ment la taille du cerveau, les données sur les isotopes stables des os et des dents, et les exemples des peuples autoch­tones dont nous venons de parler ;
  2. La dispo­ni­bi­lité nette­ment plus élevée de l’éner­gie prove­nant des animaux par rapport aux aliments végétaux […] ;
  3. La teneur en nutri­ments large­ment supé­rieure des aliments d’ori­gine animale […]. 

(Page 10) Je ne suggère pas que nos ancêtres ne mangeaient jamais d’ali­ments végé­taux, mais qu’ils privi­lé­giaient les aliments d’ori­gine animale en raison de leur supé­rio­rité calo­rique et nutri­tion­nelle. Quand nous ne pouvions pas trou­ver d’ali­ments d’ori­gine animale, nous pouvions manger des plantes comme solu­tion de rechange, mais elles ne semblent pas avoir consti­tué une part impor­tante du régime alimen­taire de nos ancêtres.

➡ L’exposé “The Vegetal Diet of Pleistocene Hominins” (2014N35) par Amanda G. Henry (Max-Planck Institute for Evolutionary Anthropology, Leipzig) présente un pano­rama complet de l’évo­lu­tion des régimes alimen­taires, notam­ment de l’im­por­tance trop igno­rée de la contri­bu­tion végé­tale à l’ali­men­ta­tion des ancêtres de l’Homme moderne. D’autre part, il a été observé que les chas­seurs se nour­ris­saient aussi du contenu (végé­tal) des entrailles de certains animaux.
Le biais inverse appa­raît dans les commen­taires de repor­tages desti­nés au grand public, par exemple (France 2 le 13 juin 2021) : « [Les habi­tants de la grotte Chauvet] se nour­ris­saient de cham­pi­gnons et de fruits sauvages ; ils chas­saient le renne. »

➡ Lawrence A David et al. (2014N36) ont observé la flexi­bi­lité méta­bo­lique du micro­biomeN15 intes­ti­nal — l’en­semble des gènes présents dans le micro­bioteN37 — en réponse à un chan­ge­ment radi­cal de régime alimen­taire, concluant : « Notre constat que le micro­biome intes­ti­nal humain est capable de passer rapi­de­ment d’un profil fonc­tion­nel de consom­ma­teur de plantes à un profil fonc­tion­nel carni­vore peut reflé­ter les pres­sions sélec­tives qui se sont exer­cées au cours de l’évo­lu­tion humaine. »

(Page 11) Nos esto­macs sont en réalité des chau­drons d’acide, atten­dant avec impa­tience que les aliments arrivent de l’œso­phage pour ensuite les digé­rer en compo­sants plus basiques. C’est dans l’es­to­mac que nous décom­po­sons les protéines, les graisses et les glucides complexes qui composent notre nour­ri­ture. Lorsque cette bouchée de steak de mammouth quitte votre esto­mac, elle n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était au départ. Le pH d’un esto­mac humain sain est d’en­vi­ron 1.5, ce qui est très acide sur l’échelle de pH qui va de 0 à 14 (plus il est bas, plus il est acide, plus il est haut plus il est alca­lin). Si le contenu de votre esto­mac, dont le pH est de 1.5, se répan­dait dans le reste de votre abdo­men, vous fondriez litté­ra­le­ment de l’intérieur.

Comment l’aci­dité de l’es­to­mac humain se compare-t-elle à celle du chim­panzé ? Nos loin­tains ancêtres primates avaient un pH stoma­cal de 4 à 5, ce qui est beau­coup moins acide. Le pH est une échelle loga­rith­mique, et chaque augmen­ta­tion de 1 se traduit par une solu­tion 10 fois moins acide [Beasley DAE et al., 2015N38]. Nos esto­macs sont envi­ron 1000 fois plus acides que celui d’un chim­panzé. 1000x n’est pas une blague, et ce n’est certai­ne­ment pas un acci­dent. Notre esto­mac est devenu beau­coup plus acide parce que, il y a 3 ou 4 millions d’an­nées, notre régime alimen­taire est passé d’une alimen­ta­tion essen­tiel­le­ment végé­tale à une alimen­ta­tion compre­nant de nombreux aliments d’ori­gine animale, puis, il y a 2 millions d’an­nées, à une alimen­ta­tion essen­tiel­le­ment animale.

(Page 12) Vous vous souve­nez de LucyN39 et de la taille de son cerveau ? On pense que les premiers « pré-humains » (géné­ra­le­ment consi­dé­rés comme des austra­lo­pi­thèques) étaient prin­ci­pa­le­ment des charo­gnards, se nour­ris­sant de viande moins fraîche. Un esto­mac extrê­me­ment acide aurait été très utile pour une telle acti­vité. Aujourd’hui encore, le faible pH de notre esto­mac nous protège des agents patho­gènes présents dans l’en­vi­ron­ne­ment et décom­pose les aliments si inten­sé­ment qu’ils ne sont pas consi­dé­rés comme étran­gers par le système immu­ni­taire rési­dant dans les parois de notre trac­tus intes­ti­nal. Des médi­ca­ments phar­ma­ceu­tiques comme les inhi­bi­teurs de pompe à protons augmentent le pH et, par consé­quent, le risque de contrac­ter une pneu­mo­nie, des infec­tions et de nombreuses aller­gies [Fohl AL & Regal RE, 2011N40 ; Jordakieva G et al., 2019N41]. De plus, avec une acidité moindre dans l’es­to­mac, les parti­cules alimen­taires non digé­rées pour­raient passer dans l’in­tes­tin grêle et inter­agir avec les armées de cellules immu­ni­taires qui se trouvent à une seule couche cellu­laire de lumen dans la paroi intes­ti­nale. Il est clair que le main­tien d’un faible pH de l’es­to­mac était, et conti­nue d’être, essen­tiel pour une santé humaine opti­male. Le fait qu’il soit beau­coup plus bas que celui de nos ancêtres primates n’est pas un acci­dent. Il indique direc­te­ment un chan­ge­ment radi­cal de régime alimen­taire au début de notre évolu­tion en tant qu’HominidésN42 [ou plutôt HomininaN43, NDT] et révèle des pres­sions sélec­tives pour les personnes les mieux adap­tées à la consom­ma­tion de viandes animales fraîches et moins fraîches.

Chimpanzé. Source : Rule of 6ix

(Page 12) La compa­rai­son de la struc­ture de notre tube diges­tif avec celle d’un primate révèle une diver­gence impor­tante, proba­ble­ment due à l’évo­lu­tion des préfé­rences alimen­taires il y a 2 à 3 millions d’an­nées. Nous possé­dons un intes­tin grêle beau­coup plus long, tandis que nos côlons ont consi­dé­ra­ble­ment rétréci.

Les primates doivent passer la majeure partie de leurs jour­nées à mâcher des feuilles et d’autres matières végé­tales pour obte­nir suffi­sam­ment de calo­ries, prin­ci­pa­le­ment sous la forme de glucides d’ori­gine végé­tale. Ceux-ci traversent rapi­de­ment leur intes­tin grêle, plus court, avant d’ar­ri­ver au volu­mi­neux cæcum (la première partie du gros intes­tin) et au côlon. Chez les primates, la matière végé­tale traîne dans l’énorme gros intes­tin où elle subit une fermen­ta­tion et entraîne la produc­tion de grandes quan­ti­tés d’acides gras à chaîne courte, qui sont ensuite utili­sés comme source prin­ci­pale de leurs calo­ries. Même si les primates mangent des montagnes de matières végé­tales à base de glucides, ils se nour­rissent en fait de graisses ! Ils ont besoin d’un côlon aussi large pour abri­ter les bacté­ries qui trans­forment par fermen­ta­tion toutes les fibres végé­tales qu’ils mangent en ces graisses qui leur four­nissent de l’éner­gie. Si vous avez vu des singes ou des singes anthro­poïdes, vous aurez remar­qué que leur cage thora­cique est incli­née vers l’ex­té­rieur et que leur ventre est protu­bé­rant pour accueillir leurs côlons volumineux.

(Page 13) En commen­çant par Lucy et en progres­sant vers l’Homo erec­tusN44 puis au-delà, nos intes­tins ont commencé à chan­ger à mesure que nous mangions de plus en plus d’ali­ments d’ori­gine animale. Vous vous rappe­lez que nos cerveaux ont commencé à se déve­lop­per à la même époque ? Une théo­rie convain­cante appe­lée « l’hy­po­thèse du tissu coûteux » relie tout cela [Aiello LC, 1997N45]. Le cerveau et l’in­tes­tin sont des tissus très actifs sur le plan méta­bo­lique qui ont besoin de beau­coup d’éner­gie pour fonc­tion­ner correc­te­ment par rapport à leur masse. Un gramme de tissu céré­bral néces­site vingt-deux fois plus d’éner­gie pour fonc­tion­ner qu’un gramme de tissu muscu­laire. Nos intes­tins sont tout aussi gourmands.

Selon l’hy­po­thèse du tissu coûteux, pour que notre cerveau puisse croître en taille sans augmen­ter de manière signi­fi­ca­tive nos besoins calo­riques globaux (l’aug­men­ta­tion des besoins calo­riques aurait fait l’ob­jet d’une forte sélec­tion dans le contexte de l’évo­lu­tion), un autre tissu du corps devrait dimi­nuer en taille et en demande d’éner­gie. Des systèmes orga­niques distincts devaient faire un compro­mis éner­gé­tique, et c’est exac­te­ment ce qui semble s’être produit avec le cerveau et les intes­tins. Il semble que notre intes­tin grêle se soit légè­re­ment agrandi pour pouvoir mieux absor­ber les nouvelles protéines et graisses de notre alimen­ta­tion à base d’ani­maux, ce qui a permis au côlon et à la taille globale du trac­tus gastro-intestinal de dimi­nuer consi­dé­ra­ble­ment. Le côlon et le trac­tus gastro-intestinal ont ainsi pu rétré­cir de manière substan­tielle. Alors que la taille de l’in­tes­tin et les besoins éner­gé­tiques dimi­nuaient, le cerveau a pu se déve­lop­per progres­si­ve­ment au fil des géné­ra­tions pour deve­nir l’ins­tru­ment stel­laire que nous possé­dons aujourd’­hui. Le rétré­cis­se­ment de l’in­tes­tin a égale­ment permis de redres­ser la cage thora­cique et d’apla­tir le ventre.

(Page 14) Certains ont avancé que l’aug­men­ta­tion frap­pante de la taille du cerveau obser­vée chez nos ancêtres pour­rait être due à une consom­ma­tion impor­tante de tuber­cules riches en amidon, mais cette théo­rie présente deux problèmes majeurs. Le premier est que nos ancêtres ne semblent pas avoir commencé à utili­ser le feu avant 1.5 million d’an­nées après le chan­ge­ment brutal de la taille de la voûte crânienne, et pour que les tuber­cules four­nissent des glucides et des calo­ries acces­sibles, ils doivent être cuits. Le timing semble être incorrect.

Fresque d’un pécheur
Âge de Bronze, île grecque de Santorini
Source : Wikipedia

(Page 15) Avec ce que nous avons appris jusqu’à présent, nous pouvons main­te­nant ajou­ter à mon hypo­thèse précé­dente : manger des animaux nous a rendus humains en nous four­nis­sant des aliments de meilleure qualité et riches en nutri­ments. Ces aliments néces­si­taient un tube diges­tif moins éner­gi­vore et moins axé sur la fermen­ta­tion, ce qui a ouvert les portes éner­gé­tiques à une augmen­ta­tion de la taille et de la complexité du cerveau. En outre, l’ac­cès à des nutri­ments tels que les acides gras oméga 3N46 sous des formes haute­ment biodis­po­nibles a proba­ble­ment joué un rôle ici aussi. Des études sur le déve­lop­pe­ment du cerveau des nour­ris­sons nous ont appris que le cerveau humain a besoin de beau­coup de DHAN47 et d’EPAN48 [Coletta JM et al. 2010N49]. Plus les mères enceintes et les nour­ris­sons ont accès à ces nutri­ments, mieux c’est. En effet, on a dit que le DHA jouait un « rôle unique et indis­pen­sable dans la signa­li­sa­tion neuro­nale essen­tielle à une intel­li­gence supé­rieure » [Dyall SC, 2015N50]. […] Le DHA n’est pas présent dans les plantes, et les humains ne parviennent pas à conver­tir la forme précur­seur de l’oméga 3 en ce précieux élément de construc­tion du cerveau.

➡ La consom­ma­tion d’ani­maux aqua­tiques a joué un rôle essen­tiel, bien que les traces en soient moins visibles sur les sites archéo­lo­giques : il est plus diffi­cile de détec­ter des restes de pois­sons que des osse­ments. Jean-Jacques Hublin (2017N18) a toute­fois signalé qu’on retrouve beau­coup de traces de groupes humains autour des lacs, ce qui paraît indi­quer que la faune aqua­tique contri­buait forte­ment à l’ali­men­ta­tion. On a retrouvé des outils spéci­fiques de la pêche datant d’il y a 90 000 ans.

➡ Dans « La nais­sance d’Homo, le chim­panzé marin », Michel Odent remarque que les fossiles d’an­ciennes popu­la­tions côtières sont inac­ces­sibles (2017N51 page 21) : « Rappelons […] qu’il y a vingt mille ans, du fait du volume des glaces, le niveau des mers était approxi­ma­ti­ve­ment 130 mètres plus bas qu’au début de la révo­lu­tion néoli­thique, il y a envi­ron dix mille ans. Cela implique que si la plupart des êtres humains vivaient le long des côtes pendant la dernière période glaciaire, seuls les fossiles de la mino­rité qui vivait à l’in­té­rieur des terres peuvent être trou­vés. »

2) Notre pire erreur

Laboureur.
Fresque de la chambre funé­raire de Sennedjem
Source : Wikipedia

(Page 20) Et si je vous disais qu’à un moment donné de notre histoire évolu­tive, notre santé est passée d’une appa­rence plutôt bonne à une santé exécrable presque du jour au lende­main ? Eh bien, c’est exac­te­ment ce qui s’est passé il y a envi­ron 12 000 ans, pendant la révo­lu­tion néoli­thique, lorsque nous avons commencé à culti­ver la terre et rejoint « le culte de la graine ». Ce surnom a été donné à l’avè­ne­ment de l’agri­cul­ture par Jared Diamond, auteur de nombreux ouvrages exami­nant notre voyage humain à travers le temps. Il a déclaré [1987N52] :

L’archéologie est en train de démo­lir une autre croyance sacrée : l’his­toire de l’hu­ma­nité au cours du dernier million d’an­nées aurait été une longue histoire de progrès. En parti­cu­lier, des décou­vertes récentes suggèrent que l’adop­tion de l’agri­cul­ture, censée être notre étape la plus déci­sive vers une vie meilleure, a été à bien des égards une catas­trophe dont nous ne nous sommes jamais remis. Avec l’agri­cul­ture sont appa­rues les inéga­li­tés sociales et sexuelles flagrantes, les mala­dies et le despo­tisme, qui empoi­sonnent notre existence.

➡ Spécialiste de l’iden­ti­fi­ca­tion de frag­ments d’ali­men­ta­tion végé­tale sur les dents des HomininaN43, Amanda Henry signale qu’à l’époque de l’in­ven­tion de l’agri­cul­ture et de l’éle­vage, la popu­la­tion humaine avait drama­ti­que­ment dimi­nué pour atteindre son niveau le plus bas (2014N35). Quelles qu’aient été les raisons de cette dimi­nu­tion, l’agri­cul­ture — donc impli­ci­te­ment la consom­ma­tion de plantes — a contri­bué à l’ex­pan­sion expo­nen­tielle de la popu­la­tion. C’est surtout l’aug­men­ta­tion de la taille des groupes humains, de la tribu d’en­vi­ron 150 personnes au village, puis du village à la ville, qui serait à l’ori­gine des trans­for­ma­tions sociales « catas­tro­phiques » signa­lées par Jared Diamond.

➡ Dans la dernière minute de son exposé, Henry (2014N35) fait appa­raître un biais person­nel de préfé­rence pour un régime végé­tal en tentant (sans convic­tion) de réha­bi­li­ter la consom­ma­tion de céréales dans l’ali­men­ta­tion moderne, ce qui était hors-sujet !

(Page 20) Affirmer que l’avè­ne­ment de l’agri­cul­ture est respon­sable de bon nombre des commo­di­tés dont nous jouis­sons aujourd’­hui est un saut intel­lec­tuel trop auda­cieux qui repose sur de nombreuses hypo­thèses non examinées.

(Page 21) La plus impor­tante de ces hypo­thèses est peut-être la notion selon laquelle, avant l’agri­cul­ture, nos vies étaient cruelles, brutales et courtes. Le mode de vie observé dans les groupes indi­gènes actuels indique le contraire. Les chasseurs-cueilleurs d’au­jourd’­hui, comme les !Kung, les Hadza, les Inuits et les Maasai, jouissent d’une grande vigueur tard dans leur vie et sont géné­ra­le­ment épar­gnés par les épidé­mies de mala­dies chro­niques qui frappent la société occi­den­tale moderne.

Ne nous a‑t-on pas dit que l’es­pé­rance de vie de ces groupes est bien pauvre en compa­rai­son de la nôtre ? Il est impor­tant de noter que cette affir­ma­tion ne mentionne pas le facteur de risque de morta­lité dans les socié­tés de chasseurs-cueilleurs. Au cours des quinze premières années de leur vie, ils ont 75 à 199 fois plus de risque de mourir que les indi­vi­dus des socié­tés occi­den­tales [Gurven M & Kaplan H, 2007N53]. Autrement dit, de la nais­sance à l’âge de quinze ans, vous avez beau­coup plus de risque de mourir en tant que chasseur-cueilleur qu’en tant qu’oc­ci­den­tal. Les facteurs qui contri­buent à ce risque de morta­lité sont notam­ment un accès moindre à l’eau potable, le manque d’ins­tal­la­tions sani­taires pour les déchets, les mala­dies infec­tieuses et les bles­sures traumatiques.

Les compa­rai­sons de l’es­pé­rance de vie entre ces groupes sont brouillées par ces taux de morta­lité infan­tile gonflés. Lorsque nous compa­rons la santé, la vita­lité et la qualité de vie des groupes indi­gènes âgés à celles des Occidentaux, les premiers sont clai­re­ment supé­rieurs à tous égards.

J’imagine que vous vous dites : l’as­sai­nis­se­ment n’est-il pas le résul­tat de notre évolu­tion depuis l’agri­cul­ture ? Bravo à vous, lecteur avisé, c’est une excel­lente ques­tion. L’objectif de cette partie du livre n’est pas de dire que la progres­sion de notre société par rapport à l’époque des chasseurs-cueilleurs (l’ac­cent est mis sur les chas­seurs) a été entiè­re­ment mauvaise, mais plutôt de souli­gner que si certaines choses béné­fiques ont été acquises au cours de ce voyage, de nombreuses choses néga­tives, comme les mala­dies chro­niques, l’ont égale­ment été [Araújo J et al., 2019N54]. Selon les esti­ma­tions actuelles, 88 % de la popu­la­tion occi­den­tale souffre d’une forme de mala­die méta­bo­lique, de pré-diabète et de résis­tance à l’in­su­lineN55. Je revien­drai sur la résis­tance à l’in­su­line au chapitre 11, mais pour l’ins­tant, il suffit de dire que cet état est à l’ori­gine de la majo­rité des mala­dies chro­niques qui para­lysent notre société actuelle, notam­ment le diabète, les mala­dies cardiaques, l’hy­per­ten­sion et l’infertilité.

(Page 22) À quoi ressem­blait notre vie quoti­dienne avant l’avè­ne­ment de l’agri­cul­ture (égale­ment connue sous le nom de Révolution Néolithique) ? Personne ne le sait avec certi­tude, mais l’étude des chasseurs-cueilleurs actuels nous donne quelques indi­ca­tions. Notes de Diamond [1987N52] :

Bushmen, Botswana. Source : voya​geons​-autre​ment​.com

Dispersés dans le monde, plusieurs dizaines de groupes de personnes dites primi­tives, comme les Bushmen du Kalahari, conti­nuent de subve­nir à leurs besoins de cette manière. Il s’avère que ces gens ont beau­coup de temps libre, dorment beau­coup et travaillent moins dur que leurs voisins agri­cul­teurs. Par exemple, le temps moyen consa­cré chaque semaine à l’ob­ten­tion de nour­ri­ture n’est que de 12 à 19 heures pour un groupe de Bushmen, et de 14 heures ou moins pour les nomades Hadza de Tanzanie.

Ce tableau idyl­lique (malheu­reu­se­ment forte­ment dégradé dans les récentes décen­nies) tend à proje­ter des chasseurs-cueilleurs du paléo­li­thique une image d’êtres vivant en « parfait accord avec la nature », autre­ment dit intrin­sè­que­ment « respec­tueux de leur envi­ron­ne­ment ». Des recherches plus pous­sées ont montré que, déjà à cette époque, l’ac­crois­se­ment de la popu­la­tion humaine exer­çait une forte pres­sion de sélec­tion sur les espèces animales et la végé­ta­tion : dispa­ri­tion de grands félins dans l’est de l’Afrique, taille décrois­sante des animaux expo­sés à la préda­tion humaine, ou encore destruc­tion de forêts par des incen­dies desti­nés à augmen­ter le péri­mètre des terrains de chasse (Hublin JJ, 2017N18 épisode 6).

(Pages 23–24) De nombreuses études sur des popu­la­tions variées montrent une forte corré­la­tion entre la taille adulte et la qualité nutri­tion­nelle. Une étude portant sur la taille des hommes dans 105 pays a abouti à la conclu­sion suivante [Grasgruber P et al., 2016N56] :

Dans les nations de grande taille … la consom­ma­tion de protéines végé­tales dimi­nue nette­ment au détri­ment des protéines animales, notam­ment celles issues des produits laitiers. Les taux de consom­ma­tion les plus élevés se trouvent en Europe du Nord et en Europe centrale, le pic mondial de la taille mascu­line étant atteint aux Pays-Bas (184 cm).

Dans cette vaste étude sur la qualité nutri­tion­nelle, il est intri­guant de consta­ter que la consom­ma­tion d’ali­ments d’ori­gine animale est direc­te­ment corré­lée à une plus grande taille chez les hommes. Les auteurs soulignent que même dans des condi­tions d’équi­va­lence calo­rique entre les cultures à forte consom­ma­tion de plantes et celles à forte consom­ma­tion d’ani­maux, les niveaux de taille étaient plus élevés dans ces dernières. D’autres études sont arri­vées à des conclu­sions simi­laires concer­nant le rôle clé que joue la qualité nutri­tion­nelle dans la déter­mi­na­tion de la taille adulte [Perkins JM et al., 2016N57] :

Les résul­tats des études indiquent qu’une petite taille des adultes (reflé­tant un retard de crois­sance) dans les pays à revenu faible et moyen est déter­mi­née par les condi­tions envi­ron­ne­men­tales, en parti­cu­lier la nutri­tion au cours des premières années … Cette revue suggère que la taille adulte est un marqueur utile de la varia­tion de la nutri­tion cumu­la­tive, de la priva­tion biolo­gique et du niveau de vie entre et au sein des popu­la­tions, et qu’elle devrait être mesu­rée systématiquement.

(Page 24) Un autre type de lésion osseuse, connu sous le nom d’hyper­os­to­sie poro­tiqueN58, se produit dans le crâne et les os les plus minces du corps et évoque des carences en nutri­ments tels que le zinc et le fer. Ces lésions remar­quables donnent aux os minces un aspect « spon­gi­forme », car la moelle se dilate et les autres couches s’érodent. Aux Dickson Mounds [un cime­tière d’Améridiens], les orbites et les crânes présen­taient une hyper­os­tose poro­tique, avec là encore des marques qui montrent une augmen­ta­tion d’oc­cur­rence et de gravité après la dispa­ri­tion des pratiques de chasse au profit de l’agri­cul­ture. L’incidence de la dégé­né­res­cence arthri­tique des arti­cu­la­tions et de la colonne verté­braleN59 semble égale­ment avoir doublé entre ces deux périodes. Les défauts de l’émail des dents, qui suggèrent un apport insuf­fi­sant en vita­mines lipo­so­lubles propres aux aliments d’ori­gine animale, ont égale­ment augmenté au cours de cette période. Il est clair que le fait de manger moins d’ani­maux et plus de plantes culti­vées a été un désastre pour la santé de ces peuples. Malgré une augmen­ta­tion de la popu­la­tion, leur état de santé géné­ral s’est forte­ment dégradé.

(Page 25) Ce type d’évo­lu­tion néga­tive de la santé n’est toute­fois pas produit unique­ment chez les chasseurs-cueilleurs de l’Illinois. Dans l’ou­vrage Paleopathology at the Origins of Agriculture, les auteurs décrivent cette tendance dans 19 des 21 cultures ayant connu la trans­for­ma­tion agri­cole [Cohen MN et al., 1984N60]. De même, dans Nutrition and Physical Degeneration, Weston A. Price a observé un contraste frap­pant dans la santé physique et dentaire des popu­la­tions du monde entier lors­qu’elles consom­maient des régimes tradi­tion­nels et des aliments trans­for­més occi­den­taux [Price WA, 2003N61].

Pas de source docu­men­taire de cette figure, de toute évidence (maladroi­te­ment) fabri­quée par l’au­teur (Saladino P, 2020N1 page 25)

(Page 25) Lorsque les popu­la­tions du monde entier ont commencé à se tour­ner vers l’agri­cul­ture, il y a envi­ron 10 000 ans, quels que soient l’en­droit et le type de culture, une tendance simi­laire s’est produite : la taille et la santé des personnes ont dimi­nué. L’analyse des sque­lettes suggère que ces peuples néoli­thiques ont subi « un stress physio­lo­gique plus impor­tant dû à la sous-nutrition et aux mala­dies infec­tieuses » [Ulijaszek S, 1991N62].

➡ Stanley Ulijaszek écrit plus préci­sé­ment (1991N62) : « Certaines patho­lo­gies trou­vées dans les restes de sque­lettes humains de cette époque sont indi­ca­tives d’ané­mie et d’os­téo­po­rose, bien qu’il ne soit pas clair qu’elles aient eu des étio­lo­gies nutri­tion­nelles mani­festes. […] Les résul­tats suggèrent que la carence en protéines n’était probable que si les sujets souf­fraient d’une carence éner­gé­tique chro­nique (CED) et que leur régime ne conte­nait pas de viande. Une carence en calcium alimen­taire était envi­sa­geable après le passage à la culture et à l’éle­vage, en présence d’une CED modé­rée ou sévère. Les anémies, bien que présentes après la tran­si­tion, étaient peu suscep­tibles d’avoir des étio­lo­gies alimen­taires, quelle que soit la sévé­rité de la CED. »

➡ On retrouve ces obser­va­tions dans la publi­ca­tion plus récente “Stature and robus­ti­city during the agri­cul­tu­ral tran­si­tion : evidence from the bioar­chaeo­lo­gi­cal record” (Mummert A et al., 2011N63 page 284) : « On a observé que l’im­pact de l’agri­cul­ture, accom­pa­gné d’une augmen­ta­tion de la densité de popu­la­tion et d’un accrois­se­ment des mala­dies infec­tieuses, dimi­nuait la stature des popu­la­tions du monde entier, quelle que soit la période pendant laquelle l’agri­cul­ture a été adop­tée, notam­ment en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique du Sud et en Amérique du Nord. » Les auteurs ne se prononcent toute­fois pas sur les causes (multi­fac­to­rielles) de cette dimi­nu­tion de taille des indi­vi­dus adultes.

➡ D’autres cher­cheurs ont suggéré que cette dimi­nu­tion tran­si­toire du volume céré­bral a pu être causée par la « domes­ti­ca­tion » des hommes modernes, en paral­lèle avec ce qu’on observe « chez des mammi­fères comme les porcs, les moutons, les chameaux, les furets et les visons […] les animaux domes­ti­qués [ayant] peu d’oc­ca­sions d’être dans un état d’ini­tia­tive, d’être en compé­ti­tion et de lutter pour la vie. Ils ont moins d’oc­ca­sions que les animaux sauvages d’ac­ti­ver leur cerveau » (Odent M, 2017N51 page 46).

➡ Toutefois, pour­suit Odent (2017N51 page 46), « Cette discrète tendance vers une réduc­tion du volume céré­bral était aussi proba­ble­ment liée à l’avè­ne­ment de l’agri­cul­ture et à une alimen­ta­tion à base de céréales. » Il cite, parmi les facteurs nutri­tion­nels, l’in­fluence sur le péri­mètre crânien des nouveau-nés de la consom­ma­tion d’ani­maux marins pendant la gros­sesse, véri­fiée par des études inter­ven­tion­nelles en Angleterre et sujet de la thèse de Lesley F Meeson (2007N64). Un autre facteur nutri­tion­nel lié à une diète riche en glucides serait l’aug­men­ta­tion signi­fi­ca­tive des quan­ti­tés d’acry­la­midesN65 « dans les aliments de consom­ma­tion courante tels que les frites, les biscuits, les céréales pour petit déjeu­ner et le café. […] Une étude pros­pec­tive euro­péenne mère-enfant [Pedersen M et al., 2012N66] a mis en évidence les effets de l’ex­po­si­tion à l’acry­la­mide sur des para­mètres qui incluaient le péri­mètre crânien à la nais­sance » (Odent M, 2017N51 page 48).

(Page 28) Sur la base de la supé­rio­rité éner­gé­tique et nutri­tion­nelle, nos ancêtres ont toujours privi­lé­gié les aliments d’ori­gine animale par rapport à ceux d’ori­gine végé­tale lorsque les aliments d’ori­gine animale étaient dispo­nibles. Les esti­ma­tions actuelles du rapport entre la consom­ma­tion de végé­taux et d’ani­maux chez les chasseurs-cueilleurs d’au­jourd’­hui suggèrent une répar­ti­tion approxi­ma­tive de 50–50 [Cordain L et al., 2002N67]. Mais, comme beau­coup l’ont souli­gné, ces popu­la­tions n’ont plus accès au gros gibier et sont contraintes de s’adap­ter aux chan­ge­ments de leur envi­ron­ne­ment en récol­tant davan­tage d’ali­ments végé­taux. Ainsi, les popu­la­tions de chasseurs-cueilleurs vivant actuel­le­ment sont une mauvaise indi­ca­tion des quan­ti­tés rela­tives d’ali­ments animaux et végé­taux consom­més par leurs plus loin­tains prédécesseurs.

➡ Par exemple, les chasseurs-cueilleurs HadzaN68, en Afrique orien­tale, ont perdu les trois quarts de leur terri­toire de chasse au cours des cinquante dernières années. Les Bushmen du Botswana n’ont plus le droit de chasser.

➡ Le résumé de l’ar­ticle de Cordain L et al. (2002N67) reflète les préju­gés en vogue concer­nant les causes de mala­dies cardio­vas­cu­laires : « L’augmentation de la consom­ma­tion de viande dans les régimes alimen­taires occi­den­taux étant fréquem­ment asso­ciée à un risque accru de morta­lité par mala­dies cardio­vas­cu­laires, il est appa­rem­ment para­doxal que les socié­tés de chasseurs-cueilleurs, qui consomment la majo­rité de leur éner­gie à partir d’ali­ments d’ori­gine animale, se soient révé­lées rela­ti­ve­ment exemptes de signes et de symp­tômes de mala­dies cardio­vas­cu­laires. » — La solu­tion de l’énigme se trouve dans mon article : Pourquoi diminuer le cholestérol ?

Section II

➡ Il faut se souve­nir de la démarche de l’au­teur avant de lire ce long réqui­si­toire sur la toxi­cité des plantes. Paul Saladino a écrit (page XV) qu’il recher­chait, aux fins de détoxi­fi­ca­tionN69, un régime restreint aux nutri­ments néces­saires pour fonc­tion­ner de manière « opti­male », sous les formes les plus biodis­po­nibles avec la plus petite quan­tité de toxines. Il montre dans la suite de l’ou­vrage qu’un éven­tail suffi­sam­ment diver­si­fié de produits d’ori­gine animale satis­fe­rait ces condi­tions. Dans cette approche qui met en jeu la balance bénéfice-risqueN70, les plantes ne sont plus utili­sées pour leur valeur nutri­tion­nelle mais plutôt — le cas échéant — pour leur valeur médi­ci­nale. Un indi­vidu sain pendrait en compte d’autres critères tels que la saveur, l’es­thé­tique et les tradi­tions culi­naires. Retenir, par ailleurs, que des trans­for­ma­tions comme la cuis­son, le trem­page et la fermen­ta­tion réduisent forte­ment la toxi­cité des végé­taux et augmentent leur biodis­po­ni­bi­litéN71.

3) Des armes chimiques

Merle moqueur. Source : Matt MacGillivray

(Page 33) Bienvenue dans le monde des plantes ! Alors que des insectes et autres animaux choi­sissent d’al­ler grigno­ter notre verdure voisine, les plantes ne peuvent pas se sauver, mordre, ni les mena­cer orale­ment pour se défendre. […] Elles ont été confron­tées à ce dilemme depuis le début de leur histoire évolu­tive, il y a envi­ron 470 millions d’an­nées et, pendant tout ce temps, elles ont élaboré une solu­tion : s’équi­per de méca­nismes de défense à large spectre, aussi bien physiques que chimiques.

(Page 34) Je ne comprends pas vrai­ment ce qui nous a inci­tés à croire que les plantes seraient fonda­men­ta­le­ment bien­veillantes et que tout ce qui provient d’une plante serait bon pour nous. […] En surface, les plantes paraissent assez amicales, mais si nous y regar­dons de plus près c’est une autre histoire. La plupart des substances que nous tenons pour des « phyto­nu­tri­ments » sont en réalité des « armes végé­tales » conçues méti­cu­leu­se­ment pour dissua­der les insectes, animaux et cham­pi­gnons de les consom­mer au petit déjeu­ner. Les plantes ne veulent pas être mangées — certes, les fruits c’est une autre histoire, nous en repar­le­rons, mais ce n’est pas encore aussi bon pour vous.

(Page 34) L’affirmation « les plantes ne veulent pas être mangées » tient aussi pour les animaux. Mais souvenez-vous que les animaux ont déve­loppé d’autres méca­nismes pour combattre leurs préda­teurs. ➡ Des méca­nismes qui ne les rendent pas incomestibles.

