Le véganismeN1 est un sujet complexe et controversé dépassant le cadre d’une « veille scientifique » sur nos choix en matière de nutrition et habitudes de vie… Sa dimension éthique — que certains n’hésitent pas à qualifier de « religieuse » — voue à l’échec toute rationalisation du débat. Je cède donc volontiers la parole à des personnes qui en ont fait l’expérience avec un regard rendu critique par leur culture scientifique.
C’est le cas de Denise Minger, auteure d’un article “For Vegans” qui a suscité de nombreux commentaires (Minger D, 2012N2). Elle aborde ce sujet sur un ton bienveillant, s’adressant à des lecteurs et lectrices qui auraient opté pour le végétalismeN3 (le côté nutritionnel du véganisme) pour des motifs de respect de la vie animale et de préservation de l’environnement. Elle étaye son propos par des données scientifiques, indiquant ce qu’un·e adepte devrait inclure à son régime pour préserver sa santé sur le long terme. Les anglophones peuvent aussi lire un entretien (Minger D, 2010N4) où elle revient sur son analyse critique de The China Study de Thomas Colin Campbell (2006N5).
D’un point de vue strictement nutritionnel, le végétalisme n’est qu’une forme de végétarisme avec des restrictions supplémentaires. Si cette inclusion du végétalisme dans le végétarisme n’est pas mise en doute, toutes les données sur le végétarisme, dans ce qui suit, s’appliquent a fortiori au végétalisme.
La plupart des points abordés ont été documentés ailleurs sur mon site — voir mes articles Protéines, Glucides ou lipides ? etc. — mais j’insiste sur le fait que la solution optimale n’est pas identique pour tous les individus ➡ voir ma page Nutrition, qui écouter ?
Mon expérience insatisfaisante du végétarisme pendant une trentaine d’années, poussée jusqu’au végétalisme sur une courte période — voir l’article Chrononutrition - mon expérience — ne prouve en rien que ce régime serait délétère dans l’absolu. Les études nutritionnelles peuvent apporter des réponses plus convaincantes, sous condition qu’elles soient menées avec la rigueur nécessaire et que les situations soient comparables. De nombreux travaux s’appuient sur un mode de vie nord-américain trop éloigné de celui de la France et de ses pays limitrophes… Par ailleurs, l’approche observationnelle n’a rien de scientifique puisqu’elle ne permet pas d’établir un lien causal entre des données seulement corrélées (voir ALEPH 2020N6). Enfin, les questionnaires nutritionnels sont la source de biais, comme expliqué dans mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ?
Je crois utile de visionner un entretien avec le médecin naturopathe Robert Masson (1931–2019N7) qui dressait le bilan de ses cinquante années de pratique auprès d’une patientèle adepte de méthodes « naturelles » et fortement influencée par la mode « végé ».
Il faut écouter en entier les deux entretiens (Masson R, 2016N8·N9) pour avoir un exposé clair du problème et des risques de tout extrémisme. À ce sujet, Masson nous avertissait : « En nutrition, toute pratique systématique est erronée. » Même si de nombreux points demanderaient à être sourcés — voire corrigés par une lecture critique — et malgré le ton à peine supportable de ce « vieil homme en colère », l’exposé de son expérience clinique ne fait que confirmer des données scientifiques plus récentes.
Dans un style beaucoup plus conciliant, lire un entretien avec Chris Masterjohn : Végétarisme et véganisme (2017N10).
Les anglophones pourront consulter l’ouvrage de Jayne Buxton : The Great Plant-Based Con : Why eating a plants-only diet won’t improve your health or save the planet (2023N11) ou écouter son entretien avec Chris Kresser (14 décembre 2023N12).
Sommaire
Les sections de cet article sont assez indépendantes pour être lues dans un ordre arbitraire. Un lien au début de chaque sous-titre permet de revenir au sommaire.
⇪ Biais du survivant
Le choix du végétalismeN3 est plus difficile à défendre que celui du végétarisme… Certaines options, en matière de nutrition ou de style de vie, convergent statistiquement vers une meilleure longévité ou un désastre avant l’heure. Taty Lauwers, elle aussi ancienne végétarienne/végétalienne, survivante du cancer et auteure de nombreux ouvragesN13, commente avec vigueur l’article de Minger, n’hésitant pas à déclarerN14 :
Je reviens à mon antienne : en Occident actuel, une personne sur dix est construite pour manger végétarien pur au long cours (eh oui, il faut bien préciser « actuel » car nous sommes en voie de dégénération accélérée, ce qui est vrai aujourd’hui ne l’était pas il y a soixante ans) ; une personne sur cent peut tester végane au long cours. Si cent mille Américains sont véganes « de croisière », on pourrait imaginer mille personnes souriantes. C’est bien léger : on oublie que 99 000 personnes sont en souffrance !
Les 10 % et 1 % cités sont des estimations « à la louche » pour illustrer ce biais : chacun se croit légitime d’ériger son cas individuel en loi universelle : « ce qui est bon pour moi est certainement bon pour tous les autres… » En cas d’échec, soupçonner la personne de ne pas avoir suivi correctement les instructions…
Il a suffi de quelques milliers de survivants du cancer (ou du sida) pour créer un mouvement de défiance envers tout traitement médical, alors que le taux de rémissions spontanées n’est pas négligeable même pour des maladies aussi graves. De sorte que la guérison d’un individu, ni même d’un petit groupe, ne prouve pas l’efficacité de la méthode. De nombreuses variables confondantesN15 rendent incertaines les conclusions. Or, celles et ceux qui ont échoué dans leur suivi de la méthode « alternative » promue par un de ces survivants ne sont plus là pour en témoigner… Le biais du survivantN16 est une variante de ce qu’on désigne par « biais de sélection » — voir la définition précise dans l’ouvrage Enquêtes médicales et évaluation des médicaments : De l’erreur involontaire à l’art de la fraude (Clapin, 2018N17).
Même chose pour les amateurs de régimes extrêmes qui s’extasient sur une amélioration perçue à court terme, simple effet de l’adaptation de leur organisme à un nouveau modèle nutritionnel. Pour ne pas harceler exclusivement les végétaliens, j’inclus dans ma critique certains afficionados de régime « cétogène carnivore » (100 % de viande) qui semblent n’exister que pour horrifier les premiers, à en juger par les gesticulations narcissiques d’un Frank Tufano… Cela dit, une approche — et une pratique — scientifiquement fondées du carnivorisme sont un puissant outil de réflexion : voir mon article Carnivore Code au sujet de l’ouvrage de Paul Saladino.
Sur le long terme, la plupart des extrémistes n’en meurent pas, du moins pas directement, si l’on excepte quelques jeunes enfants victimes de parents fanatiques.
Dans un premier temps, l’adoption d’un régime hypocalorique et faible en protéines induit un mécanisme bénéfique d’autophagieN19 : la destruction des cellules endommagées. Ce processus similaire à celui du jeûne — ou de la diète cétogène — peut être reproduit sans danger de manière cyclique (quotidienne) par une nutrition restreinte dans le temps — voir mon article Jeûne et restriction calorique. La prolongation au delà de plusieurs jours du régime hypocalorique faible en protéines aboutit toutefois à un effondrement de la masse musculaire et osseuse qui s’apparente à un auto-cannibalisme des ressources de l’organisme. C’est ce qui explique à la fois le bien-être ressenti par des végétaliens fraîchement convertis, et l’aspect cadavérique de celles et ceux qui n’ont pas compensé la perte musculaire par une accumulation de graisse. Soumis au stress, le corps stocke de l’énergie par tout moyen à sa disposition. Chez beaucoup, l’organisme carencé convertit en graisse les glucides en excès dans la diète végétale, ce qui paradoxalement se traduit par de l’obésité.
Les 90 à 99 % mentionnés par Taty Lauwers vont plutôt mal, mais s’ils s’avisent de renier leurs croyances ils se voient souvent agressés par leurs anciens « corréligionnaires ». S’ils osent témoigner en public, ce rejet peut déraper en violence verbale ou physique : Lierre Keith, auteure de Le Mythe végétarienN20, s’est déjà fait tabasser. De plus, elle se présente comme anticapitaliste et lesbienne, ce qui n’arrange pas son cas. 🙁
⇪Fake science
Denise Minger était une surdouée vingtenaire inconnue — « Mon blog avait seulement 6 lectrices dont 5 étaient ma mère sur 5 connexions différentes ! » — devenue célèbre, entre adoration et détestation, le jour où elle a révélé (2012N21), après un examen approfondi des données brutes, les incohérences et erreurs méthodologiques de la China Study du Dr T Colin Campbell (2006N5). Le bouquin de Campbell fait malgré cela office de bible des végétaliens sur de nombreux forums…
Végétarienne elle aussi pendant 20 ans, Zoë Harcombe, docteure en nutrition/santé publique, a publié un article très documenté (2019N22) sur les risques encourus par les enfants soumis à un régime végétalien.