(Page 35) Il existe des centaines de milliers de substances chimiques produites par le règne végé­tal qui peuvent nous faire du mal. On peut gros­siè­re­ment les clas­ser en deux caté­go­ries. La première, et la plus grande, est celle des phytoa­lexinesN72, direc­te­ment produites pour repous­ser les attaques d’in­sectes, animaux et cham­pi­gnons. Cette caté­go­rie contient de nombreuses substances dont on nous a ensei­gné qu’elles étaient bonnes pour nous, entre autres les gluco­si­no­latesN73 et de nombreux poly­phé­nolsN14. Le terme « gluco­si­no­late » peut vous paraître étran­ger, mais vous connais­sez proba­ble­ment un des produits déri­vés de cette famille qu’on appelle le sulfo­ra­phaneN74, qui se présente en grandes quan­ti­tés quand nous mangeons des brocolis.

(Page 35) Les poly­phé­nols proba­ble­ment les plus connus sont le resvé­ra­trolN75 et la curcu­mineN76, et si vous croyez la légende, en les consom­mant vous allez vivre éter­nel­le­ment, vous débar­ras­ser de toute inflam­ma­tion, peut-être même il vous pous­sera des ailes. Voir le chapitre (5) pour la décons­truc­tion de ce mythe.

(Page 36) Les phytoa­lexinesN72 peuvent être vues comme les pesti­cides des plantes … ceux qui sont produits par les plantes comme des protec­tions chimiques [Mithöfer A & Maffei ME, 2016N77]. Dans leur article Dietary pesti­cides (99.99 % all natu­ral) [1990N78] […] Bruce N. Ames écri­vait [cita­tion augmen­tée] :

L’importance toxi­co­lo­gique des expo­si­tions aux produits chimiques synthé­tiques est exami­née dans le contexte des expo­si­tions aux produits chimiques d’ori­gine natu­relle. Nous avons calculé que 99,99 % (en poids) des pesti­cides présents dans le régime alimen­taire améri­cain sont des produits chimiques que les plantes produisent pour se défendre. Seuls 52 pesti­cides natu­rels ont été testés dans des essais de cancer à haute dose sur des animaux, et envi­ron la moitié (27) sont cancé­ri­gènes pour les rongeurs ; ces 27 sont présents dans de nombreux aliments courants. Nous concluons que les produits chimiques natu­rels et synthé­tiques ont la même proba­bi­lité d’être posi­tifs dans les tests de cancer sur les animaux. Nous concluons égale­ment qu’aux faibles doses de la plupart des expo­si­tions humaines, les dangers compa­ra­tifs des rési­dus de pesti­cides synthé­tiques sont insi­gni­fiants.
[…]
Nous esti­mons que les Américains consomment envi­ron 1.5 grammes de pesti­cides natu­rels par personne et par jour, ce qui est envi­ron 10 000 fois plus que leur consom­ma­tion de rési­dus de pesti­cides synthé­tiques. Comme indi­qué dans le présent docu­ment, il existe une très vaste litté­ra­ture sur les toxines natu­relles présentes dans les plantes et leur rôle dans les défenses végé­tales. L’apport humain de ces toxines varie sensi­ble­ment en fonc­tion du régime alimen­taire et serait plus élevé chez les végé­ta­riens. Notre esti­ma­tion de 1.5 g de pesti­cides natu­rels par personne et par jour est basée sur la teneur en toxines des prin­ci­paux aliments végé­taux (par exemple, 13 g de café torré­fié par personne et par jour contiennent envi­ron 765 mg d’acide chlo­ro­gé­niqueN79, d’acide néochlo­ro­gé­nique, d’acide caféiqueN80 et de caféine). On estime que les substances phéno­liques prove­nant d’autres plantes contri­buent à plusieurs centaines de milli­grammes de toxines supplé­men­taires. Les flavo­noïdesN81 et les gluco­si­no­latesN73 repré­sentent plusieurs centaines de milli­grammes ; les toxines de la pomme de terre et de la tomate peuvent en appor­ter une centaine, et les sapo­ninesN82 des légu­mi­neuses une centaine. Les céréales telles que la farine blanche et le riz blanc contri­buent très peu, mais le blé complet, le riz complet et le maïs peuvent contri­buer à plusieurs centaines de milli­grammes supplémentaires.

➡ Cet article a pu être utilisé pour décré­di­bi­li­ser l’agri­cul­ture biolo­gique il y a trente ans… Il reste que les données sur la toxi­cité « natu­relle » des végé­taux n’ont pas changé. Dans un autre article publié la même année (Ames BN et al., 2020N83) les mêmes auteurs écrivaient :

Le constat que, dans les tests à forte dose, une forte propor­tion de produits chimiques natu­rels et synthé­tiques sont cancé­ri­gènes, muta­gènes [N84], téra­to­gènes [N85] et clas­to­gènes [N86] (30 à 50 % pour chaque groupe) sape les efforts régle­men­taires actuels visant, sur la base de ces tests, à proté­ger la santé publique des produits chimiques synthétiques.

(Page 37) Au chapitre (7) je parle­rai des lectinesN9 et déve­lop­pe­rai les idées avan­cées [par Dr Steven Gundry, auteur de The Plant Paradox] pour montrer que ces molé­cules omni­pré­sentes dans les plantes peuvent endom­ma­ger votre intes­tin et conduire à des mala­dies auto-immunesN6 et de l’inflam­ma­tionN87.

Calcul composé d’oxa­late de calcium dihy­draté
Source : Wikipedia

(Page 37) Les oxalatesN8 sont une autre « épine chimique » rencon­trée dans les plantes. Les plantes utilisent ces molé­cules orga­niques pour accro­cher les miné­raux selon leur biochi­mie unique. Mais les oxalates ne sont pas utili­sés par la biochi­mie humaine et sont au contraire un produit dérivé de la méta­bo­li­sa­tion d’acides aminés par le corps humain. Cette petite quan­tité d’oxa­lates est trai­tée comme un déchet et élimi­née par l’urine. Toutefois, dans les plantes on les trouve en très grandes quan­ti­tés et elles peuvent contri­buer à des patho­lo­gies chez les humains. Les calculs dans les reins en oxalate de calcium sont un effet bien connu de la consom­ma­tion d’oxa­lates, et au chapitre (6) nous exami­ne­rons des travaux de recherche suggé­rant que le cancer du sein, la mala­die de la thyroïde, la vulvo­dy­nieN88 et les érup­tions cuta­nées sont aussi en lien avec les oxalates dans notre nourriture.

(Pages 37–39) L’auteur rappelle la distinc­tion entre les règnes végé­tal, animal, des cham­pi­gnons, qui se sont déve­lop­pés sépa­ré­ment depuis 1.5 milliards d’an­nées. Il les compare à des systèmes d’ex­ploi­ta­tion incom­pa­tibles sur des ordi­na­teurs, ou des marques d’au­to­mo­biles dont les pièces déta­chées ne peuvent pas être échan­gées.

4) Brocoli : super héros ou super vilain ?

(Page 43) Peut-être plus que tout autre aliment végé­tal, le brocoli a été acclamé comme un légume magique. Ces louanges sont-elles fondées, ou George H.W. Bush avait-il raison lors­qu’il a déclaré en 1990 : « Je n’ai jamais aimé ça. Je suis le président des États-Unis et je ne vais pas manger mes broco­lis » ?

Brocoli. Source : Ayelén Laviña (CC BY SA)

Le brocoliN89, objet de notre enquête, appar­tient à la famille de légumes bras­sicaN90, tous déri­vés d’une ancienne variété de moutarde. Les nombreux visages de cette famille, égale­ment connue sous le nom de cruci­fères, comprennent le chou frisé, le chou cava­lier, le chou de Bruxelles, le chou-rave, le raifort, le wasabi, la bette à carde, le chou-fleur, le ruta­baga, le pak choïN91, le cres­son, le radis, la moutarde et le navet. Une carac­té­ris­tique unique de cette famille est la présence de compo­sés conte­nant du soufre, connus sous le nom de gluco­si­no­latesN73, qui sont trans­for­més en isothio­cya­natesN92 et en compo­sés appa­ren­tés lors­qu’ils sont atta­qués par l’en­zyme myro­si­naseN93.

(Page 44) S’il est vrai que lorsque la myro­si­nase agit sur la gluco­ra­pha­nine le résul­tat final est le sulfo­ra­phaneN74, cela ne se produit que lorsque les plantes sont atta­quées et mises en pièces par des insectes et des animaux préda­teurs. Le sulfo­ra­phane n’existe pas dans un plant de brocoli sain et vivant. Il n’ap­pa­raît comme produit chimique de défense qu’en réponse aux dommages causés aux parois cellu­laires de la plante. […] Le sulfo­ra­phane est une arme végé­tale. C’est une phytoa­lexineN72, une toxine végé­tale qui ne joue aucun rôle dans la biochi­mie de la plante, et qui n’est employée pour faire son sale boulot que lorsque le brocoli sans défense est trans­formé en snack. […] Le sulfo­ra­phane est telle­ment toxique qu’il ne peut pas être présent dans un plant de brocoli sain, sinon il cause­rait des dommages massifs en raison de sa forte capa­cité à être un pro-oxydant.

(Page 44) Chez les animaux, y compris l’homme, [le sulfo­ra­phane] présente deux méca­nismes prin­ci­paux de toxi­cité, un lent et un rapide. Le méca­nisme rapide de nuisance est accom­pli en agis­sant comme un pro-oxydant dange­reux, provo­quant la forma­tion de radi­caux libres qui endom­magent les lipides déli­cats des membranes cellu­laires, les protéines et l’ADN.

(Page 45) La dété­rio­ra­tion de l’ADN peut entraî­ner un certain nombre de problèmes dans notre orga­nisme et il est géné­ra­le­ment admis qu’elle est le prin­ci­pal événe­ment précur­seur de la plupart des types de cancers [Basu AK, 2018N94]. Pour ne rien arran­ger, le sulfo­ra­phane n’est qu’un des dix-sept compo­sés isothio­cya­natesN92 connus dans le brocoli. D’autres légumes cruci­fères en ont encore plus. Le chou, par exemple, présente quarante-deux toxines végé­tales connues.

(Page 45) Agir comme un pro-oxydant et causer des dommages à l’ADN, aux membranes et aux protéines par la forma­tion de radi­caux libres n’est que la façon « rapide » dont le sulfo­ra­phane et cette famille de compo­sés cherchent à se défendre contre les animaux qui mangent des plantes du genre bras­sica [Sharma RS et al., 2010N95]. Il existe égale­ment un méca­nisme « lent », qui vaut à cette famille de plantes le surnom igno­mi­nieux de « goitro­gènes », signi­fiant leur capa­cité à produire une hyper­tro­phie de la glande thyroïde connue sous le nom de goitreN96.

(Page 45) Lorsque nous mangeons du brocoli, ou toute autre plante de la famille des bras­sica, une partie du sulfo­ra­phaneN74 absorbé est immé­dia­te­ment détoxi­fiée car notre orga­nisme sait qu’il s’agit d’une toxine et n’en veut pas. Ce qui n’est pas dégradé s’ac­cu­mule dans la circu­la­tion sanguine et entre en compé­ti­tion avec l’iode pour être absorbé par la thyroïde, empê­chant cette glande de rece­voir l’un des miné­raux dont elle a besoin pour fabri­quer des hormones thyroï­diennes. Des cas d’hypo­thy­roï­dieN97 induite par une surcon­som­ma­tion de cruci­fères ont été signa­lés même dans les popu­la­tions occi­den­tales, mais sont extrê­me­ment fréquents dans les pays sous-développés [Bajaj JK et al., 2016N98 ; Felker P et al., 2016N99 ; Eastman CJ & MB Zimmermann, 2018N100 ; Lamberg BA, 2009N101].

(Pages 46–47) De nombreux lauriers jetés sur le sulfo­ra­phane proviennent de cher­cheurs vantant son poten­tiel en tant qu’agent chimio­pro­tec­teur du cancer et affir­mant qu’il agit comme un anti­oxy­dantN102 [Jiang X et al., 2018N103 ; de Figueiredo SM et al., 2015N104]. Je suis tout à fait favo­rable aux compo­sés végé­taux en tant qu’a­gents théra­peu­tiques poten­tiels contre le cancer, et bon nombre des chimio­thé­ra­pies que nous utili­sons aujourd’­hui en méde­cine sont déri­vées de plantes. Mais ce n’est pas parce qu’un composé a montré des avan­tages contre le cancer qu’il est bon pour la popu­la­tion générale.

(Page 47) Prendriez-vous une chimio­thé­ra­pie comme une multi­vi­ta­mine tous les jours ? Bien sûr que non ! Les agents de chimio­thé­ra­pie sont des produits chimiques mali­cieux qui tuent à la fois les cellules cancé­reuses et les cellules saines, ce qui conduit souvent les patients atteints de cancer au bord de la mort. Le sulfo­ra­phane s’est avéré avoir un avan­tage poten­tiel dans les modèles de lutte contre le cancer, car il endom­mage les cellules et peut induire la mort cellu­laire progam­mée, ou apop­toseN105. Mais lors­qu’il est intro­duit dans notre corps, il va égale­ment cibler nos cellules saines. […] Une molé­cule comme le sulfo­ra­phane ne sera certai­ne­ment pas spéci­fique, et comme vous le verrez dans le chapitre suivant, ce n’est pas non plus le cas de nombreuses molé­cules poly­phé­no­liques, comme la curcu­mine, qui se sont égale­ment révé­lées toxiques pour les tissus humains cancé­reux et natu­rels [Glaser J & Holzgrabe U, 2016N106].

(Page 47) Les compo­sés chimio­thé­ra­peu­tiques ne fonc­tionnent pas comme agents chimio­pré­ven­tifs. Ils sont tout simple­ment trop toxiques. Si nous voulons préve­nir la forma­tion du cancer dans notre corps, la solu­tion n’est pas de prendre des molé­cules végé­tales toxiques comme le sulfo­ra­phaneN74. Au contraire, notre objec­tif est de vivre de la manière la plus saine possible et de permettre aux méca­nismes de surveillance natu­rels de notre système immu­ni­taire d’agir comme ils ont été conçus. Je pense que c’est par le biais de notre alimen­ta­tion que nous pouvons le mieux atteindre cet objectif.

➡ Explication tech­nique sur le facteur de trans­mis­sion Nrf2N107 — voir mon article Detoxination.

SulforaphaneN74

(Page 48) […] Lorsque le Nrf2 détecte le stress oxyda­tif causé par le sulfo­ra­phaneN74, il active un grand nombre de gènes impli­qués dans la lutte contre ces dommages. Ce groupe comprend des enzymes qui parti­cipent à la produc­tion et à l’uti­li­sa­tion du gluta­thionN108, comme la gluta­mate cystéine ligaseN109 et la gluta­thion s‑transféraseN110.

(Page 49) S’il est vrai que le sulfo­ra­phane agit comme un pro-oxydant, en acti­vant le système Nrf2, il induit la forma­tion de nos propres anti­oxy­dantsN102 endo­gènes, comme le gluta­thionN108. Certaines études montrent que l’ad­mi­nis­tra­tion de sulfo­ra­phane améliore à court terme le statut anti­oxy­dant, mais cela est lié à une produc­tion accrue de gluta­thion et non à une quel­conque capa­cité anti­oxy­dante spéci­fique du sulfo­ra­phane. Aucune des autres molé­cules végé­tales, comme les poly­phé­nolsN14, n’agit direc­te­ment comme anti­oxy­dant non plus — elles agissent égale­ment comme pro-oxydant et activent le système Nrf2.

➡ D’autres publi­ca­tions tempo­risent ces affir­ma­tions, par exemple Houghton CA et al. (2016N111) : « De nouvelles preuves suggèrent que les poly­phé­nols ou leurs méta­bo­lites exercent leurs effets intra­cel­lu­laires systé­miques non pas en tant qu’“antioxydants” directs en soi, mais en tant que modu­la­teurs de voies de signalisation. »

(Page 49) Personne ne suggé­re­rait que nous pour­rions être en meilleure santé en prenant une petite dose de plomb chaque jour ou en fumant quelques ciga­rettes quoti­dien­ne­ment, mais c’est essen­tiel­le­ment ce qui se passe lorsque nous ingé­rons du sulfo­ra­phaneN74 et d’autres isothio­cya­natesN92. Ce sont des armes chimiques utili­sées par les plantes pour décou­ra­ger la préda­tion, et non des molé­cules qui créent la santé chez les humains.

(Pages 49–50) « Mais atten­dez ! » vous allez dire. « N’est-ce pas le proces­sus d’hormèseN112, par lequel une petite quan­tité d’une toxine peut être bonne pour nous ? ». À quoi je répon­drai ceci : considérons-nous la ciga­rette comme une substance hormé­tique ? Le plomb ? Le mercure ? L’alcool ? Pourquoi croyons-nous que, parce que le sulfo­ra­phane provient d’une plante, il doit être une molé­cule magique aux proprié­tés chimiques uniques qui ne peut pas être mauvaise pour nous, alors qu’en réalité, il agit exac­te­ment de la même manière que ces autres toxines oxydantes ?

(Page 50) Si vous voulez encore croire que le brocoli est vrai­ment bon pour la santé, vous pouvez le rendre encore plus sain en le plon­geant dans de l’huile de colza oxydée tout en fumant une ciga­rette et en inha­lant des gaz d’échap­pe­ment diesel. Cela semble absurde, n’est-ce pas ? Mais tous ces compo­sés activent la voie Nrf2N107, tout comme le sulfo­ra­phaneN74. Ils font tous partie de la même bande, mais je vous laisse le soin de déci­der si ce sont tous des héros ou des méchants.

(Page 50) Le concept de xéno­hor­mèse [hormèse étran­gère] suppose que nous aurions besoin des compo­sés présents dans les légumes pour atteindre un statut anti­oxy­dant opti­mal, et que la consom­ma­tion de cruci­fères élève­rait en quelque sorte notre gluta­thionN108 au-dessus des niveaux de base à long terme, nous rendant ainsi surhu­mains. Malheureusement, ces hypo­thèses ne sont pas fondées. De nombreuses études inter­ven­tion­nelles ont comparé des régimes riches en fruits et légumes, y compris les cruci­fères, à des régimes conte­nant des quan­ti­tés faibles ou nulles de ces aliments végé­taux, et les résul­tats ont montré que la consom­ma­tion de ces aliments ne présen­tait aucun avan­tage [Crane TE et al., 2011N113 ; Møller P et al., 2003N114 ; Peluso I et al., 2018N115].

(Page 51) Dans l’en­semble, les résul­tats ont montré qu’il n’y avait abso­lu­ment aucun avan­tage à consom­mer une quan­tité massive de fruits et de légumes. Bien que les études à court terme sur le sulfo­ra­phaneN74 montrent une augmen­ta­tion tempo­raire de la produc­tion de gluta­thion, celle-ci ne semble pas durer plus de quelques jours et, comme le montrent ces études, les compo­sés végé­taux ne présentent aucun avan­tage hormé­tique appré­ciable quatre semaines après leur consommation.

Pour la cerise sur le gâteau, il existe même une étude de dix semaines de ce type qui a montré des amélio­ra­tions des marqueurs de stress oxyda­tif et d’in­flam­ma­tion dans le groupe sans fruits et légumes, concluant que :

L’objectif de la présente étude était d’exa­mi­ner l’ef­fet d’un extrait de thé vert utilisé comme anti­oxy­dant alimen­taire sur les marqueurs du statut oxyda­tif après une déplé­tion alimen­taire en flavo­noïdesN81 et caté­chinesN116. […] Comme aucun effet à long terme de l’ex­trait de thé vert n’a été observé, l’étude a essen­tiel­le­ment servi d’étude de priva­tion des fruits et légumes. L’effet global de la période de 10 semaines sans fruits ni légumes alimen­taires a été une dimi­nu­tion des dommages oxyda­tifs sur l’ADN, des protéines du sang et des lipides plas­ma­tiques, conco­mi­tam­ment à des chan­ge­ments marqués dans la défense anti­oxy­dante [Young JF et al., 2002N117].

Bien que nous soyons bombar­dés de messages grand public dans le domaine de la santé qui nous disent que les fruits et les légumes sont bons pour nous et que nous béné­fi­cions des « anti­oxy­dantsN102 » et des « compo­sés phyto­chi­miques », la litté­ra­ture scien­ti­fique ne cesse d’af­fir­mer le contraire.

➡ Il est géné­ra­le­ment admis que les anti­oxy­dants ne peuvent être obte­nus qu’à partir des plantes, mais l’étude de Somei Komae et al. (2022N118) suggère que la viande, en parti­cu­lier élevée en pâtu­rage, peut être une bonne source d’an­ti­oxy­dants et d’autres phytonutriments.

(Pages 51–52) Ma critique de la xéno­hor­mèse ne signi­fie pas que je ne crois pas que l’hormèseN112 existe chez les humains, mais seule­ment que la consom­ma­tion de produits chimiques de défense des plantes n’est pas la meilleure façon de tirer parti de ce proces­sus. En ce qui concerne l’hor­mèse, on dit souvent que c’est la dose qui fait le poison. Je crois que c’est vrai pour l’hor­mèse envi­ron­ne­men­tale mais pas pour l’hor­mèse molé­cu­laire comme les isothio­cya­natesN92, les poly­phé­nolsN14, le taba­gisme, etc. En raison des effets secon­daires souvent igno­rés de ces molé­cules sur l’or­ga­nisme dans son ensemble, elles sont toxiques dès le départ, même à petites doses. L’hormèse envi­ron­ne­men­tale et l’hor­mèse molé­cu­laire ne fonc­tionnent pas de la même manière et ne doivent pas être confondues.

Il existe de nombreux exemples d’hor­mèses envi­ron­ne­men­tales — la chaleur, le froid, la lumière du soleil, l’exer­cice — et si nous les exer­çons dans le cadre d’une alimen­ta­tion riche en nutri­ments, c’est tout ce dont nous avons besoin pour obte­nir des niveaux robustes de défense anti­oxy­dante. Une expo­si­tion trop impor­tante à l’un de ces éléments sera certai­ne­ment préju­di­ciable à notre orga­nisme, mais de petites quan­ti­tés agissent comme des facteurs de stress qui provoquent tempo­rai­re­ment un stress oxyda­tif avec épui­se­ment du gluta­thionN108, suivi peu après par un rebond à des niveaux supé­rieurs à la ligne de base.

➡ Saladino fait clai­re­ment allu­sion aux méca­nismes béné­fiques de l’exer­cice physique décrits dans mon article Entraînement fractionné de haute intensité. Changer de régime est inutile si l’on n’ac­corde pas de place à un programme d’exer­cice lui aussi « opti­misé ». Cette néces­sité est une urgence vitale chez les personnes âgées qui ont tendance à réduire leur mobilité.

➡ La suite du chapitre est un exposé sur la distinc­tion entre les études obser­va­tion­nelles, qui ne mesurent que des corré­la­tions, et les études inter­ven­tion­nelles dans lesquelles une causa­lité peut être infé­rée par la compa­rai­son entre des groupes (tirés au sort) dont certains ont béné­fi­cié de l’in­ter­ven­tion et les autres d’une absence d’in­ter­ven­tion masquée par un placebo. Lire à ce sujet mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ?

Kimchi coréen
Source : Wiktionnaire

(Page 55) Tout au long de l’his­toire de l’hu­ma­nité, lorsque les animaux se sont fait rares ou que nos chasses ont été infruc­tueuses, nous avons dû consom­mer des plantes comme celles de la famille bras­sicaN90 pour survivre. Il est toute­fois inté­res­sant de noter que, lorsque les cultures indi­gènes consomment prin­ci­pa­le­ment des plantes, elles utilisent des méthodes de prépa­ra­tion spéciales pour les détoxi­fier. Bien que la cuis­son ne dégrade pas les gluco­si­no­latesN73, la fermen­ta­tion le fait. C’est proba­ble­ment l’ori­gine d’ali­ments comme le kimchi et la chou­croute […] La fermen­ta­tion dégrade égale­ment la plupart des poly­phé­nolsN14 présents dans les aliments végé­taux [Albertini B et al., 2015N119]. […] Nos ancêtres étaient beau­coup plus intel­li­gents que ce que nous leur accor­dons souvent, et ils étaient mani­fes­te­ment très ingé­nieux en période de pénu­rie de nour­ri­ture animale. La façon dont ils recher­chaient et consom­maient les aliments est empreinte d’une grande sagesse, et je pense que le retour à des modes d’ali­men­ta­tion qui imitent les leurs nous rappro­chera rapi­de­ment d’une santé optimale.

5) À propos des licornes et autres contes de fées

Source : pngimg​.com (CC BY-NC)

(Page 57) Peut-être plus que toute autre molé­cule végé­tale, les poly­phé­nolsN14 sont asso­ciés à l’ex­pres­sion « super-aliments ». Ils sont souvent surnom­més « anti­oxy­dants »N102 et on nous dit d’en consom­mer le plus possible. Il semble que chaque jour, une nouvelle entre­prise propose un supplé­ment, un jus ou une poudre soi-disant magique, avec des affir­ma­tions auda­cieuses sur la réduc­tion des inflam­ma­tions et la longé­vité, tout en vantant sa forte teneur en polyphénols.

(Page 58) Dans le règne végé­tal, les poly­phé­nols jouent des rôles uniques en tant que phytoa­lexinesN72 et en tant que pigments végé­taux. Vous vous souvien­drez que […] les phytoa­lexines sont des armes que les plantes utilisent contre les orga­nismes qui les attaquent, comme les cham­pi­gnons, les insectes ou les animaux. Le resvé­ra­trolN75, par exemple, est produit comme une molé­cule de défense dans la peau des raisins et d’autres plantes lors­qu’ils sont atta­qués par des cham­pi­gnons nuisibles. De manière intri­gante, mais non surpre­nante, les humains et les animaux ne produisent pas de molé­cules de struc­ture poly­phé­no­lique dans leur biochimie.

(Pages 58–59) Par ailleurs, l’hy­po­thèse selon laquelle les molé­cules qui ont évolué indé­pen­dam­ment dans les plantes seraient en quelque sorte béné­fiques pour les humains me semble un peu exagé­rée. Il serait haute­ment impro­bable qu’une molé­cule, sans parler de milliers de molé­cules, produites au cours de l’évo­lu­tion des plantes, soit réel­le­ment béné­fique pour l’homme après que notre évolu­tion ait divergé de celle des plantes il y a 1.5 milliard d’an­nées, alors que nous n’étions guère plus qu’une masse unicel­lu­laire. Imaginez les chances de réussite !

Si les poly­phé­nolsN14 sont fabri­qués par les plantes, pour les plantes, pour­quoi sommes-nous impré­gnés de la croyance que ce sont des produits magiques ? La grande majo­rité des données suggé­rant les bien­faits des poly­phé­nols sont issues de la recherche épidé­mio­lo­gique. Mais l’épi­dé­mio­lo­gie n’im­plique en fait aucune sorte d’in­ter­ven­tion. Les études ne sont rien de plus que des enquêtes sur le régime alimen­taire de la popu­la­tion, suivies d’ob­ser­va­tions des résul­tats en matière de santé. Bien que de nombreuses études épidé­mio­lo­giques montrent un certain degré de corré­la­tion entre la consom­ma­tion de fruits et légumes conte­nant des poly­phé­nols et l’amé­lio­ra­tion de l’état de santé [Bellavia A et al., 2013N120], de nombreuses études inter­ven­tion­nelles ne révèlent pas le moindre avan­tage [Crane TE et al., 2011N113 ; Møller P et al., 2003N114 ; Peluso I et al., 2018N115]. Nous ne devons pas commettre l’er­reur de confondre corré­la­tion et causa­lité. Les études épidé­mio­lo­giques ne nous apprennent rien sur la causa­lité, mais nous laissent émettre des hypo­thèses sur les liens de causa­lité possibles. Dans un monde parfait, les études épidé­mio­lo­giques servi­raient à formu­ler des hypo­thèses sur la façon dont l’ali­men­ta­tion et les résul­tats de santé pour­raient être liés, hypo­thèses qui seraient ensuite vali­dées par des études interventionnelles.

Malheureusement, les études inter­ven­tion­nelles dans le monde de la nutri­tion sont rare­ment réali­sées. Elles sont assez coûteuses et demandent beau­coup de travail, et qui va profi­ter du fait de dire aux gens de manger différemment ?

(Pages 59–60) Comment de nombreuses études épidé­mio­lo­giques peuvent-elles montrer une corré­la­tion entre la consom­ma­tion de fruits et légumes et l’amé­lio­ra­tion de la santé, alors que les essais inter­ven­tion­nels suggèrent clai­re­ment le contraire ? Ce scéna­rio est en fait assez courant. Lorsqu’elles sont mises à l’épreuve dans des études inter­ven­tion­nelles, les hypo­thèses géné­rées par les études épidé­mio­lo­giques sont plus souvent fausses que justes. Dans le cas des fruits et légumes et des résul­tats en matière de santé, il existe un gros problème appelé « confu­sion » qui inva­lide une grande partie de ces données. Les facteurs de confu­sion se présentent sous de nombreuses formes, mais dans ce cas, les facteurs de confu­sion les plus probables sont le biais du consom­ma­teur sain et le biais du consom­ma­teur malsain.

(Page 60) Songez au récit entou­rant les aliments végé­taux et animaux dans le monde occi­den­tal au cours des soixante-dix dernières années pendant lesquelles ces études épidé­mio­lo­giques ont été menées. Dans les années 1930 et 1940, la viande, la graisse et les autres aliments d’ori­gine animale étaient consi­dé­rés comme des choix alimen­taires sains, capables de vous rendre fort et vital. Puis, soudai­ne­ment, vers les années 1950, ce discours a commencé à chan­ger radi­ca­le­ment. On nous a dit que le beurre était mauvais pour la santé, que les graisses satu­rées d’ori­gine animale provo­quaient des crises cardiaques et que nous devions consom­mer davan­tage d’ali­ments végé­taux et d’huiles végé­tales. Dans l’en­semble, c’est le discours domi­nant depuis cette époque.

➡ Voir mon article Glucides ou lipides ?

(Page 60) Au cours des soixante-dix dernières années, quelles caté­go­ries de personnes mangeaient beau­coup de légumes ? C’étaient celles qui écou­taient les conseils nutri­tion­nels clas­siques et tentaient de mener une vie saine ! Ces personnes étaient égale­ment beau­coup plus suscep­tibles de prati­quer d’autres types de compor­te­ments sains, comme la médi­ta­tion, la réduc­tion du stress, l’at­ten­tion portée au sommeil, l’exer­cice physique et l’évi­te­ment de la malbouffe. Les fruits et légumes n’étant pas bon marché, ils étaient égale­ment beau­coup plus suscep­tibles d’être consom­més par les personnes de statut socio-économique élevé ayant accès à de bons soins médicaux.

➡ Illustration du biais du consom­ma­teur sain

Et si c’étaient ces compor­te­ments sains qui donnaient de meilleurs résul­tats en matière de santé plutôt que les fruits et légumes suggé­rés par ces études épidé­mio­lo­giques ? Et si nous pouvions trou­ver un endroit dans le monde où le récit des soixante-dix dernières années n’est pas que les fruits et légumes sont le salut et que les aliments d’ori­gine animale sont la damna­tion ? Que trouverions-nous si nous faisions des études épidé­mio­lo­giques sur une telle popu­la­tion mythique ?

(Page 61) En Asie, l’his­toire des aliments d’ori­gine végé­tale et animale au cours des sept dernières décen­nies a été très diffé­rente de la pers­pec­tive occi­den­tale. Dans les cultures orien­tales, la viande et les aliments d’ori­gine animale ont toujours été consi­dé­rés comme des éléments essen­tiels du régime alimen­taire et sont idéo­lo­gi­que­ment asso­ciés à la richesse et à la vigueur. Il n’est pas surpre­nant que les études épidé­mio­lo­giques réali­sées sur les popu­la­tions asia­tiques dressent un tableau très diffé­rent de celui des popu­la­tions occi­den­tales. Dans une étude, 112 310 hommes et 184 411 femmes du Bangladesh, de Chine, du Japon et de Corée ont été suivis pendant onze ans en moyenne, tandis que les cher­cheurs exami­naient toutes les causes de morta­lité, y compris les mala­dies cardio­vas­cu­laires et le cancer. Les auteurs ont résumé les conclu­sions de cette très vaste étude comme suit :

Notre analyse agré­gée n’a pas fourni la preuve d’un risque de morta­lité plus élevé pour la consom­ma­tion totale de viande et a fourni la preuve d’une asso­cia­tion inverse avec la viande rouge, la volaille et le poisson/les fruits de mer. La consom­ma­tion de viande rouge était inver­se­ment asso­ciée à la morta­lité par mala­die cardio­vas­cu­laire chez les hommes et à la morta­lité par cancer chez les femmes dans les pays asia­tiques [Lee JE et al., 2013N121].

➡ Une corré­la­tion ne permet que de faire l’hy­po­thèse d’un lien de causa­lité. Par contre, elle permet d’in­va­li­der l’hy­po­thèse inverse. Ici, par exemple, l’as­so­cia­tion inverse entre morta­lité par mala­die cardio­vas­cu­laire plus élevée et consom­ma­tion de viande rouge prouve que la consom­ma­tion de viande rouge n’est pas cause de morta­lité par mala­die cardio­vas­cu­laire, sous réserve qu’une variable cachée vienne à justi­fier ce paradoxe.

(Page 61) Une autre étude réali­sée sur 3 731 hommes et femmes au Japon entre 1984 et 2001 a examiné les taux d’ac­ci­dents vascu­laires céré­braux et a étudié le régime alimen­taire des parti­ci­pants pendant cette période. Elle a révélé qu’ « une consom­ma­tion élevée de graisses animales et de choles­té­rol était asso­ciée à un risque réduit de décès par infarc­tus céré­bral » [Sauvaget C et al., 2004N122].