Les fake news fleurissent autour du slogan « manger moins de viande », certains déclarant entre autres qu’un régime 100 % végétal permettrait d’éviter la plupart des maladies métaboliques et des accidents cardiovasculaires, voire même de « sauver la planète ». Cette affirmation est contredite par la littérature scientifique, par exemple Vanacore et al. (2018N23) qui ont comparé trois groupes d’hommes en bonne santé d’à peu près les mêmes âges, poids et indices de masse corporelle : végétaliens, végétariens et omnivores. L’indice de masse musculaire et la masse maigre étaient inférieurs dans le groupe végétalien. D’autre part, les omnivores étaient moins soumis au stress oxydatif et avaient un taux moins élevé d’homocystéineN24 — voir mon article Soigner ses artères.
Dans le cadre d’un suivi en cohorte, sur 20 ans, de 1139 personnes initialement âgées de 75 ans en moyenne, dont 56 % de femmes — étude InCHIANTI —, la comparaison des quantités de protéines végétales et animales a montré que « les [quantités de] protéines animales étaient inversement associées à la mortalité toutes causes confondues et à la mortalité cardiovasculaire » (Meroño T et al., 2022N25).
Denis Zeraatkar et al. (2019N26) ont revu les données statistiques des essais randomisés publiés dans EMBASE, CENTRAL, CINAHL, le Web of Science, ProQuest et MEDLINE jusqu’en 2018 et 2019. Leur méta-analyse basée sur une sélection de 12 essais a conclu que « les régimes restreints en viande rouge peuvent avoir peu ou pas d’effet sur les principaux résultats cardiométaboliques, la mortalité et l’incidence du cancer. »
Une analyse critique du film documentaire The Game Changers (2018N27) — apologie d’une alimentation végétale pour les sportifs — a été réalisée par Julien Venesson (2019N28) :
Le contenu « fake science » de The Game Changers a été “debunked” (en anglais) par Food LiesN29 et même par une youtubeuse végane (2019N30)… Je suis néanmoins très déçu par ces vidéos qui prétendent démonter le discours manipulateur d’autres vidéos. Elles utilisent le même biais de sélection — désigné comme cherry pickingN31 (cueillette de cerises) — qui consiste à afficher une seule étude pour en contredire une seule. De plus, il faut dépenser beaucoup de temps et d’énergie pour dénicher et télécharger l’étude entre-aperçue à l’écran car la liste de publications donnée par Food Lies sur ce sujetN32 ne mentionne pas tous les titres. On en est donc réduit aux arguments d’autorité : les « experts » ! Mais “talking big” ne suffit pas plus à me convaincre que les gesticulations d’un Donald Trump…
Taty Lauwers aborde d’autres points dans son article de blog Merci, James Cameron !N33, révélant notamment : « Cameron vient d’investir 140 millions de dollars dans une entreprise de protéines végétales [Garcia T, 2018N34]. Il a bien manœuvré pour s’offrir une pub gigantesque et voilà et bon. »
⇪ Dépression
Joane Matta et al. (2018N36) ont mesuré l’apparition de symptômes dépressifs qui augmentent avec le nombre de groupes d’aliments exclus de n’importe quel régime alimentaire. Leur étude couvrait une sélection de 90 380 sujets d’âge moyen dans 21 départements français : omnivores, pesco-végétariens, lacto-ovo-végétariens et végétaliens. Leur mesure des symptômes était basée sur l’échelle de dépression du Centre of Epidemiologic Studies (CES‑DN37) évaluant 20 critères sur un score d’intensité de 0 à 3.
Les carences en micronutriments sont des facteurs de risque de maladies mentales ainsi que, sur le long terme, de maladies neurodégénérativesN38. Le risque est fortement accru chez les végétaliens, en raison de l’absence ou de la faible biodisponibilité de certains micronutriments dans les végétaux — voir à ce sujet la traduction d’un article de la psychiatre Georgia Ede (2018N39). Les carences en iode chez les véganes, aggravées par des carences en sélénium, sont redoutables pour leurs effets sur le développement du fœtus : macrocéphalie, déficit intellectuel (Yeliosof O & LA Silverman, 2018N40)… Les isoflavonesN41 contenus dans les aliments à base de soja engendrent une hypothyroïdie.
⇪ Toxicité d’aliments « naturels »
Un argument souvent avancé en faveur d’une nutrition exclusivement végétale serait la toxicité des produits d’origine animale en contraste avec l’innocuité des aliments végétaux (issus de l’agriculture biologique).
Les pratiques d’élevage intensif de l’industrie agro-alimentaire sont à l’origine d’intoxications par la consommation de viandes, œufs et produits laitiers. Le risque de propagation de virus ou de bactéries est réel. L’usage à grande échelle d’antibiotiques protecteurs des épidémies contribue à la nocivité de ces produits et à l’apparition de bactéries multirésistantes. Les épidémies de grippe aviaire, SRAS, etc., ont vu le jour dans des élevages industriels en Asie.
Il faut toutefois mettre en balance que la plupart des intoxications bactériennes graves, parfois mortelles, proviennent de végétaux, notamment de bactéries à Gram négatifN42 comme par exemple des souches pathogènes d’Escherichia coliN43. La germination de céréales ou de légumineuses multiplie spectaculairement la population bactérienne — E.coli, salmonelles etc. — « en sommeil » sur la graine sèche ; des précautions sont donc à prendre pour éviter toute contamination.
La plupart des végétaux produisent par ailleurs des substances toxiques pour se protéger des prédateurs : des lectinesN44 dont l’excès peut causer des irritations et excès d’excrétion de la muqueuse intestinale — à long terme des allergies, déficiences nutritionnelles ou immunologiques — de l’acide phytiqueN45 qui inhibe l’absorption de certains minéraux, enfin des oxalatesN46 qui contribuent à la formation de calculs rénaux, d’un syndrome de porosité de l’intestinN47 ou à des douleurs articulaires (Bowthorpe JA, 2019N48). Ces substances se trouvent dans les légumineuses (particulièrement le soja), les céréales et les noix — abusivement appelées « fruits en coque » alors que ce sont des graines — qui sont les principales sources de protéines végétales. S’ajoutent à cela les mycotoxinesN49 agressives et abrasives (notamment pour le système artériel), potentiellement cancérigènes (Adam M et al., 2017N50), qui contaminent les farines, céréales, légumineuses, fruits secs, laits végétaux, huiles végétales polyinsaturées, etc. (Roussel R, 2022N51 ; Malvandi AM et al., 2022N52 ; Donatini B, 2023N53 page 157). Elles sont synthétisées par des moisissures qui prolifèrent particulièrement sur les produits « bio » : le « naturel » n’est pas garant de santé !
Le trempage des céréales, légumineuses et noix permet d’éliminer une partie de ces substances — compter 72 heures de fermentation à 42° C pour débarrasser les lentilles de leurs lectinesN54. Toutefois, la germination peut aggraver la situation : l’enveloppe des graines de soja ou de blé contient des bactéries qui sécrètent l’acide phytiqueN45 indispensable à la germination de la graine.
Par contre, les mycotoxines résistent même à une cuisson à 260°… « Les farines sans gluten comme les farines de sarrasin, de riz, de maïs, de châtaignes ou de pois chiches sont particulièrement riches en mycotoxines. » (Roussel R, 2022N51)
Les oxalates sont présents dans de nombreux végétaux réputés sains dans l’univers « bio » : blettes, épinards, patates douces, graines de sésame, cumin, curcuma, etc. Leur excès induit des dépôts de calcaire qui vont du tartre et des caries dentaires aux problèmes cardiovasculaires — arythmie cardiaque, inflammation de l’endothélium vasculaireN55 etc. — ou une acidose locale, source de problèmes neurologiques — signalés initialement par des hoquets. Voir à ce sujet le site de Sally K NortonN56 et l’article d’Elisabeth C Lorenz et al. (2013N57). Un rapport de Mayo Clinic (2013N58) associe directement des insuffisances rénales dues au dépôt de cristaux d’oxalate de calcium à la consommation excessive de jus de fruits et légumes. Cette formation de calculs dans les reins peut être évitée si l’on consomme au même repas des produits laitiers riches en calcium. En effet, contrairement à la croyance populaire, un apport nutritionnel de calcium diminue le risque de formation de calculs, tandis qu’une supplémentation en calcium l’augmente (Curan GC et al., 1997N59 ; Prezioso D et al., 2015N60).
Les effets délétères des oxalates sont accentués par un abus de vitamine C, de vitamine D (rare) ou une carence en vitamine B6. Un apport correct de vitamine K2 sous sa forme active MK‑7 (nattō) aide à les neutraliser — voir mon article Compléments alimentaires.
La surconsommation de fibres irrite la paroi intestinale, ce qui peut être à l’origine de constipation (que l’on croyait soigner), syndrome de l’intestin irritableN61, pathologie hémorroïdaireN62, diverticuloseN63, maladie de CrohnN64 et même cancer du colon. Lire à ce sujet Fiber Menace de Konstantin Monastyrsky (2005N65), excessif dans son interprétation d’enquêtes nutritionnelles, mais clair sur les dysfonctionnements attribués à un excès de consommation de fibres.
Plus généralement, ces problèmes graves peuvent être associées à des dysbiosesN66 des microbiotesN67 de l’intestin mais aussi de la bouche et de l’estomac. Voir à ce sujet Zhihua Ren et collègues (2019N68), l’article de Renaud Roussel (2022N51) sur les mycotoxinesN49, sans oublier l’ouvrage de Bruno Donatini : La bouche, miroir de votre santé.
Quant aux salicylatesN69, des anti-inflammatoires qu’on trouve dans des aliments réputés sains (fruits, miel, graines germées, noix, thés, agrumes, tomates etc.), ils pourraient aussi agir en bloqueurs du métabolisme chez des personnes que la génétique prédispose à une sensibilité au salicylateN70, ou s’ils sont consommés en trop grandes quantités. Fatigue chronique, troubles digestifs et sautes d’humeur font partie des marqueurs de cette indisposition.
La question délicate de la prédisposition aux intolérances alimentaires a été traitée dans Canaris de la modernité de Taty Lauwers (2019N71) et discutée sur son blogN72.
De manière générale, l’éviction de certains aliments, qu’ils soient d’origine animale ou végétale, n’est pas garante d’une meilleure santé. La mode du « sans gluten », « sans produits laitiers » ou « sans viande » profite surtout à l’industrie des produits de remplacement. Leur suppression ne devrait être envisagée qu’en situation avérée d’allergie ou d’hyper-réactivité. Les exemples ci-dessus montrent que l’éviction radicale des aliments toxiques, même de source végétale, équivaudrait à se priver totalement de nourriture !
⇪ Carences
Une carence en vitamine B12N73 a été observée chez des ovo-lacto-végétariens, comme l’a montré l’étude prospective CARDIVEG destinée à mesurer l’effet de ce régime sur le risque cardiovasculaire (Dinu M et al., 2018N74). Le taux de B12 circulant dans le sang, après 3 mois de ce régime, avait diminué significativement, avec une plus forte prévalence instantanéeN75 chez les sujets jeunes, en surpoids, non-fumeurs et en hypercholestérolémie. Dans une autre étude (Koebnick C et al., 2004N76), chez 22 % de femmes enceintes ovo-lacto-végétariennes depuis plus de 3 ans, les taux de vitamine B12 diminuaient en même temps qu’augmentaient ceux d’homocystéine (tYcy N24) contre 10 % de celles qui consommaient peu de viande et 3 % du groupe témoin.
La bio-disponibilité de la vitamine B12 est très variable selon les sources alimentaires. Un article de F Watanabe (2007N77) en dresse le bilan :
Les sources alimentaires habituelles de vitamine B12 sont les aliments d’origine animale, la viande, le lait, les œufs, le poisson et les crustacés. Comme on estime que le système d’absorption intestinale médié par le facteur intrinsèque est saturé à environ 1,5–2 µg par repas dans des conditions physiologiques, la biodisponibilité de la vitamine B12 diminue significativement avec l’augmentation de l’apport en vitamine B12 par repas. Chez l’homme sain, la biodisponibilité de la vitamine B12 provenant de la viande de poisson, de la viande de mouton et de la viande de poulet était en moyenne de 42 %, 56–89 % et 61–66 % respectivement. La vitamine B12 contenue dans les œufs semble être faiblement absorbée (< 9 %) par rapport aux autres produits alimentaires d’origine animale. Dans les apports nutritionnels de référence aux États-Unis et au Japon, on suppose que 50 % de la vitamine B12 alimentaire est absorbée par des adultes en bonne santé ayant une fonction gastro-intestinale normale.
Certains aliments végétaux, les algues vertes et violettes séchées (nori) contiennent des quantités substantielles de vitamine B12, alors que d’autres algues comestibles n’en contiennent aucune ou seulement des traces. La plupart des algues bleues comestibles (cyanobactéries) utilisées pour les suppléments humains contiennent principalement de la pseudovitamine B12, qui est inactive chez l’homme. Les cyanobactéries comestibles ne peuvent pas être utilisées comme sources de vitamine B12, notamment chez les végétaliens.L’inutilité (et la nocivité) des algues en tant que sources de vitamine B12 est rappelée par une auteure qui se présente comme végane (Vukovic D, 2021N78).
Les céréales enrichies pour le petit-déjeuner sont une source particulièrement précieuse de vitamine B12 pour les végétaliens et les personnes âgées. La production de certains légumes enrichis en vitamine B12 est également envisagée.
Le dosage sanguin de la vitamine B12 n’est pas fiable. Préférer un dosage de l’acide méthylmaloniqueN79 dans l’urine (voir N80). D’autre part, une carence en B12 peut être signalée par un excès d’homocystéine.
À un stade avancé, cette carence peut se traduire par de la fatigue chronique, de la dépression et de l’anxiété, une perte d’appétit et de libido, la pâleur, la perte des cheveux, des engourdissements ou des picotements dans les mains et les pieds, et une perte de mémoire. Des désordres neurologiques comme une myélopathieN81 peuvent s’ensuivre si la carence n’est pas corrigée : les gaines de myélineN82 et les axonesN83 sont détruits dans la matière blanche de la moelle épinièreN84. La carence est généralement plus marquée chez les personnes âgées, mais ses symptômes sont souvent confondus avec les signes supposés naturels du « vieillissement », ou plus problématiquement avec une maladie neurologique grave — par exemple Altzheimer chez une femme de 85 ans (Brody JE, 2011N85). En Suède, on vérifie systématiquement le taux d’homocystéine des personnes souffrant de perte de mémoire — un test non-remboursé par la Sécurité sociale en France !
Une étude a été menée par des chirurgiens de la peau pour comparer la vitesse et la qualité de guérison des cicatrices après intervention sur des patients omnivores et végétaliens (Fusano M et al., 2020N86). Les résultats sont les suivants :
Les végétaliens présentaient un taux moyen de fer sérique significativement plus faible (p < 0.001) ainsi que de vitamine B12 (p < 0,001). Le diastasis [écart entre les muscles superficiels] de la plaie était plus fréquent chez les végétaliens (p = 0.008). Après 6 mois, les patients végétaliens avaient un score SCARN87 modifié plus élevé que les omnivores (p < 0.001), présentant le plus mauvais étalement des cicatrices (p < 0.001), des cicatrices atrophiques plus fréquentes (p < 0.001) et une plus mauvaise impression générale (p < 0.001).
La spirulineN88 ne contient pas de vitamine B12, mais une molécule ressemblante qui, selon certaines études, inhiberait l’absorption de B12 et pourrait donc accentuer la carence chez des végétaliens tout en faussant le résultat du bilan sanguin. Ce sujet fait l’objet de vives controverses entre les « adeptes » de spiruline et les défenseurs d’une supplémentation en B12 « artificielle » (Team Dihé, 2020N89). On peut lire à ce sujet un article détaillé de Jérémy Anso (2020N90).
Les conclusions de certaines études observationnellesN91 qui avaient servi (et servent encore) à promouvoir le choix de nutriments d’origine végétale en remplacement de ceux d’origine animale sont contredites par des essais contrôlés randomisés (RCTN92) en double aveugle mesurant un lien causal entre cette consommation et le risque de maladies. Par exemple, les RCT évaluant l’impact sur la mortalité et le risque de cancer de la consommation de béta-carotèneN93 — succédané végétal de la vitamine A — ont montré que ce risque était augmenté (Druesne-Pecollo N et al., 2010N94, Bjelakovic et al., 2012N95) alors que les études observationnelles avaient conclu à un risque diminué de 31 %. De même, un RCT couvrant 355 333 sujets sur 427 sites a montré qu’une supplémentation en vitamine E (présente dans les huiles végétales) avait augmenté de 17 % le risque de cancer de la prostate (Klein EA et al., 2011N96) alors qu’on en attendait un effet protecteur.
La carence en vitamine A est fréquemment évoquée comme un risque de l’alimentation végétale en raison de la conversion présumée insuffisante des caroténoïdesN97 en rétinolN98 — une des trois formes de la vitamine A. Mais une littérature scientifique abondante montre que les taux de conversion varient considérablement selon les individus, de sorte que ce risque ne serait pas en soi une raison de renoncer au végétalisme.
Les études nutritionnelles ne suffisent pas à décider d’un mode de nutrition idéal. Elles montrent seulement qu’il faut faire preuve de discernement — et d’un certain scepticisme — face aux « preuves » qui circulent dans les médias à l’appui du « tout végétal » (ou contre). Chris Kresser a formulé en détail les conditions d’exercice de ce scepticisme (2018N99 ; 2018N100).