(Pages 61–62) Une fois de plus, nous consta­tons que dans une popu­la­tion asia­tique, la consom­ma­tion d’ali­ments d’ori­gine animale est asso­ciée à de meilleurs résul­tats en matière de santé, dans ce cas-ci pour les acci­dents vascu­laires céré­braux. Ces deux études sont épidé­mio­lo­giques, ce qui comporte toujours des limites, mais, à l’ins­tar de nombreuses autres enquêtes, elles dressent un tableau très diffé­rent de celui des études réali­sées en Occident. Ce contraste remet en ques­tion la vali­dité des résul­tats de ces dernières et suggère forte­ment que le biais du consom­ma­teur sain est un facteur de confusion.

Le problème du biais du consom­ma­teur sain est que, malgré tous les efforts des statis­ti­ciens super intel­li­gents qui font des recherches épidé­mio­lo­giques, ces compor­te­ments sains ne peuvent pas tous être pris en compte même dans les modèles statis­tiques les plus sophis­ti­qués [Shrank WH et al., 2011N123]. La meilleure illus­tra­tion de ce phéno­mène et de la façon dont il peut rendre les études épidé­mio­lo­giques diffi­ciles est tirée d’une étude portant sur 21 000 citoyens du Royaume-Uni qui ont été carac­té­ri­sés comme « soucieux de leur santé ». Dans ce groupe, 8 000 étaient végé­ta­riens, et les 13 000 autres mangeaient à la fois des aliments d’ori­gine animale et végétale.

➡ Les végé­ta­riens étaient des sujets de la cohorte de l’Oxford Vegetarian Study qui décla­raient ne manger ni viande ni poisson.

(Page 62) Bien que les végé­ta­riens britan­niques de cette étude aient un faible taux de morta­lité par rapport à la popu­la­tion géné­rale, leur taux de morta­lité était simi­laire à celui des non-végétariens qui adop­taient égale­ment d’autres compor­te­ments sains. Cette étude a révélé que :

Les végé­ta­riens britan­niques ont un faible taux de morta­lité par rapport à la popu­la­tion géné­rale. Leur taux de morta­lité est simi­laire à celui des non-végétariens compa­rables, ce qui suggère qu’une grande partie de cet avan­tage peut être attri­buée à des facteurs de style de vie non alimen­taires tels qu’une faible préva­lence du taba­gisme et un statut socio-économique géné­ra­le­ment élevé, ou à d’autres aspects du régime alimen­taire plutôt qu’à l’évic­tion de la viande et du pois­son [Appleby PN et al., 2002N124].

Ainsi, les auteurs de cette étude sont arri­vés à la conclu­sion que ce sont proba­ble­ment les compor­te­ments sains des deux groupes de personnes qui ont conduit à une amélio­ra­tion des taux de morta­lité, plutôt que l’évi­te­ment de la viande et du pois­son par le groupe végé­ta­rien. Si les cher­cheurs n’avaient comparé ce groupe de végé­ta­riens qu’à la popu­la­tion britan­nique géné­rale, on aurait pu croire que c’étaient leurs choix alimen­taires qui amélio­raient la longé­vité, et c’est exac­te­ment de cette manière que le biais du consom­ma­teur sain peut être trom­peur. Il est main­te­nant assez courant que ce type d’étude soit partagé dans les médias sans expli­ca­tion claire des méthodes expé­ri­men­tales utili­sées et sans aucune préci­sion sur les facteurs de confu­sion poten­tiels ou les limites de la recherche.

(Page 63) Le prin­cipe de ce livre est que le régime alimen­taire est le facteur le plus impor­tant pour déter­mi­ner si nous sommes en bonne santé ou malades, mais indé­pen­dam­ment de la nour­ri­ture que nous mangeons, d’autres compor­te­ments sains jouent égale­ment un rôle impor­tant. Des études épidé­mio­lo­giques réali­sées en Orient et au Royaume-Uni suggèrent que ces compor­te­ments sont le facteur béné­fique pour les végé­ta­riens plutôt que leur régime alimen­taire. En outre, de nombreuses études épidé­mio­lo­giques qui suggèrent une corré­la­tion entre la consom­ma­tion de viande et une mauvaise santé reflètent proba­ble­ment l’ab­sence de compor­te­ments sains et la présence de compor­te­ments malsains plutôt que les effets néga­tifs de la consom­ma­tion de viande. En d’autres termes, nous ne devons pas blâmer la viande pour ce que le soda, le pain, la malbouffe, le taba­gisme et un mode de vie séden­taire ont fait ! C’est le biais du consom­ma­teur malsain qui entre en jeu.

Curcuma. Source : Front. Pharmacol.

(Page 63) Vous connais­sez, ces racines à l’al­lure extra­ter­restre que l’on trouve à l’épi­ce­rie et dont l’in­té­rieur est orange vif ? Oui, il s’agit du curcuma, un cousin du gingembre qui contient la curcu­mineN76, un composé poly­phé­no­lique dont les acti­vi­tés biolo­giques ont fait l’ob­jet de nombreuses études. On prétend qu’elle est précieuse en tant qu’agent anti-inflammatoire et qu’elle permet de trai­ter toutes sortes de mala­dies, de la mala­die d’Alzheimer aux troubles de l’érec­tion, et prati­que­ment tout le reste. Mais ces affir­ma­tions sont-elles valables ? Que montre réel­le­ment la recherche ? En exami­nant le poten­tiel théra­peu­tique et les risques de la curcu­mine, les cher­cheurs ont noté que la plupart des avan­tages perçus de cette molé­cule proviennent d’études en éprou­vette utili­sant des doses beau­coup plus élevées que celles que l’on trouve dans le corps humain lors de l’in­ges­tion normale de curcuma [Burgos-Morón E et al., 2010N125 ; Fang J et al., 2005N126].

(Page 64) Avec la curcu­mine, une partie du stress oxyda­tif peut se produire en raison de ses actions visant à modi­fier de manière irré­ver­sible des enzymes, comme la thio­ré­doxineN127 réduc­tase, impli­quées dans notre système de défense anti­oxy­dant [Fang J et al., 2005N126]. Il a égale­ment été démon­tré que la curcu­mine induit des dommages à l’ADN par l’in­hi­bi­tion d’une enzyme appe­lée topoi­so­mé­rase IIN128, qui aide à dérou­ler et à répa­rer l’ADN. En ce qui concerne le cancer, il a égale­ment été démon­tré qu’elle inac­tive le p53N129, un gène suppres­seur de tumeur très puis­sant [Collins HM et al., 2013N130 ; Hallman K et al., 2017N131].

(Page 65) Avant de pour­suivre, exami­nons certains des systèmes de détoxi­fi­ca­tionN69 des molé­cules étran­gères à notre foie, qui peuvent être divi­sés en deux groupes prin­ci­paux de réac­tions chimiques connus sous le nom de voies de phase I et de phase II. Les voies de la phase I sont consti­tuées d’un grand groupe d’en­zymes, connues sous le nom de famille du cyto­chrome p450N132, qui conver­tissent géné­ra­le­ment les molé­cules lipo­so­lubles en formes hydro­so­lubles par oxyda­tion, réduc­tion, hydro­lyse et cycli­sa­tion (forma­tion de struc­tures cycliques). Une fois modi­fiées, les molé­cules étran­gères et les produits de dégra­da­tion de notre orga­nisme subissent ensuite une détoxi­fi­ca­tion de phase II au cours de laquelle elles sont conju­guées à l’acide glucu­ro­niqueN133, au gluta­thionN108, au sulfate [?] ou à la glycineN134. Grâce à ce proces­sus en deux étapes, notre orga­nisme trans­forme les déchets et les toxines en des formes prêtes à être évacuées dans les fèces ou l’urine — proces­sus parfois appelé phase III de la détoxication.

En passant, le lecteur avisé remar­quera peut-être que, contrai­re­ment à la croyance popu­laire, le foie ne stocke pas les toxines, mais fonc­tionne plutôt comme l’épi­centre de la modi­fi­ca­tion et de l’ex­cré­tion des toxines.

(Page 65) Lorsque vous mangez du poivre noir ou que vous prenez un supplé­ment de curcu­mine conte­nant de la pipé­rine, l’en­zyme UDP glucu­ro­no­syl­trans­fé­raseN135 est inhi­bée et ne peut pas détoxi­fier la curcu­mine en la conju­guant à l’acide glucu­ro­nique. Elle ne peut pas non plus détoxi­fier tout ce à quoi notre foie veut ajou­ter une molé­cule d’acide glucu­ro­niqueN133. Pour ajou­ter l’in­sulte à la bles­sure, la curcu­mine elle-même est égale­ment connue pour inhi­ber les enzymes CYP 450N132 qui font partie de la phase I [Singh J et al., 1986N136]. C’est un double coup dur pour le travail déli­cat de notre système de détoxi­fi­ca­tionN69.

(Page 66) Vous avez proba­ble­ment compris que je ne pense pas que nous devions lais­ser entrer des molé­cules végé­tales comme la curcu­mine ou la pipé­rine dans la salle de contrôle, mais n’y a‑t-il pas au moins quelques études qui montrent les avan­tages de la curcu­mine ? Certes, il y a des preuves de possibles proprié­tés anti-inflammatoires, mais j’ai deux gros problèmes avec l’uti­li­sa­tion de la curcu­mine à cette fin. La première est que les compo­sés végé­taux et les produits phar­ma­ceu­tiques ne sont que des molé­cules, et que toutes les molé­cules étran­gères peuvent avoir des effets secon­daires néga­tifs sur le corps humain. Ce concept est bien connu lors­qu’il s’agit de médi­ca­ments, mais nous semblons l’ou­blier lors­qu’il s’agit de molé­cules végé­tales. Même si la curcu­mine présente des avan­tages sur le plan anti-inflammatoire, elle semble égale­ment avoir des effets secon­daires désa­gréables. Nous ne pren­drions pas de l’ibu­pro­fène (Motrin) ou du naproxène (Aleve) pour trai­ter une inflam­ma­tion en pensant que ces molé­cules n’ont pas d’ef­fets secon­daires, et nous ne devrions pas faire la même erreur avec la curcu­mine ou d’autres molé­cules végétales.

(Page 66) Le deuxième problème, plus impor­tant encore, concerne la rapi­dité avec laquelle nous nous tour­nons vers la curcu­mine ou d’autres compo­sés végé­taux « anti-inflammatoires » comme moyen prin­ci­pal de trai­ter l’in­flam­ma­tion. Bien que l’in­flam­ma­tion ne soit géné­ra­le­ment pas une bonne chose pour notre corps, c’est un signal précieux qui indique que les choses sont déséqui­li­brées. Plutôt que de cher­cher par réflexe à lui jeter des tas de molé­cules anti-inflammatoires, qu’elles soient d’ori­gine végé­tale ou synthé­tique, nous devrions d’abord cher­cher à comprendre d’où elle vient. Trop souvent, je vois des clini­ciens, qu’ils soient conven­tion­nels ou alter­na­tifs, trai­ter l’in­flam­ma­tion à l’aide de molé­cules anti-inflammatoires sans en cher­cher les racines.

(Pages 66–67) Au niveau biolo­gique, l’in­flam­ma­tion est une acti­va­tion du système immu­ni­taire, qui est incroya­ble­ment complexe et composé de nombreux types de cellules. Lorsqu’elles sont acti­vées, ces diffé­rentes cellules se signalent les unes aux autres que quelque chose ne va pas, au moyen de molé­cules appe­lées cyto­kinesN137 qui se propagent dans tout l’or­ga­nisme et traversent la barrière hémato-encéphaliqueN138. En termes simples, l’in­flam­ma­tion survient lorsque notre système immu­ni­taire est activé et en pétard. Plutôt que de se détendre sur une plage, un Topo Chico à la main, en regar­dant les vagues, notre système immu­ni­taire se trouve dans une salle de sport puante, avec de la musique heavy metal à fond, et frappe un sac de boxe aussi fort que possible.

Migration des leuco­cytes pendant une réac­tion inflam­ma­toire
Source : Wikipedia

(Page 67) Tout comme le stress oxydantN139, l’in­flam­ma­tion n’est pas toujours mauvaise. Elle est un élément essen­tiel de la physio­lo­gie humaine depuis toujours. Lorsque vous vous coupez, tombez malade ou vous cassez un os, le système immu­ni­taire doit inter­ve­nir pour répa­rer ces bles­sures et combattre les enva­his­seurs. C’est pour cela qu’il a été conçu. Mais ce ne sont géné­ra­le­ment plus les bles­sures qui nous tuent ou dimi­nuent notre qualité de vie. Au cours de l’his­toire récente, les humains ont été de plus en plus touchés par des mala­dies chro­niques causées par l’in­flam­ma­tion. Je crois ferme­ment que la plupart, sinon la tota­lité, des mala­dies chro­niques dont nous souf­frons aujourd’­hui sont de nature inflam­ma­toire et auto-immuneN6. L’auto-immunité se produit lorsque le système immu­ni­taire commence à consi­dé­rer notre propre corps comme étran­ger et l’at­taque comme il le ferait face à un enva­his­seur. Dans ces deux condi­tions, le système immu­ni­taire joue un rôle central. En fait, je dirais que dans l’ap­pa­ri­tion d’une mala­die chro­nique, l’in­flam­ma­tion et l’auto-immunité décrivent essen­tiel­le­ment le même proces­sus d’ac­ti­va­tion inap­pro­priée du système immunitaire.

Les mala­dies chro­niques qui sévissent dans la civi­li­sa­tion occi­den­tale sont de nature inflam­ma­toire, et pour les corri­ger, nous devons comprendre ce qui déclenche le système immu­ni­taire plutôt que d’uti­li­ser des supplé­ments et des médi­ca­ments pour masquer son acti­va­tion. L’utilisation de la curcu­mine pour « réduire l’in­flam­ma­tion » ne fera que masquer la réponse natu­relle de notre corps à un déséqui­libre et consti­tue une inter­ven­tion peu judi­cieuse tant que nous ne connais­sons pas les racines du problème. En outre, les déri­vés réac­tifs de l’oxy­gèneN140 jouent un rôle de signa­li­sa­tion ines­ti­mable dans le corps humain, et les efforts visant à élimi­ner tous les radi­caux libres abou­tissent inva­ria­ble­ment à un résul­tat néga­tif plutôt que posi­tif. L’état de santé opti­mal suppose un équi­libre entre les proces­sus d’oxy­da­tion et de réduc­tion, et non une aboli­tion complète de ces réac­tions dans notre corps. Il n’est pas surpre­nant que de nombreuses études utili­sant des inter­ven­tions anti­oxy­dantes révèlent une aggra­va­tion des résul­tats en matière de morta­lité [Bjelakovic G et al., 2007N141 ; Vivekananthan DP et al., 2003N142].

(Page 67) À ce stade, je parie que vous avez déjà commencé à vous poser la prochaine ques­tion logique. Vous avez suivi mes expli­ca­tions sur l’in­flam­ma­tion et l’auto-immunité et vous êtes prêt à accep­ter qu’elles puissent être à l’ori­gine des mala­dies chro­niques, mais qu’est-ce qui est à l’ori­gine de l’in­flam­ma­tion et de l’auto-immunité ? Félicitations à vous, cher lecteur. Vous venez de décou­vrir la ques­tion la plus impor­tante à laquelle ce livre cherche à répondre. En fait, je crois que c’est la ques­tion la plus impor­tante à laquelle la méde­cine occi­den­tale devrait égale­ment cher­cher à répondre, et c’est pour cela qu’elle a été conçue à l’origine.

(Page 68) De nombreux facteurs peuvent être à l’ori­gine d’une inflam­ma­tion, mais les aliments que nous ingé­rons sont ceux qui y contri­buent le plus. Des facteurs tels que le stress, un sommeil insuf­fi­sant et les toxines envi­ron­ne­men­tales peuvent y contri­buer, mais l’im­pact de ce que nous mangeons l’emporte large­ment. Des quan­ti­tés aussi faibles qu’un milli­gramme (un millième de gramme) ou même un micro­gramme (un millio­nième de gramme) d’une molé­cule phar­ma­ceu­tique peuvent avoir un impact signi­fi­ca­tif sur notre physio­lo­gie. Alors comment notre physio­lo­gie pourrait-elle être profon­dé­ment affec­tée par des quan­ti­tés de nour­ri­ture de l’ordre du kilo­gramme, qui sont plus d’un million de fois supé­rieures à celles-ci ? C’est pour­quoi notre recherche du mode d’emploi humain est si importante.

(Page 68) Lorsque les aliments provoquent une inflam­ma­tion, la prin­ci­pale voie par laquelle ils le font est d’en­dom­ma­ger l’in­tes­tin, ce qui entraîne l’ac­ti­va­tion de l’ar­mée de notre système immu­ni­taire qui réside de l’autre côté de la déli­cate couche de cellules épithé­liales intes­ti­nalesN143. Les anti­gènes alimen­taires ne sont pas censés traver­ser la paroi intes­ti­nale, mais lors­qu’ils le font, ils ressemblent à des enva­his­seurs et mettent le système immu­ni­taire en état d’alerte. Il en résulte une perte de la fonc­tion de barrière gastro-intestinale ainsi qu’une acti­va­tion immu­ni­taire ulté­rieure, que l’on appelle fami­liè­re­ment « perméa­bi­lité intes­ti­nale » (N144) et qui semble être à l’ori­gine de la majo­rité des mala­dies chro­niques que nous connais­sons aujourd’hui.

Quels sont donc les aliments qui endom­magent l’épi­thé­lium gastro-intestinal et provoquent des poro­si­tés intes­ti­nales avec le poten­tiel d’ac­ti­va­tion du système immu­ni­taire en aval ? Quels aliments sont pleins de toxines, d’armes chimiques et d’an­ti­nu­tri­ments conçus pour faire exac­te­ment cela ? Vous l’avez deviné : les aliments végé­taux ! Les aliments d’ori­gine animale contiennent-ils les mêmes types de toxines et d’armes ? Non, pas du tout.

➡ La thèse de la perméa­bi­lité intes­ti­naleN144 est sujette à contro­verse en recherche biomé­di­cale, mais c’est surtout à l’en­contre de théra­pies « alter­na­tives » suppo­sées soigner ce syndrome. Or ce n’est pas le sujet ici puis­qu’au contraire l’ap­proche théra­peu­tique est remise en question.

(Page 69) L’un des prin­ci­paux problèmes des flavo­noïdesN81 est leur capa­cité à agir comme des pertur­ba­teurs endo­cri­niensN145. Comme leur struc­ture imite celle des œstro­gènesN146, on a constaté que toute cette famille de molé­cules acti­vait le récep­teur 17B de l’estra­diolN147 [Micsicek R, 1993N148 ; Collins-Burow B et al., 2000N149].

(Page 70) Dans une étude sur la liai­son des récep­teurs d’œs­tro­gènes par les molé­cules flavo­noïdes, les auteurs déclarent :

De nombreux rapports ont impli­qué les substances phyto­chi­miques flavo­noïdes comme possé­dant une acti­vité de pertur­ba­tion hormo­nale, en parti­cu­lier agis­sant comme des œstro­gènes envi­ron­ne­men­taux. Les effets de pertur­ba­tion endo­cri­nienne des flavo­noïdes sont obser­vés dans des exemples de moutons brou­tant du trèfle riche en flavo­noïdes, et des guépards nour­ris avec des régimes riches en soja ont été frap­pés d’in­fer­ti­lité, d’ano­ma­lies de la repro­duc­tion et de tumeurs [Collins-Burow B et al., 2000N149].

Oups !

Graines de soja
Source : Wikipedia

Les isofla­vones conte­nues dans le soja sont égale­ment des pertur­ba­teurs endo­cri­niens bien connus, tant chez l’homme que chez l’ani­mal [Messina M, 2016N150 ; Dadon SB‑E & Reifen R, 2010N151 ; Habito RC et al., 2000N152 ; Dinsdale EC & Ward WE, 2010N153]. Chez les hommes, la consom­ma­tion de soja est asso­ciée à une augmen­ta­tion des taux d’in­fer­ti­lité et à une mauvaise qualité de sperme [Chavarro JE et al., 2008N154]. Les auteurs d’un docu­ment de synthèse exami­nant les risques poten­tiels des poly­phé­nolsN14 notent ce qui suit :

Des apports élevés [d’iso­fla­vones] ont été asso­ciés à une réduc­tion de la ferti­lité chez les animaux et à des effets anti-hormones lutéi­ni­santes chez les femmes avant méno­pause. En outre, des préoc­cu­pa­tions ont été expri­mées concer­nant la matu­ra­tion sexuelle des nour­ris­sons rece­vant des niveaux très élevés d’iso­fla­vones dans les prépa­ra­tions pour nour­ris­sons à base de soja. Ceci est parti­cu­liè­re­ment impor­tant pour les bébés garçons, qui présentent norma­le­ment une sécré­tion d’hor­mone lutéi­ni­sante entre la nais­sance et l’âge de 6 mois [Mennen LI et al., 2005N155].

(Page 70) Le soja est ici un très mauvais acteur, et les isofla­vones comme la génis­téineN156 qu’il contient ont égale­ment un effet néga­tif sur les proces­sus hormo­naux au niveau de la thyroïde :

De plus, une réduc­tion de l’ac­ti­vité de la peroxy­daseN157 thyroï­dienne a été obser­vée chez des rats nour­ris avec un régime supplé­menté en génis­téine. Ces effets de la génis­téine sur la fonc­tion thyroï­dienne sont plus pronon­cés en cas de carence en iode. Ceci est parti­cu­liè­re­ment préoc­cu­pant pour les bébés expo­sés à des doses parti­cu­liè­re­ment élevées d’iso­fla­vones par l’ali­men­ta­tion au soja [Mennen LI et al., 2005N155].

(Page 71) La thyroïde peroxy­dase est l’une des enzymes néces­saires à la fabri­ca­tion des hormones thyroï­diennes actives. La réduc­tion ou l’in­hi­bi­tion de son acti­vité entraîne une baisse de ces hormones et d’autres effets néga­tifs dans tout l’or­ga­nisme. Les caté­chinesN116 conte­nues dans le thé ont égale­ment été mises en rela­tion avec des anoma­lies de la thyroïde, ainsi qu’a­vec la dimi­nu­tion des niveaux de peroxy­dase thyroï­dienne et d’autres enzymes néces­saires à la synthèse des hormones thyroï­diennes dans des modèles animaux [Chandra AK & De N, 2013N158]. Des niveaux inadé­quats d’hor­mones thyroï­diennes provoquent la fatigue, la dépres­sion, la prise de poids, l’in­to­lé­rance au froid, le brouillard céré­bral et de nombreux autres symp­tômes qui rendent impos­sible une vie saine.

Le soja et les compo­sés flavo­noïdesN81 qu’il contient semblent égale­ment aggra­ver notre réponse inflam­ma­toire aux agents patho­gènes. Dans une étude récente, 250 personnes ont reçu un compo­sant de la paroi cellu­laire d’une bacté­rie connu pour déclen­cher le système immu­ni­taire. Les marqueurs inflam­ma­toires qui en résultent, notam­ment l’IL‑1N159, l’IL‑6N160 et le TNF-alphaN161, étaient tous plus élevés chez ceux qui consom­maient le plus d’ali­ments conte­nant du soja [Ferguson JF et al., 2014N162]. Des recherches supplé­men­taires sont néces­saires, mais des études comme celle-ci suggèrent que les flavo­noïdes et d’autres compo­sés du soja ne jouent pas franc jeu avec notre système immunitaire.

(Page 71) La quer­cé­tineN163, une molé­cule présente dans les oignons, les baies, les raisins et les poivrons, est égale­ment connue pour déclen­cher la signa­li­sa­tion œstro­gé­nique et agir comme un pertur­ba­teur endo­cri­nienN145. Elle y parvient à la fois en se liant au récep­teur des œstro­gènes et en inter­fé­rant avec la dégra­da­tion des œstro­gènes par l’in­hi­bi­tion de l’en­zyme catécholamine-O-méthyltransféraseN164 […]

(Page 72) Les tanins sont une autre caté­go­rie de molé­cules poly­phé­no­liquesN14 large­ment répan­dues dans les aliments végé­taux. Ce sont des molé­cules de défense qui inhibent les enzymes diges­tives des animaux qui tentent de les manger, ce qui les rend plus diffi­ciles à digé­rer. J’ai mentionné précé­dem­ment que de nombreux rumi­nants herbi­vores, comme les élans et les moutons, ont déve­loppé des protéines dans leur salive qui se lient aux tanins et les inac­tivent. Les animaux qui ont évolué en mangeant des plantes comme prin­ci­pale source de nour­ri­ture doivent avoir déve­loppé de multiples méca­nismes de ce type pour les aider à faire face aux toxines des plantes, mais les humains sont dépour­vus dans ce domaine. Sans cette protec­tion, ces molé­cules inhibent nos enzymes diges­tives lors­qu’elles sont ingé­rées et altèrent le proces­sus de diges­tion [Gilani GS et al., 2012N165 ; Griffiths DW, 1986N166].

(Page 73) Les flavo­noïdesN81 peuvent égale­ment agir comme des inhi­bi­teurs diges­tifs, entra­vant l’ab­sorp­tion de la vita­mine C et entraî­nant une dimi­nu­tion signi­fi­ca­tive de l’uti­li­sa­tion nette des protéines [Song J et al., 2002N167 ; Hussein L & Abbas H, 1986 (sans lien)]. Si nous voulons absor­ber tous les nutri­ments de nos aliments, nous devons être en mesure de les digé­rer correc­te­ment, et les poly­phé­nolsN14 inhibent ce processus.

(Page 73) Nous ne pouvons pas chan­ger nos gènes, mais nous pouvons abso­lu­ment chan­ger la façon dont ils sont acti­vés et désac­ti­vés. Comment ? Grâce à l’ali­men­ta­tion et au mode de vie ! Ce sont les outils les plus puis­sants dont nous dispo­sons pour favo­ri­ser la santé dans nos vies.

(Page 74) Bien que les sali­cy­latesN168 ne soient pas tech­ni­que­ment des poly­phé­nolsN14, ces molé­cules contiennent un cycle aroma­tique et sont utili­sées par les plantes comme moyen de défense en réponse à une attaque [Van Huijsduijnen RAMH et al., 1986N169].

(Page 74) Ces molé­cules ne sont pas présentes dans les aliments d’ori­gine animale, et l’on sait que les taux sanguins en sont plus élevés chez les végé­ta­riens [Lawrence JR et al., 2003N170]. Les symp­tômes courants liés à la sensi­bi­lité aux sali­cy­lates sont les maux de tête, l’asthme, les érup­tions cuta­nées et les bour­don­ne­ments d’oreilles. Il a été démon­tré que l’éli­mi­na­tion de ces toxines du régime alimen­taire était béné­fique pour les personnes sensibles souf­frant d’asthme et d’autres affec­tions aller­giques [Sommer DD et al., 2016N171].

Les aliments riches en sali­cy­latesN168 comprennent les asperges, les amandes, les avocats, les cerises, les necta­rines, les dattes, les mûres, les noix de coco et l’huile de coco, le miel, les tomates, les pommes de terre et les auber­gines, bien que cette liste ne soit pas exhaustive.

➡ Liste en effet très incom­plète, comme le signale Taty Lauwers (2022N172).

(Page 74) Après la curcu­mine, le resvé­ra­trolN75 est proba­ble­ment le composé végé­tal dont on parle le plus en ce moment. Il faut toute­fois se rappe­ler que cette molé­cule, et la plupart des poly­phé­nolsN14, sont des substances chimiques de défense des plantes produites en cas d’at­taque. […] Les médias voudraient pour­tant nous faire croire le contraire, en présen­tant le resvé­ra­trol comme une « fontaine de jouvence » qui favo­rise la vita­lité et la longé­vité. En prenant du resvé­ra­trol, prétendent-ils, vous pouvez deve­nir un vampire top model — toujours jeune et plein de vita­lité. Malheureusement, ces affir­ma­tions ont été faites préma­tu­ré­ment et sont entiè­re­ment basées sur des études sur les animaux. Pour être honnête, les résul­tats obte­nus sur des vers, des mouches à fruits et des souris étaient impres­sion­nants. Ils ont montré des amélio­ra­tions dans des modèles de diabète et une longé­vité accrue. Le méca­nisme du resvé­ra­trol, qui semble acti­ver une famille de gènes appe­lés sirtuinesN173 impli­qués dans la longé­vité, est intri­guant. Quoi qu’il en soit, dans les essais sur l’homme, le resvé­ra­trol a été un échec massif et a égale­ment montré de nombreux effets secon­daires poten­tiel­le­ment dommageables.

Lors d’une étude rando­mi­sée et contrô­lée par placebo sur des patients atteints du syndrome méta­bo­lique, le resvé­ra­trolN75 n’a démon­tré aucun avan­tage et a même aggravé les marqueurs du contrôle glycé­mique [Kjær TN et al., 2017N174]. Dans un essai sur la stéa­tose hépa­tique non alcoo­liqueN175, les résul­tats du resvé­ra­trol ont été tout aussi déce­vants, ne montrant aucun avan­tage clinique ou un béné­fice histo­pa­tho­lo­gique (micro­sco­pique) [Heebøll S et al., 2016N176]. Une autre étude inter­ven­tion­nelle de quatre mois chez des hommes d’âge moyen atteints du syndrome méta­bo­lique n’a pas non plus montré de béné­fice et a révélé une dimi­nu­tion des précur­seurs de la testo­sté­roneN177, l’andros­té­né­dioneN178, la DHEAN179 et la DHEA‑SN180 [Kjaer TN et al., 2015N181]. Cela ne me semble pas si magique.

(Pages 75–76) Un autre aspect inté­res­sant de l’his­toire du resvé­ra­trol est que nous n’avons pas besoin de cette molé­cule pour acti­ver les sirtuinesN173, qui améliorent poten­tiel­le­ment la longé­vité. Devinez ce qui active aussi ces gènes ? La cétose ! Les cétonesN182, comme le bêta-hydroxy buty­rateN183, activent les sirtuines et de nombreux autres gènes asso­ciés à la longé­vité. Vous vous souve­nez qu’à la fin du chapitre précé­dent, j’ai dit que nous n’avions pas besoin de molé­cules végé­tales pour acti­ver les méca­nismes cellu­laires qui nous aident à atteindre une santé optimale ?

Dans ce chapitre, j’ai donné l’exemple de la forma­tion du gluta­thionN108 et d’un statut anti­oxy­dant opti­mal, et je décris main­te­nant le contrôle épigé­né­tique des gènes de longé­vité — deux objec­tifs qui peuvent être atteints sans molé­cules végé­tales, simple­ment en menant une vie saine.

Nous n’avons pas besoin des promesses vides des molé­cules végé­tales pour être au mieux de la forme. Sauter dans l’eau froide, faire de l’exer­cice et jeûner ou prati­quer un régime céto­gène comme le régime carni­vore nous permet d’at­teindre une santé opti­male et d’évi­ter les effets secon­daires néga­tifs qui accom­pagnent les molé­cules végé­tales non compa­tibles avec notre « système d’ex­ploi­ta­tion » humain.

(Page 76) Je ne suggère certai­ne­ment pas ici que les molé­cules végé­tales n’ont pas de valeur théra­peu­tique ou que nous ne devrions pas les étudier en tant qu’a­gents possibles du cancer ou d’autres mala­dies, mais il y a une diffé­rence entre l’uti­li­sa­tion des plantes et des compo­sés végé­taux comme aliments et comme médi­ca­ments. La première appli­ca­tion suggère que nous avons, d’une manière ou d’une autre, besoin de ces molé­cules pour fonc­tion­ner de manière opti­male, une prémisse que je désap­prouve fortement.

(Page 76) Dans le cas de la mala­die, je reste ouvert à la possi­bi­lité que des produits phar­ma­ceu­tiques d’ori­gine natu­relle ou synthé­tique puissent offrir des théra­pies effi­caces, mais comme je l’ai indi­qué précé­dem­ment, nous devons rester vigi­lants dans notre recherche de la cause profonde des mala­dies et ne pas être trop rapides à amélio­rer ou à masquer les symp­tômes par des inter­ven­tions moléculaires.

6) Les oxalates à l’attaque

(Page 78) Chez l’homme, l’acide oxaliqueN184 est produit comme un déchet et excrété dans l’urine. Il résulte de la dégra­da­tion des acides aminés glycineN134 et hydroxy­pro­lineN185 et d’une molé­cule appe­lée glyoxa­lateN186 dans un proces­sus appelé la voie du glyoxalate.

(Page 79) […] certaines plantes large­ment consi­dé­rées comme saines contiennent des quan­ti­tés énormes d’oxalatesN8 par rapport à ce que nous pour­rions trou­ver natu­rel­le­ment dans notre corps. Normalement, l’homme produit 10 à 30 mg d’oxa­lates par jour par la voie du glyoxa­late et la dégra­da­tion des acides aminésN187. En avalant simple­ment un smoo­thie vert « sain » le matin, nous pour­rions nous expo­ser à plus de deux cents fois cette quan­tité ! Peut-on arrê­ter la folie des smoo­thies verts ? On devrait plutôt appe­ler ces bois­sons des bombes vertes à l’oxalate.

Source : Community Doctor

(Page 80) Que mettent la plupart des gens dans leurs smoo­thies verts ? Une concoc­tion d’épi­nards, de lait d’amande et de mûres, avec une cuille­rée de curcuma pour faire bonne mesure, peut faci­le­ment créer une bois­son conte­nant plus de mille milli­grammes d’oxa­lates haute­ment absor­bables. C’est beau­coup ? Bien sûr que oui ! Il y a eu des cas docu­men­tés de décès liés à la consom­ma­tion d’aussi peu que cinq mille milli­grammes d’oxa­lates [Sippy JJ, 1919N188 ; James LF, 2008N189 ; Sanz P & Reig R, 1992N190 ; Farré M et al., 1989N191], une dose que l’on peut atteindre en une jour­née avec quelque chose comme un « smoo­thie vert nettoyant ».