Tessa J Parsons et al. (2009N101) ont étudié les effets d’un régime végétalien macrobiotique sur une centaine d’enfants hollandais de 9 à 15 ans et observé qu’il avait induit une réduction significative de densité minérale osseuseN102, jusqu’à 8 % pour la colonne vertébrale. Les chercheurs suggèrent que cette réduction ne résulte pas uniquement de carences en calcium et vitamine D. Les quantités de fibres et de protéines devant aussi être prises en considération : « Des apports élevés en fibres alimentaires pourraient avoir un effet négatif sur le métabolisme osseux, en interférant avec l’absorption du calcium, en provoquant une réduction des taux plasmatiques, et en augmentant l’excrétion des hormones stéroïdes sexuelles. » Il faudrait aussi sans doute prendre en compte une carence en vitamine K2 qui empêche le calcium de se fixer sur les os.
Une autre étude observationnelle ciblant 61 enfants, dans une population blanche à haut niveau de revenus en Idaho (USA), a révélé ceci (Wilk VC et al., 2022N103) :
Les enfants dont les parents ont déclaré des apports quotidiens moyens de bœuf, de zinc et de choline plus élevés à l’âge de 6 à 12 mois ont obtenu de meilleurs résultats à un test de contrôle inhibiteur et d’attention à l’âge de 3 à 5 ans.
Les limites de cette étude — il n’agit que de corrélations — ont été reconnues par les auteurs :
Ces résultats doivent être confirmés chez des sujets issus de foyers socio-économiques défavorisés et de différentes origines raciales et ethniques afin de pouvoir les généraliser à une plus grande population.
La déminéralisation est accentuée par une consommation excessive de jus de fruits. Robert Masson (2017N8) insistait sur les dangers de ces jus, particulièrement les cures de citrons, qui conduisent à une déminéralisation et à l’apparition de nombreuses caries dentaires cachéesN104 détectées tardivement. Il n’est pas surprenant que deux « gourous » de l’alimentation végétale — Irène Grosjean et Thierry Casasnovas — y aient été exposés après quelques années de leurs pratiques. La première a dû remplacer sa dentition par des implants, dans la trentaine, attribuant leur perte à la consommation de produits laitiers dans son enfance ! Le second, qui déclarait dans une vidéo (2013N105) s’être fait poser des implants sur toute la mâchoire — suite à un accident de la circulation en Indonésie — prétend aujourd’hui n’avoir jamais promu la consommation de jus de fruits, contrairement à ce qu’il affirmait dans de multiples vidéos dix ans plus tôt (2020N106). Casasnovas — voir vidéo satirique (Max Est Là, 2022N107) — n’est pas à une contradiction près, entre prescription et pratique, puisqu’il racontait sur un forum “raw paleo”, en 2010, les ravages de ses dix années de régime crudivore végétalien, qu’il a réparés en pratiquant une monodiète de viande de porc crue (sic). Il ajoutait (2010N108) :
[…] depuis lors, chaque fois que je mets de la viande dans ma bouche (principalement sauvage de la région, et non achetée à une production industrielle horrible) je ressens tellement d’énergie et de paix.
⇪ Flexitarisme ?
Je vois aujourd’hui beaucoup de végétariens — surtout des végétaliensN3 ou des véganesN1 — afficher leur différence sur un ton moralisateur. Ou encore, comme Michel Onfray se déclarant « croyant, bien que non pratiquant » d’un végétalisme strict, présenter cette pratique nutritionnelle comme relevant d’une « nécessité morale ».
Une consommation modérée de fromage et de viande (voir le calcul de nos besoins en protéines) est compatible avec une critique de l’élevage industriel dans ses aspects sanitaires, éthiques et économiques, ainsi que la dénonciation d’actes cruels commis dans les abattoirs. Désigner le « carnisme » comme un problème de « santé publique » est une stratégie qui profite à un nouveau pan de l’industrie agroalimentaire.
On peut lire à ce sujet la critique par Diana Rodgers du rapport de la commission EAT-Lancet prônant un régime « flexitarien » (voir N109 et sa traductionN110) ainsi que celles, plus détaillées, du site OptimisingNutritionN111 et de Frédéric Leroy (2020N112). En mars 2019, l’OMS a retiré tout financement à EAT-Lancet après que son représentant en Italie Gian Lorenzo Cornado ait signalé son absence de base scientifique ainsi que ses dispositions conduisant à la perte de millions d’emplois liés à l’élevage au bénéfice de la production industrielle de “unhealthy foods” (Torjesen I, 2019N113).
Brice Gloux dénonce dans un article (2019N114) la douce dérive totalitaire des annonceurs liés aux industriels de l’alimentation qui appuient leur argumentation sur un amalgame entre « danger de la viande pour la santé », « défense de la cause animale » et « lutte contre le réchauffement climatique » :
Déjà depuis l’an dernier, en plus d’évoquer la nécessité vitale des glucides dans l’alimentation, les recommandations nutritionnelles officielles « conseillent d’aller vers des fruits et légumes de saison, des aliments de producteurs locaux, et, si possible, des aliments bio ».
Et pire encore depuis deux mois : conformément à la loi EGalim, toute la restauration scolaire — de la maternelle au lycée — doit proposer au moins un menu végétarien par semaine depuis le 1er novembre 2019.
C’est-à-dire qu’en plus de gérer de fort belle manière l’éducation des enfants, l’État gère aussi la qualité nutritionnelle de leur repas. Aujourd’hui donc l’école. Et demain ? Les hôpitaux vegans et les EHPAD végétariens ?
J’ai assisté à des exposés alambiqués sur la manière de diversifier les ressources végétales pour bénéficier de tous les nutriments et des 9 acides aminés essentielsN115. Voir par exemple la conférence de Massimo Nespolo : Nutrition et santé, mythes et propagandes (17/5/2014N116). Son argumentaire savant est sans intérêt pratique car la théorie de la combinaison de protéines a depuis longtemps été réfutée (voir WikipediaN117). Du reste, en 37 ans, je n’ai pas rencontré un seul végétarien/végétalien qui se pliait à de telles prescriptions, bien que la plupart — moi en premier — n’aient eu de cesse de clamer leur importance. D’autres acides aminés dits « non essentiels » tels que l’arginineN118, la cystéineN119, la glutamineN120, la tyrosineN121, la glycineN122, la prolineN123 et la sérineN124 sont par ailleurs indispensables en cas de maladie ou d’exposition à un stress prolongé.
Le flexitarismeN125 est un terme inventé aux États-Unis dans les années 1990 qui suggère une ouverture d’esprit face à l’injonction d’optimiser sa santé et de minimiser sa charge sur l’environnement. Il se décline sous d’autres formes, toutes aussi cool mais qui peuvent se parer d’un vernis scientifique, comme par exemple « la règle des 3 V » : (1) végétal, (2) vrai et (3) varié (Fardet A & E Rock, 2020N126). Les points (2) et (3) traduisent un consensus : l’évitement des aliments ultra-transformés — pas plus de 15 % de l’apport calorique journalier — et la diversité alimentaire, si possible bio, local et/ou de saison. Le point (1) concerne la « végétalisation » de l’alimentation, préconisant un optimum de 15 % de produits d’origine animale sur la base de « données scientifiques ». Le problème est que le référentiel scientifique aboutissant à ce résultat n’est pas différent de celui des études observationnelles — voir mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ? — car les auteurs se réclament d’une approche « holistique » (Fardet A & E Rock, 2020N126 page 2) :
- Études de l’association entre les régimes protecteurs traditionnels a priori (c’est-à-dire définis avant l’étude) et a posteriori et la santé : les régimes alimentaires ont été sélectionnés sur la base de méta-analyses, de revues et/ou d’études de cohorte prospectives (lorsque les méta-analyses ne sont pas disponibles) de leurs associations avec les résultats de santé.
- Rapports scientifiques définissant les régimes alimentaires durables à l’horizon 2050 comme protecteurs à la fois de la santé humaine et de différents résultats environnementaux […] Une recherche a été effectuée pour l’expertise collective en matière de prospective à partir des sites Web d’organisations internationales, d’institutions gouvernementales, d’instituts de recherche et de fondations privées jusqu’en décembre 2019.
Il est clair que cette approche intègre tous les biais décrits dans cet article, voir notamment le paragraphe « Environnement » plus bas. Les auteurs utilisent ensuite le filtre de leurs conclusions pour préconiser des améliorations des régimes alimentaires dans les collectivités, entre autres les EHPAD, sachant que les personnes âgées de plus de 65 ans en France consomment en moyenne 35.7 % de calories animales ; quantité qui, selon les auteurs, devrait donc être réduite à 15 % (Fardet A et al., 2021N127).
Cette approche normative est exemplaire d’une prise de contrôle de la production alimentaire, une « évolution […] problématique car l’alimentation n’est plus une question de culture, de diversité, de nutrition adéquate ou même de durabilité, mais de la manière dont les technocrates et leurs alliés industriels mesurent et uniformisent les besoins alimentaires dans le cadre d’un discours normatif, en vue d’une gestion sociétale » (Leroy F, 2020N128).