« Non », dites-vous, « vous êtes fou ! Un smoo­thie vert puri­fi­ca­teur ne peut pas faire de mal à quel­qu’un ! » Oh si, cela pour­rait, et il existe des rapports de cas docu­men­tant exac­te­ment cette occur­rence avec une telle entre­prise malavi­sée, résul­tant en des dommages rénaux permanents :

Nous rappor­tons un cas de néphro­pa­thieN192 aiguë à l’oxalateN8 chez une femme de 65 ans, asso­cié tempo­rel­le­ment à la consom­ma­tion d’un smoo­thie vert riche en oxalate « nettoyant » préparé à partir de jus de légumes à feuilles vertes et de fruits riches en oxalate. … La consom­ma­tion de tels jus nettoyants augmente l’ab­sorp­tion d’oxa­late, provo­quant une hyper­oxa­lu­rie et une néphro­pa­thie aiguë à oxalate chez les patients présen­tant des facteurs de risque prédis­po­sants. Compte tenu de la popu­la­rité crois­sante des jus nettoyants, il est impor­tant que les patients autant que les méde­cins soient davan­tage sensi­bi­li­sés au risque de néphro­pa­thie aiguë à l’oxa­late chez les personnes sensibles présen­tant des facteurs de risque tels qu’une mala­die rénale chro­nique, un pontage gastrique et l’uti­li­sa­tion d’an­ti­bio­tiques [Makkapati S et al., 2018N193].

La patiente dont il est ques­tion dans ce cas présent présen­tait les facteurs de risque prédis­po­sants d’un pontage gastrique et d’une utili­sa­tion récente d’an­ti­bio­tiques, mais avant cette « puri­fi­ca­tion « , sa fonc­tion rénale était normale. Elle a consommé en moyenne 1300 mg d’oxa­lates par jour, ce qui a entraîné une insuf­fi­sance rénale aiguë et lui a laissé des lésions rénales perma­nentes néces­si­tant une dialyse continue.

Dans des cas extrêmes, des lésions rénales dues aux oxalatesN8 ont égale­ment été signa­lées suite à une consom­ma­tion exces­sive de caca­huètes [Park H et al., 2014N194]. La toxi­cité des oxalates est bien connue dans la litté­ra­ture médi­cale, et les néphro­logues qui ont rédigé le rapport de cas sur le smoo­thie vert pour­suivent : « Une hyper­oxa­lu­rieN195 induite par le régime alimen­taire a été rappor­tée avec les caram­bolesN196, les noix (arachides et amandes), la rhubarbe, le thé glacé, le cham­pi­gnon chagaN197, les jus de fruits et de légumes et la vita­mine C. »

En outre, chez les enfants souf­frant de problèmes génito-urinaires allant de saigne­ments dans l’urine aux calculs rénaux, il a été démon­tré que l’éli­mi­na­tion du lait d’amande permet­tait de résoudre ces problèmes [Ellis D & Lieb J, 2015N198].

(Page 81) Les cham­pi­gnons sont l’un des aliments que l’on me demande souvent d’in­clure dans le régime des carni­vores. Techniquement, les cham­pi­gnons font partie d’une famille diffé­rente de celle des plantes, mais il semble qu’ils aient fréquem­ment évolué vers des méca­nismes de défense qui pour­raient nous faire réflé­chir avant de les consommer.

Il est perti­nent de signa­ler une étude de cas montrant une insuf­fi­sance rénale néces­si­tant une dialyse en cas de consom­ma­tion fréquente de poudre de cham­pi­gnon chagaN197 :

Une femme japo­naise de 72 ans avait reçu un diag­nos­tic de cancer du foie un an avant de se présen­ter dans notre service. … La poudre de cham­pi­gnon chaga (quatre à cinq cuillères à café par jour) avait été ingé­rée au cours des six derniers mois pour le cancer du foie. La fonc­tion rénale a dimi­nué et l’hé­mo­dia­lyse a été initiée. Les échan­tillons de biop­sie rénale ont montré une atro­phie tubu­laire diffuse et une fibrose inter­sti­tielle. Des cris­taux d’oxalateN8 ont été détec­tés dans le lumen tubu­laire et dans le sédi­ment urinaire et une néphro­pa­thieN192 à oxalate a été diag­nos­ti­quée. Les cham­pi­gnons chaga contiennent des concen­tra­tions extrê­me­ment élevées d’oxa­late [Beug MW, 2019N199 – PDF].

(Page 82) Chez des personnes en bonne santé, des cris­taux d’oxalateN8 micro­sco­piques et macro­sco­piques (de grande taille) ont été obser­vés de manière patho­lo­gique dans le thymus, les reins, les vais­seaux sanguins, les testi­cules, le cerveau, les yeux, la thyroïde et les seins [Wahl R et al., 1993N200]. Les oxalates n’ont pas d’uti­lité dans ces tissus mais semblent s’y dépo­ser au cours de notre vie, ce qui est proba­ble­ment lié à l’aug­men­ta­tion des niveaux dans le sang résul­tant de la consom­ma­tion d’ali­ments à forte teneur en oxalate. Dans des autop­sies, une étude de 103 glandes thyroï­diennes a montré que 79 % d’entre elles conte­naient des cris­taux d’oxa­late. Un composé toxique se trouve dans la grande majo­rité des glandes thyroï­diennes ? Les gens doivent manger des tonnes de ces trucs tout au long de leur vie… Oh atten­dez, c’est exac­te­ment ce qui se passe !

(Page 83) Cette étude d’au­top­sie et d’autres ont montré que les taux d’oxa­late chez les personnes atteintes de mala­dies thyroï­diennes, comme la thyroï­dite de HashimotoN201 ou la mala­die de GravesN202, étaient infé­rieurs à ceux des personnes ayant une thyroïde normale. Une hypo­thèse convain­cante est que ces mala­dies auto-immunesN6 ont pu être déclen­chées en réponse au dépôt d’oxa­late, dans une tenta­tive d’éli­mi­ner ces cris­taux. Il y a proba­ble­ment beau­coup de choses qui déclenchent des lésions auto-immunes de la thyroïde condui­sant à des états d’hypo­thy­roï­dieN97 et d’hyper­thy­roï­dieN203, mais les oxalatesN8 peuvent certai­ne­ment être un facteur pour certaines personnes.

(Page 83) Bien que ce ne soit pas reconnu par le corps médi­cal offi­ciel comme étant lié aux oxalatesN8, de nombreuses femmes souf­frant du syndrome de douleur vulvo­va­gi­nale, ou vulvo­dy­nieN88 connaissent un soula­ge­ment signi­fi­ca­tif lorsque les oxalates sont suppri­més de leur alimen­ta­tion. Les femmes qui souffrent de cette affec­tion éprouvent des douleurs lors des rapports sexuels, de la miction et de la posi­tion assise prolon­gée, ce qui entraîne une dimi­nu­tion signi­fi­ca­tive de leur qualité de vie globale. Les données recueillies par la Vulvar Pain Foundation suggèrent qu’un régime pauvre en oxalates est l’in­ter­ven­tion la plus effi­cace pour les femmes qui souffrent de ces problèmes.

(Pages 83–84) Une étude de 2011 a révélé que les enfants autistes présen­taient des taux d’oxalateN8 trois fois plus élevés dans le sang et deux fois et demie plus élevés dans leurs urines [Konstantynowicz J et al., 2012N204]. Ces cher­cheurs ont conclu :

L’hyper­oxa­lié­mieN205 et l’hyper­oxa­lu­rieN195 peuvent être impli­quées dans la patho­ge­nèse du trouble du spectre autis­tiqueN206 chez l’en­fant. On ne sait pas encore si cela résulte d’une excré­tion rénale défi­ciente ou d’une absorp­tion intes­ti­nale impor­tante, ou des deux, ou si les oxalatesN8 peuvent traver­ser la barrière hémato-encéphalique et pertur­ber le fonc­tion­ne­ment du système nerveux central chez les enfants autistes.

Des recherches supplé­men­taires sont évidem­ment néces­saires pour éluci­der le rôle de l’oxa­late chez les enfants autistes, mais il semble que quelque chose d’im­por­tant se passe ici et que l’évi­te­ment des aliments conte­nant de l’oxa­late pour­rait être une stra­té­gie raison­nable pour la gestion de ce trouble.

Le dépôt de cris­taux d’oxalateN8 dans le tissu mammaire a égale­ment été docu­menté dans de nombreuses études et est asso­cié à des lésions précan­cé­reuses connues sous le nom de carci­nome lobu­laire in situN207 [Gonzalez JE et al., 1991N208].

(Page 85) Plus de 75 % des calculs rénaux sont consti­tués d’oxa­late de calcium. Cela signi­fie qu’en­vi­ron trois quarts de tous les calculs rénaux pour­raient être évités en évitant les aliments conte­nant de l’oxalate.

(Page 85) Les aliments à forte teneur en oxalate provoquent une augmen­ta­tion de l’ex­cré­tion urinaire d’oxa­late obser­vée deux à quatre heures après leur consom­ma­tion. Dans des études portant sur le choco­lat et le curcuma, les niveaux post­pran­diaux d’oxa­late urinaire ont fait un bond substan­tiel jusqu’à des niveaux reflé­tant ceux obser­vés chez les patients atteints d’hyper­oxa­lu­rie primi­tiveN209 [d’ori­gine génétique] :

Chez six sujets mascu­lins … l’in­ges­tion de choco­lat a provo­qué une augmen­ta­tion frap­pante mais tran­si­toire de l’ex­cré­tion urinaire d’acide oxalique due à son absorp­tion dans le trac­tus gastro-intestinal supé­rieur. Les taux d’ex­cré­tion maxi­maux sont surve­nus 2 à 4 heures après l’in­ges­tion du choco­lat. Les valeurs maxi­males étaient de 235 % du taux d’ex­cré­tion à jeun dans l’es­sai avec 50 g de choco­lat et de 289 % dans l’es­sai avec 100 g de choco­lat et ont atteint les quan­ti­tés trou­vées dans les cas d’hyper­oxa­lu­rie primi­tiveN209. L’hyperoxalurie tran­si­toire obser­vée semble être un facteur impor­tant pour la forma­tion de calculs d’oxa­late de calcium chez les patients présen­tant un risque de calculs.

7) Haricots rouges et maladie de Parkinson

Haricots azuki
Source : Cookipedia

(Pages 90–91) Qu’elle soit inha­lée dans une lettre sous forme de poudre ou injec­tée sous forme de granu­lés par un agent de la police secrète, la ricineN210 tue ses victimes en quelques heures doulou­reuses en inhi­bant la fonc­tion des ribo­somesN211 — orga­nites cellu­laires où les frag­ments d’ARN sont trans­for­més en protéines [Montarano L et al., 1973N212]. En fait, elle entrave nos usines cellu­laires, les faisant s’ar­rê­ter net et mettant lente­ment fin à la vie de tout orga­nisme qui a la malchance de l’in­gé­rer. Il n’est donc pas surpre­nant que le ricin ne soit pas un bon aliment, et la consom­ma­tion de cinq à vingt graines de ricin s’avère fatale pour l’homme [Hayes AW & Kruger CL, 2014N213].

Le concept de lectineN9 peut être un peu dérou­tant, mais pour faire simple, il s’agit d’un type parti­cu­lier de protéine qui se lie aux glyco­pro­téines à la surface ou à l’in­té­rieur de nos cellules. Dans le cas de la ricine, cette lectine se lie à une partie gluci­dique du ribo­some et l’empêche d’ef­fec­tuer le travail crucial de forma­tion des protéines.

Les lectines sont présentes dans tous les règnes de la vie, mais les lectines des plantes ne se comportent souvent pas bien chez l’homme. C’est un autre exemple des « systèmes d’ex­ploi­ta­tion » dispa­rates qui existent entre ces deux règnes de la vie. De manière géné­rale, les lectines ont tendance à être plus nombreuses dans les racines et les graines des plantes, et les aliments les plus riches en protéines pertur­ba­trices sont géné­ra­le­ment les légu­mi­neuses, les céréales, les graines, les noix et les tubercules.

(Page 91) Des nausées aiguës, des vomis­se­ments et des diar­rhées sont surve­nus chez des personnes ayant consommé des hari­cots rouges insuf­fi­sam­ment cuits, qui contiennent une lectine connue sous le nom de phyto­hé­mag­glu­ti­nineN214, ou PHA. Des centaines de cas d’in­toxi­ca­tion alimen­taire liés à ce hari­cot appa­rem­ment inof­fen­sif et à sa puis­sante lectine ont été enregistrés.

(Page 91) D’autres expé­riences menées sur plusieurs espèces animales, dont les souris, les cailles et les poulets, ont montré des effets néga­tifs similaires :

La PHA, la lectineN9 déri­vée des hari­cots rouges (Phaseolus vulga­ris), entraîne une réduc­tion des taux de crois­sance chez plusieurs espèces animales, lors­qu’elle est incor­po­rée à 0.5 – 5 % des protéines alimen­taires. L’alimentation à base de lectine entraîne des diar­rhées, une mauvaise absorp­tion des nutri­ments, une inhi­bi­tion du taux de crois­sance et peut même conduire à la mort des animaux nour­ris à la PHA [Ceri H et al., 1998N215].

(Pages 91–92) L’une des façons dont les PHA semblent causer ces effets graves est en affec­tant néga­ti­ve­ment l’équi­libre des microbes dans l’in­tes­tin, et les animaux élevés sans flore intes­ti­nale (connus sous le nom d’ani­maux gnoto­bio­tiques) ne connaissent pas les mêmes problèmes lors­qu’ils sont expo­sés à cette lectine :

Il est établi que ces effets indé­si­rables sont le résul­tat de chan­ge­ments induits par les PHAN214 dans la flore [bacté­rienne] endo­gène normale et ne sont pas dus à la sélec­tion par la lectine de bacté­ries patho­gènes spéci­fiques. Le prin­ci­pal chan­ge­ment appa­raît dans les niveaux d’aérobes facul­ta­tifsN216, qui augmentent chez les animaux nour­ris au PHA sans augmen­ta­tion des anaé­robes obli­ga­toiresN217 [Ceri H et al., 1998N215].

➡ Explication sur les bacté­ries à gram posi­tif ou négatif

(Page 92) La présence d’un ensemble diver­si­fié de microbes dans notre micro­biome gastro-intestinal est cruciale pour une santé opti­male, et une faible diver­sité a été asso­ciée à diverses mala­dies chro­niques, notam­ment le diabète et les mala­dies inflam­ma­toires de l’in­tes­tin. Les PHAN214 et de nombreuses autres lectines végé­tales semblent être nuisibles à notre trac­tus gastro-intestinal en dimi­nuant la diver­sité des orga­nismes qui s’y trouvent par le biais d’une inter­ac­tion avec nos cellules épithé­liales gastro-intestinales [Shen H et al., 2017N218 ; Dicker AJ et al., 2018N219].

➡ Voir Physiologie gastro-intestinaleN220

(Page 95) […] Les cher­cheurs ont observé des chan­ge­ments dans les popu­la­tions de bacté­ries aéro­bies, comme Escherichia coliN221, en raison des alté­ra­tions de la couche de mucus qui permettent à ces orga­nismes de se déve­lop­per. Ils ont égale­ment noté que les PHAN214 sont capables de se lier direc­te­ment à l’épi­thé­lium gastro-intestinal d’une manière qui induit ces chan­ge­ments. Il semble que les PHA se lient direc­te­ment à la muqueuse intes­ti­nale et endom­magent les cellules qui s’y trouvent, notam­ment les cellules cali­ci­formesN222 qui contri­buent à créer et à main­te­nir une couche de mucus saine. Lorsque cette couche de mucus est érodée par l’ac­tion des PHA, les bacté­ries entrent en contact direct avec l’épi­thé­lium de l’in­tes­tin, ce qui incite notre orga­nisme à déclen­cher une réponse immunitaire.

Pour ce faire, notre orga­nisme libère une protéine appe­lée zonu­lineN223, qui déclenche l’ou­ver­ture des jonc­tions étroites entre les cellules épithé­liales [Kong S et al., 2018N224] […] Cela permet aux cellules immu­ni­taires de la lamina propriaN225 de se dépla­cer dans l’in­tes­tin et de combattre les enva­his­seurs, de sorte que la couche de mucus peut être réta­blie et que la paix peut être restau­rée dans les terres de notre trac­tus gastro-intestinal. Chez l’ani­mal et l’homme, les lectinesN9 comme le PHAN214 semblent causer des dommages en alté­rant l’in­té­grité de l’épi­thé­lium gastro-intestinal et en créant des poro­si­tés intes­ti­nales. Le cher­cheur qui a décou­vert la zonu­line, le Dr Alessio Fasano, note que l’on a constaté une forte corré­la­tion entre les niveaux élevés de cette molé­cule et les mala­dies auto-immunes :

L’expression de la zonu­lineN223 est augmen­tée dans les mala­dies auto-immunesN6 asso­ciées à un dysfonc­tion­ne­ment de la jonc­tion étroite, notam­ment la mala­die cœliaqueN226 et le diabète de type 1N227. Les études animales et les essais sur l’homme utili­sant l’in­hi­bi­teur pepti­dique synthé­tique de la zonu­line ont établi que la zonu­line est inté­gra­le­ment impli­quée dans la patho­ge­nèse des mala­dies auto-immunes [Fasano A, 2012N228].

La mala­die cœliaqueN226 est une mala­die dans laquelle une lésion auto-immune des micro­vil­lo­si­tés de l’in­tes­tin grêle est déclen­chée par une lectineN9 appe­lée glutenN229. Dans le cas du diabète de type 1N227, une attaque auto-immune contre le pancréasN230 détruit les cellules qui sécrètent l’in­su­line. L’élément déclen­cheur n’est pas connu, mais comme le suggère le Dr Fasano, les poro­si­tés intes­ti­nales semblent jouer un rôle impor­tant dans ces deux pathologies.

(Page 96) Les lectines comme le PHA et le gluten semblent déclen­cher cet état inflam­ma­toire de l’in­tes­tin qui fuit en inter­fé­rant avec la capa­cité de notre corps à produire une couche saine de mucus car elles se lient aux cellules cali­ci­formesN222 et inhibent leur fonctionnement.

Il n’est pas surpre­nant que les « régimes occi­den­taux » soient asso­ciés à un dysfonc­tion­ne­ment de la couche de mucus chez l’homme, asso­cia­tion souvent impu­tée au fait qu’ils sont rela­ti­ve­ment pauvres en fibres [Wahl R et al., 1993N200]. Mais est-ce vrai­ment le manque de fibres qui est à l’ori­gine d’une couche de mucus défi­ciente chez les personnes suivant le régime améri­cain stan­dard ? Ou s’agit-il d’autre chose, comme les fortes doses de lectines et de sucres trans­for­més inhé­rentes à ce mode d’alimentation ?

(Pages 96–97) Le PHA n’est pas la seule lectineN9 prove­nant d’ali­ments végé­taux qui est connue pour causer des dommages. Le glutenN229, déjà mentionné, est une autre lectine présente dans le blé, le seigle et l’orge, qui est respon­sable d’une grande quan­tité de problèmes. Il est à l’ori­gine de la mala­die cœliaqueN226 et de mala­dies moins connues comme la sensi­bi­lité au gluten non cœliaqueN231. Le blé est plein de lectines et possède égale­ment de l’agglu­ti­nineN232 de germe de blé (AGB). De nombreuses recherches ont été menées sur les effets néga­tifs que ces deux lectines peuvent avoir sur les animaux et les humains.

(Page 97) La glia­dineN233, un frag­ment de la molé­cule de gluten, stimule égale­ment la libé­ra­tion de zonu­lineN223 dans des modèles de culture de cellules épithé­liales de l’in­tes­tin grêle. Elle provoque des dommages au cytos­que­letteN234, à l’ADN/ARN et une augmen­ta­tion du stress oxydantN139, entraî­nant souvent la mort cellu­laire program­méeN105 [Elli L et al., 2003N235 ; Clemente MG et al., 2003N236].

(Page 98) Jusqu’à présent, nous avons parlé des lectinesN9 du blé et des hari­cots rouges, mais il existe de nombreuses autres lectines dans les aliments végé­taux qui peuvent être nocives pour l’homme. Il a été démon­tré qu’une lectine présente dans les arachides, connue sous le nom d’agglu­ti­nine d’ara­chideN237, modi­fie la crois­sance de la muqueuse rectale d’une manière compa­tible avec l’in­duc­tion possible de lésions précan­cé­reuses [Ryder SD et al., 1998N238].

(Page 98) Les tomates ne sont pas des graines ou des tuber­cules, mais elles appar­tiennent à la famille des sola­na­ceaeN239 qui possèdent de nombreuses toxines connues pour être parti­cu­liè­re­ment nocives. Font égale­ment partie de ce groupe les pommes de terre blanches, les auber­gines, les poivrons, les piments, le tabac et les baies de goji. Non seule­ment les membres de cette lignée contiennent le glycoal­ca­loïdeN240 toxique sola­nineN241 dans leurs feuilles et leurs racines, mais ils contiennent égale­ment de nombreuses lectinesN9 poten­tiel­le­ment dangereuses.

(Page 98) D’autres études portant sur plusieurs aliments, dont le soja, les lentilles, le germe de blé et les hari­cots rouges, ont montré que de nombreuses lectinesN9 de ces aliments pouvaient se lier aux globules blancs, les inci­tant à déclen­cher l’alarme cellu­laire en libé­rant des cyto­kinesN137 inflam­ma­toires [Haas H et aal., 1999N242].

➡ Explications sur le role hypo­thé­tique des lectines dans la surve­nue de la mala­die de ParkinsonN243, via une migra­tion dans le nerf vagueN244, à partir d’une expé­ri­men­ta­tion sur le ver C. elegans qui concluait :

(Page 100) Ces obser­va­tions suggèrent que les lectines végé­tales alimen­taires sont trans­por­tées vers les neurones dopa­mi­ner­giques de C. elegans et les affectent, ce qui confirme l’hy­po­thèse de Braak et Hawkes, suggé­rant une autre étio­lo­gie alimen­taire poten­tielle de la mala­die de ParkinsonN243 (MP). Une étude danoise récente a montré que la vago­to­mieN245 entraî­nait une dimi­nu­tion de 40 % de l’in­ci­dence de la MP sur 20 ans. Des diffé­rences dans les struc­tures de sucre héri­tées des surfaces des cellules intes­ti­nales et neuro­nales peuvent rendre certains indi­vi­dus plus sensibles dans ce modèle concep­tuel d’étio­lo­gie de la mala­die [Zheng J et al., 2016N246].

Comme mentionné dans l’ex­trait précé­dent, Braak et Hawkes avaient précé­dem­ment émis l’hy­po­thèse qu’un « agent patho­gène inconnu » ingéré pénètre dans le trac­tus gastro-intestinal et se trans­porte via le nerf vagueN244 jusqu’au tronc céré­bral, indui­sant un dysfonc­tion­ne­ment neural géné­ra­lisé [Goedert M et al., 2013N247]. Les auteurs de cette étude suggèrent, sur la base de la cohorte danoise de vago­to­miesN245 et de leurs propres résul­tats, que les lectinesN9 ingé­rées peuvent endom­ma­ger l’in­tes­tin et se dépla­cer par le nerf vagueN244 jusqu’au cerveau, où elles semblent être toxiques pour les neurones dopa­mi­ner­giquesN248.

➡ Des expé­riences simi­laires ont été menées sur des rats :

(Page 101) Ces données démontrent que l’ad­mi­nis­tra­tion conjointe de doses infé­rieures à un seuil de para­quatN249 et de lectinesN9 induit un parkin­so­nisme progres­sif, sensible à la L‑dopa, qui est précédé d’une dysmo­ti­lité gastrique. Ce nouveau modèle précli­nique de la mala­die de ParkinsonN243 déclen­chée par l’en­vi­ron­ne­ment apporte un soutien fonc­tion­nel à l’hy­po­thèse de Braak sur le stade de la mala­die de Parkinson idio­pa­thique [Anselmi L et al., 2018N250].

(Page 101) La possi­bi­lité que les lectines végé­tales contri­buent à la patho­ge­nèse de cette mala­die est frap­pante et consti­tue un chan­ge­ment de para­digme poten­tiel dans le monde des mala­dies neuro­dé­gé­né­ra­tives. Il est toute­fois impor­tant de souli­gner que certaines personnes sont plus suscep­tibles d’être sensibles à ce type de lésion neuro­nale. Toutes les personnes qui mangent des hari­cots, des tomates ou des caca­huètes ne déve­loppent pas la mala­die de Parkinson, mais chez celles dont la géné­tique est sensible à ce type de dommages induits par les lectines, la consom­ma­tion d’ali­ments végé­taux pour­rait être un facteur contri­buant au déve­lop­pe­ment et à la progres­sion de mala­dies neuro­dé­gé­né­ra­tivesN251.

(Pages 102–103) Sachant que nous avons mangé des tonnes de plantes et vécu dans des envi­ron­ne­ments toxiques pendant la majeure partie de notre vie, nous avons tous été expo­sés à des stimuli inflam­ma­toires, mais les résul­tats se mani­festent de diffé­rentes manières. Lorsque je suis exposé à de tels stimuli, je fais de l’asthme et de l’ec­zéma et je deviens un peu irri­table. Ce sont mes faiblesses géné­tiques, pas les vôtres. Lorsque vous êtes exposé à des attaques inflam­ma­toires, vous pouvez déve­lop­per une mala­die thyroï­dienne auto-immune, comme la thyroï­dite de Hashimoto, ou vous pouvez déve­lop­per un lupus, une poly­ar­thrite rhuma­toïde ou un diabète. La méde­cine occi­den­tale est désem­pa­rée lors­qu’elle essaie de consi­dé­rer ces mala­dies comme des milliers d’en­ti­tés diffé­rentes, ce qui la laisse souvent impuis­sante à appor­ter un réel chan­ge­ment dans la vie de ceux qui souffrent de ces mala­dies. L’erreur de juge­ment critique que commet la méde­cine occi­den­tale est d’ima­gi­ner qu’il existe des milliers de mala­dies chro­niques diffé­rentes, alors qu’en fait il n’y en a qu’une seule, l’inflammation.

Alors comment corri­ger cette cause majeure de mala­die chro­nique ? Nous cher­chons ses racines et les éliminons !

(Page 103) L’un des prin­ci­paux effets posi­tifs du régime carni­vore est la perte de poids. Il existe aujourd’­hui des milliers d’his­toires de personnes qui perdent faci­le­ment du poids lorsque les plantes sont élimi­nées de leur alimen­ta­tion et que les aliments d’ori­gine animale de haute qualité sont privi­lé­giés. Beaucoup de ces personnes ont commencé par des diètes céto­gènesN252, qui incluent toujours quelques plantes, mais elles ont trouvé la perte de poids encore plus facile et ont eu moins de frin­gales lors­qu’elles ont complè­te­ment éliminé toutes les plantes. Cela peut s’ex­pli­quer par le fait que les lectinesN9 ont égale­ment un effet néga­tif sur le stockage des graisses et les méca­nismes de satiété chez l’homme.

(Page 103) Des études sur la lectine agglu­ti­nine de germe de blé ont montré qu’elle peut se lier au récep­teur de l’in­su­line, stimu­ler la crois­sance des cellules grais­seuses et inhi­ber la lipo­lyseN253. Les lectines végé­tales semblent imiter l’ac­tion de l’insu­lineN254 en stimu­lant la crois­sance des cellules grais­seuses, ce qui peut entraî­ner une prise de poids chez les personnes qui en consomment et entra­ver les efforts visant à obte­nir une compo­si­tion corpo­relle saine.

Les personnes qui suivent un régime carni­vore constatent égale­ment une amélio­ra­tion signi­fi­ca­tive de la satiété et obtiennent souvent des avan­tages supé­rieurs à ceux des diètes céto­gènesN252, qui comprennent géné­ra­le­ment de nombreux aliments à forte teneur en lectines, tels que les noix, les graines et les légumes de la famille des sola­na­ceaeN239. On a égale­ment constaté que les lectines affectent néga­ti­ve­ment la signa­li­sa­tion d’une hormone de satiété appe­lée leptineN255. Dans un modèle simpli­fié, la leptine est une hormone qui est libé­rée lorsque nous mangeons pour indi­quer à notre cerveau que nous avons assez mangé et que nous sommes rassa­siés. La cascade complète des hormones impli­quées dans la réponse de satiété est beau­coup plus complexe que cela, mais à un niveau de base, la leptine annonce la satiété.

(Page 105) Comme toutes les autres molé­cules végé­tales dont nous avons parlé, les lectinesN9 sont des armes végé­tales. Elles sont conçues pour décou­ra­ger les préda­teurs, et l’ob­jec­tif des plantes est clair dans ce cas. Il est vrai que certaines lectines peuvent être déna­tu­rées par la cuis­son, notam­ment à des pres­sions et des tempé­ra­tures élevées, mais les lectines sont omni­pré­sentes dans le règne végé­tal et sont présentes dans de nombreux aliments qui sont géné­ra­le­ment consom­més crus ou légè­re­ment cuits. Il est égale­ment vrai que les lectines sont présentes dans les aliments d’ori­gine animale ainsi que dans le corps humain. Renforçant le concept de « systèmes d’ex­ploi­ta­tion » dispa­rates, la majo­rité des recherches sur les lectines suggèrent que les lectines végé­tales ont le poten­tiel d’en­dom­ma­ger notre intes­tin et de solli­ci­ter notre système immu­ni­taire, bien plus que celles prove­nant de la viande et des organes animaux.

Section III

8) Mythe n°1 : les plantes sont de super aliments

(Page 109) En parcou­rant les rayon­nages de n’im­porte quelle épice­rie, il ne faut pas long­temps avant d’aper­ce­voir des affiches affir­mant que des aliments comme le brocoli, les épinards, le chou frisé ou les baies de goji sont des « super aliments ». Les fruits et légumes sont souvent commer­cia­li­sés de cette manière, mais qu’est-ce que cela signi­fie vrai­ment ? D’où viennent ces affir­ma­tions et quelles sont les preuves qui les étayent ? Qu’est-ce qui rend ces aliments à ce point « super » ?

(Page 109) En écar­tant toutes les notions de « phyto­nu­tri­ments » ou licornes magiques qui rendent excep­tion­nels les fruits et légumes, comment pourrions-nous théo­ri­que­ment défi­nir un « super aliment » ? […] Je suggère que, pour méri­ter cette appel­la­tion, un aliment doit être riche en micro­nu­tri­ments dont les humains ont besoin pour se déve­lop­per. De plus, ces micro­nu­tri­ments doivent être sous la forme la plus utili­sable pour la biochi­mie humaine et ils doivent être biodis­po­nibles. Dans ce chapitre, nous exami­ne­rons en détail la teneur et la qualité réelles en nutri­ments des aliments d’ori­gine animale par rapport aux aliments d’ori­gine végétale.

Nutriments magiques dans les aliments d’origine animale

➡ Ces nutri­ments sont présen­tés dans d’autres articles de ce site.

Déclin de la santé mentale avec les régimes à base de plantes

(Page 115) Comme nous savons déjà que les végé­ta­riens et les végé­ta­liens sont suscep­tibles de présen­ter des carences en de nombreux nutri­ments essen­tiels à une bonne santé, tels que la créa­tineN256, la cholineN258 et la carni­tineN259, il n’est pas surpre­nant que l’in­ci­dence des troubles mentaux soit beau­coup plus élevée dans les popu­la­tions végé­ta­riennes. Bien que les corré­la­tions dans les études [d’ob­ser­va­tion] suivantes soient sugges­tives, il est impor­tant de noter que ces recherches relèvent de l’épi­dé­mio­lo­gie et que nous ne pouvons pas tirer de conclu­sions causales. Cependant, sur la base de ce que nous savons des défi­ciences chez les végé­ta­riens et les végé­ta­liens de plusieurs nutri­ments impli­qués dans la santé du cerveau, nous pouvons certai­ne­ment formu­ler des hypo­thèses fortes.

Source : Wikipedia

(Page 116) Une analyse portant sur plus de 9 000 femmes austra­liennes a montré que les végé­ta­riens avaient beau­coup plus de problèmes de santé mentale, présen­taient des niveaux plus élevés de carence en fer et étaient plus suscep­tibles de prendre des médi­ca­ments sur ordon­nance ou en vente libre que les non-végétariens [Baines S et al., 2007N260]. Une autre étude austra­lienne a révélé que les végé­ta­riens des deux sexes étaient deux fois plus suscep­tibles de souf­frir de dépres­sion, d’an­xiété et d’autres problèmes de santé qu’un groupe de non-végétariens appa­riés en termes d’âge et de sexe. Ces enquê­teurs ont déclaré : « Nos résul­tats ont montré qu’un régime végé­ta­rien est asso­cié à une moins bonne santé (inci­dence plus élevée de cancers, d’al­ler­gies et de troubles mentaux), à un besoin accru de soins de santé et à une moins bonne qualité de vie. » [Burkert T et al., 2014N261]

(Page 116) Les mêmes tendances ont été obser­vées dans les popu­la­tions euro­péennes. Dans une très vaste étude trans­ver­sale menée en France, les symp­tômes dépres­sifs étaient signi­fi­ca­ti­ve­ment plus fréquents chez les végé­ta­riens et chez ceux qui excluent la viande de leur alimen­ta­tion. Ces cher­cheurs ont montré que plus les aliments d’ori­gine animale étaient exclus, plus les parti­ci­pants étaient suscep­tibles de souf­frir de dépres­sion [Matta J et al., 2018N262]. Une tendance simi­laire a été obser­vée en Allemagne, où les végé­ta­riens présen­taient des taux de troubles mentaux plus élevés que les personnes mangeant de la viande [Michalak J et al., 2012N263]. Enfin, des études menées en Finlande et en Suède ont montré que les végé­ta­riens étaient trois à quatre fois plus suscep­tibles de souf­frir de troubles affec­tifs saison­niers [Meesters AN et al., 2016N264]. Vous vous souve­nez que j’ai dit que la viande rouge pour­rait bien être le meilleur antidépresseur ?

➡ Ces études obser­va­tion­nelles — métho­do­lo­gie juste­ment décriée par l’au­teur — n’ont mesuré que des corré­la­tions, ce qui incite J Matta et al. à conclure (Matta J et al., 2018N262) : « […] l’as­so­cia­tion entre les régimes végé­ta­riens et la dépres­sion pour­rait n’être qu’un exemple parti­cu­lier d’une asso­cia­tion plus large entre les symp­tômes dépres­sifs et l’ex­clu­sion alimen­taire, indé­pen­dam­ment des types d’ali­ments. » J Michalak et al. concluent aussi (Michalak J et al., 2012N263) : « Toutefois il n’y avait aucune preuve du rôle causal du régime végé­ta­rien dans l’étio­lo­gie des troubles mentaux. » Enfin, Meesters AN et al. écrivent dans leur discus­sion [Meesters AN et al., 2016N264] : « Les végé­ta­riens sont plus préoc­cu­pés par la santé et ont souvent des opinions parti­cu­lières sur la mise à mort des animaux. De nos jours, les préoc­cu­pa­tions de santé semblent égale­ment jouer un rôle dans la déci­sion de deve­nir végé­ta­rien. Il se peut que, confor­mé­ment à ces opinions et préoc­cu­pa­tions, les végé­ta­riens s’op­posent aux anti­dé­pres­seurs et recherchent donc des trai­te­ments non phar­ma­co­lo­giques. C’est peut-être la raison pour laquelle nous avons constaté qu’il y avait un pour­cen­tage élevé de végé­ta­riens dans la clinique ambu­la­toire de trouble affec­tif saisonnier. »

Il n’est donc pas prouvé que l’ex­clu­sion d’ali­ments d’ori­gine animale était la cause des symp­tômes dépres­sifs dans la mesure où l’ex­clu­sion d’autres aliments était asso­ciée aux mêmes effets.

Origines de la dépression et de l’anxiété

(Page 117) Tout au long de ma forma­tion [en psychia­trie), j’ai été constam­ment ennuyé par le fait que les médi­ca­ments que nous utili­sions ne semblaient pas trai­ter la cause profonde des mala­dies. Le para­digme archaïque de la mala­die psychia­trique est que les déséqui­libres des neuro­trans­met­teurs entraînent la mala­die et que nous pouvons les « rééqui­li­brer » avec des médi­ca­ments. Le problème est que ce para­digme est en grande partie incorrect.

(Page 117) De nombreuses recherches ont montré qu’en plus d’être déclen­chées par des carences en nutri­ments, les mala­dies psychia­triques sont aussi large­ment de nature inflam­ma­toire. Je n’étais pas informé de ces possi­bi­li­tés, proba­ble­ment parce qu’il n’exis­tait pas de médi­ca­ments pour trai­ter l’in­flam­ma­tion dans le cerveau et que la forma­tion médi­cale ne mettait guère l’ac­cent sur la nutri­tion. Or, dans le cerveau des personnes souf­frant de dépres­sion, d’an­xiété et de nombreux autres problèmes de santé mentale, le système immu­ni­taire est activé et l’on constate des taux élevés de cyto­kinesN137 inflam­ma­toires, comme l’IL‑6N160 et le TNF-alphaN265 [Dowlati Y et al., 2010N266 ; Lindqvist D et al., 2009N267 ; Rosenblat JD et al., 2015N268]. Les mala­dies psychia­triques ne sont pas diffé­rentes des mala­dies chro­niques présentes ailleurs dans l’or­ga­nisme. Toutes deux peuvent être liées à l’in­flam­ma­tion et à l’ac­ti­va­tion du système immunitaire.

(Page 117) Malheureusement, dans la méde­cine occi­den­tale, si nous n’avons pas de médi­ca­ment pour quelque chose, nous l’igno­rons le plus souvent. Par consé­quent, nous écar­tons souvent des indices clés sur les racines d’une mala­die. C’est exac­te­ment ce qui s’est passé en psychia­trie au cours des cinquante dernières années. Depuis l’avè­ne­ment des médi­ca­ments anti­dé­pres­seurs, nous nous sommes enti­chés d’un modèle de neuro­trans­met­teur qui ne fonc­tionne pas, parce que c’est tout ce que nous savons faire. Pourtant, comme nous l’avons déjà décou­vert, nous dispo­sons d’une arme très puis­sante pour combattre l’in­flam­ma­tion, mais c’est un élément que la méde­cine occi­den­tale conti­nue de négli­ger : la nourriture !

(Page 118) Si nous aspi­rons à une santé opti­male, nous devons nous assu­rer que nos intes­tins sont en bonne santé et éviter de consom­mer des aliments qui peuvent contri­buer à les endommager.

Vitamines et minéraux dans les aliments d’origine animale versus végétale

(Page 118) […] les miné­raux comme le zinc, le fer, le magné­sium et le sélé­nium se trouvent dans les aliments végé­taux, mais à cause d’une molé­cule appe­lée acide phytiqueN269, et de ce person­nage inquié­tant qu’est l’oxalateN8, notre capa­cité à les absor­ber est consi­dé­ra­ble­ment réduite par rapport aux aliments d’ori­gine animale (Lönnerdal B, 2000N270). Des études portant sur l’ab­sorp­tion de miné­raux lors de la consom­ma­tion d’ali­ments avec et sans acide phytique indiquent clai­re­ment que la biodis­po­ni­bi­litéN71 des aliments végé­taux est consi­dé­ra­ble­ment réduite.

Huîtres. Source : David+World

Par exemple, les huîtres sont la source alimen­taire connue la plus riche en zinc et, lors­qu’elles sont consom­mées seules, elles produisent une forte augmen­ta­tion du zinc plas­ma­tique dans les deux ou trois heures suivant l’in­ges­tion. En revanche, lorsque les cher­cheurs ont ajouté des hari­cots ou des tortillas, l’ab­sorp­tion du zinc a été consi­dé­ra­ble­ment réduite [Solomons NW et al., 1979N271]. Les hari­cots et les tortillas sont des aliments connus pour leur forte concen­tra­tion en acide phytique. Lorsque des hari­cots noirs ont été asso­ciés à des huîtres, les niveaux plas­ma­tiques de zinc ont dimi­nué jusqu’à un tiers de la quan­tité normale, et lorsque des tortillas ont été consom­mées, elles ont complè­te­ment inhibé l’ab­sorp­tion du zinc. Un schéma simi­laire est observé pour le magné­sium et le calcium, avec une absorp­tion signi­fi­ca­ti­ve­ment réduite de ces miné­raux impor­tants lors­qu’ils sont consom­més avec des légumes à forte teneur en oxalatesN8 comme les épinards [Bohn T et al., 2017N272 ; Amalraj A et al., 2015N273].

(Page 119) Comme on pouvait s’y attendre, les études portant sur les personnes suivant un régime à base de plantes montrent systé­ma­ti­que­ment des niveaux infé­rieurs de miné­raux tels que le fer, le zinc et le calcium [Hunt JR, 2003N274 ; de Bortoli MC & Cozzolino SM, 2009N275 ; Craig WJ, 2009N276 ; Gibson RS et al., 2014N277 ; Kadrabová J et al., 1995N278] . Les auteurs d’une étude qui a examiné les niveaux de miné­raux des végé­ta­riens déclarent :

Les végé­ta­riens avaient des niveaux de zinc et de cuivre plas­ma­tiques statis­ti­que­ment signi­fi­ca­tifs infé­rieurs à ceux des non-végétariens, ce qui peut être le résul­tat d’une biodis­po­ni­bi­litéN71 plus faible du zinc et du cuivre dans ce type de régime. … Le statut en sélé­nium était signi­fi­ca­ti­ve­ment plus faible chez les végé­ta­riens que chez les non-végétariens. … Un régime végé­ta­rien ne four­nit pas un apport suffi­sant en oligo-éléments anti­oxy­dants essen­tiels, comme le zinc, le cuivre et surtout le sélé­nium (Kadrabová J et al., 1995N278).

(Page 119) Les inquié­tudes concer­nant l’in­suf­fi­sance nutri­tion­nelle des régimes à base de plantes trouvent un écho dans une étude récente publiée par la Mayo Clinic :

Nous avons constaté que certains de ces nutri­ments, qui peuvent avoir des réper­cus­sions sur les troubles neuro­lo­giques, l’ané­mie, la soli­dité des os et d’autres problèmes de santé, peuvent être défi­cients dans les régimes végé­ta­liens mal plani­fiés. … Les végé­ta­liens peuvent présen­ter un risque accru de carences en vita­mine B12, fer, calcium, vita­mine D, acides gras oméga 3 et protéines [Fields H et al., 2016N279].

On a égale­ment constaté que les végé­ta­liens présen­taient des taux très impor­tants de carence en iode [Krajcovicová-Kudlácková M et al., 2003N280 ; Kristensen NB et al., 2015N281], un problème qui pour­rait empê­cher la forma­tion correcte des hormones thyroïdiennes.

(Page 119) Le fer est un autre miné­ral connu pour être beau­coup plus diffi­cile à obte­nir à partir des plantes, et de nombreuses études montrent des taux de carence plus élevés chez les végé­ta­riens et les végé­ta­liens [Pawlak R et al., 2016N282 ; Young I et al., 2018N283].

Vitamines et méthylation

➡ Une partie de cet exposé figure dans mon article Compléments alimentaires.

Source : N284

(Page 121) Il est impor­tant de noter que les niveaux d’homo­cys­téineN285 sont connus pour être plus fréquem­ment élevés lorsque l’on s’ap­puie sur une alimen­ta­tion à base de plantes, ce qui suggère une alté­ra­tion de la méthy­la­tionN286 [Krajc̆ovic̆ová-Kudlác̆ková M. et al., 2000N287]. Des taux élevés [dans le sang] de ce composé peuvent indi­quer une carence en plusieurs vita­mines B, dont la B12, la B6 et l’acide foliqueN288, et ont été corré­lés à une réduc­tion de la taille du cerveau, tant chez les personnes en bonne santé que chez celles atteintes de la mala­die d’Alzheimer [Gröber U et al., 2013N289]. Dans un récent article de synthèse sur ce sujet, les auteurs ont déclaré :

Les taux de vita­mine B12 dans la four­chette infé­rieure de la normale (< 250 ρmol/L) sont asso­ciés à la mala­die d’Alzheimer, à la démence vascu­laire et à la mala­die de Parkinson. Le végé­ta­risme et l’uti­li­sa­tion de metfor­mine contri­buent à la baisse des taux de vita­mine B12 et peuvent indé­pen­dam­ment augmen­ter le risque de troubles cogni­tifs [Moore E et al., 2012N290].

Discussion sur la rareté des vita­mines B6 et B2 (ribo­fla­vineN291) dans le monde végé­tal. Ces substances jouent aussi un rôle impor­tant dans la méthy­la­tionN286.

(Pages 122–123) De quelle quan­tité de ribo­fla­vine avons-nous besoin pour opti­mi­ser la méthy­la­tion ? Personne ne le sait avec certi­tude, mais il semble que ce soit de l’ordre de 2 à 3 milli­grammes par jour. […] Il faudrait manger plus d’un kilo et demi d’épi­nards pour obte­nir 3 milli­grammes de ribo­fla­vine ! Pouvez-vous imagi­ner les gaz que vous auriez après cela ou la quan­tité d’oxalatesN8 que vous ingé­re­riez avec une telle montagne de cette feuille verte ? À l’in­verse, un mangeur de viande avisé pour­rait obte­nir 3 milli­grammes de ribo­fla­vine dans envi­ron 100 grammes de foie ou de rein !

Dans mon expé­rience person­nelle, en tant que personne homo­zy­gote pour le poly­mor­phisme MTHFR 677N292 C->T, mes taux d’homo­cys­téineN285 ont atteint jusqu’à 13 µmol par litre pendant ma période végé­ta­lienne et sont main­te­nant infé­rieurs à 7 µmol par litre sans supplé­men­ta­tion en L‑méthylfolate lorsque j’ob­tiens une quan­tité adéquate de ribo­fla­vineN291 à partir de viandes biolo­giques. J’ai égale­ment observé des tendances simi­laires chez mes patients présen­tant des poly­mor­phismes du MTHFR.

Vitamine A

(Page 123–124) La « vita­mine A » des plantes n’est pas vrai­ment une vita­mine. C’est un précur­seur appelé béta-carotèneN293 qui doit être trans­formé par l’en­zyme BCMON294 en la forme utili­sée dans notre biochi­mie, connue sous le nom de réti­nolN295. Le problème est que cette conver­sion n’est pas très effi­cace, et chez certaines personnes présen­tant des poly­mor­phismes de la BCMO, elle est affreu­se­ment lente [Lietz G et al., 2012N296 ; Tang G, 2010N297]. Des études suggèrent que, même en l’ab­sence de poly­mor­phismes du BCMO, 21 unités de béta-carotène sont néces­saires pour égaler la valeur biolo­gique d’une unité de vita­mine A réti­nol (la forme présente dans les aliments d’ori­gine animale). Les carences en ce nutri­ment sont asso­ciées à la cécité nocturne, mais les fonc­tions de cette vita­mine sont nombreuses, et des niveaux sous-optimaux pour­raient contri­buer à une foule d’ef­fets néga­tifs dans l’organisme.

Purée de patate douce à l’an­cienne
Source : Le Cri de la Courgette

En tenant compte de ces facteurs de conver­sion du béta-carotène en réti­nol, pour obte­nir le niveau recom­mandé de réti­nol en équi­va­lents béta-carotène il faudrait consom­mer 19 000 milli­grammes de cette molé­cule végé­tale. Cela repré­sente presque un demi-kilo par jour de patates douces — qui sont la source la plus riche en béta-carotène — et qui contiennent des oxalatesN8 ! Entre une livre de patates douces pour la vita­mine A et trois livres d’épi­nards pour la ribo­fla­vineN291, auriez-vous le temps de manger autre chose, ou même de la place dans votre estomac ?

J’espère que vous pouvez voir un modèle émer­ger ici. Avec notre trac­tus gastro-intestinal humain, il est prati­que­ment impos­sible de consom­mer suffi­sam­ment d’ali­ments végé­taux pour répondre à tous nos besoins nutri­tion­nels, et si nous essayons de le faire, nous allons rece­voir des tonnes de toxines dans le processus.

➡ Des critiques du régime carni­vore ont mis en avant le risque de « toxi­cité » de la vita­mine A ingé­rée en grande quan­tité dans le foie animal. Paul Saladino répond à cette objec­tion sur une vidéo (2021N298). En résumé, consom­mer du foie issu de viandes de pâtu­rage nous main­tient large­ment en dessous du niveau de toxi­cité de la vita­mine A. D’autre part, son méta­bo­lisme est faci­lité par d’autres miné­raux, tels que le zinc, présents dans cet aliment. La toxi­cité ne peut être atteinte que par des supplé­ments forte­ment dosés qui n’in­cluent pas les miné­raux néces­saires à l’as­si­mi­la­tion. Pour atteindre un seuil de toxi­cité il faudrait, pour une personne défi­ciente en zinc, consom­mer chaque jour envi­ron 800 g de foie — 40 000 IU de vita­mine A (réti­nol) — ce qui corres­pond à la quan­tité suggé­rée (et suffi­sante) pour une consom­ma­tion hebdo­ma­daire. Il invite à consul­ter la litté­ra­ture au sujet de la toxi­cité induite par les supplé­ments admi­nis­trés à des personnes en malnu­tri­tion : “La toxi­cité chro­nique résulte de l’in­ges­tion de grandes quan­ti­tés de vita­mine A synthé­tique pendant des mois ou des années. Une consom­ma­tion quoti­dienne de plus de 20 000 IU pendant plus de 6 ans, ou 100 000 IU pendant plus de 6 mois, est esti­mée toxique, mais on observe une forte varia­bi­lité inter­in­di­vi­duelle pour le mini­mum néces­saire à induire cette toxi­cité” [Penniston KL & Tanumihardjo SA, 2006N299 page 194]. Il cite par ailleurs des études aver­tis­sant du risque de toxi­cité de vita­mine A chez des femmes enceintes, signa­lant que les problèmes appa­raissent après inges­tion de vita­mines ajou­tées aux céréales « forti­fiées » du petit déjeu­ner. Voir entre autres Mills JL et al. (1997N300).

Paul Saladino mentionne au début de cette vidéo la coutume des chasseurs-cueilleurs tradi­tion­nels — comme les HadzaN68 de Tanzanie — qui consiste à parta­ger et consom­mer en premier le foie de l’ani­mal abattu.

Vitamine K

➡ Voir la discus­sion sur mon article Compléments alimentaires. L’auteur recon­naît que le nattōN301 est une source appré­ciable de vita­mine K2, mais il déclare sa préfé­rence pour les sources d’ori­gine animale comme le jaune d’œuf ou le foie.

Protéines

➡ Voir mon article Protéines

Acides gras oméga 3

➡ Voir mon article Glucides ou lipides ?

Pourquoi les régimes végétaliens aident-ils certaines personnes ?

(Page 130) C’est proba­ble­ment le bon moment pour un peu d’au­then­ti­cité et d’hon­nê­teté de ma part. Vous êtes prêts pour une bombe ? J’ai été végé­ta­lien ! Et pas n’im­porte quel végé­ta­lien : un végé­ta­lien crudi­vore ! C’est la vie ou la mort, non ? Moi aussi, j’ai été séduit par la propa­gande à base de plantes. C’était il y a long­temps, quinze ans pour être exact, et ça n’a pas du tout fonc­tionné pour moi. J’ai perdu 25 kilos de muscles pendant les six mois où je n’ai mangé que des fruits et légumes crus, et je ressem­blais à un sque­lette. Les gens me disaient genti­ment que j’étais trop maigre tout le temps, mais j’étais trop ancré dans l’idéo­lo­gie pour entendre ces aver­tis­se­ments. J’avais égale­ment d’hor­ribles effets secon­daires gastro-intestinaux, notam­ment des gaz et des ballon­ne­ments constants. Il est amusant de consta­ter que certains parti­sans du véga­nisme soutiennent aujourd’­hui que nous devrions accep­ter l’aug­men­ta­tion des flatu­lences qui accom­pagne inva­ria­ble­ment les régimes à base de plantes. Les pauvres âmes avec lesquelles je parta­geais un bureau à l’époque où j’étais végé­ta­lien me supplie­raient de ne pas être de cet avis, tout comme les nombreuses personnes qui ont connu les gaz et les ballon­ne­ments qui accom­pagnent souvent les régimes à base de plantes ou riches en fibres.

Il est impor­tant de recon­naître, cepen­dant, que les régimes végé­ta­liens peuvent aider certaines personnes, du moins à court terme. L’une des prin­ci­pales carac­té­ris­tiques que partagent le régime végé­ta­lien et le régime carni­vore est l’éli­mi­na­tion de certains aliments, et c’est cette élimi­na­tion qui peut être incroya­ble­ment effi­cace. L’erreur de juge­ment qui est souvent commise en ce qui concerne les régimes à base de plantes, cepen­dant, est que ce serait l’éli­mi­na­tion de la viande qui produit les chan­ge­ments posi­tifs. Des milliers d’his­toires de personnes dont la santé s’est consi­dé­ra­ble­ment amélio­rée grâce à des régimes carni­vores stricts, ou des régimes paléo et céto­gènes incluant de la viande, vont à l’en­contre de cette hypo­thèse. Dans un excès de zèle à diabo­li­ser les aliments d’ori­gine animale, beau­coup négligent le fait qu’un régime végé­ta­lien exclut souvent les produits laitiers courants et les aliments trans­for­més. On ne peut pas accu­ser la viande des dégâts causés par le pain, le sucre et la malbouffe !

(Page 130) Du point de vue de l’évo­lu­tion, il n’est abso­lu­ment pas logique que les aliments d’ori­gine animale deviennent soudai­ne­ment mauvais pour nous, ou mauvais pour certaines personnes et pas pour d’autres. Les régimes à base de plantes fonc­tionnent à court terme pour certaines personnes, car elles ont éliminé certains aliments qui mobi­li­saient leur système immu­ni­taire. Cependant, à long terme, les régimes à base de plantes échouent en raison d’un manque de nutri­ments biodis­po­nibles ou de l’ac­ti­va­tion du système immu­ni­taire par de nombreuses toxines végétales […].

(Pages 131–132) L’autre ques­tion qui se pose souvent est de savoir pour­quoi certaines personnes semblent excel­ler avec un régime à base de plantes. Les médias voudraient nous faire croire que le fait de se débar­ras­ser des aliments d’ori­gine animale a permis à des athlètes d’ob­te­nir de meilleures perfor­mances, mais ces affir­ma­tions sont incroya­ble­ment trom­peuses. Les histoires d’amé­lio­ra­tion des perfor­mances athlé­tiques suite à l’adop­tion d’un régime à base de plantes omettent souvent de souli­gner le fait qu’a­vant cette tran­si­tion, la plupart de ces athlètes avaient une alimen­ta­tion pleine d’ali­ments trans­for­més. N’importe quel choix alimen­taire inten­tion­nel sera meilleur qu’un régime améri­cain stan­dard gorgé de malbouffe !

Tim Shieff en 2017. Source : Wikipedia

De nombreux joueurs profes­sion­nels affirment suivre un régime « plus végé­tal », mais il est diffi­cile de savoir exac­te­ment ce qu’ils mangent. Le taux de bles­sures chez les athlètes végé­ta­liens semble être sensi­ble­ment plus élevé que chez ceux qui conti­nuent à manger de la viande. Au cours de l’an­née écou­lée, de nombreux athlètes initia­le­ment féli­ci­tés pour avoir adopté un régime à base de plantes ont recom­mencé à manger de la viande, tandis que d’autres ont subi des bles­sures qui ont mis fin à leur saison. Parmi eux, la star du tennis Novak Djokovic, les basket­teurs Kyrie Irving, DeMarcus Cousins et Lauri Markkanen, les quater­backs Andrew Luck et Cam Newton, le free runner anglais Tim Shieff et le lanceur de base­ball CC Sabathia. Tom Brady est souvent présenté comme se nour­ris­sant « à base de plantes », mais il a clai­re­ment indi­qué qu’il incluait judi­cieu­se­ment de la viande dans son alimen­ta­tion. Il existe égale­ment de nombreux exemples d’ath­lètes d’élite qui se sont conver­tis au végé­ta­lisme et ont vu leurs perfor­mances dimi­nuer de manière signi­fi­ca­tive, ce qui les a souvent conduits à une retraite anti­ci­pée. Aux plus hauts niveaux de compé­ti­tion, les régimes à base de plantes ne permettent tout simple­ment pas d’op­ti­mi­ser les perfor­mances ou la dura­bi­lité des athlètes. Affaire classée.

➡ Voir aussi mon article Pour les végan·e·s.

Le problème de la notion de bio-individualité

(Page 132) Une autre façon pour certains de cher­cher à conci­lier les preuves que les gens semblent s’amé­lio­rer avec des régimes à base de plantes ou d’ani­maux est de faire appel à la bio-individualité. C’est l’idée que, parce que nous sommes géné­ti­que­ment uniques, les régimes végé­ta­liens fonc­tionnent pour certaines personnes et les régimes carni­vores, céto­gènes ou paléo pour d’autres. Bien que je ne rejette pas d’emblée le concept de bio-individualité, je pense que cette notion a été trop géné­ra­li­sée et mal appli­quée. Lorsque nous exami­nons les varia­tions géné­tiques entre les humains, nous décou­vrons que nous sommes tous beau­coup plus semblables que différents.

(Page 132) L’équation de la bio-individualité comporte deux éléments : la biochi­mie et la tolé­rance immu­ni­taire. […] Bien qu’il semble exis­ter une certaine varia­tion entre les humains en termes de quan­tité de micro­nu­tri­ments dont nous avons besoin pour bien fonc­tion­ner, ces diffé­rences sont assez faibles et la plupart d’entre nous ont besoin d’en­vi­ron les mêmes quan­ti­tés de vita­mines, de miné­raux et d’acides gras pour permettre à nos magni­fiques méca­nismes internes de fonc­tion­ner sans heurts.

Mort d’Achille
Source : medi​ter​ra​nees​.net

(Page 133) Le deuxième élément de cette équa­tion est la tolé­rance immu­ni­taire, qui semble être très variable d’un indi­vidu à l’autre, mais pas de la manière dont la plupart des gens l’ima­ginent. […] Ce sont nos suscep­ti­bi­li­tés géné­tiques indi­vi­duelles qui déter­minent comment nous tombons malades en cas d’in­flam­ma­tion. Nous avons tous notre propre talon d’Achille, qui se révèle lorsque le système immu­ni­taire est déclen­ché. Je pense qu’un régime carni­vore de type « du nez à la queue » est notre régime ances­tral fonda­men­tal, et que la grande majo­rité des humains sur la planète s’épa­nouira en mangeant de cette manière. Je crois égale­ment que certaines personnes sont capables de tolé­rer plus d’ali­ments végé­taux que d’autres, et que diffé­rents aliments végé­taux peuvent être déclen­cheurs pour diffé­rentes personnes. Pour les personnes atteintes d’une mala­die auto-immuneN6 ou d’une autre mala­die chro­nique, un régime entiè­re­ment carni­vore pour­rait être la meilleure option, mais pour celles qui ne semblent pas être déclen­chées par certains aliments végé­taux moins toxiques, ces végé­taux pour­raient être inclus dans le régime de temps en temps.

Notre cerveau ne ment pas — Aliments de source animale versus végétale

(Page 133) Nous avons parlé d’une tonne d’études dans ce chapitre, mais il y en a encore une qui mérite d’être parta­gée. Dans cette expé­rience, les cher­cheurs ont montré des images d’ali­ments d’ori­gine animale comme la viande et le pois­son à des végé­ta­riens et à des mangeurs de viande [Giraldo M et al., 2019N302]. Ils ont ensuite évalué les deux groupes à l’aide de mesures subjec­tives, comme l’en­vie de manger, et de mesures objec­tives, comme les réponses neuro­nales dans le cerveau (ERP). […] Voici ce qu’ils ont trouvé :

Chez les végé­ta­riens, les plats de viande et de pois­son ont suscité un désir de manger, un carac­tère agréable et une exci­ta­tion plus faibles au cours de chaque mise en situa­tion, par rapport aux omni­vores et à la nour­ri­ture végé­ta­rienne. Contrairement aux données subjec­tives, aucune diffé­rence entre les groupes n’a été obser­vée dans les mesures ERP, ce qui suggère que le trai­te­ment neuro­nal des signaux alimen­taires est simi­laire chez les végé­ta­riens et les omni­vores, tant pendant l’ob­ser­va­tion passive que pendant la rééva­lua­tion cogni­tive. … Dans l’en­semble, nos résul­tats suggèrent que, chez les végé­ta­riens, l’aver­sion envers les aliments non-végétariens prévaut au niveau subjec­tif, en cohé­rence avec leurs croyances person­nelles. En revanche, au niveau neuro­nal, la saillance moti­va­tion­nelle intrin­sèque de ce type d’ali­ments est préservée.

En gros, ces cher­cheurs ont décou­vert que, si les végé­ta­riens ont une aver­sion pour la viande au niveau subjec­tif, leur cerveau l’aime toujours et y répond posi­ti­ve­ment à un niveau plus primaire. Je trouve que c’est une preuve irré­fu­table qu’à un niveau fonda­men­tal, les humains sont program­més pour manger de la viande ! Bien que nous puis­sions construire des récits autour de cela et nous dire que nous n’ai­mons pas la viande ou qu’elle n’est pas bonne pour nous, nos cerveaux et nos corps savent toujours qu’elle est incroya­ble­ment précieuse et y répondent positivement.

9) Mythe n°2 : les fibres sont indispensables à la santé de l’intestin

(Page 135) La première ques­tion que l’on me pose géné­ra­le­ment quand je dis que je ne mange pas de plantes est « Comment faites-vous pour faire caca sans fibres ? ». Je vous épargne les preuves photo­gra­phiques de la qualité sublime de mes selles quoti­diennes ; vous n’au­rez qu’à me croire sur parole. Vous pouvez aussi écou­ter les milliers de témoi­gnages d’autres carni­vores qui ont constaté une amélio­ra­tion de leur fonc­tion gastro-intestinale grâce à ce mode d’ali­men­ta­tion. Vous n’avez pas besoin de fibres pour faire caca ni pour avoir un intes­tin sain, croyez-moi. Lors d’une confé­rence que j’ai donnée récem­ment, j’ai demandé à plus de 250 personnes qui avaient essayé le régime carni­vore si elles avaient constaté des amélio­ra­tions de leurs fonc­tions intes­ti­nales. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des mains de l’au­di­toire se sont levées !

(Pages 135–136) L’examen de la litté­ra­ture concer­nant les fibres et la consti­pa­tion montre rapi­de­ment que les fibres végé­tales n’en­traînent pas de meilleurs résul­tats chez les patients souf­frant de cette affection.

En exami­nant ces études, il est impor­tant de comprendre que la consti­pa­tion est plus que des selles peu fréquentes. Bien que ce soit l’un de ses symp­tômes, la consti­pa­tion se carac­té­rise égale­ment par des selles dures, qui peuvent être doulou­reuses et diffi­ciles à évacuer et sont souvent asso­ciées à la néces­sité d’uti­li­ser des laxa­tifs. Bien que les études sur les fibres puissent montrer une augmen­ta­tion de la fréquence ou du volume des selles, ce qui entraîne souvent une douleur encore plus grande, elles ne montrent aucun avan­tage en ce qui concerne la consis­tance des selles, la faci­lité de passage, les saigne­ments, l’uti­li­sa­tion de laxa­tifs ou la gêne lors de la défé­ca­tion. La consom­ma­tion de fibres permet aux personnes consti­pées d’al­ler à la selle plus souvent car il y a plus de matières à excré­ter, mais elle n’amé­liore aucun des symp­tômes désa­gréables de la consti­pa­tion. En fait, elle les aggrave souvent. Aïe !

(Page 136) Une analyse de cinq études portant sur 195 patients a démon­tré l’ab­sence de béné­fice des fibres dans le soula­ge­ment de la douleur ou d’autres symp­tômes de la constipation :

La prise de fibres alimen­taires peut mani­fes­te­ment augmen­ter la fréquence des selles chez les patients souf­frant de consti­pa­tion. Elle n’amé­liore pas mani­fes­te­ment la consis­tance des selles, la réus­site du trai­te­ment. L’utilisation de laxa­tifs et les symp­tômes de défé­ca­tion doulou­reuse ont été rappor­tés par plusieurs études. Comme les données ont été présen­tées par des méthodes diffé­rentes, seule la défé­ca­tion doulou­reuse a été analy­sée, et les résul­tats ont montré qu’il n’y avait pas de diffé­rence signi­fi­ca­tive entre les groupes fibres alimen­taires et placebo [Yang J et al., 2012N303].

Souhaitons-nous vrai­ment provo­quer plus de selles doulou­reuses chez les personnes qui en souffrent ? Cela ne me semble pas être une bonne inter­ven­tion. Les études sur la supplé­men­ta­tion en fibres chez les enfants ont montré une absence simi­laire d’amé­lio­ra­tion des symp­tômes de la consti­pa­tion, et dans une étude, les cher­cheurs ayant comparé des groupes à forte et à faible teneur en fibres ont conclu : « Le suivi à six et douze mois n’a montré … aucun avan­tage signi­fi­ca­tif en termes de réduc­tion de l’uti­li­sa­tion de laxa­tifs ou d’aug­men­ta­tion de la fréquence des selles asso­cié à un apport supplé­men­taire en fibres » [Sullivan PB et al., 2012N304].

(Pages 136–137) Ces études vont à l’en­contre des idées reçues, mais elles ne sont qu’un début. Non seule­ment il a été démon­tré que l’ajout de fibres végé­tales n’avait aucun effet béné­fique sur la consti­pa­tion, mais il a été démon­tré que l’éli­mi­na­tion des fibres amélio­rait la constipation.

(Page 137) Les résul­tats de cette étude [Ho K et al., 2012N305] ont montré que lorsque les fibres étaient complè­te­ment élimi­nées, 100 % des personnes souf­frant de consti­pa­tion voyaient tous leurs symp­tômes dispa­raître. Je ne comprends pas comment on peut prétendre que les fibres végé­tales sont béné­fiques pour la constipation.

Colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle (SIBO)

SIBO
Source : Wikipedia

(Pages 137–138) Il existe de multiples méca­nismes par lesquels les fibres peuvent aggra­ver la consti­pa­tion, mais chez de nombreuses personnes présen­tant des déséqui­libres du micro­biome gastro-intestinal, les fibres semblent favo­ri­ser la proli­fé­ra­tion des mauvais types de bacté­ries dans l’in­tes­tin grêle. […] Ce trouble est souvent asso­cié à la consti­pa­tion, aux gaz, aux ballon­ne­ments, à la diar­rhée inter­mit­tente et aux selles doulou­reuses. En pratique clinique, l’in­ter­ven­tion la plus effi­cace contre le SIBON306 consiste souvent à suppri­mer les fibres du régime alimen­taire. D’autres régimes, comme le régime pauvre en FODMAPN307 ou le régime en glucides spéci­fiquesN308, peuvent aider mais ne sont pas aussi effi­caces que l’éli­mi­na­tion de toutes les fibres. Les anti­bio­tiques et les herbes [médi­ci­nales] anti­bac­té­riennes sont souvent utili­sés pour trai­ter cette mala­die, mais ils échouent la plupart du temps, le taux de rechute du SIBO étant supé­rieur à 75 % si des chan­ge­ments alimen­taires ne sont pas mis en œuvre.

(Page 138) À la base, le SIBO semble être un problème de moti­lité intes­ti­nale. Normalement, des ondes péris­tal­tiquesN309 traversent la longueur de notre intes­tin grêle et descendent vers le côlon, empê­chant ainsi la proli­fé­ra­tion des bacté­ries dans les parties supé­rieures de notre tube diges­tif. Ces ondes sont connues sous le nom de complexe moteur migrantN310 et se produisent toutes les 45 à 180 minutes entre les repas. Chez les patients atteints de SIBO, le complexe moteur migrant semble être hypo-actif, ce qui permet aux popu­la­tions de bacté­ries du côlon de remon­ter dans l’in­tes­tin grêle, entraî­nant un déséqui­libre et une perte de diver­sité à cet endroit.

Lorsque ces bacté­ries enva­his­santes se déve­loppent dans l’in­tes­tin grêle, elles peuvent provo­quer la fermen­ta­tion des fibres végé­tales que nous mangeons, ce qui provoque des gaz et des ballon­ne­ments doulou­reux. Nous pouvons tenter de combattre cette dysbiose à l’aide d’an­ti­bio­tiques, mais les taux élevés de rechute du SIBO suggèrent que tant que nous n’au­rons pas résolu les problèmes de moti­lité, la proli­fé­ra­tion revien­dra en quelques semaines.