Cette gestion prend effet, notamment, avec le programme des “Good Food Cities” auquel ont déjà adhéré Milan, Paris, Londres, Toronto, New York, etc., avec pour objectif d’imposer le régime EAT-Lancet à tous les citoyens… Lire à ce sujet un article de Taty Lauwers.
⇪ Inde
Les associations traditionnelles céréale-légumineuse (riz/soja, blé/pois chiche, maïs/lentille etc.) sont rarement respectées par les céréaliens, y compris en Inde urbaine où j’ai vécu 14 ans ! Elles le sont par contre en Inde rurale hors des périodes de pénurie.
Le cardiologue britannique d’origine indienne Aseem Malhotra (voir interview en 2016N129) a témoigné sur le décès prématuré de sa mère — médecin généraliste — qu’il attribue à son adhésion stricte au végétarisme par conviction religieuse, associé à une surconsommation d’aliments transformés riches en glucides, graisses de mauvaise qualité et pauvres en protéines (Malhotra 2019N130). Au delà de cette observation tragique bien qu’anecdotique, il signale que l’Inde avait été classée comme le pays du monde le plus atteint par « l’épidémie » de diabète de type 2N131.
➡ Les statistiques en 2017N132 ne confirment pas ce classement : l’Égypte, le Soudan, l’Arabie saoudite, la Lybie, la Turquie, le Mexique et les USA figurent en tête, mais la prévalence du diabète en Inde reste plus du double de celle en France.
L’Inde est surtout confrontée à une vague récente d’obésitéN133 très visible dans les classes aisées, bien que masquée chez les plus démunis qui souffrent d’obésité sarcopéniqueN134 dans laquelle l’accumulation de graisse est concomitante d’une fonte musculaire qui fait que la personne peut paraître mince et « bien-portante ». Le déclin cognitif des personnes âgées — notamment la démence et Alzheimer — atteint aussi des proportions inquiétantes.
Il faudrait en finir avec le mythe de l’Inde « aux trois quarts végétarienne » entretenu par les extrémistes nationalistes religieux. Lors du recensement de 2014N135, tableau 5.1, 71 % des Indiens de plus de 15 ans, toutes catégories sociales confondues, étaient non-végétariens. (Ils étaient 61 % dans un recensement du Pew Research Center en 2021.) La proportion est sensiblement identique (tableau 5.3) entre hommes et femmes pour chaque groupe d’âge, et selon l’habitat urbain ou rural. La répartition des végétariens — qui consomment des laitages et le plus souvent des œufs — apparaît (en vert) sur une carte dressée à partir du tableau 5.2 :
⇪ Singes et cochons
Un argument souvent posé en faveur du végétalisme est la comparaison entre les humains et les primates non-humains, ces derniers étant présentés comme leurs cousins les plus proches… Le discours de la « papesse du crudivorisme » Irène Grosjean est intégralement bâti sur cette affirmation (2019N137 ; 2017N138). Ce qui prouve qu’elle doit être vraiment âgée pour avoir étudié avant l’époque de Georges Cuvier (1769–1832) ! ?
Dans le monde réel, la morphologie comparée des systèmes digestifs révèle des différences significatives de volumes qui se caractérisent, pour les humains, par un intestin grêle nettement plus développé que le côlon (Chivers DJ & Hladik CM, 2013N139 ; Billings T, 1999N140) :
Cette particularité classe sans équivoque les humains dans la catégorie des animaux se nourrissant préférentiellement de protéines et graisses d’origine animale. Sachant que l’humain est bien plus proche du porc que des autres primates au niveau des « tripes », se nourrir « au naturel » pourrait se résumer à « manger comme un cochon » ! ?
Je recommande vivement l’écoute des cours donnés au Collège de France (2017N142) par le paléo-anthropologue Jean-Jacques Hublin, plus particulièrement les épisodes 3, 4 et 5 où il explique par une redistribution des besoins énergétiques la concomitance d’une évolution vers la bipédie, une morphologie de grande taille et un cerveau volumineux, à l’époque où nos ancêtres se sont éloignés des autres primates. Cette évolution s’est focalisée sur le développement et le fonctionnement du cerveau qui représente environ 20 % de notre consommation d’énergie au repos, mais plus de 40 % chez les enfants. Elle a été possible en réduisant la consommation énergétique — par conséquent la taille — d’autres organes, en premier lieu l’intestin. Ceci coincide avec le fait que les humains ont abandonné la consommation de végétaux au bénéfice d’une nourriture riche en calories issue de protéines et graisses animales. Paul Saladino ajoute (2020N143 page 11) :
Nos estomacs sont en réalité des chaudrons d’acide, attendant avec impatience que les aliments arrivent de l’œsophage pour ensuite les digérer en composants plus basiques. C’est dans l’estomac que nous décomposons les protéines, les graisses et les glucides complexes qui composent notre nourriture. […] Le pH d’un estomac humain sain est d’environ 1.5 [à 3.5], ce qui est très acide sur l’échelle de pH qui va de 0 à 14 […]
Comment l’acidité de l’estomac humain se compare-t-elle à celle du chimpanzé ? Nos lointains ancêtres primates avaient un pH stomacal de 4 à 5, ce qui est beaucoup moins acide. Le pH est une échelle logarithmique, et chaque augmentation d’une unité se traduit par une solution 10 fois moins acide [Beasley DAE et al., 2015N144]. Nos estomacs sont environ 1000 fois plus acides que celui d’un chimpanzé. 1000 fois n’est pas une blague, et ce n’est certainement pas un accident. Notre estomac est devenu beaucoup plus acide parce que, il y a 3 ou 4 millions d’années, notre régime alimentaire est passé d’une alimentation essentiellement végétale à une alimentation comprenant de nombreux aliments d’origine animale, puis, il y a 2 millions d’années, à une alimentation essentiellement animale.
⇪ Environnement
Le végétalisme peut-il sauver la planète ? Peut-il restaurer la biodiversité ? L’élevage est-il majoritairement responsable de l’émission de gaz à effet de serre ? Il y a quelques années j’aurais répondu « oui » à toutes ces questions. Puis j’ai étudié quelques sources scientifiques. Une vingtaine d’articles sont en liens sur ma page Comment transformer nos déserts en prairies.
Lire aussi le dossier Quelques idées fausses sur la viande et l’élevage (INRAE, 2019N145).
Un article détaillé de Jean-François Dumas (2016N146), suivi de nombreux commentaires, critique le véganisme à partir d’un point de vue écocentré. L’auteur présente ainsi sa démarche :
C’est à une critique de la justification du véganisme par ces considérations écologiques que cet article est consacré. Pour l’essentiel, je souhaite montrer que ces considérations sont spécieuses. Elles reposent sur la réduction de l’élevage à l’élevage industriel dans le cadre d’une agriculture productiviste, et elles s’appuient sur un bilan mondial en faisant fi de situations régionales ou locales pourtant très contrastées, sur des confusions voulues ou non, notamment en ce qui concerne l’usage de l’eau.
Le véganisme généralisé aurait pour effet immédiat la fermeture des milieux et la disparition des prairies en France et en Europe au-dessous de la limite altitudinale des arbres. C’est à partir de la mise en évidence des conséquences fâcheuses de cette disparition pour la biodiversité que je construirai cette contribution à la critique du véganisme.
Une vache peut littéralement transformer l’herbe en viande, ce que nous, les humains, ne pourrons jamais faire. En effet, les ruminants peuvent se nourrir d’un régime composé principalement d’azote non protéique (purine, pyrimidine, bétaïne, choline) et dépourvu de protéines, grâce aux bactéries intestinales présentes dans leur estomac à chambres multiples (Genzebu D, 2015N147). C’est pourquoi ils vivent principalement d’herbe. De plus, ils sont capables de recycler l’azote de l’urée présente dans leur salive lorsque celle-ci est avalée avec le fourrage qu’ils mâchent, ce qui leur permet d’utiliser la quasi-totalité de l’azote présent dans leur source de nourriture. Chez les non-ruminants, l’urée est généralement excrétée comme un déchet dans l’urine.
La critique de l’élevage, sans distinction entre l’élevage industriel intensif et l’élevage traditionnel d’animaux en pâturage, est devenue incontournable dans la lutte contre le « réchauffement climatique » — voir le dossier Discours sur le climat. Militer pour l’écologie impose de plus en plus la conviction de « limiter sa consommation de viande » — voir la polémique sur les menus végétariens dans les cantines scolaires françaises — et même, au final, d’interdire la production de viande. C’est ce qui est envisagé dans l’État de l’Oregon, aux USA, avec l’initiative de vote IP3 requalifiant l’abattage d’animaux comme une violence aggravée, ainsi que l’insémination artificielle et la castration comme des agressions sexuelles (Hearden T, 2021N148).