Dans le cas du SIBO, la suppres­sion des fibres végé­tales du régime alimen­taire est une première étape impor­tante dans le trai­te­ment de cette mala­die. En n’ap­por­tant pas de fibres aux microbes enva­his­sants de l’in­tes­tin grêle, ils peuvent progres­si­ve­ment retour­ner dans le côlon, où ils ont leur place, et la dysbiose obser­vée dans cette affec­tion semble s’améliorer.

(Page 138) Je crois qu’à la base, le SIBO est une mala­die auto-immuneN6 dans laquelle les nerfs respon­sables du complexe moteur migra­teur sont endommagés.

(Page 139) Je pense que les plantes déclenchent la plupart des mala­dies auto-immunesN6 que nous obser­vons aujourd’­hui, y compris le SIBO, des mala­dies psychia­triques et même des problèmes de peau comme l’eczémaN311 et le psoria­sisN312.

Vous ne voulez pas d’une paroi colique défaillante.

Diverticulose. Source : Wikipedia

(Page 139) Une autre mala­die pour laquelle les fibres sont parfois présen­tées comme béné­fiques est la diver­ti­cu­loseN313, mais comme nous le verrons, il s’agit encore d’une mala­die au sujet de laquelle la pensée domi­nante est tout à fait erro­née. La diver­ti­cu­lose est le proces­sus patho­lo­gique qui se produit lorsque la couche la plus interne du côlon (la sous-muqueuse) fait saillie à travers la couche muscu­laire externe, formant de petites poches qui sortent du gros intestin.

➡ Les diver­ti­cules appa­raissent en plus ou moins grand nombre chez envi­ron 40 % des personnes de plus de soixante ans.

(Page 139) Les diver­ti­cules peuvent égale­ment s’in­fec­ter et s’obs­truer, provo­quant une diver­ti­cu­liteN314. Une telle affec­tion peut entraî­ner une rupture du côlon avec une septi­cé­mieN315 ou des compli­ca­tions plus graves et, par consé­quent, néces­si­ter une résec­tionN316 intestinale.

(Page 139) Nous pouvons crédi­ter le Dr Denis Burkitt du bon nombre d’idées fausses sur les fibres et leur rôle dans la diver­ti­cu­loseN313. Dans les années 1970, il a suggéré que les taux élevés de cette mala­die dans les popu­la­tions occi­den­tales étaient dus à un manque de fibres dans l’ali­men­ta­tion — en se basant sur son obser­va­tion que les taux de cette affec­tion étaient beau­coup plus faibles chez les popu­la­tions rurales d’Afrique qui consom­maient beau­coup de fibres.

➡ L’approche de Painter NS & Burkitt DP (1971N317) n’est pas sans rappe­ler celle d’Ancel Keys « prou­vant » la noci­vité des graisses satu­rées sur la base d’une compa­rai­son entre 7 pays (1978N318). Ayant comparé les inci­dences de diver­ti­cu­lose dans 7 régions et conclu que les habi­tants ruraux d’Afrique sub-saharienne étaient les mieux lotis, ils écri­vaient (Painter NS & Burkitt DP, 1971N317 pages 452–453) :

Nous suggé­rons qu’un régime non raffiné conte­nant suffi­sam­ment de fibres peut préve­nir la diver­ti­cu­lose pour les raisons suivantes :

1) Le côlon qui arrive avec un grand volume de fèces est d’un large diamètre et ne déve­loppe pas de diver­ti­cules. Un tel côlon, ayant un large orifice ab initio, se segmente moins effi­ca­ce­ment qu’un côlon étroit et est moins sujet à la diver­ti­cu­lose.

2) Dans la plupart des cas, les rési­dus alimen­taires passent dans l’in­tes­tin de l’Africain en 48 heures, alors que chez l’Anglais, cela peut prendre plus du double. Ainsi, le côlon de l’Africain absorbe l’eau moins long­temps et doit propul­ser une masse fécale moins visqueuse. Par consé­quent, le côlon afri­cain produit proba­ble­ment moins de pres­sion, et est moins suscep­tible de deve­nir « trabé­culé » et de porter des diver­ti­cules.

3) Dans les pays occi­den­taux, la coutume exige souvent la suppres­sion de l’ap­pel à la selle, ce qui favo­rise le séchage des fèces et la géné­ra­tion d’une pres­sion accrue. En revanche, le Bantou d’Afrique du Sud évacue de grandes quan­ti­tés de selles humides sans forcer.

[…]

On ne sait pas encore si ce régime prévient la diver­ti­cu­lite, mais les symp­tômes de la mala­die diver­ti­cu­laire doulou­reuse sont géné­ra­le­ment dimi­nués ou abolis par l’ajout de son au régime.

(Page 139) Comme nous le savons, il est très risqué de déduire un lien de causa­lité à partir d’une corré­la­tion obser­vée, mais cette notion a été large­ment accep­tée pendant de nombreuses années — et reste à ce jour ancrée dans l’es­prit de nombreux clini­ciens et patients. Lorsque des études contrô­lées ont été réali­sées ulté­rieu­re­ment pour exami­ner cette rela­tion, les fibres n’ont pas démon­tré un rôle protec­teur dans l’ap­pa­ri­tion de la diver­ti­cu­lose. En outre, comme dans le cas de la consti­pa­tion, certaines études ont estimé que les fibres pouvaient être nuisibles.

(Page 140) Dans deux de ces études, les résul­tats de la colo­sco­pie d’un total de 3 950 patients en Asie n’ont montré aucun avan­tage à consom­mer un niveau plus élevé de fibres — ou de fruits et légumes — en ce qui concerne l’in­ci­dence de la diver­ti­cu­lose [Lin OS et al., 2000N319 ; Song JH et al., 2010N320]. Les résul­tats d’une étude simi­laire portant sur 2 014 patients sont encore plus frap­pants : ils ont montré une augmen­ta­tion du degré de diver­ti­cu­lose lorsque les patients consom­maient davan­tage de fibres [Peery AF et al., 2013N321 ; Peery AF et al., 2012N322].

(Page 140) Si ce n’est pas un manque de fibres ou la consti­pa­tion qui est à l’ori­gine de la diver­ti­cu­lose, alors quelle est la cause de cette patho­lo­gie ? Certains ont émis l’hy­po­thèse qu’une augmen­ta­tion de la pres­sion dans le côlon pour­rait être à l’ori­gine de cette mala­die, mais cela semble peu probable car les diver­ti­cules se trouvent sur le côté droit du côlon, où la pres­sion est faible. La théo­rie la plus convain­cante concer­nant la diver­ti­cu­lose suggère qu’elle pour­rait en fait être de nature inflammatoire :

Il existe des preuves de la présence d’une inflam­ma­tion chro­nique de bas niveau chez les sujets présen­tant des diver­ti­cules, qui sont les précur­seurs de la diver­ti­cu­liteN314 aiguë. Cette hypo­thèse est renfor­cée par les premiers rapports indi­quant que des agents anti-inflammatoires de la muqueuse, comme la mésa­la­mineN323, et des régu­la­teurs du proces­sus immu­ni­taire, comme les probio­tiques, peuvent amélio­rer la diver­ti­cu­lite [Floch MH, 2006N324].

(Page 141) La diver­ti­cu­liteN314 est égale­ment une affec­tion complè­te­ment diffé­rente de la diver­ti­cu­loseN313, la première étant un proces­sus infec­tieux aigu et la seconde semblant être liée à une inflam­ma­tion chro­nique. Il est égale­ment clair que la meilleure façon d’évi­ter la diver­ti­cu­lite est de ne pas avoir de diverticulose.

Fibres et cancer du côlon

Aliments riches en fibres. Source : Herbalife

(Page 141) L’autre idée fausse la plus répan­due sur les fibres est qu’elles réduisent le risque de cancer du côlon. Malheureusement, il a été prouvé à plusieurs reprises que ce n’est pas le cas. Certaines études ont même suggéré un risque accru de crois­sance précan­cé­reuse, connue sous le nom d’adénomesN325, lorsque des supplé­ments de fibres sont utili­sés. Lorsque nous réflé­chis­sons aux recherches effec­tuées sur les fibres et le cancer, nous devons faire atten­tion à ne pas nous lais­ser berner une fois de plus par l’épi­dé­mio­lo­gie. Ce que l’on constate rapi­de­ment en compa­rant les types de recherche, c’est que si les études obser­va­tion­nelles peuvent montrer une asso­cia­tion entre la consom­ma­tion de fibres et de meilleurs résul­tats, cela est proba­ble­ment dû à un biais du consom­ma­teur sain, alors que les études inter­ven­tion­nelles projettent une image très différente.

(Page 142) En 1999–2000, deux essais inter­ven­tion­nels marquants […] portaient sur l’ef­fet des fibres sur l’in­ci­dence de la crois­sance d’adé­nomes précan­cé­reux. Dans le premier de ces essais, 1905 hommes et femmes ayant des anté­cé­dents connus d’adénomes colo­rec­tauxN326 récem­ment diag­nos­ti­qués […] ont été divi­sés en deux groupes. Le premier groupe a suivi un régime pauvre en graisses et riche en fibres, avec au moins 18 grammes de fibres pour 1000 calo­ries consom­mées et trois portions et demie de fruits et légumes par jour. L’autre groupe a conti­nué à suivre son régime stan­dard pauvre en fibres. Les deux groupes ont été rééva­lués pour la récur­rence des adénomes coliques lors de leur prochaine colo­sco­pieN327 qui a eu lieu dans les un à quatre ans suivants. J’imagine que les cher­cheurs étaient persua­dés qu’ils verraient une diffé­rence entre les deux groupes, mais leurs conclu­sions étaient tout à fait contraires. Ils ont conclu :

Le taux de réci­dive des adénomesN325 de grande taille (dont le diamètre maxi­mal est d’au moins 1 cm) et des adénomes avan­cés ne diffé­rait pas signi­fi­ca­ti­ve­ment entre les deux groupes. L’adoption d’un régime alimen­taire pauvre en graisses et riche en fibres, en fruits et en légumes ne modi­fie pas le risque de réci­dive des adénomes colo­rec­taux [Schatzkin A et al., 2000N328].

(Pages 142–143) Alors que ces enquê­teurs restaient à se grat­ter la tête, un autre groupe de cher­cheurs a tenté une expé­rience simi­laire avec 1429 hommes et femmes qui avaient égale­ment des anté­cé­dents récents d’adénomes colo­rec­tauxN326. La moitié des parti­ci­pants à cette étude ont reçu un supplé­ment de fibres à haute dose conte­nant 13.5 grammes de son de blé par jour, et l’autre moitié a reçu une dose plus faible de 2 grammes par jour, avec un contrôle de la récur­rence des adénomes par colo­sco­pie après envi­ron trois ans. Les résul­tats étaient tout aussi désas­treux en ce qui concerne les fibres et n’ont fourni aucune preuve d’une quel­conque diffé­rence entre les deux groupes [Alberts DS et al., 2000N329].

Comme si ces deux études n’étaient pas assez convain­cantes, les cher­cheurs semblaient déter­mi­nés à montrer que les régimes à plus forte teneur en fibres pouvaient être béné­fiques pour la préven­tion du cancer du côlon, et en 2007, une troi­sième étude a été publiée avec un design simi­laire [Lanza E et al., 2007N330] […] Cependant, après huit ans d’in­ter­ven­tion à plus forte teneur en fibres, les résul­tats ne révé­laient toujours pas de béné­fice des fibres dans la préven­tion du cancer du côlon :

Il n’y avait pas de diffé­rences signi­fi­ca­tives entre le groupe d’in­ter­ven­tion et le groupe témoin en ce qui concerne le risque rela­tif de réci­dive d’un adénomeN325 avancé ou de plusieurs adénomes. … Cette étude n’a pas réussi à montrer un quel­conque effet d’un mode d’ali­men­ta­tion pauvre en graisses, riche en fibres et en fruits et légumes sur la récur­rence des adénomes, même après 8 ans de suivi.

Les fibres continuent de faire faux

➡ Pour plus de détails sur les dangers des fibres, consul­ter l’ou­vrage “Fiber Menace” (Monastyrsky K, 2008N331).

(Page 144) Dans le cadre de l’es­sai OptiFit, 180 hommes et femmes atteints de diabète ou de pré-diabète ont reçu pendant un an, soit 15 grammes de fibres inso­lubles dans le cadre d’un régime riche en fibres, soit un placebo dans le cadre d’un régime stan­dard. À la fin de cette période, de multiples mesures du contrôle de la glycé­mie et de la gravité du diabète ont été effec­tuées. Bien que l’hé­mo­glo­bine glyquée (une mesure de la glycé­mie moyenne sur les 90 derniers jours), égale­ment connue sous le nom de HbA1cN332, ait été légè­re­ment infé­rieure dans le groupe des fibres, aucune diffé­rence signi­fi­ca­tive n’a été notée dans toutes les autres mesures de la sensi­bi­lité au glucose et du contrôle du glucose, ce qui a conduit les auteurs à conclure qu’il n’y avait « aucune preuve d’un effet béné­fique des fibres inso­lubles sur le méta­bo­lisme du glucose » [Honsek C et al., 2018N333].

De plus, les fibres végé­tales sont géné­ra­le­ment accom­pa­gnées d’une quan­tité plus impor­tante de glucides, ce qui entraîne presque à coup sûr une dégra­da­tion du contrôle glycémique.

(Page 144) Vous vous souve­nez de l’acide phytiqueN269 au chapitre précé­dent ? Les aliments riches en fibres végé­tales en sont gorgés, et de nombreuses études ont montré que les régimes à base de plantes entraînent souvent des carences dues à une dimi­nu­tion de l’ab­sorp­tion des miné­raux. Dans un article de synthèse exami­nant les effets des fibres alimen­taires et de l’acide phytiqueN269 sur la biodis­po­ni­bi­litéN71 des miné­raux, les auteurs déclarent :

La tendance des fibres alimen­taires à lier les ions miné­raux poly­va­lents [Zn, Ca, Mg, Se, Fe] peut égale­ment avoir un effet néga­tif sur la biodis­po­ni­bi­lité de certains nutri­ments. … En effet, la tendance de diffé­rents légumes riches en fibres à lier et rete­nir les ions métal­liques sur leurs surfaces et, ainsi, à modi­fier l’équi­libre de ces cations peut être attri­buée à certaines des substances qui composent leurs fibres alimen­taires [Torre M et al., 1991N334].

Dans cette revue, l’au­teur cite de nombreuses études qui montrent que les fibres solubles et inso­lubles, ainsi que l’acide phytiqueN269, se lient aux miné­raux et affectent néga­ti­ve­ment leur absorp­tion [Southgate DA, 1987N335 ; Toma RB & Curtis DJ, 1986N336 ; Davies NT, 1982N337 ; Bertin C et al., 1988N338 ; Kelsay J, 1987N339 ; Laszlo JA, 1987N340].

(Pages 144–145) Dans une autre étude épidé­mio­lo­gique portant sur des femmes diabé­tiques et en bonne santé, on a constaté une forte corré­la­tion entre la consom­ma­tion de fibres et des taux sanguins plus faibles de zinc, un miné­ral essen­tiel au bon équi­libre hormo­nal et au fonc­tion­ne­ment de centaines d’en­zymes dans le corps humain. Les cher­cheurs qui ont mené cette étude ont déclaré :

Les femmes en bonne santé et diabé­tiques consomment de l’acide phytique dans des quan­ti­tés suscep­tibles de dimi­nuer la biodis­po­ni­bi­litéN71 du zinc alimen­taire. Les recom­man­da­tions de consom­mer de plus grandes quan­ti­tés de fibres alimen­taires, dont une grande partie est asso­ciée au phytateN269, augmentent le risque de carence en zinc [Foster M et al., 2012N341].

(Page 145) Les incon­vé­nients des fibres ne s’ar­rêtent pas là. Une consom­ma­tion accrue a égale­ment été asso­ciée à des chan­ge­ments néfastes dans les niveaux d’hor­mones chez les femmes, ce qui pour­rait entraî­ner un risque accru d’in­fer­ti­lité. Ces asso­cia­tions ont été étudiées dans le cadre d’une étude de cohorte qui a suivi 250 femmes pendant deux cycles mens­truels et a examiné leur consom­ma­tion de fibres pendant cette période. Les cher­cheurs ont constaté qu’une consom­ma­tion plus élevée de fibres était asso­ciée à des taux plus faibles d’hor­mones sexuelles multiples, notam­ment d’œs­tro­gènes, de proges­té­rone et des hormones qui signalent aux ovaires de les produire (FSH et LH). La consom­ma­tion de fibres était égale­ment corré­lée à un risque accru de ne pas ovuler pendant un cycle mens­truel — un risque d’anovu­la­tionN342 1.78 fois plus élevé pour chaque augmen­ta­tion de 5 grammes par jour de fibres totales. Les auteurs de cette étude ont conclu :

Ces résul­tats suggèrent qu’un régime riche en fibres est signi­fi­ca­ti­ve­ment asso­cié à une dimi­nu­tion des concen­tra­tions hormo­nales et à une proba­bi­lité plus élevée d’ano­vu­la­tion. Une étude plus appro­fon­die de l’ef­fet des fibres sur la santé repro­duc­tive et de l’ef­fet de ces apports chez les femmes en âge de procréer serait néces­saire [Gaskins AJ et al., 2009N343].

Il s’agit d’une étude épidé­mio­lo­gique, nous ne pouvons donc pas tirer de conclu­sions causales, mais l’hy­po­thèse selon laquelle des quan­ti­tés accrues de fibres pour­raient modi­fier néga­ti­ve­ment les niveaux hormo­naux chez les femmes en âge de procréer est tout à fait plausible.

Des fibres pour perdre du poids ?

(Page 146) La perte de poids et le contrôle de l’ap­pé­tit sont d’autres avan­tages suggé­rés des fibres végé­tales alimen­taires, mais là encore, les recherches ne vont pas dans ce sens.

(Page 146) Dans les études contrô­lées sur les fibres, ni les fibres solubles ni les fibres inso­lubles ne se sont avérées béné­fiques pour la perte de poids ou la réduc­tion de la graisse corpo­relle. Les auteurs d’une étude exami­nant l’uti­li­sa­tion de pectine, de bêta-glucane ou de méthy­cel­lu­lose à des inter­valles de trois semaines ont conclu ce qui suit :

L’utilisation de prépa­ra­tions de [fibres solubles] ou de [fibres inso­lubles] n’a pas été asso­ciée à une perte de poids ni de graisse corpo­relle. Ces résul­tats pilotes suggèrent que l’uti­li­sa­tion à court terme de supplé­ments de fibres ne joue aucun rôle dans la promo­tion de la perte de poids chez les humains [Howarth NC et al., 2003N344].

Une autre revue de quarante-neuf études a abouti à la même conclu­sion, à savoir qu’il n’y a pas de preuve cohé­rente d’un béné­fice des fibres alimen­taires en ce qui concerne l’ap­pé­tit [Poutanen KS et al., 2017N345]. Je ne pense pas que ces résul­tats doivent nous surprendre. L’appétit, la satiété et la perte de graisse sont bien plus complexes que le simple fait de remplir nos esto­macs de fibres végé­tales non nutritives.

(Page 146) On sait qu’un régime carni­vore « du nez à la queue » est asso­cié à une satiété et à une perte de poids nette­ment amélio­rées. Ces résul­tats sont proba­ble­ment dus à la richesse en nutri­ments, au poten­tiel de cétoseN17 et à l’aug­men­ta­tion de la sensi­bi­lité à l’in­su­line obte­nus lorsque nous reve­nons à une alimen­ta­tion simi­laire à celle de nos ancêtres en adop­tant le régime carnivore.

La jungle en vous

Microbiote intes­ti­nal humain
Source : Wikipedia

(Page 147) Le dernier bastion d’es­poir auquel s’ac­crochent de nombreux défen­seurs des fibres est la notion qu’elles sont néces­saires à un micro­biomeN15 gastro-intestinal « sain ».

Le problème immé­diat avec cette affir­ma­tion est que notre compré­hen­sion du micro­biome intes­ti­nal en est encore à ses débuts. Quiconque prétend savoir à quoi ressemble l’idéal ne fait que débi­ter des conjec­tures fondées sur une opinion person­nelle plutôt que des idées repo­sant sur des données scien­ti­fiques solides. Nous avons une idée de ce qui pour­rait consti­tuer un micro­biome sain et nous savons quelles bacté­ries sont géné­ra­le­ment de mauvais acteurs, mais à un niveau granu­laire, nos connais­sances sont loin d’être complètes.

La diversité microbienne

(Page 147) Les défen­seurs des fibres affirment souvent que nous devons consom­mer des plantes afin d’avoir un éven­tail diver­si­fié d’or­ga­nismes vivant dans nos intes­tins, mais ils ne citent que des études épidé­mio­lo­giques compa­rant des indi­vi­dus ruraux et urbains. Ils affirment égale­ment qu’une faible diver­sité a été consta­tée dans des patho­lo­gies telles que le diabète de type 2N346 et les mala­dies inflam­ma­toires de l’in­tes­tin, et en concluent qu’en ne consom­mant pas de fibres végé­tales, nous augmen­tons le risque de ces patho­lo­gies [Aydin Ö et al., 2018N347 ; Kieler IN et al., 2019N348]. Cependant, ces argu­ments s’ef­fondrent rapi­de­ment lorsque nous les exami­nons de près.

➡ Consulter le dossier « Microbiote et mala­dies inflam­ma­toires chro­niques de l’in­tes­tin » (Marteau P & M Roche, 2020N349).

(Page 147) Certaines études suggèrent qu’un régime occi­den­tal est asso­cié à une plus faible diver­sité micro­bienne, géné­ra­le­ment appe­lée diver­sité alphaN350, mais les affir­ma­tions selon lesquelles ce serait est lié de manière causale à l’as­pect pauvre en fibres d’un tel mode d’ali­men­ta­tion sont hâtives [Davis SC et al., 2017N351]. […] Qui peut dire que c’est le manque de fibres qui en est à l’ori­gine et non les sucres, les huiles végé­tales oxydées ou les nombreuses toxines végé­tales dont nous avons déjà parlé ?

(Page 147–148) Les régimes riches en fruc­tose et en glucose ont clai­re­ment démon­tré leur capa­cité à alté­rer néga­ti­ve­ment le micro­biomeN15 et sont bien plus suscep­tibles d’être parmi les coupables du déclin de la diver­sité alphaN350 observé chez les personnes suivant un régime occi­den­tal [Do MH et al., 2018N352].

(Page 148) En outre, les essais inter­ven­tion­nels avec une augmen­ta­tion des fibres ne révèlent pas une augmen­ta­tion de la diver­sité alpha [So D et al., 2018N353], et les essais avec un régime carni­vore sans fibres végé­tales ne montrent pas une dimi­nu­tion de la diver­sité alpha [David LA et al., 2014N36]. Il a égale­ment été démon­tré que les diètes céto­gènesN252 à faible teneur en fibres ne dimi­nuent pas les scores de diver­sité [Lindefeldt M et al., 2019N354]. Dans un essai suivant des patients de sclé­rose en plaqueN355 pendant six mois, la diver­sité alpha a en fait augmenté chez ceux qui ont suivi une diète céto­gène pendant cette période [Swidsinski A et al., 2017N356].

Acides gras à courte chaîne : pas seulement le butyrate

(Page 148) Il existe de bonnes preuves que les acides grasN357 à chaîne courte jouent un rôle impor­tant dans le gros intes­tin en servant de carbu­rant aux cellules épithé­lialesN358 du côlon []. La fausse idée reçue ici est que le buty­rateN359 serait le seul acide gras à chaîne courte utilisé par ces cellules, et que pour l’ob­te­nir, nous devrions nour­rir les bacté­ries de notre intes­tin avec des fibres végétales.

(Page 148) Outre le buty­rateN359, le propio­nateN360, l’isobu­ty­rateN361, l’isova­lé­rateN362 et l’acétateN363 sont tous des acides gras à chaîne courte produits par la fermen­ta­tion bacté­rienne des protéines. Dans une étude portant sur les modi­fi­ca­tions de la flore intes­ti­nale dans le cadre d’un régime à base de plantes et d’un régime à base d’ani­maux [David LA et al., 2014N36] les cher­cheurs ont constaté un passage de la prédo­mi­nance du buty­rate et de l’acé­tate dans le cadre d’un régime à base de plantes à l’iso­bu­ty­rate et à l’iso­va­lé­rate dans le cadre d’un régime carni­vore.

(Page 149) Il est égale­ment à noter que, bien que les régimes de cette étude soient isoca­lo­riques, le régime à base d’ani­maux a entraîné une perte de poids signi­fi­ca­tive sur cinq jours, alors que le régime à base de plantes ne l’a pas fait. Il n’y a pas eu non plus de chan­ge­ment dans la diver­sité alpha entre ces deux groupes, ce qui montre à nouveau que les fibres végé­tales ne sont pas néces­saires à la diver­sité du microbiome.

Les discus­sions sur les acides gras à chaîne courte dans l’in­tes­tin deviennent rapi­de­ment complexes, et il y a ici quelques nuances que j’ai­me­rais clari­fier. Les acides gras à chaîne courte se forment dans la lumière du trac­tus gastro-intestinal et peuvent être absor­bés par les cellules épithé­lialesN358 du côlon pour four­nir de l’éner­gie. Dans ces cellules, ils passent par une série de réac­tions chimiques qui les trans­forment en bêta-hydroxy buty­rateN183, une molé­cule que vous recon­nais­sez peut-être comme l’une des prin­ci­pales cétonesN182 produites dans notre corps lorsque nous sommes en état de cétoseN17. Ainsi, lorsque nous choi­sis­sons de suivre une diète céto­gèneN252, nos cellules épithé­liales colo­niques peuvent égale­ment utili­ser le bêta-hydroxy buty­rate présent dans notre circu­la­tion comme carbu­rant, ce qui réduit les besoins en acides gras à chaîne courte prove­nant de la lumière de l’intestin.

Collagène. Source : Wikipedia

Ce détail de notre physio­lo­gie est très impor­tant. La proli­fé­ra­tion du mauvais type d’or­ga­nismes dans notre trac­tus gastro-intestinal peut nuire à l’oxy­da­tion des acides gras à chaîne courte, néces­saire à leur absorp­tion par les cellules épithé­liales. Si nous souf­frons déjà de dysbioseN364, manger plus de fibres ne fera que jouer contre nous, car le buty­rateN359 formé ne peut pas être absorbé par les cellules du côlon et celles-ci commencent à mourir de faim, ce qui crée une inflam­ma­tion et des poro­si­tés intes­ti­nales [den Besten G et al., 2013N365]. Dans cette situa­tion, l’ap­port de cétonesN182 par la circu­la­tion sanguine à ces cellules affa­mées peut être très utile, et il n’est pas surpre­nant que les diètes céto­gènesN252 se soient avérés béné­fiques dans les cas de dysbiose et de mala­dies inflam­ma­toires de l’in­tes­tin [Roediger WE et al., 1998N366 ; Lowery RP et al., 2017N367].

(Page 150) Dans le cadre de cette conver­sa­tion, il y a un autre point qui est assez fasci­nant. Il semble que les animaux et les humains puissent fermen­ter les tissus colla­gènesN368 de la viande en acides gras à chaîne courte. Le colla­gène est la protéine qui compose la plupart des tissus conjonc­tifs de notre corps, notam­ment les os, les liga­ments, les tendons et le carti­lage. Une étude réali­sée sur des guépards, exami­nant la capa­cité de leur micro­bioteN369 à fermen­ter ces tissus conjonc­tifs en acides gras à chaîne courte, a abouti à la conclu­sion suivante :

Le colla­gèneN368 induit une produc­tion d’acétateN363 compa­rable à celle des [fibres végé­tales] et un rapport acétate/propionate nette­ment élevé (8.41:1) par rapport à tous les autres substrats. … Cette étude four­nit le premier aperçu du poten­tiel des tissus animaux à influen­cer la fermen­ta­tion du gros intes­tin chez un carni­vore strict, et indique que les tissus animaux ont poten­tiel­le­ment des fonc­tions simi­laires aux fibres végé­tales solubles ou inso­lubles [Badrin Hanizam Bin Abdul Rahim M, 2016N370].

Un régime carni­vore « du nez à la queue » four­nit de grandes quan­ti­tés de colla­gèneN368 pour la produc­tion d’acides gras à chaîne courte. Ainsi, la prochaine fois que quel­qu’un vous posera des ques­tions sur les fibres, dites-lui que vous obte­nez toutes les « fibres animales » dont vous avez besoin en mangeant de la viande et du tissu conjonctif !

La magie du mucus

(Page 150) Il est prouvé que la couche [de mucus] est dysfonc­tion­nelle dans les mala­dies inflam­ma­toires de l’in­tes­tin, ainsi que chez les diabé­tiques [Depauw S et al., 2012N371 ; Johansson ME et al., 2014N372]. Dans les modèles animaux, lorsque les souris sont nour­ries avec un « régime occi­den­tal pauvre en fibres » conte­nant des huiles végé­tales oxydées et des sucres simples, on observe égale­ment une dégra­da­tion de la couche de mucus [Chassaing B et al., 2017N373]. Dans bon nombre de ces cas, on a toujours supposé que c’était la partie « pauvre en fibres » de cette équa­tion qui posait problème. Cependant, tout comme l’his­toire de la diver­sité alphaN350, je crains que la plupart des nutri­tion­nistes ne commettent à nouveau la « grande erreur de Burkitt » — ils semblent trop dési­reux de reje­ter tous nos maux sur un manque de fibres sans exami­ner d’autres causes plus convain­cantes de dysfonc­tion­ne­ment gastro-intestinal présentes dans le mode d’ali­men­ta­tion améri­cain standard.

(Page 151) […] une hypo­thèse convain­cante semble être que les lectinesN9 inter­agissent avec les cellules cali­ci­formesN222 pour dimi­nuer la produc­tion de mucus, ce qui entraîne une proli­fé­ra­tion de certaines popu­la­tions bacté­riennes lumi­nales et une dimi­nu­tion de la diver­sité alphaN350 [Martinez-Medina M et al., 2014N374 ; Swidsinski A et al., 2007N375 ; Banwell JG et al., 1988N376]. Il s’agit d’un domaine de recherche complexe où des études supplé­men­taires sont néces­saires pour démê­ler les causes et les effets, mais la sugges­tion selon laquelle les régimes pauvres en fibres entraînent un dysfonc­tion­ne­ment de la couche de mucus n’est tout simple­ment pas étayée par des données scien­ti­fiques solides et néglige de nombreux autres facteurs poten­tiel­le­ment nuisibles dans le régime alimen­taire occidental.

10) Mythe n°3 : la viande rouge va raccourcir votre vie

(Pages 153–154) La plupart des idées fausses selon lesquelles la viande rouge provoque le cancer proviennent d’un rapport du Centre inter­na­tio­nal de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé, publié en 2015. C’est un titre plutôt ronflant, n’est-ce pas ? Il est certain qu’un rapport émanant d’une telle orga­ni­sa­tion doit être fiable et réputé, non ? Malheureusement, ce rapport a été large­ment mal inter­prété par les médias grand public et repose sur des inter­pré­ta­tions très discu­tables de la science qu’il prétend examiner.

Le rapport du CIRC est une décla­ra­tion de consen­sus d’un groupe de 22 scien­ti­fiques de dix pays qui se sont réunis en France pendant deux semaines en 2015. Leur objec­tif était d’exa­mi­ner les recherches sur la rela­tion entre la consom­ma­tion de viande et le cancer et de produire une décla­ra­tion sommaire sur les risques poten­tiels. Après avoir examiné 800 études, ils sont arri­vés à la conclu­sion que pour chaque tranche de 100 grammes de viande rouge consom­mée par jour, il y avait une augmen­ta­tion [rela­tive] de 17 % du risque de cancer du côlon. Ils ont égale­ment conclu que pour chaque tranche de 50 grammes de viande rouge trans­for­mée, le risque augmen­tait de 18 %. Ils ont ensuite classé la viande rouge comme proba­ble­ment cancé­ri­gène pour l’homme dans un rapport acca­blant qui a provo­qué une onde de choc dans les médias lors de sa publication.

Cela semble mauvais, non ? Mais sur quoi ces décla­ra­tions étaient-elles réel­le­ment fondées ? L’examen d’un rapport plus détaillé de 2018 sur leurs résul­tats révèle que seules 14 des 800 études ont été prises en compte dans leurs conclu­sions finales — et chaque étude était une épidé­mio­lo­gie obser­va­tion­nelle. La raison pour laquelle les 786 autres ont été exclues reste un mystère, et dans ce groupe figu­raient de nombreuses études inter­ven­tion­nelles sur des animaux qui ne démon­traient clai­re­ment pas de rela­tion entre la viande rouge et le cancer.

Sur les quatorze études épidé­mio­lo­giques incluses dans le rapport du CIRC, huit n’ont montré aucun lien entre la consom­ma­tion de viande et le déve­lop­pe­ment du cancer du côlon. Oui, vous avez bien lu, la majo­rité des études prises en compte dans ce rapport n’ont pas montré de corré­la­tion entre la consom­ma­tion de viande rouge et le cancer du côlon.

(Page 154) Dans le cadre de la recherche épidé­mio­lo­gique, outre la recherche d’une corré­la­tion entre deux éléments, nous pouvons égale­ment exami­ner la force de cette corré­la­tion. Lorsque deux éléments sont corré­lés, mais pas à un niveau de signi­fi­ca­tion statis­tique, cela suggère que cette corré­la­tion est le fruit du hasard ou d’er­reurs de calcul. En méde­cine, lorsque la corré­la­tion entre deux ou plusieurs éléments n’at­teint pas un niveau de signi­fi­ca­tion statis­tique, nous ne la prenons pas au sérieux. Nous savons que des recherches plus appro­fon­dies sont néces­saires pour clari­fier la rela­tion, et nous ne faisons certai­ne­ment pas de décla­ra­tion caté­go­rique sur le fait qu’un produit provoque le cancer si la corré­la­tion n’est pas statis­ti­que­ment significative.