Cette approche est soutenue par le milliardaire Bill Gates, auteur de How to Avoid a Climate Disaster : The Solutions We Have and the Breakthroughs We Need (2021N149) qui déclare dans un entretien (2021N150) :
Je pense que tous les pays riches devraient passer au bœuf 100 % synthétique. On peut s’habituer à la différence de goût, et on estime que ce goût s’améliorera avec le temps. En fin de compte, cette prime verte serait suffisamment modeste pour que l’on puisse modifier le comportement des gens, ou mettre en œuvre une réglementation modifiant totalement la demande.
Il est utile de savoir que Gates — qui se reconnaît comme un « carnivore vorace » — a placé des billes dans les industries de la viande artificielle : Memphis Meat, Beyond Meat, Impossible Foods, etc. Il est donc raisonnable pour lui d’espérer rentabiliser ce nouvel investissement…
L’impact environnemental de cette technologie risque d’être bien différent des prophéties de milliardaires sauveurs de la planète… Denis Risner et ses collègues (2023N151) écrivent :
Les résultats indiquent que l’impact environnemental de la production de viande à base de cellules animales (ACBM), à court terme, est susceptible d’être supérieur de plusieurs ordres de grandeur à la production médiane de bœuf, si un milieu de croissance hautement raffiné est utilisé pour la production d’ACBM.
[…] l’amélioration du milieu de croissance a été identifiée comme l’une des considérations les plus importantes pour l’analyse à court terme. L’un des aspects de ce perfectionnement est la réduction/élimination des endotoxines pour chaque composant du milieu de croissance. Les endotoxines, également connues sous le nom de lipopolysaccharides (LPSN152), sont un composant essentiel de la membrane externe des bactéries gram-négativesN42. […]
Dans les cultures cellulaires, la présence d’une endotoxine peut avoir une grande variété d’effets. Par exemple, à une concentration d’endotoxine aussi faible que 1 ng/ml, elle a réduit de 3 à 4 fois le taux de réussite de la grossesse lors de la fécondation in vitro d’embryons humains. […]
La culture de cellules animales se fait traditionnellement avec des composants du milieu de croissance qui ont été raffinés pour éliminer/réduire les endotoxines. […]
L’utilisation de ces méthodes de raffinage contribue de manière significative aux coûts économiques et environnementaux associés aux produits pharmaceutiques, puisqu’elles sont à la fois énergivores et coûteuses. […]
Les LCA [life cycle assessments] existants des ACBM sont insuffisants pour évaluer l’impact environnemental de cette technologie alimentaire émergente. Le principal problème de ces études préexistantes est que leurs modèles technologiques ne reflètent pas avec précision les pratiques actuelles, ou à court terme, qui seront utilisées pour fabriquer ces produits. Notre évaluation environnementale est fondée sur les systèmes de processus les plus détaillés disponibles, qui représentent l’état de l’art actuel dans ce secteur de la technologie alimentaire émergente. Notre modèle contredit généralement ces études antérieures, en suggérant que l’impact environnemental de la viande cultivée est susceptible d’être plus élevé que celui des systèmes conventionnels de production de viande bovine, au lieu d’être plus respectueux de l’environnement. Il s’agit d’une conclusion importante, étant donné que des investissements ont été spécifiquement alloués à ce secteur avec la thèse que ce produit sera plus respectueux de l’environnement que la viande de bœuf.
En résumé, il est très important pour les gouvernements et les entreprises qui aspirent à allouer des capitaux susceptibles de générer des avantages à la fois économiques et environnementaux de comprendre l’impact minimal sur l’environnement de l’ACBM à court terme.
« La viande produite en laboratoire s’avère être une grotesque mésaventure », écrit Andrew Orlowski dans le Daily Telegraph (14 octobre 2024N153) :
Les complotistes ont regroupé les protéines alternatives, comme les insectes en tant qu’ingrédients et les cellules de bioréacteurs, dans le cadre d’un sombre complot visant à attaquer l’agriculture conventionnelle. Le mème « Je ne mangerai pas des insectes » est très populaire. Des militants ont appelé à taxer les produits carnés conventionnels. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir un plan sinistre pour constater que nos agriculteurs et nos chaînes alimentaires sont sous-évalués et subissent les assauts d’un État administratif agressif.
En fait, aucune conspiration n’est nécessaire pour expliquer cette gigantesque folie : il suffit d’une bonne dose de naïveté et de mauvais jugement. Au cours de la décennie de faibles taux d’intérêt, beaucoup trop d’argent a servi à financer trop peu de bonnes idées. Des expériences farfelues ont été avancées et financées par des personnes fortunées, dont Bill Gates et Richard Branson. La classe des consultants leur disait obséquieusement qu’il s’agissait d’une idée fantastique. Les départements de sciences sociales des universités se sont alors mis à l’œuvre.
Il existe aujourd’hui un nombre impressionnant d’articles académiques sur la viande en bioréacteur, allant de la manière d’inciter le public à accepter la fausse viande aux nouvelles méthodes et aux nouveaux nutriments (technologie alimentaire). Pendant ce temps, la génération Z revient à la vraie viande, pour des raisons de santé.
S’intéressant à la production industrielle d’aliments, K. Anastasiou et collègues (2022N154) ont proposé un cadre conceptuel pour comprendre les impacts environnementaux des aliments ultra-transformés [UPF] et leurs implications pour les systèmes alimentaires durables :
Cet examen [de 52 études] a révélé que les UPF sont responsables d’impacts environnementaux importants liés à l’alimentation. Les études incluses ont indiqué que les UPF représentaient entre 17 et 39 % de la consommation d’énergie totale liée à l’alimentation, 36–45 % de la perte de biodiversité totale liée à l’alimentation, jusqu’à un tiers des émissions de gaz à effet de serre, de l’utilisation des sols et du gaspillage alimentaire liés à l’alimentation, et jusqu’à un quart de la consommation d’eau totale liée à l’alimentation chez les adultes dans un échantillon de pays à revenu élevé.
Les arguments les plus fréquemment avancés en faveur d’un abandon de l’élevage d’animaux « pour sauver la planète » sont ceux de la consommation d’eau et de la production de méthane (gaz « à effet de serre ») par les ruminants, ainsi que du gaspillage des ressources végétales. Les graphiques ci-dessous en démontrent l’ineptie. Ils ont été publiés par le collectif Sacred CowN155 qui milite pour la mise en œuvre de pratiques d’agriculture régénératriceN156 en élevage : planification du pâturage, etc. C’est une source documentaire secondaire, mais chaque graphique est construit à partir de données scientifiques, référencées en légende, que j’ai complétées avec les liens directs.
Selon cette source, on utilise seulement 2350 litres d’eau « bleue » pour produire 1 kilo de viande de bœuf — moins que pour produire 1 kilo d’avocats, de noix ou de sucre. L’étude de Asem-Hiablie S et al. (2019N158) utilisant la méthode d’analyse d’efficacité écologique de BASFN159, arrive aussi, globalement pour les USA, à 2558 litres d’eau potable par kilo de viande de bœuf désossée consommable.
Les données de l’INRA, basées sur l’élevage bovin français (principalement en pâturage) sont nettement plus favorables : 500 litres d’eau bleue pour 1 kilo de viande de bœuf (2019N160), évaluation qui peut se réduire de 20 à 50 litres/kilo en tenant compte du stress hydrique généraliséN161.
Comment est répartie la consommation d’eau — de surface et souterraine — en France ? Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a publié un graphique (2023N162) qui montrait que la consommation agricole est nettement inférieure à celle du « refroidissement des centrales électriques », autrement dit le parc nucléaire :
Pour ce qui concerne la production de gaz à effet de serre (évalués en « équivalents de CO2 »), un simple diagramme permet d’évaluer la part des choix nutritionnels dans l’éventail des activités humaines — 12 tonnes par an pour un Français. Éliminer tout produit d’origine animale dans la consommation de nourriture ne réduirait que de quelques pourcents les émissions de CO2 (Leroy F, 2020N128) :
Il est commun de pointer du doigt la production de méthane dans les « pets de vache » — en réalité des rots des ruminants — comme cause majeure du réchauffement global. Voici ce qu’il en est :
Les 4.7 % de gaz « à effet de serre » issus de la culture de végétaux comprennent du protoxyde d’azote N2ON164 298 fois plus « néfaste » que le CO2, effet notable de la culture du riz sous inondations intermittentesN165. Selon Kritee K et al. (2018N166) :
La riziculture fournit des moyens de subsistance à environ 145 millions de ménages qui utilisent 11 % des terres arables, un tiers de l’eau d’irrigation et au moins un septième des engrais dans le monde. Elle contribue à l’émission de CH4 et de N20. […]
Aucun des principaux pays producteurs de riz, y compris les deux principaux producteurs, la Chine et l’Inde, ne déclare officiellement le N20 du riz ni les facteurs d’émission connexes dans ses inventaires nationaux de gaz à effet de serre soumis aux Nations Unies. […]
Partant de la conviction que la réduction au minimum du CH4 de la riziculture est toujours bénéfique pour le climat, les politiques d’atténuation actuelles favorisent une utilisation accrue des inondations intermittentes. Cependant, les résultats de cinq rizières inondées par intermittence dans trois régions agro-écologiques de l’Inde indiquent que les émissions de N2O par hectare peuvent être trois fois plus élevées (33 kg de N2O/ha/saison) que le maximum précédemment signalé. Les corrélations entre les émissions de N2O et les paramètres de gestion suggèrent que les émissions de N2O de riz à travers le sous-continent indien pourraient être 30–45 fois plus élevées en utilisation intensive des inondations intermittentes que sous l’inondation continue.