James & Ellen White, pion­niers de l’ad­ven­tisme
Source : Wikipedia

Ainsi, dans le rapport du CIRC, une seule des quatorze études exami­nées a montré une corré­la­tion entre la viande rouge et le cancer qui attei­gnait une signi­fi­ca­tion statis­tique [Singh PN & Fraser GE, 1998N377]. Il est inté­res­sant de noter qu’il s’agis­sait d’une étude portant sur les Adventistes du Septième Jour en Amérique — un groupe reli­gieux qui prône un régime à base de plantes. Nous parle­rons d’une popu­la­tion d’ad­ven­tistes du septième jour vivant à Loma Linda, en Californie, plus loin dans ce chapitre, lorsque nous démys­ti­fie­rons la notion de « zones bleues », mais pour l’ins­tant, je mention­ne­rai que dans cette étude, les personnes qui mangeaient de la viande rouge avaient tendance à adop­ter d’autres compor­te­ments malsains. Il s’agit d’une illus­tra­tion du concept que nous avons appelé précé­dem­ment le biais du consom­ma­teur malsain, un facteur de confu­sion qui entre souvent en jeu dans les études sur les personnes qui mangent de la viande rouge.

Dans les cultures ou les groupes reli­gieux — comme les Adventistes — où le discours sur la viande rouge est néga­tif, ceux qui choi­sissent d’igno­rer ces idées ont géné­ra­le­ment tendance à faire d’autres choses rebelles et malsaines, comme fumer, boire de l’al­cool et faire moins d’exer­cice. Dans les études sur la viande rouge et les résul­tats en matière de santé, ces compor­te­ments « rebelles » peuvent être parti­cu­liè­re­ment problé­ma­tiques et faussent souvent les résul­tats. Si un membre d’un gang de motards fume, boit, ne fait pas d’exer­cice, est en surpoids et aime manger du steak, comment pouvons-nous conclure que son risque accru de cancer, de mala­die cardiaque ou d’es­pé­rance de vie plus courte est dû au steak et non à l’un des autres compor­te­ments ? Or c’est exac­te­ment ce que des études épidé­mio­lo­giques comme celle-ci tentent de faire. Pour avoir une véri­table idée de ce qui se passe, nous devons cher­cher des études inter­ven­tion­nelles sur des humains ou des animaux qui établissent des méca­nismes par lesquels deux choses sont liées de manière causale plutôt que d’être simple­ment corré­lées comme dans les études épidémiologiques.

Dans l’étude des Adventistes, les auteurs notent égale­ment que la corré­la­tion la plus forte entre la viande rouge et le cancer du côlon est appa­rue chez les personnes obèses ayant une propen­sion plus élevée à la résis­tance à l’in­su­lineN55. Étant donné que l’obé­sité et le diabète/la résis­tance à l’in­su­line sont connus pour être des facteurs de risque impor­tants pour le déve­lop­pe­ment du cancer [Basen-Engquist K & Chang M, 2010N378 ; Giovannucci E et al., 2010N379], ne semble-t-il pas beau­coup plus probable que ces facteurs soient à l’ori­gine de l’aug­men­ta­tion du risque de cancer dans ce groupe d’in­di­vi­dus plutôt que la consom­ma­tion de viande rouge ? Les études épidé­mio­lo­giques ne peuvent pas répondre à cette ques­tion, mais si l’on consi­dère la tota­lité des études exami­nées dans le rapport du CIRC, leurs recom­man­da­tions commencent à paraître plus sombres qu’un après-midi d’hi­ver à Seattle.

Ce que le rapport de l’IARC a laissé de côté

(Page 155) Comme nous venons de le voir, un très grand nombre d’études n’ont pas été prises en compte dans le rapport du CIRC, notam­ment un grand nombre d’études épidé­mio­lo­giques qui n’ont pas montré de corré­la­tion entre la consom­ma­tion de viande rouge et des résul­tats adverses. Nous avons déjà parlé d’une vaste étude sur les Asiatiques, qui compre­nait plus de 200 000 parti­ci­pants obser­vés pendant une moyenne de dix ans, et qui a montré une dimi­nu­tion des taux de morta­lité cardio­vas­cu­laire et de morta­lité par cancer chez les hommes et les femmes qui mangeaient le plus de viande [Lee JE et al., 2013N121]. Une autre grande étude épidé­mio­lo­gique portant sur plus de 60 000 végé­ta­riens et non-végétariens au Royaume-Uni a révélé que les taux de cancer du côlon étaient en fait plus élevés chez les végé­ta­riens [Key TJ et al., 2009N380].

(Pages 156–157) Dans une […] étude de huit semaines, soixante parti­ci­pants ont été divi­sés en deux groupes. L’un était un groupe témoin qui suivait un régime alimen­taire normal, tandis que l’autre groupe chan­ceux rempla­çait les glucides alimen­taires à base de plantes par une quan­tité supplé­men­taire de viande rouge de 100 g chaque jour — une quan­tité qui, selon le CIRC, augmen­te­rait le risque de cancer du côlon de 40 %. À la fin de l’étude, de multiples marqueurs de l’in­flam­ma­tion et du stress oxydantN139 ont été mesu­rés et les résul­tats suivants ont été rapportés :

Les résul­tats de notre étude suggèrent une dimi­nu­tion plutôt qu’une augmen­ta­tion du stress oxydant et de l’in­flam­ma­tion lorsque la consom­ma­tion de viande rouge maigre est augmen­tée au détri­ment des aliments riches en glucides. … Nos résul­tats n’ap­puient pas la sugges­tion selon laquelle une consom­ma­tion plus élevée de viande rouge entraî­ne­rait un risque accru de mala­dies cardiaques et de diabète de type II par le biais des effets du fer sur l’aug­men­ta­tion du stress oxydant et de l’in­flam­ma­tion [Hodgson JM et al., 2007N381].

Le mythe de la viande et du cancer démystifié une fois pour toutes

(Page 158) À ce stade, nous avons complè­te­ment dissé­qué le rapport du CIRC de 2015, mais il est toujours utile d’exa­mi­ner les méca­nismes propo­sés par lesquels la viande rouge est suppo­sée causer le cancer et, ce faisant, d’éli­mi­ner complè­te­ment cette notion grotesque. Ces méca­nismes comprennent le fer hémi­niqueN382, les compo­sés n‑nitrosoN383 et les amines hété­ro­cy­cliquesN384 qui peuvent se former pendant le proces­sus de cuisson.

(Page 158) Une partie du méca­nisme proposé pour le fer hémi­nique est qu’il peut favo­ri­ser la forma­tion de compo­sés n‑nitroso dans le trac­tus gastro-intestinal. D’une manière géné­rale, ces compo­sés sont formés par l’ad­di­tion d’un groupe NO à d’autres molé­cules. Il existe de nombreux types de compo­sés n‑nitroso, mais ce qu’il faut rete­nir ici, c’est que ceux qui sont asso­ciés à la consom­ma­tion de viande n’ont pas été impli­qués dans la forma­tion de cancers du côlon.

(Page 159) Il a égale­ment été suggéré que les amines hété­ro­cy­cliquesN384 (HCA) et les hydro­car­bures aroma­tiques poly­cy­cliquesN385 (HAP) seraient des méca­nismes par lesquels la viande rouge peut induire la crois­sance du cancer dans l’in­tes­tin. Ces substances peuvent se former lorsque la viande est cuite sur une surface chaude ou expo­sée à la fumée d’un feu ou d’un gril. Je pense qu’il est impor­tant d’être conscient de ces compo­sés et de les limi­ter autant que possible dans notre alimen­ta­tion. Tout comme nos vieux enne­mis, les isothio­cya­natesN92, ces compo­sés activent le système Nrf2N107 dans le foie et doivent être détoxi­fiés, mais notre corps semble dispo­ser de nombreux méca­nismes pour les trai­ter en quan­ti­tés modé­rées [Carvalho AM et al., 2015N386].

Le mot clé ici est modéré. Des études épidé­mio­lo­giques ont suggéré un risque accru de problèmes avec ces produits de cuis­son unique­ment lors­qu’ils sont consom­més en très grandes quan­ti­tés [Turesky RJ, 2007N387 ; Rohrmann S et al., 2009N388]. Pensez aux viandes carbo­ni­sées, brûlées et massi­ve­ment trop cuites. Beurk, qui cuisine sa viande de cette façon, de toute façon ? En choi­sis­sant des méthodes de cuis­son lentes et à basse tempé­ra­ture, nous pouvons faci­le­ment éviter de consom­mer des quan­ti­tés impor­tantes de ces compo­sés dans notre alimen­ta­tion. Je vais briser quelques cœurs ici, mais je ne suis pas un grand fan des viandes grillées et fumées pour cette raison. Ces méthodes sont proba­ble­ment bonnes avec modé­ra­tion, mais je pense que la majo­rité de nos aliments devraient être prépa­rés avec des méthodes de cuis­son plus douces. […] Il est égale­ment impor­tant de souli­gner que chaque fois que quelque chose est cuit à haute tempé­ra­ture, qu’il s’agisse de café, de céréales, de pain ou d’autres aliments, des compo­sés se forment qui ont été mis en cause dans un éven­tuel risque de cancer. En fin de compte, nous devons manger quelque chose, et je pense qu’il vaut mieux consom­mer des produits animaux riches en nutri­ments et prépa­rés inten­tion­nel­le­ment que de fuir ces aliments par crainte de quan­ti­tés minimes de HCA et de HAP.

Neu5Gc : pas de souci

(Page 160) Certains prétendent que, puisque les humains ne possèdent pas de Neu5GcN389, alors que les rumi­nants comme les vaches, les cerfs et les agneaux en possèdent, manger ces animaux pour­rait déclen­cher une réac­tion immu­ni­taire. Cependant, il n’existe aucune preuve chez l’homme pour étayer cette idée, et ces affir­ma­tions sont fondées sur des modèles animaux construits de façon ténue et peu perti­nents pour nous. Il semble que nous géné­rions des anti­corps contre le Neu5Gc, mais aucune recherche ne suggère que ces anti­corps entraînent une inflam­ma­tion ou des dommages, et certaines études démontrent le contraire.

➡ Suite de la discus­sion à lire dans l’ou­vrage, notam­ment la compa­rai­son avec « les musté­li­dés (furets, blai­reaux, martres, belettes, etc.) une famille d’ani­maux carni­vores qui ne possèdent pas non plus de Neu5Gc mais qui consomment couram­ment d’autres animaux possé­dant cette molécule. »

mTOR : le commutateur de croissance moléculaire

Source : ScienceStruck

(Page 161) À un niveau très élémen­taire, les cellules de notre corps reçoivent des signaux de l’en­vi­ron­ne­ment externe qui leur indiquent comment se compor­ter. Parfois, elles reçoivent des signaux qui leur indiquent de répa­rer ou de procé­der à une mort cellu­laire orga­ni­sée (apop­toseN105). À d’autres moments, comme lorsque les nutri­ments sont abon­dants ou après un exer­cice physique, nos cellules reçoivent le signal de proli­fé­rer et de se déve­lop­per. Ces deux proces­sus oppo­sés de dégra­da­tion et de crois­sance des cellules sont respec­ti­ve­ment appe­lés cata­bo­lismeN390 et anabo­lismeN391, et tous deux jouent un rôle vital tout au long de notre vie, car notre corps oscille entre des périodes de construc­tion et de recy­clage des compo­sants cellu­laires tout au long de la jour­née. Lorsque nous mangeons ou faisons de l’exer­cice, nous envoyons des signaux anabo­liques à nos cellules pour qu’elles se construisent et se déve­loppent. Pendant les périodes de jeûne entre les repas, nos cellules reçoivent des signaux leur indi­quant que c’est le bon moment pour faire un peu de ménage cata­bo­lique, égale­ment appelé autophagie.

En d’autres termes, mTORN392 fait partie d’une voie de signa­li­sa­tion qui indique aux cellules qu’elles doivent croître et se diviser.

(Page 162) mTOR parti­cipe au proces­sus de signa­li­sa­tion anabo­lique au sein de nos cellules en réponse à quatre signaux distincts. Il s’agit du facteur de crois­sance analogue à l’insuline‑1 (IGF‑1N393), de l’insu­lineN254, des protéines (prin­ci­pa­le­ment par l’in­ter­mé­diaire de l’acide aminé leucineN394) et de l’exer­cice [Watson K & Baar K, 2014N395]. L’insuline est libé­rée prin­ci­pa­le­ment en réponse aux glucides et aux protéines, bien que la réponse à ces dernières soit moins intense dans le cadre d’un méta­bo­lisme céto­gène. L’IGF‑1 est produit en réponse à la sécré­tion d’hor­mone de crois­sance qui se produit lors des repas, du sommeil et de l’exer­cice. La leucine est un acide aminé présent dans les protéines et parti­cu­liè­re­ment riche dans la viande animale, mais on la trouve en quan­tité beau­coup plus faible dans les protéines végé­tales. Alors que la leucine semble pouvoir se diffu­ser à travers la membrane cellu­laire et acti­ver direc­te­ment mTOR, l’in­su­line et l’IGF‑1 se lient aux récep­teurs de la surface cellu­laire, déclen­chant une cascade intra­cel­lu­laire qui active mTOR [Floyd S et al., 2007N396]. Ainsi, l’exer­cice de résis­tance, le sommeil, les glucides et la leucine peuvent tous augmen­ter la signa­li­sa­tion de mTOR et entraî­ner une crois­sance cellulaire.

(Page 162) Si mTOR joue des rôles aussi vitaux dans le corps humain, pour­quoi s’agi­ter au sujet de sa surac­ti­va­tion de nos jours ? Ces préoc­cu­pa­tions découlent d’études qui montrent que certains cancers sont porteurs de muta­tions dans les voies asso­ciées à mTOR, ce qui entraîne une crois­sance et une proli­fé­ra­tion cellu­laires exces­sives [Mossmann D et al., 2018N397 ; Paquette M et al., 2018N398].

(Page 162) Compte tenu de ces résul­tats, certains scien­ti­fiques et méde­cins ont suggéré que la réduc­tion de la signa­li­sa­tion de mTOR pouvait nous aider à préve­nir le cancer. Les problèmes liés à cette inter­pré­ta­tion sont toute­fois immé­dia­te­ment appa­rents, car il est tout à fait évident que nous avons besoin de mTOR pour être des humains forts et en bonne santé et pour conser­ver notre masse muscu­laire lorsque nous vieillissons.

(Page 163) Ils affirment que le fait de manger autant de protéines va sûre­ment faire passer mTOR en surré­gime et augmen­ter le risque de cancer. Pour étayer leurs dires, ils ne peuvent qu’é­vo­quer des études épidé­mio­lo­giques mal construites qui établissent une corré­la­tion entre un apport moindre en protéines et de meilleurs résul­tats chez les personnes âgées de moins de 65 ans [Levine ME et al., 2014N399]. Ce qu’ils ne vous disent pas, c’est que dans cette même étude, chez les personnes âgées de plus de 65 ans, des apports plus élevés en protéines étaient asso­ciés à une meilleure durée de vie et à moins de cancer.

➡ Voir la discus­sion détaillée dans mon article Régime de longévité — cuisine à l’italienne.

(Page 163) Un autre élément souvent ignoré de l’équa­tion mTOR est que cette voie anabo­lique peut être stimu­lée à la fois par les glucides (via l’insu­lineN254) et par les protéines. Des études compa­rant le poten­tiel anabo­lique montrent que l’ac­ti­va­tion de mTOR par l’in­su­line est beau­coup plus robuste, et dure trois à quatre fois plus long­temps que son acti­va­tion par la leucineN394) [Gran P & Cameron-Smith D, 2011N400]. Les glucides consti­tuent le prin­ci­pal déclen­cheur de la libé­ra­tion d’in­su­line. Les protéines peuvent égale­ment déclen­cher la libé­ra­tion de cette hormone, mais dans le cadre d’un régime pauvre en glucides, le degré de cette stimu­la­tion est beau­coup plus faible que lorsque les protéines sont consom­mées avec des glucides.

(Page 163) Pendant les périodes d’abon­dance, notre corps reçoit des signaux de crois­sance de la part de la voie mTOR, et pendant les périodes de pénu­rie, les voies de nettoyage cellu­laire diri­gées par l’AMPKN401 prennent le relais. Nous avons besoin des deux. mTOR n’est pas mauvais, et nous ne devons pas cher­cher à abolir complè­te­ment ses actions. Nous ne devrions pas non plus jeûner tout le temps, ce qui revient à s’affamer.

La viande rouge ennemie des os, des kilos ou des gros orteils ?

(Page 164) De nombreuses études ont été menées auprès de personnes suivant un régime hyper­pro­téiné et, inva­ria­ble­ment, elles n’ont pas mis en évidence d’ef­fet néfaste sur la fonc­tion rénale [Friedman AN et al., 2012N402 ; Devries MC et al., 2018N403]. Dans une étude, la fonc­tion rénale s’est amélio­rée et il n’y a pas eu d’aug­men­ta­tion du risque de calculs rénauxN404 sur deux ans lorsque des adultes obèses ont été soumis à un régime pauvre en glucides et riche en protéines. Dans une autre méta-analyse de 28 études portant sur 1358 parti­ci­pants, rien n’in­dique qu’un régime hyper­pro­téiné ait eu un effet néga­tif sur la fonc­tion rénale.

Comme nous l’avons vu précé­dem­ment dans ce livre, la majo­rité des calculs rénaux sont formés d’oxa­late de calcium, et une consom­ma­tion accrue d’ali­ments végé­taux conte­nant des oxalatesN8 semble être le prin­ci­pal facteur de risque.

(Page 164) Une autre critique courante adres­sée aux régimes hyper­pro­téi­nés est qu’ils peuvent entraî­ner une dimi­nu­tion de la densité osseuse, ou ostéo­po­roseN405, en raison d’une charge acide plus élevée. S’il est vrai que les protéines dans l’ali­men­ta­tion repré­sentent un apport acide, cela peut être compensé par l’ob­ten­tion de suffi­sam­ment de miné­raux alca­li­ni­sants, tels que le calcium, le magné­sium et le potas­sium [Remer T & Manz F, 1995N406 ; Macdonald HM, 2005N407].

(Page 164) En outre, il a été démon­tré que les régimes riches en protéines augmen­taient l’ab­sorp­tion du calcium dans le trac­tus gastro-intestinal et étaient corré­lés à une augmen­ta­tion de la densité osseuse et à une dimi­nu­tion du risque de frac­tures [Cuenca-Sánchez M et al., 2015N408 ; Bonjour JP et al., 2004N409 ; Calvez J et al., 2011N410].

Goutte. Source : thuoc​dan​toc​.vn

(Pages 165–166) Lorsque nous consom­mons des purines dans la viande, notre orga­nisme augmente en fait l’ex­cré­tion d’acide urique et les niveaux restent essen­tiel­le­ment les mêmes [Maiuolo J et al., 2016N411]. Les véri­tables coupables de la goutte semblent être le fruc­tose et l’al­cool, deux substances qui peuvent créer une résis­tance à l’in­su­lineN55 et dimi­nuer l’ex­cré­tion de l’acide urique par les reins. Dans une vaste étude portant sur plus de 125 000 sujets, on a constaté une forte asso­cia­tion entre la consom­ma­tion de fruc­tose et l’in­ci­dence de la goutte [Jamnik J et al., 2016N412].

Comme il s’agit d’épi­dé­mio­lo­gie, nous ne pouvons pas prétendre à une rela­tion de cause à effet, mais les méca­nismes par lesquels le fruc­tose et l’al­cool pour­raient provo­quer la goutte sont bien établis. La prochaine fois que vous enten­drez quel­qu’un dire que la viande lui a provo­qué une crise de goutte, demandez-lui quelle quan­tité de sucre ou d’al­cool il a consom­mée avec !

Le mythe des zones bleues

Deux hommes âgés au Gilgit-Baltistan. Source : N413

➡ Ce sujet est abordé en détail dans mes articles Supercentenaires : des statistiques dérangeantes, Okinawa, îles de rêve(s), Régime de longévité — cuisine à l’italienne et Hunza à perte de vue.

Les exemples cités par Paul Saladino sont pour la plupart perti­nents, bien qu’il manque une analyse critique du concept même de « zone bleue », notam­ment du fait d’er­reurs et de fraudes dans les registres d’état civil. Mais on comprend qu’il veuille répondre à des objec­tions du style : « Les habi­tants de la vallée de Hunza vivaient plus que cente­naires en se nour­ris­sant exclu­si­ve­ment de végé­taux ! » La réponse précise à ces affir­ma­tions — toutes deux erro­nées — est dans mon article Hunza à perte de vue.

Saladino s’est efforcé de contre­dire Dan Buettner, inven­teur du terme « zone bleue », mais il inter­prète comme lui des enquêtes nutri­tion­nelles dont il n’a de cesse de dénon­cer l’ab­sence de fiabi­lité. Ce biais métho­do­lo­gique a été signalé dans une analyse critique de l’ou­vrage (Palmer R, 2011N414). Rob Palmer reprend le cas des habi­tants de Nicoya au Costa Rica [Rosero-Bixby L et al., 2013N415] où « les hommes ont sept fois plus de chances de deve­nir cente­naires que ceux de la popu­la­tion du Costa Rica dans son ensemble » (Saladino P, 2020N1 page 169). (Le fait que les femmes ne béné­fi­cient pas d’un tel avan­tage ne semble émou­voir personne, pas plus que chez les Hunzas…) Palmer repro­duit avec perti­nence la mise en garde des auteurs de l’étude sur Nicoya :

Il convient de mettre en garde contre une surin­ter­pré­ta­tion des parti­cu­la­ri­tés des rési­dents de Nicoya en matière de régime alimen­taire, de biomar­queurs ou d’autres carac­té­ris­tiques comme preuve de leur rôle causal dans l’ex­pli­ca­tion de l’avan­tage de survie à Nicoya. Des recherches beau­coup plus appro­fon­dies sont néces­saires pour établir de tels liens de causalité.

Pour ce qui est de la commu­nauté adven­tiste de Loma Linda, au sud de la Californie, l’ana­lyse de Paul Saladino est convain­cante (pages 170–171) mais il aurait été encore plus inté­res­sant de compa­rer cette commu­nauté avec celle des Mormons de la même région qui vivent plus vieux sans adhé­rer au végé­ta­risme — voir mon article Régime de longévité — cuisine à l’italienne.

Est-ce que je ne vais pas attraper le scorbut en ne mangeant que des produits animaux ?

Linus Pauling. Source : My Hero

(Page 173) Depuis que Linus Pauling s’est fait le cham­pion de la vita­mine C il y a cinquante ans, cette molé­cule fascine et l’es­poir est grand qu’elle devienne une pana­cée. De nombreuses études ont été menées pour tenter de prou­ver ces hypo­thèses, et des camions entiers de vita­mine C ont été ingé­rés. Malheureusement, cette vita­mine n’a pas été à la hauteur du battage médiatique.

(Pages 173–174) Les récits histo­riques, à commen­cer par le rapport de James Lind en 1747 selon lequel le scor­but chez les marins britan­niques pouvait être soigné avec des citrons, nous ont amenés à croire que nous devions inclure des plantes dans notre alimen­ta­tion pour obte­nir suffi­sam­ment de vita­mine C. Mais voulez-vous savoir autre chose d’in­croyable ? La viande fraîche et les organes animaux guérissent égale­ment le scor­but, un fait histo­rique connu depuis des centaines d’an­nées mais qui semble récem­ment oublié. Contrairement à la croyance popu­laire, les aliments d’ori­gine animale contiennent de la vita­mine C. Il a été démon­tré que la viande muscu­laire contient envi­ron 33 milli­grammes de vita­mine C par kilo. Les organes tels que les reins, le foie, le thymus et le cerveau sont des sources encore meilleures de cette vita­mine, avec 30 à 40 milli­grammes par portion de 100 grammes. Comme dans le cas de la vita­mine K2, le problème est que l’USDAN416 n’a pas offi­ciel­le­ment mesuré ce nutri­ment dans la viande et les abats, ce qui explique qu’il soit souvent consi­déré comme inexis­tant — ce qui n’est certai­ne­ment pas le cas. La vita­mine C semble égale­ment être plus stable à la chaleur dans les aliments d’ori­gine animale que dans les aliments d’ori­gine végé­tale, de sorte que la cuis­son de la viande et des organes n’en­traî­nera proba­ble­ment pas une perte aussi impor­tante de ce nutri­ment [Clemens Z & Tóth C, 2016N417].

(Page 174) […] de quelle quan­tité de ce nutri­ment avons-nous réel­le­ment besoin pour fonc­tion­ner de manière optimale ?

Une série d’ex­pé­riences réali­sées sur des objec­teurs de conscience dans les années 1940 donne une indi­ca­tion de la quan­tité de vita­mine C néces­saire pour permettre une synthèse correcte du colla­gène et préve­nir le scor­but. En suppri­mant complè­te­ment la vita­mine C du régime alimen­taire, les premiers symp­tômes du scor­but se sont déve­lop­pés en deux mois chez ces déte­nus. Lorsque des doses de 10, 30 ou 70 milli­grammes de vita­mine C ont été four­nies, tous les groupes se sont réta­blis en quelques jours sans diffé­rence clinique notable entre eux. Cette réponse illustre le fait que des doses aussi faibles que 10 milli­grammes par jour suffisent à préve­nir le scor­but et les signes cliniques de carence — bien moins que les méga­doses de vita­mine C que l’on nous recom­mande souvent de consommer.

➡ Parenthèse : cette expé­ri­men­ta­tion sur des objec­teurs de conscience améri­cains — “The Minnesota Starvation Experiment”, voir Kalm ML & Semba RD (2005N418) — était diri­gée par l’épi­dé­mio­lo­giste Ancel KeysN419, le même qui affir­mait, dans les années 1960, avoir trouvé la cause de l’infarctus : les graisses satu­rées et le choles­té­rol, sur la base d’une étude frau­du­leuse (1978N318). Voir mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ?

(Page 174) Bien que la vita­mine C joue un rôle dans notre orga­nisme qui va au-delà de la forma­tion correcte du colla­gène, il n’est pas certain que des doses supé­rieures à celles qui sont connues pour corri­ger le scor­but soient encore béné­fiques. Beaucoup d’idées fausses sur les bien­faits de la vita­mine C sont basées sur des études épidé­mio­lo­giques, alors que la recherche inter­ven­tion­nelle raconte une histoire très différente.

Les études inter­ven­tion­nelles portant sur des doses supplé­men­taires de vita­mine C n’ont pas réussi, à plusieurs reprises, à montrer un béné­fice sur les critères de morta­lité totale, de mala­dies cardio­vas­cu­laires, de pres­sion arté­rielle ou d’in­ci­dence du rhume [Bjelakovic G et al., 2012N420 ; Sesso HD et al., 2008N421]. La supplé­men­ta­tion en vita­mine C n’a pas non plus permis de modi­fier les biomar­queurs du stress oxydantN139 ou des lésions de l’ADN et ne protège pas contre le cancer colo­rec­tal, le cancer de la peau, le cancer du sein ou le lymphome non hodg­ki­nienN422 [Padayatty SJ et al., 2003N423 ; Levine M et al., 2001N424 ; Halliwell B, 2000N425 ; Zhang SM et al., 2000N426]. Cette vita­mine n’est pas exac­te­ment la fontaine de jouvence qu’on a célébrée !

➡ Les conclu­sions des deux dernières publi­ca­tions ne confirment pas ce propos.

(Page 175) Pour souli­gner ces points, exami­nons en détail une de ces études inter­ven­tion­nelles. Dans cet essai rando­misé, dix-neuf hommes et vingt-six femmes consom­mant moins de trois portions de fruits et légumes par jour ont été répar­tis en deux groupes. Pendant douze semaines, un groupe a conti­nué à suivre son régime alimen­taire précé­dent, et l’autre a ajouté 450 g de fruits et légumes et 300 milli­litres de jus de fruits par jour. À la fin de l’étude, les niveaux sanguins de vita­mine C, la capa­cité anti­oxy­dante et les marqueurs de dommages à l’ADN ont été recueillis dans les deux groupes et compa­rés aux niveaux pré-intervention. Malgré la consom­ma­tion d’une quan­tité signi­fi­ca­ti­ve­ment plus impor­tante de vita­mine C dans leur régime alimen­taire (70 mg contre 250 mg) et des taux sanguins élevés de ce nutri­ment, aucune amélio­ra­tion des marqueurs testés dans le groupe d’in­ter­ven­tion n’a été consta­tée ! Les inves­ti­ga­teurs ont déclaré :

Alors que la vita­mine C plas­ma­tique [a augmenté] de 35 %, il n’y a pas eu de chan­ge­ments signi­fi­ca­tifs dans la capa­cité anti­oxy­dante, les dommages à l’ADN et les marqueurs de la santé vascu­laire. Conclusion : Une inter­ven­tion de 12 semaines [avec une augmen­ta­tion des fruits et légumes] n’a pas été asso­ciée à des effets sur le statut anti­oxy­dant ni les dommages à l’ADN des lympho­cytes [Duthie SJ et al., 2018N427].

(Page 175) Ce qui est encore plus frap­pant dans cette étude, c’est que les cher­cheurs ont mesuré l’ap­port en vita­mine C et les taux sanguins avant et après l’in­ter­ven­tion, et ont démon­tré qu’en dépit d’un apport presque quadru­plé (70 mg à 250 mg), il n’y avait pas non plus de chan­ge­ment dans les marqueurs anti­oxy­dants ou les dommages à l’ADN !

(Page 175) Des quan­ti­tés de vita­mine C comprises entre 10 et 70 milli­grammes par jour peuvent faci­le­ment être obte­nues en mangeant des aliments animaux frais et en consom­mant des abats en plus de la viande muscu­laire, comme l’ont toujours fait nos ancêtres.

(Pages 175–176) Contrairement à ce que Linus Pauling et les défen­seurs de l’ali­men­ta­tion à base de plantes voudraient vous faire croire, il est égale­ment prouvé qu’une trop grande quan­tité de vita­mine C peut être nocive pour l’homme, avec des rapports faisant état d’une inci­dence accrue de calculs rénaux en oxalatesN8, de nausées, de ballon­ne­ments, de reflux acide, de carence en B12 et même d’un stress oxydantN139 accru [Assimos DG, 2004N428 ; Nobile S & Woodhill JH, 1981N428]. Lorsqu’elle est admi­nis­trée à fortes doses, la vita­mine C semble se trans­for­mer en un pro-oxydant dans notre orga­nisme, et même les doses modé­rées de vita­mine C que l’on trouve dans les supplé­ments courants (500 à 1000 mg) ont été asso­ciées à une augmen­ta­tion des taux de calculs rénaux [Kucharski H, 2009N429 ; Thomas LDH et al., 2013N430].

11) Mythe n°4 : la viande rouge fait exploser le cœur

➡ Ce chapitre couvre les mêmes thèmes (en moins de détails) que mes articles Soigner ses artères, Pourquoi diminuer le cholestérol ?, Statines et médicaments anticholestérol et Je suis à l’hôpital !

Ci-dessous la liste des sous-titres :

Notions sur les lipoprotéines et le cholestérol

Le rôle vital du LDL dans notre organisme

Est-ce que plus de LDL serait protecteur ?

Le LDL dans la maladie du cœur : criminel ou pompier ?

L’athérosclérose : rien qu’un problème d’adhérence !

Plus profond dans le terrier du LDL

Le détail (ou pas juste un détail) sur la résistance à l’insuline

Autres causes de résistance à l’insuline

Pourquoi le LDL augmente-t-il avec une diète cétogène ?

Est-ce que vous devriez prendre une statine pour diminuer le LDL ?

TMAO : le mouton habillé en loup

Graisse saturée : pourquoi les marchands d’huiles végétales disent-ils que c’est mauvais ?

Section IV

➡ Cette partie ne peut pas être résu­mée sans déna­tu­rer le propos. Je recom­mande donc vive­ment aux personnes dési­reuses de tenter l’ex­pé­rience du régime carni­vore, selon Paul Saladino, de lire atten­ti­ve­ment son ouvrage (2020N1).

Des infor­ma­tions sont acces­sibles de diverses sources sur Internet, mais il faut veiller à respec­ter la cohé­rence de l’ap­proche. Et ne pas oublier de s’hy­dra­ter abon­dam­ment pendant les repas afin que le foie puisse trai­ter correc­te­ment le bol alimen­taire riche en matières grasses. La sous-hydratation est une grave erreur commise par la grande majo­rité de celles/ceux qui « essaient » une diète céto­gène, la chro­no­nu­tri­tion ou tout régime pauvre en glucides…

12) Que manger dans un régime carnivore « du nez à la queue » ?

Enfants Yama-Nenets (Russie). Source : reddit​.com

➡ Cette expres­sion bizarre veut dire qu’on consomme tous les organes sans craindre la présence des graisses qui sont char­gées de vita­mines et miné­raux essen­tiels. Il est inté­res­sant de signa­ler que ces abats et parties grasses coûtent nette­ment moins cher que les morceaux « sélec­tion­nés » de viande rouge. Éviter toute­fois l’oxy­da­tion de ces graisses expo­sées à une chaleur trop vive : le barbe­cue devrait être remplacé par la tradi­tion­nelle cocotte en fonte !

➡ Un récit du géologue anglais Vivian Ernest Fuchs, qui diri­geait en 1934 une mission archéo­lo­gique au Kenya, illustre l’in­té­rêt porté aux parties à haute valeur nutri­tion­nelle des dépouilles d’ani­maux. Il décrit un festin qui avait eu lieu à la fron­tière de l’Éthiopie pour célé­brer la récon­ci­lia­tion de deux tribus (Bonnefille R, 2018N431 pages 92–93) :

Fuchs en fait un récit imagé. “Le festin commence par les sacri­fices d’un bœuf et d’un mouton de couleur blanche, offerts par la tribu des agres­seurs initiaux…” Très impres­sionné, Fuchs décrit comment les tranches de gras des entrailles du mouton sacri­fié sont drapées autour du cou des hommes âgés, les anciens de la tribu des Turkana. Le bœuf blanc est sacri­fié devant toute l’as­sem­blée tandis que l’os de la jambe anté­rieure est brisé à coups de pierre. La moelle osseuse est aspi­rée par chacun des chefs respec­tifs des deux tribus, alors que la viande crue de l’ani­mal est servie encore tiède au reste de l’assemblée.

➡ En 1972, l’équipe améri­caine d’ar­chéo­lo­gie et de paléon­to­lo­gie dans la vallée de l’Omo , en Éthiopie, est invi­tée à un festin offert en l’hon­neur du 80e anni­ver­saire de l’empereur Haïlé Sélassié Ier. Le menu ne manque pas de les surprendre. La géologue et paly­no­logue Raymonde Bonnefille y était (2018N431 page 245) :

Nous ne voyons pas d’en­droit faisant office de cuisine, pas de trace de foyer, ce qui nous rend perplexes sur la nature du festin à venir. Vous pouvez imagi­ner notre surprise et nos grimaces rete­nues à la vue des assiettes appor­tées. Elles contiennent de gros morceaux de viande crue, rouge, accom­pa­gnés de gros cubes de graisse encore tièdes, tout fraî­che­ment décou­pés du bœuf encore vivant une heure aupa­ra­vant. Ce plat tradi­tion­nel appelé « tere sega » est servi avec la sauce très pimen­tée « awasé », mélange de « berberé », piment en poudre, délayé dans un alcool fort, et pour seul complé­ment des morceaux de pain fraî­che­ment cuits.

➡ Les adeptes de régime carni­vore insistent avec raison sur la consom­ma­tion de viandes et graisses animales comme prin­ci­pale source de protéines et de calo­ries chez les chasseurs-cueilleurs obser­vés au 20e siècle. Toutefois leurs données se limitent à ce que les obser­va­teurs ont pu iden­ti­fier : il est plus facile de distin­guer une anti­lope d’un éléphant que d’iden­ti­fier les végé­taux qui complé­taient le menu, comme par exemple les épices dans l’exemple précé­dent. Aucun régime carni­vore n’est exempt de plantes !

➡ Les recettes et menus publiés par les adeptes (nord-américains) de régime carni­vore n’ont rien d’ins­pi­rant ni d’ap­pé­tis­sant pour qui sait appré­cier la gastro­no­mie euro­péenne… Une « traduc­tion » des direc­tives s’im­pose ! La plupart font l’im­passe sur tous les produits laitiers, ce qui est compré­hen­sible au vu des produits ainsi étique­tés dans un super­mar­ché. Mais il suffit, parti­cu­liè­re­ment en France, de se rendre au point de vente de fromages affi­nés au lait cru (garan­tis d’ap­pel­la­tion contrô­lée) pour faire provi­sion d’ali­ments compa­tibles avec un régime carni­vore ou céto­gène. Une portion de roque­fort rempla­cera certai­ne­ment le bacon d’un petit déjeu­ner chez Saladino. Sans surprise, si vous avez lu le début, ces deux aliments sont étique­tés « E » selon le pitoyable label Nutri-scoreN432 fran­çais, produit dérivé d’en­quêtes nutri­tion­nelles basées sur des ques­tion­naires — voir mon article !

➡ La consom­ma­tion en grande quan­tité de produits de la mer reste problé­ma­tique : les pois­sons et crus­ta­cés sauvages sont porteurs de substances polluantes, et les pois­sons d’éle­vage souvent nour­ris avec des graisses végé­tales (notam­ment de l’huile de palme) qui dimi­nuent leur taux d’oméga 3 au profit des oméga 6. La solu­tion du régime carni­vore consiste prin­ci­pa­le­ment à réduire la consom­ma­tion d’oméga 6 en excluant les huiles végé­tales, de sorte que les oméga 3 présents dans les œufs, les fromages et les viandes suffisent à assu­rer un rapport oméga 3 sur oméga 6 accep­table. On peut y ajou­ter sans risque des œufs de saumon vendus à un prix abordable.

➡ Rappelons l’in­fluence néfaste de la surcon­som­ma­tion d’huiles végé­tales sur la santé cardio­vas­cu­laire (DiNicolantonio JJ & O’Keefe J, 2018N433 page 5) :

En résumé, de nombreux éléments de preuve montrent que l’acide lino­léique gras poly­in­sa­turé oméga 6 favo­rise le stress oxyda­tifN139, l’oxy­da­tion du LDL, l’inflammation chro­nique de faible gradeN434 et l’athérosclérose, et consti­tue proba­ble­ment l’un des prin­ci­paux respon­sables de la cause des mala­dies coro­na­riennes, en parti­cu­lier lors de la consom­ma­tion d’huiles de graines indus­trielles commu­né­ment appe­lées « huiles végétales ».

Cette mise en garde concerne aussi le choix préfé­ren­tiel des viandes consom­mées dans un régime carni­vore (ou omni­vore). En effet, les consom­ma­teurs ont tendance à suivre la mode de privi­lé­gier les viandes blanches (volaille et porc) au détri­ment des viandes rouges qui conti­nuent à être diabo­li­sées. Or ces d’ani­maux sont nour­ris pour la plupart de graines (maïs, soja etc.) riches en oméga 6, de sorte que la consom­ma­tion de leur viande augmente le rapport oméga 6 sur oméga 3 qui favo­rise l’in­flam­ma­tion et augmente l’insulinorésistance (cause parmi d’autres d’obé­sité) — voir la vidéo “Why chicken is killing you” (2020N435). Le choix devrait donc se repor­ter préfé­ren­tiel­le­ment sur la viande rouge ou sur celle d’ani­maux nour­ris en plein air : porc « ibérique » etc.

13) Les principaux écueils au début d’un régime carnivore

➡ La lecture de ce chapitre (Saladino P, 2020N1 pages 255–271) est indis­pen­sable à toute personne dési­reuse d’adop­ter le régime carni­vore. Étant d’une extrême densité, aucun détail ne peut être mis de côté et une traduc­tion inté­grale s’imposerait…

Les prin­ci­paux sujets trai­tés sont ceux la régu­la­tion du tran­sit intes­ti­nal dans l’adap­ta­tion à une diète céto­gène ou un régime carni­vore, l’équi­libre protéines-graisses, la baisse du niveau d’in­su­line à compen­ser par un meilleur apport de sodium, magné­sium et potas­sium, les problèmes de fatigue, les insom­nies et les crampes elles aussi liées à un déséqui­libre des élec­tro­lytes et des carences en zinc et autres miné­raux, l’in­to­lé­rance à l’hista­mineN7, la diffi­culté de digé­rer les graisses et viandes rouges, les calculs biliaires, le poly­mor­phisme de l’APOE4N436 et la muta­tion du FTON437.

Sur tous ces points, des expli­ca­tions détaillées sont suivies de sugges­tions sur la manière d’y remé­dier, en géné­ral par un meilleur équi­libre nutri­tion­nel — souvent par une consom­ma­tion suffi­sante d’abats — ou ponc­tuel­le­ment à l’aide de complé­ments alimen­taires. Des indi­ca­tions sont données sur les situa­tions qui exigent un suivi médical.

14) Le bout du chemin et le début d’un nouvel art de vivre [environnement]

➡ Paul Saladino s’in­té­resse ici à l’im­pact envi­ron­ne­men­tal de la consom­ma­tion de viande, motif le plus fréquent de la propo­si­tion de régimes « à base de plantes » suppo­sés limi­ter l’im­pact des acti­vi­tés humaines sur le réchauf­fe­ment clima­tique. La réfu­ta­tion de cette thèse est expo­sée et docu­men­tée dans mon article Pour les végan·e·s. Les réfé­rences scien­ti­fiques suivantes ont été incluses à ce chapitre :

  • White RR & Hall MB (2017N438). Nutritional and green­house gas impacts of remo­ving animals from US agriculture
  • Rotz CA et al. (2019N439). Environmental foot­prints of beef cattle produc­tion in the United States
  • Qiancheng M (2018N440). Greenhouse Gases : Refining the Role of Carbon Dioxide
  • Weil R & Brady N (2016N441). The Nature and Properties of Soils
  • Swift RS (2001N442). Sequestration of carbon by soil
  • Ontl TA & Schulte LA (2012N443). Soil carbon storage

Foire aux questions

➡ Les réponses complètes, très inté­res­santes, sont à décou­vrir dans l’ou­vrage. Je me contente ici de les réduire à un mot chaque fois que possible.

  • Est-ce que la viande de pâtu­rage est meilleure que celle d’ani­maux nour­ris par des céréales ? Oui
  • Que faire si j’ai une défaillance ?
  • Comment faire cuire ma viande ?
  • Comment acqué­rir du gras ?
  • Qu’en est-il de la mari­juana ? Toxique
  • Est-ce que les protéines ne pour­rissent pas dans notre intes­tin ? N’est-ce pas la plus mauvaise façon de digé­rer ? Non
  • Où nos ancêtres trouvaient-ils leur sodium, et quelle quan­tité en consommaient-ils ?
  • Où nos ancêtres trouvaient-ils leur magné­sium et leur potassium ?
  • Est-ce que l’huile de noix de coco est conve­nable ? Et l’huile d’olive ? Moyen
  • Où se situent les noix de coco dans le spectre de toxi­cité des plantes ? Niveau moyen
  • Ai-je besoin de complé­ments alimen­taires avec un régime carni­vore ? Non
  • Est-ce que mon choles­té­rol LDL va augmen­ter avec un régime carni­vore ? Possible
  • Quel bilan sanguin devrais-je faire avant ou après le début d’un régime carnivore ?
  • Et si je ne veux pas manger d’abats ?
  • Est-ce que je peux faire un régime carni­vore après une abla­tion de la vési­cule biliaire ? Oui
  • Quelle quan­tité devrais-je manger dans un régime carnivore ?
  • Que pensez-vous du jeûne ?
  • Que pensez-vous des repas « joker » ? (cheat meals)
  • Qu’en est-il des polluants orga­niques persis­tants dans les aliments d’ori­gine animale ?
  • Est-ce qu’une diète céto­gène est dange­reuse ? Non
  • Est-il appro­prié pour un athlète de faire un régime carni­vore ? Oui
  • Que faire si mes symp­tômes ne s’amé­liorent pas avec un régime carnivore ?
  • Ai-je besoin de probio­tiques avec un régime carni­vore ? Non
  • Ai-je besoin d’ali­ments fermen­tés avec un régime carni­vore ? Non
  • Est-ce qu’un régime carni­vore est vrai­ment sain sur le long terme ? Oui
  • Est-ce qu’une diète céto­gène carni­vore est diffé­rente pour les femmes ? Non
  • Est-ce qu’une diète céto­gène carni­vore convient à la gros­sesse, l’al­lai­te­ment et aux enfants ? Oui
  • Est-ce qu’un régime carni­vore coûte vrai­ment cher ? Non
  • Comment Dr Paul fait-il son régime carnivore ?
  • Comment Dr Paul s’exerce-t-il ?

Discussion

Ce n’est pas Paul Saladino ! 😀 (voir la vidéo)

Le régime carni­vore de Paul Saladino lui a permis de mettre fin à des symp­tômes inva­li­dants qu’il asso­ciait à un état inflam­ma­toire induit et entre­tenu par ses habi­tudes alimen­taires. C’est une donnée essen­tielle, bien qu’elle se limite à son expé­rience person­nelle. Il affirme par ailleurs avoir aidé avec succès « des centaines de patients ».

J’ai quelque diffi­culté à imagi­ner qu’un jeune méde­cin ait vu défi­ler une telle foule dans son offi­cine, en même temps qu’il s’adon­nait au surf, à la chasse en forêt, à l’exer­cice physique, à sa chaîne YouTube et… à l’écri­ture ! Je suis plutôt enclin à croire qu’il fait allu­sion aux follo­wers de ses vidéos et articles procla­mant leur réus­site dans les commen­taires. L’accumulation de commen­taires est un exemple typique de biais du survi­vantN444 — comme pour les guéri­sons mira­cu­leuses de cancé­reux. La popu­la­rité d’un « influen­ceur » n’est pas garante de sa sincérité !

Quelques études et quatre témoi­gnages ont été sélec­tion­nés (pages 247–254), élar­gis­sant de manière instruc­tive le champ de l’ex­pé­ri­men­ta­tion. Le premier récit est celui de Judy Cho que l’on peut lire sur son site (Cho J, 2021N445). Le deuxième de la jeune Alyse Parker, ancienne mili­tante végane qui a créé après sa « conver­sion » un Institute for Integrative Nutrition (sic). Le troi­sième est celui de Dave, un Australien de 33 ans qui s’est libéré de l’an­xiété et témoigne d’une « amélio­ra­tion fantas­tique de sa forme physique ». Enfin Ben, mili­taire et athlète profes­sion­nel diag­nos­ti­qué de poly­né­vrite démyé­li­ni­sante chro­nique inflam­ma­toireN446 (CIDP) qui a commencé par essayer de se soigner avec des jus de légumes et fruits crus et se sentait mieux au bout de trois semaines, puis a rechuté alors qu’il prati­quait une diète végé­ta­lienne crudi­vore : « Je ne sais pas combien de temps ça a duré, proba­ble­ment parce que mon cerveau ne fonc­tion­nait plus correc­te­ment en raison du manque de la seule chose qui pouvait chan­ger la donne : les graisses animales. » Il est revenu au régime stan­dard améri­cain puis a oscillé pendant plusieurs années entre ce régime et une diète proche du « paléo », consta­tant que plus il mangeait de fibres plus il se sentait mal. Il a fait la décou­verte du régime carni­vore qu’il a essayé « en espé­rant que ça rate­rait » car il adore les fruits et légumes. Mais après dix jours il se sentait « mieux que jamais en 25 ans » ; il pense que le régime contri­bue à une rémis­sion de sa CIDP.

Ces témoi­gnages rappellent que la guéri­son de mala­dies graves ou inva­li­dantes est la moti­va­tion première de la démarche de Paul Saladino et de cet ouvrage. Toutefois, l’éten­due de la discus­sion et la qualité de la docu­men­ta­tion dépassent large­ment cet objec­tif. J’ai consi­dé­ra­ble­ment enri­chi ma base de données de liens en cata­lo­guant une partie des articles cités !

Le régime carni­vore a fait l’ob­jet d’une étude menée à l’Université de Harvard : Behavioral Characteristics and Self-Reported Health Status among 2029 Adults Consuming a “Carnivore Diet” (Lennerz BS et al., 2021N447) qui a conclu :

À notre connais­sance, il s’agit du premier rapport moderne sur un grand groupe de personnes consom­mant habi­tuel­le­ment peu d’ali­ments végé­taux, un mode d’ali­men­ta­tion géné­ra­le­ment consi­déré comme incom­pa­tible avec une bonne santé.

Contrairement à ce que l’on pour­rait croire, les adultes qui suivent un régime carni­vore n’éprouvent que peu d’ef­fets indé­si­rables, et font plutôt état de béné­fices pour la santé et d’une grande satis­fac­tion. Les facteurs de risque des mala­dies cardio­vas­cu­laires ont été influen­cés de manière variable. La géné­ra­li­sa­tion de ces résul­tats, et les effets à long terme de ce mode d’ali­men­ta­tion, requièrent des études plus approfondies.

Les réserves tiennent prin­ci­pa­le­ment au fait qu’il s’agis­sait d’une étude obser­va­tion­nelle basée sur des ques­tion­naires, donc sujette aux biais signa­lés dans mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ? Dans la discus­sion, les auteurs ne peuvent pas s’empêcher de remettre le couvert sur le mythe du cholestérol !

Une étude plus récente (Norwitz NG & A Soto-Mota, 2024N448) a évalué l’ef­fet de cures carni­vores ou céto­gènes très faibles en glucides sur des mala­dies intes­ti­nales inflam­ma­toires (IBD). Il s’agit du suivi de 10 patients qui ont tous témoi­gné d’une nette amélioration.

Le régime carni­vore est devenu « à la mode » récem­ment en raison de l’ef­fet multi­pli­ca­teur des blogs, vidéos et réseaux sociaux. Ce qui porte­rait à croire que c’est une inven­tion récente… En réalité, cette approche est connue de très longue date, comme l’a rappelé le méde­cin Michael Eades en signa­lant un article ancien (Thorpe LT & K Wichita, 1957N449voir PDF) sur le trai­te­ment de l’obé­sité. Les auteurs écrivent :

Le régime hyper­pro­téiné, riche en graisses et pauvre en glucides le plus simple à prépa­rer et le plus facile à obte­nir, et celui qui produira la perte de poids la plus rapide sans faim, faiblesse, léthar­gie ou consti­pa­tion, est composé de viande, de graisses et d’eau. La quan­tité totale consom­mée n’est pas impor­tante, mais le rapport de trois parts de maigre pour une part de gras doit être main­tenu, car toute dimi­nu­tion de la part de gras réduira la perte de poids. Peu de personnes peuvent consom­mer 340 g de viande maigre et 110 g de graisse trois fois par jour. En géné­ral, après deux ou trois jours, la moyenne sera d’en­vi­ron 170 g de viande maigre et 57 g de graisse trois fois par jour. Je n’ai pas encore trouvé de patient suivant ce régime qui se soit plaint de ne pas avoir assez à manger, d’être fati­gué, faible ou constipé. […] Le café noir, le thé clair et l’eau sont utili­sés sans restric­tion. La réduc­tion du sel, bien que non néces­saire, augmen­tera la vitesse de la perte de poids. D’un point de vue pratique, deux à quatre semaines sont à peu près la limite pour qu’un patient pour­suive ce régime, donc, à la première plainte, il est modi­fié par l’ajout de fruits et légumes à 3 % et 5 % pour la diversité.

Michael Eades est depuis plusieurs décen­nies un apôtre du low-carb, une diète faible en glucides et riche en graisses de bonne qualité. Il a reconnu que sa pratique person­nelle était de plus en plus proche du régime carni­vore, dont il rapporte de nombreux exemples de succès dans des témoi­gnages reçus, par exemple sur The Arrow #195 :

Je suis passé à l’ali­men­ta­tion carni­vore il y a un peu plus de dix-huit mois et cela m’a sauvé la vie. Parmi les points posi­tifs, citons la fin du syndrome de l’in­tes­tin irri­table, des mala­dies rénales, du diabète et du canal carpien. Je n’ai plus de psoria­sis, mes graves problèmes cardiaques ont prati­que­ment disparu. Toutes mes douleurs arti­cu­laires ont disparu, de même que cent trente livres, et je n’ai pas encore fini de perdre du poids. Même mes flot­teurs dans les yeux ont disparu, ainsi que les taches de vieillesse sur mes mains. J’ai soixante-quatorze ans et je n’ai plus l’im­pres­sion de mourir.

Au delà de l’ef­fet théra­peu­tique attendu de cette pratique, il est inté­res­sant de lire les témoi­gnages de personnes en parfaite santé qui s’en réclament dans un parcours « extrême », comme par exemple celui de Kate Ouellette-CretsingerN450 qui a couvert 6700 kilo­mètres — en course virtuelle sur un vélo d’en­traî­ne­ment — en seule­ment 17 jours et 14 heures pour s’en­traî­ner à la course cycliste trans-américaine, brûlant envi­ron 10 000 Kcal par jour (Maffetone P, juillet 2021N451). Kate suit une diète stric­te­ment carni­vore depuis presque deux ans et pratique l’en­du­rance sous les instruc­tions de Phil Maffetone — voir mon article. Son rythme cardiaque était en moyenne de 130 bpm pendant la course, alors que celui pres­crit pendant son entraî­ne­ment était de 135 bpm. Les anglo­phones gagne­ront beau­coup à écou­ter son expé­rience du « régime ultime d’éli­mi­na­tion » qui lui a permis de résoudre de nombreux problèmes de santé (2021N452).

Sur une courte vidéo (2021N453), l’en­traî­neur Mark Sisson partage la même vision d’un « régime ultime d’éli­mi­na­tion » qui peut aider consi­dé­ra­ble­ment les personnes souf­frant de mala­dies auto-immunes. Il recon­naît le plai­sir de « passer au carni­vore » à partir de sa diète habi­tuelle — paléo — tout en reve­nant à une plus grande diver­sité lors­qu’il constate que les apports de végé­taux n’ont pas d’ef­fet néga­tif sur sa forme physique.

Sisson a réin­tro­duit la consom­ma­tion de fruits, notam­ment des baies sauvages, ainsi que du miel. Paul Saladino a fait de même, et se voit aujourd’­hui accusé d’apo­sta­sie par les fana­tiques inspi­rés par ses écrits (Saladino P, 2023N454 00:54:20), mais sa tendance à géné­ra­li­ser son expé­rience person­nelle l’ins­talle à son tour dans une forme d’ex­tré­misme. Écouter à ce sujet le commen­taire du Dr Eric Westman (2023N455).

Paul Saladino justi­fie le besoin de « quelques glucides » par une propo­si­tion, avan­cée par Georgi Dinkov, selon laquelle il serait inap­pro­prié de prati­quer un régime dont plus de 30 % des calo­ries sont appor­tées par des graisses alimen­taires. Toutefois, cette propo­si­tion s’ap­puie sur une théo­rie (cycle de RandleN456) qui s’est avérée fausse chez les humains — voir mon article Glucides ou lipides ? À ce sujet, Michael Eades, répon­dant à une personne adepte de régime carni­vore qui souffre de crampes muscu­laires, de palpi­ta­tions, de sommeil irré­gu­lier et d’in­suf­fi­sance thyroï­dienne, et à qui Saladino a suggéré l’ajout de miel et de glucides, précise que ces symp­tômes sont plutôt marqueurs d’une carence en sel et en iode — voir The Arrow #136 et mon article Le sel est-il notre ami ?

Pour en reve­nir à Carnivore Code, je crai­gnais, au premier abord, que la réfé­rence au mode de vie de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs se réduise aux argu­ments simplistes des adeptes de régimes « paléo ». La bonne surprise est qu’il a pris en compte des données récentes de la paléo-anthropologie.

Antoine Parmentier. Source : N457

Toutefois, ce rappel sur l’évo­lu­tion de l’es­pèce humaine ne suffit pas à mettre au clou 10 000 années de pratique et de perfec­tion­ne­ment de l’agri­cul­ture. On pour­rait en effet répondre avec assu­rance que la « domes­ti­ca­tion » des plantes a permis d’éra­di­quer les famines. Le souve­nir d’Antoine ParmentierN457 est vivace ! Les hypo­thèses sont fragiles, car la tran­si­tion de la chasse-cueillette vers l’agri­cul­ture et l’éle­vage est loin d’être une histoire linéaire et graduelle ; elle s’étend sur plusieurs dizaines de siècles à partir de plusieurs régions du globe terrestre (France Culture, 2021N20 3e émission).

Pour ne pas s’at­tar­der sur le mythe du « sauvage en bonne santé » (Jarvis WT, 1981N458), il convient d’étu­dier des données scien­ti­fiques solides — celles d’essais cliniquesN459 — sur la toxi­cité « natu­relle » des plantes, de prou­ver l’ab­sence de noci­vité des aliments de source animale, et enfin de démon­trer que les seconds pour­raient rempla­cer avan­ta­geu­se­ment les premiers. Les chapitres consa­crés à cette démons­tra­tion (sections II et III) me paraissent d’une grande utilité, que l’on décide ou non, au final, de modi­fier ses habi­tudes alimen­taires. Admettre par exemple (comme en paléo) que dans la succu­lente salade de tomates à la mozza­rella, c’est plutôt la mozza­rella (de bonne qualité) qui serait l’ali­ment à haute valeur nutri­tion­nelle, et la tomate un simple accom­pa­gne­ment… Renversement de pers­pec­tive — et fureur du jardi­nier ! — même si le menu n’a pas changé.

Quelques points me paraissent impor­tants à souligner :

  1. L’injonction “one fits all” — le même régime convient à tous — devrait être bannie une fois pour toutes, au vu de la diver­sité des profils géné­tiques, épigé­né­tiques et micro­bio­tiques des indi­vi­dus. Les êtres humains ont une capa­cité adap­ta­tive qui leur permet de chan­ger de régime face à des ressources limi­tées ou dans des circons­tances d’éloi­gne­ment du lieu où ils ont grandi.
  2. Cette capa­cité adap­ta­tive ne doit pas pour autant être sures­ti­mée. Certains aliments sont plus toxiques que d’autres et peuvent nuire à la santé malgré de bonnes dispo­si­tions prises par ailleurs : exer­cice, sommeil régu­lier, absti­nence de substances addic­tives etc. Seule l’ex­pé­rience de la suppres­sion de certains aliments ou d’un agen­ce­ment diffé­rent des repas peut à la fois signa­ler le problème et révé­ler sa solution.
  3. Les risques les plus fréquem­ment asso­ciés à une pratique (erro­née ?) de régime carni­vore, et signa­lés sur des forums, sont (1) un excès de fer, (2) des carences en vita­mine C, magné­sium, sélé­nium, (3) un mauvais tran­sit intes­ti­nal par manque de fibres. Tous ces problèmes peuvent être réglés par une pratique moins « radi­cale ». J’ai parfois constaté aussi une fatigue appa­rem­ment asso­ciée à de l’hy­po­gly­cé­mie, corri­gée par quelques fruits, du miel ou des carrés de chocolat…
  4. Cet ouvrage, comme d’autres sur le même sujet, insiste sur l’im­por­tance d’une consom­ma­tion « de la tête à la queue » des produits animaux, renouant avec des tradi­tions culi­naires oubliées d’une géné­ra­tion engrais­sée au fast food. Il faudra donc « deman­der aux vieux de la campagne » comment prépa­rer rognons, foie, cervelle, langue et autres « abats » qui n’étaient pas exclu­si­ve­ment de la nour­ri­ture de « pauvres »… Les pauvres Californiens qui ont oublié les recettes de grand-mère devront se satis­faire des abats lyophi­li­sés vendus par une entre­prise parte­naire de Paul Saladino. 😣
  5. Toute expé­ri­men­ta­tion person­nelle devrait être guidée par une bonne compré­hen­sion de données issues d’études cliniques. Les essais-erreurs ont leurs limites lorsque la survie est en jeu, surtout si l’on a passé l’âge de s’au­to­ri­ser « n’im­porte quelle connerie »… 😀
  6. La démarche de Paul Saladino, comme celle de patients de mala­dies graves, s’ins­crit dans une volonté d’ »opti­mi­sa­tion » qui justi­fie sa radi­ca­lité. Mais, dans la « vie réelle », un humain bien dans sa peau recherche plutôt un compro­mis entre ce qui est bon pour sa santé, adapté à sa culture et sa vie sociale, conforme à ses goûts et son cadre éthique. C’est ce que Saladino présente comme « l’équa­tion person­nelle de la Qualité de vie ». On n’a pas besoin de disser­ter sur les proprié­tés béné­fiques ou malé­fiques des poly­phé­nols pour parta­ger un verre de vin (voire plus) en famille ou avec des amis…

L’essayiste Travis Christofferson a publié un article bien docu­menté sur la (très récente) vague défer­lante du régime carni­vore parmi les patients de mala­dies auto-immunesN6. Il conclut (Christofferson T, 2020N460) :

Si quelque chose peut pola­ri­ser les gens autant que la poli­tique, c’est bien le débat sur ce qu’ils doivent se mettre dans la bouche. Il est certain que le régime carni­vore est le nouveau candi­dat d’ex­trême gauche (ou d’ex­trême droite) dans l’éven­tail des régimes alimen­taires. Les experts le quali­fient déjà de « très, très mauvaise idée » à « régime alimen­taire opti­mal pour l’homme », mais ne vous atten­dez pas de sitôt à un consen­sus. Ce qu’il y a de bien avec un régime alimen­taire, par oppo­si­tion à la poli­tique, c’est qu’il est démo­cra­tisé jusqu’au niveau de l’in­di­vidu. Chacun de nous, à tout moment, est libre d’es­sayer le régime de son choix et de voir ce qui se passe.

Autres échanges

  • Discussion avec Taty Lauwers. Extraits de son article extrê­me­ment inté­res­sant (Lauwers T, 2022N172) :
    Il m’a fallu quelques mois de croyances dans la piste « végé­taux toxiques » pour reve­nir à plus de sagesse, au prin­cipe du poison-remède.
    C’est humain, mais ne tombez pas dans le même piège. L’humain a déve­loppé des tech­niques pour inhi­ber les poisons végé­taux, dont la cuis­son, la fermen­ta­tion, etc. Utilisons ces bonnes tech­niques !
    Pour ma part, grande amateur de viande, en carni je suis fort marrie ques­tion papilles. Le meilleur steak ne peut concou­rir face à la sympho­nie de saveurs que je peux trou­ver dans des légumes. En outre, les protéines animales me laissent une impres­sion de dense, lourd, qui n’est contre­ba­lancé que par la légè­reté et la finesse des végé­taux.
    Si vous prati­quez la carni­vore avec bonheur, sans aucun légume, sans aucun fruit, considérez-la comme une cure de remise à niveau. Le temps de calmer les orages inté­rieurs, comme on fait une cure de riz pour calmer les inflam­ma­tions intes­ti­nales. Après quelques jours ou semaines, osez réin­tro­duire des végé­taux, en commen­çant par les plus anodins pour les intes­tins : les fruits, surtout pelés, surtout crus. Puis testez des légumes en commen­çant par la famille des courges. Si vous n’ai­mez pas, c’est un cas bien diffé­rent, conti­nuez à votre guise.
    […]
    La réac­ti­vité aux légumes, à leurs prin­cipes actifs ou à leurs fibres dures est le signe que l’or­ga­nisme est fragi­lisé. La solu­tion : le requin­quer, le ressour­cer jusqu’à ce qu’il arrive à reman­ger de tout. J’ai cent et un témoi­gnages de personnes que j’ai aidées en direct. Mes élèves peuvent appor­ter d’autres histoires de réus­sites. C’est mon choix édito­rial et théra­peu­tique : utili­ser l’ali­men­taire pour remettre sur pied les moins bien portants, dans l’ob­jec­tif de pouvoir jouir de son corps. D’autres conseilleurs préfèrent les évic­tions, ce n’est pas mon choix.
    […]
    Depuis la première version de l’ar­ticle sur fb, j’ai eu l’oc­ca­sion d’écou­ter les vidéos de Saladino en tissant. Je suis frap­pée qu’il prétend avoir « décou­vert » tant de choses, que j’ai lues bien avant qu’il n’ap­pa­raisse sur scène. Je pour­rais sour­cer quasi toutes ses décla­ra­tions, il en change à peine les mots d’ailleurs. Et il ne les cite pas. Pas grave, c’est un petit ego sur pattes et il défend son bifsteck. Ecoutez-le en sachant qu’il est simple­ment un aggré­ga­teur de données.
    […]
    […] méfions-nous des programmes alimen­taires qui tiennent quasi­ment de l’idéo­lo­gie et de la bannière iden­ti­taire. Comme coach, je garde­rais ce régime sous le coude pour aider les personnes atypiques (de type « canari » adulte) chez qui aucun autre essai n’a été probant, chez qui certains médi­ca­ments font même l’ef­fet inverse à celui qu’on attend. Pour aider les déses­pé­rés, quoi. Car le régime carni­vore est une excel­lente diète d’éli­mi­na­tion : on ne loupe rien des aliments qui posent souci, on vire tout. Bims ! Bien plus facile. […]
    Puis on revient à la juste mesure gastro­no­mique, sociale, nutri­tion­nelle : l’hu­main est surdoué pour s’adap­ter à divers envi­ron­ne­ments alimen­taires. Les plus fragiles prati­que­ront le “diet cycling”, c’est à dire qu’ils sautille­ront de diète en diète. Toute carni­vore pure que je sois, il m’ar­rive de passer des jour­nées entières en quasi végane. Avec bonheur.
    Ajout sur Facebook en septembre 2024 : Il est très amusant de noter que le dr Saladino, grand promo­teur de la cure carni­vore, a telle­ment rajouté de para­mètres adou­cis­sants à la cure initiale que son système ressemble très fort à… Nouvelle flore. Pour l’avoir suivi ainsi que ses fans, il a décou­vert les limites de la cure carni­vore perma­nente, entre autres avec un profil hormo­nal qui deve­nait atter­rant. Il a donc peau­finé et a réin­venté la roue. 😀
  • Débat au sujet du carni­vo­risme entre Chris Masterjohn et Paul Saladino (2019N461).
  • Entretiens (inutiles) de Paul Saladino avec Georgi Dinkov (2023N462 ; 2023N463 ; 2023N464).
  • Vidéo “The carni­vore diet does what to your blood?” – Dr Eric Westman (2023N465)
  • De nombreuses critiques circulent sur Internet au sujet de Paul Saladino, voir notam­ment le fil de discus­sion The Problem with Paul Saladino and his “radi­cal” claims (2020N466). Certains lui reprochent des posi­tions trop « radi­cales » — un régime « opti­mal » valable pour tous — et d’autres les chan­ge­ments brusques de points de vue, par exemple la consom­ma­tion de miel, de fruit et de certains légumes. Ces chan­ge­ments font toute­fois partie de sa démarche empi­rique, en accord avec une pratique rela­ti­ve­ment récente de cette approche nutri­tion­nelle.
    Les critiques les plus nombreuses dans ce fil de discus­sion concernent toute­fois sa person­na­lité et sa tendance à présen­ter comme siennes les connais­sances d’au­trui sans en mention­ner les sources. Je partage ce scep­ti­cisme sur la sincé­rité de l’au­teur, ayant constaté les tech­niques commer­cia­le­ment agres­sives dont il fait usage sur Internet. Par exemple, je reçois (le 8 août 2021) un mail m’in­vi­tant à remplir un ques­tion­naire, mais au moment de l’en­re­gis­tre­ment l’an­ti­vi­rus AVG m’aver­tit qu’un “tracking cookie” a été installé à mon insu sur le navi­ga­teur !
    D’autre part, les messages qu’il diffuse sur sa Newsletter sont tous ciblés vers la publi­cité pour la vente de ses produits : abats déssé­chés, “meat sticks” de viande de pâtu­rage, etc.

➡ Les extraits de l’ou­vrage traduits et commen­tés sur ce site sont parta­gés en confor­mité avec le prin­cipe du fair useN467 aux USA : utili­sa­tion non-commerciale à carac­tère péda­go­gique sans préju­dice sur les ventes de l’ouvrage.

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- On peut aussi consul­ter le serveur de liens https://leti.lt/liens et la liste des pages cibles https://leti.lt/liste.

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Article créé le 1/05/2021 - modifié le 3/12/2024 à 11h20

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