Dans une démarche scientifique, cette comptabilité des gaz « à effet de serre » produits par l’agriculture et l’élevage mérite d’être confrontée à une analyse critique de la notion d’effet de serre radiatif — voir Geuskens G, 2020N168 ; Poyet P, 2022N169 p. 107–123 ; Gervais F, 2022N170 p. 33–80 ; Happer W & Lindzen R, 2023N171 ; et plus généralement mon article Discours sur le climat.
Toutefois, l’examen approfondi de cette question nous éloignerait du cadre de ce site — et des compétences du rédacteur ! Lire pour résumer Arjun Walia (2023N172) Where Did The Claim That “97 % of Scientists” Believe Climate Change Is A Man-Made, Urgent Problem Come From ? Is It True ? — citant Richard Lindzen :
Voici maintenant l’explication la plus répandue concernant ce système. Le climat, un système multifactoriel complexe, peut être résumé en une seule variable, le changement de température moyen à l’échelle mondiale ; et il est principalement contrôlé par la perturbation de 1 à 2 % du budget énergétique associée à une seule variable — le dioxyde de carbone — parmi de nombreuses variables d’importance comparable. Il s’agit là d’une paire d’affirmations extraordinaires, basées sur un raisonnement qui frise la pensée magique. C’est pourtant le récit qui a été largement accepté, même par de nombreux sceptiques.
Le collectif Sacred Cow a aussi travaillé 3 ans à la réalisation d’un excellent film — du même titre — qu’on peut se procurer sur son site (Sacred Cow, 2020N155) et dont Gabriella Tamas a rédigé un compte-rendu détaillé en français (Tamas G, 2020N174).
Dans un article sur Les Échos (2020N175), Gilbert Lienard pointe les conséquences désastreuses pour les prairies d’un déclin de l’élevage si jamais l’alimentation sans viande venait à décoller.
Gabriella Tamas propose le terme « régénétarien » pour désigner une démarche incluant le soin de soi et la protection de l’environnement dans le respect de la diversité des choix personnels (Tamas G, 2019N176) :
Et si nous pouvions manger ce qui nous convient et ce qui nous nourrit en paix les uns à côté des autres, tout en vivant selon nos propres valeurs ? […] Car OUI, c’est possible. Et ceci sans jeter la pierre sur un tel qui mange ceci ou cela, sans casser les vitrines des bouchers ni juger ses amis pour leurs choix alimentaires qui ne sont pas les nôtres. […]
L’agriculture régénératrice [N156] offre une alternative viable pour réunir le meilleur de nos expériences agricoles anciennes et les nouvelles technologies. Elle permet de cultiver nos aliments d’une manière qui régénère notre planète, et elle favorise un écosystème diversifié, prospère et résilient.
⇪ Militantisme
Les croyances et le discours performatifN177, souvent copié-collé, ont remplacé le savoir empirique comme on peut le constater sur les réseaux sociaux — voir mon article Cerises, brocoli, protéines, propagande. Il suffit de postuler que renoncer à tous les aliments d’origine animale n’induit pas de carences nutritionnelles pour le ramener à un choix éthique (à la portée de tout le monde) dans une perspective de « développement durable ». L’effet placeboN178 donne raison aux nouveaux adeptes, du moins sur le court terme. Les effets (parfois irréversibles) de leurs carences alimentaires peuvent se manifester après plusieurs décennies. Plus grave, imposer un régime privatif à des personnes en situation de dépendance ou de subordination (enfants, parents âgés…) n’est autre qu’une forme de maltraitance (2019N179) ; voir par exemple l’état de santé de bébés nourris aux légumes ou jus de fruits après leur sevrage dans des familles végétariennes (Smolka V et al., 2001N180).
Des militants n’hésitent pas à afficher les données nutritionnelles de la population des îles Okinawa au Japon sous occupation américaine (1949) pour propager la croyance que les nombreux centenaires de cette « zone bleue » suivaient un régime traditionnel strictement végétalien — voir mon article Okinawa, îles de rêve(s).
Un exemple des plus partagés sur les avantages d’un régime végétalien est celui d’athlètes qui se déclarent véganes. Par exemple, Patrick Baboumian (de double nationalité allemande et iranienne) est un des hommes les plus forts du monde, converti au végétalisme en 2011. On peut apprécier son menu quotidien de 5000 kcal « 100 % végétal » sur une page de Celia Balf (2019N181) : pour l’essentiel, des suppléments de protéines et de graisses.
La popularité de slogans comme « moins de viande » et le « tout végétal » me fait penser à la reconduction d’un finalisme hérité de croyances religieuses : le Créateur aurait créé les plantes « à l’usage de l’Homme ». On admire un humain qui se « soigne avec les plantes », fort de l’idée que les plantes sont bénéfiques — si l’on excepte, à regret, celles qui sont maléfiques, comme des anges déchus… Quand à celui qui consomme des médicaments, on ne dira pas avec la même effusion qu’il se « soigne avec la chimie », encore moins que la chimie est bénéfique. Cette survalorisation du végétal fait abstraction du fait que les végétaux n’ont pas pour vocation d’être mangés par des humains, et même qu’ils se défendent, avec leurs armes chimiques, des prédateurs voraces dont nous faisons partie !
Le végétalismeN3, rappelons-le, est l’aspect nutritionnel du véganisme qui s’inscrit pour beaucoup dans une mouvance exigeant « l’abolition » de l’élevage, de la chasse et de la pêche, ainsi que la « libération » des animaux de compagnie. Certains membres de collectifs ou associations porteurs de cette idéologie choisissent un mode opératoire provocateur, allant jusqu’à la destruction de lieux d’élevage ou au saccage de boucheries et poissonneries. Écouter à ce sujet l’intervention de Paul Ariès : « Les végans ont tout faux » (2019N182).
Le fanatisme franchit le point GodwinN183 avec l’intervention de Solveig Halloin dans l’émission Touche Pas à Mon Poste ! suite à la diffusion d’un document vidéo révoltant sur l’élevage industriel des cochons (2020N184).
Les anglophones peuvent aussi prendre connaissance du discours de fanatiques véganes qui postent leurs vidéos sur Internet. Voir par exemple le long récit (2019N185) de la descente aux enfers d’une jeune femme et son compagnon ayant refusé d’admettre, pendant cinq ans, tout lien entre le déclin de leur santé et leur pratique nutritionnelle.
⇪ Impact médiatique
Une série de trois articles (2012N186·N187·N188) montre que l’Association Américaine de Diététique (AND) a été infiltrée par des membres de l’Église adventiste du Septième JourN189 qui visent à promouvoir le végétarisme. Ce lobbyisme religieux est significatif sachant que les adventistes détiennent, depuis la fin des années 1940, plusieurs sociétés spécialisées dans la fabrication de substituts de viande. Je montre dans un autre article — Hunza à perte de vue — comment des adventistes dans la ligne du sinistre John Harvey KelloggN190 ont contribué à façonner le mythe de la longévité extraordinaire des Hunzas au milieu du 20e siècle.
Au 21e siècle, ce mouvement se poursuit dans la sphère économique avec des entreprises et groupes de pression visant (ouvertement) à porter un coup fatal aux activités d’élevage pour imposer la consommation de « substituts de viande » issus des nouvelles technologies. Ces initiatives sont omniprésentes dans les sommets des Nations unies sur les systèmes alimentaires, avec un programme, appuyé par une galaxie d’ONG, ciblant l’agriculture et l’élevage traditionnels sous le prétexte — comme nous l’avons montré, fallacieux — de « sauver le climat ». Un grand nombre des acteurs de ce mouvement sont par ailleurs engagés dans des démarches spirituelles (New-AgeN191) visant à rassembler tous les courants religieux dans un culte de la « mère Terre » (Gaia).
Un exposé détaillé de cette offensive se trouve dans un entretien avec Frédéric Leroy, professeur de science nutritionnelle et de biotechnologies à l’Université libre de Bruxelles : Prise de contrôle hostile de la production alimentaire (2021N192, en anglais). On peut aussi consulter sa bibliographie et plus particulièrement l’article Should dietary guidelines recommend low red meat intake ? (Leroy F, 2019N112).
Ces arguments sont progressivement traduits et exposés sur la blogosphère francophone. Lire par exemple Mon entrecôte est scientifique (ClairEtLipide S, 2021N193). Les écrits et conférences de Frédéric Leroy ont par ailleurs été commentés par Taty Lauwers dans son ouvrage Le bœuf émissaire (2021N194 pages 62-ff et 75-ff).
La vague antispécisteN195 exerce une influence grandissante sur le public. Bien que le végétarisme et le végétalisme restent fortement minoritaires en France, un nombre croissant de personnes se reconnaissent dans le flexitarismeN125, obéissant à l’injonction de « manger moins de viande » sans avoir sérieusement réfléchi aux raisons de leur choix ni à ses implications en termes d’équilibre nutritionnel…
Le végétarisme et le flexitarisme s’affichent aujourd’hui comme des marqueurs d’un engagement pour l’écologie, et particulièrement « le climat ». Même dans une émission de qualité comme 28 minutes sur la chaîne Arte, l’excellente Élisabeth QuinN196 ne peut s’empêcher de faire dire à tout invité « écolo » qu’il ou elle mange « moins de viande ».
À partir d’un certain seuil — évalué à 10 % selon certains chercheurs (2019N197 page 35) — une croyance minoritaire peut être perçue comme majoritaire et rapidement le devenir. Gérald Bronner et Étienne Klein écrivaient à ce sujet dans La perception des risques (2016N198 page 22) :
Ceux qui règnent sur ce marché sont ceux qui ont le plus de temps à occuper l’« espace » de parole, c’est-à-dire ceux qui sont les plus motivés. Or, sur toute une série de sujets, les plus motivés sont les plus engagés, voire les plus « croyants ». Pour cette raison, ils parviennent à instaurer, sur les forums ou dans le classement Google, une sorte d’illusion de majorité qui peut affecter le jugement de nos concitoyens les plus indécis, ou bien qui n’ont pas le temps de défaire des arguments qui sont, par ailleurs, en apparence convaincants.
Les éléments de langage répétés en boucle amènent souvent des « experts » à se prendre les pieds dans le tapis… Par exemple, dans une émission titrée « Viande : des horizons bouchés ? » diffusée sur France Culture le 25/1/2023, un « consultant chercheur » commençait par affirmer qu’en matière de nutrition, aucune règle normative ne peut être énoncée. Fort bien, mais peu après il déclarait :
— Les Français consomment deux fois trop de viande !
Dans un éclair de lucidité, l’animateur lui demandait :
— Deux fois trop, par rapport à quoi ?
— Eh bien, par rapport au référent nutritionnel !
Cette contradiction (entre l’absence de norme et l’existence d’un référent) n’a été relevée par aucun participant. Tous avaient pour seule bible des articles de presse, à défaut d’une seule étude en sciences de la nutrition. En fin d’émission — ou plutôt, avant que je coupe la radio —, une « économiste de l’environnement » a déclaré que, d’ici une ou deux décennies, nous devrions (et pourrions) puiser au moins 80 % de nos protéines dans des sources végétales. Toute cela sans recourir à la viande artificielle…
Les haricots et autres pois chiches étaient à l’honneur pour « sauver le climat » ! Les réponses à ces inepties sont dans mon article Protéines, ainsi que plus haut pour ce qui concerne l’environnement.
Frédéric Leroy concluait en 2020 (Leroy F, 2020N128) :
La pratique des réformes alimentaires au cours des 200 dernières années a abouti à la recommandation actuelle de manger moins de viande et plus de céréales, de légumes, de noix et de fruits. Elle a contribué à la formation d’un clivage animal/végétal, qui amplifie son propre message par le biais du mécanisme de biais de l’utilisateur sain, affectant la littérature épidémiologique par une rétroaction positive [voir mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ?]
En tant qu’acte à la fois moral et scientifique, le fait de « bien manger » (par exemple, moins ou pas de viande) a fini par l’emporter sur la tradition et les affinités, tout en étant compatible avec les intérêts de l’ordre industriel. L’intervention de l’État est accueillie favorablement en s’appuyant sur les classes moyennes et en activant l’ingénierie sociale. Cette évolution est problématique car l’alimentation n’est plus une question de culture, de diversité, de nutrition adéquate ou même de durabilité, mais de la manière dont les technocrates et leurs alliés industriels mesurent et uniformisent les besoins alimentaires dans le cadre d’un discours normatif, en vue d’une gestion sociétale.
L’accent excessif mis sur les politiques « à base de plantes » est non seulement contre-productif mais aussi potentiellement dangereux. Il détourne l’attention des véritables priorités planétaires dont la société devrait s’occuper, à savoir les causes profondes du changement climatique et d’une nutrition inadéquate causée par des régimes pauvres en nutriments.
⇪ Apostasie
Ces dernières années, plusieurs blogueuses et Youtubeuses véganes ont reconnu avoir abandonné leur régime pour des raisons de santé, sans pour autant renoncer à promouvoir leurs idées (et leur image personnelle) — voir N199.
On peut écouter par exemple le témoignage de la naturopathe Mélanie Dufey en 2017 : « Pourquoi mon alimentation n’est plus végéta*ienne » :
Suite à cette « trahison », la blogueuse a été menacée de mort sur les réseaux sociaux !
➡ Sans surprise, les hommes sont moins enclins que les femmes à reconnaître en public leurs erreurs…
⇪ Transhumanisme
Des moyens financiers importants sont mobilisés pour faire passer les messages dans les médiasN197. Eddy Fougier, auteur de La contestation animaliste radicaleN200, explique comment, selon lui, le mouvement végane s’est radicalisé depuis une décennie (Fougier E, 2019N201).
Les prises de position de George Monbiot en faveur du végétalisme « pour sauver le climat » — voir son film Apocalypse Cow (Montbiot G, 2020N202 et mon article De la viande oui, mais pas n’importe comment — ont eu un impact important jusqu’à ce qu’il se positionne en faveur de la production industrielle de « fausse viande » par fermentation bactérienne — voir l’article de Pat Thomas : Sauver la planète en détruisant l'agriculture. Catte Black écrit dans OffGuardian (2018N203) :
George est un enfant de l’affiche pour la nouvelle vague végane. Étrange, peut-être, étant donné qu’il n’est lui-même que « 97 % végétalien ». Mais ignorons simplement le carnivore à 3 %… Le point le plus important est que George veut que nous pensions tous qu’il est végétalien. Parce qu’un vendeur doit être vu en train d’utiliser le produit dont il fait la promotion.
Soutenue par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICNN204), la nouvelle philosophie de Monbiot est exposée dans son intervention à Oxford Real Farming Conference (2020 vidéoN205). Son article Les aliments cultivés en laboratoire vont bientôt mettre fin à l’agriculture et sauver la planète (Monbiot G, 2020N206) est commenté par Françoise Degert (Degert F, 2020N207) :
Son article est intéressant car il fait clairement le lien entre la conservation de la nature et l’idéologie transhumaniste [N208] (la technologie transcendera les humains vers leur immortalité). Il aurait d’ailleurs pu rédiger le communiqué de Technoprog [N209], une association française de transhumanistes, tant les deux écrits se ressemblent. Comme George Monbiot, Technoprog conclut aux bienfaits de l’alimentation synthétique qui « permettrait de limiter l’élevage et l’abattage bovin, de réduire les souffrances animales qui y sont associées, de faire des économies en eau et en surfaces agricoles ou de réduire l’effet de serre ». Coïncidence troublante ? Non, sachant que cette idéologie, le transhumanisme, fleurit dans les start-up de la Silicon Valley et les GAFAM, qui ont l’ambition de changer le monde. Le principal mérite de George Monbiot est de dire tout haut ce qui se trame tout bas.
L’enthousiasme des consommateurs de substituts de viande — pour la plupart des aliments ultra-transformés (UPF, ultra-processed foods en anglais) — est quelque peu douché par les résultats d’études qui montrent leur contribution à l’incidence de maladies cardiovasculaires qu’ils étaient supposés éviter (Rauber F et al., 2024N210 :
L’apport alimentaire en substances non UPF d’origine végétale est inversement lié au risque de maladies cardiovasculaires, tandis que l’apport en substances UPF d’origine végétale présente une association positive. Il est essentiel de reconnaître le rôle de la transformation des aliments pour obtenir des résultats favorables en matière de maladies cardiovasculaires, même dans les régimes à base de plantes.
⇪ En d’autres temps…
À propos du végétarisme — nettement moins restrictif que le végétalisme, mais la confusion entre les deux est fréquente — Taty Lauwers souligne une évolution délétère de cette pratique, causée selon elle par une dégradation de la qualité des produits et l’avènement d’une alimentation « saine » industrielle.
Dans un aperçu introductifN211 de son ouvrage en cours d’édition Quand le végé se fane, elle cite le Dr André Passebecq — dont je lisais pieusement le journal à la belle époque : « Jusqu’à l’introduction du lait de soja, les végétariens étaient des modèles de santé ». L’actualité scientifique lui donne raison, avec un soupçon grandissant de lien entre l’utilisation de préparations infantiles à base de soja à destination des nourrissons et la survenue de signes autistiques (Westmark CJ, 2013N212).
⇪ ▷ Liens
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Article créé le 27/07/2018 - modifié le 18/10/2024 à 16h40
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