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Overdose d’exercice ➜ danger

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La litté­ra­ture médi­cale est unanime à recon­naître qu’une pratique raison­nable d’exer­cice est indis­pen­sable à tout âge de la vie humaine. Il reste à quali­fier ce « raison­nable »… Sportif profes­sion­nel ou amateur, la lecture de cet article — et la mise en pratique de ses recom­man­da­tions — pour­rait vous sauver la vie !

L’activité physique contri­bue à une augmen­ta­tion de l’espé­rance de vieN1, et plus inté­res­sant de l’espé­rance de vie sans inca­pa­cité (EVSIN2) — voir mon article Vivre bien et longtemps. Les cas d’ex­cep­tion — tels celui de Winston ChurchillN3 qui a tenu 90 ans en clai­ron­nant : no sport, just whisky and cigars ! — ne font pas école…

Le sport, le jogging, l’exer­cice en salle de sport ou chez soi, la pratique d’une danse dyna­mi­sante, bref tout ce qui contri­bue à la « mise en forme » est aujourd’­hui valo­risé dans le monde entier. Le marché des services et acces­soires de culture physique est un des plus floris­sants dans les pays indus­tria­li­sés (voir articleN4).

Sommaire

Trois questions

Trois ques­tions méritent d’être posées :

  1. Être en forme est-il un gage de bonne santé ?
  2. Est-il préfé­rable de prati­quer de l’exercice d'endurance ou un entraînement de haute intensité ou l’entraînement musculaire MAF ? Ou les trois ? Et le sprint ?
  3. À quelles doses ?

La réponse à la première ques­tion est défi­ni­ti­ve­ment « non ». Les raisons en sont expo­sées dans la première partie de l’ou­vrage The Slow Burn Fitness Revolution (Hahn F, Eades MR & MD, 2003N5) dont j’ai traduit de larges extraits (voir mon article). La distinc­tion entre forme (fitness) et santé (health) sur laquelle ils ont construit leur argu­men­ta­tion se retrouve dans de nombreux articles. Il n’est pas néces­saire, pour s’en convaincre, d’adhé­rer à leur vision de la muscu­la­tion en extrême lenteur (Slow Burn) comme seule pratique recom­man­dable : une approche moins restric­tive est propo­sée dans l’ou­vrage de Mark Sisson et Brad Kearns (2016N6).

Ceci nous conduit à la deuxième ques­tion : que recom­man­der ? Je présente sur ce site l’exercice d'endurance, l’entraînement fractionné de haute intensité et l’entraînement musculaire MAF comme trois pratiques complé­men­taires indis­pen­sables au main­tien de la santé, au-delà d’une simple « mise en forme ». L’une ne remplace pas l’autre. Chacune est source de béné­fices — ainsi que de risques dont il va être ques­tion ici.

La ques­tion du dosage et de la fréquence de l’exer­cice est liée au constat que de nombreux adeptes — amateurs ou profes­sion­nels — d’une acti­vité physique inten­sive vieillissent mal, contrai­re­ment à leurs attentes. Certains sont même victimes d’une insuf­fi­sance cardiaqueN7 ou d’un acci­dent vascu­laire céré­bralN8 dont les causes sont recher­chées ailleurs que dans leur suren­traî­ne­ment : malfor­ma­tion congé­ni­tale, etc. Nous verrons plus bas que de telles expli­ca­tions peuvent corres­pondre à un déni de réalité. D’autres athlètes, confron­tés à une dimi­nu­tion de leurs perfor­mances, renoncent à la compé­ti­tion et réduisent ou aban­donnent leur entraî­ne­ment. La déchéance qui s’en­suit est mise sur le compte de « l’âge », alors qu’ils/elles auraient pu la ralen­tir, si ce n’est l’évi­ter, en appre­nant à cibler l’exer­cice en réponse à leurs besoins — voir mon article Exercice d'endurance.

Dr. Philip Maffetone écritN9 :

Le suren­traî­ne­ment est tradi­tion­nel­le­ment décrit comme une dimi­nu­tion de la perfor­mance spor­tive résul­tant d’un volume et/ou d’une inten­sité d’en­traî­ne­ment exces­si­ve­ment accru(s), et de la compé­ti­tion. Mais la situa­tion dans son ensemble est souvent diffi­cile à évaluer car le problème peut être complexe et néces­si­ter une approche globale. Le suren­traî­ne­ment est un déséqui­libre ou une mauvaise adap­ta­tion au stress physique, biochi­mique et/ou psycho-émotionnel dans la vie d’un athlète. Bien qu’il puisse être trom­peur et se déve­lop­per presque sans aver­tis­se­ment, le suren­traî­ne­ment peut nuire à la santé tout en nuisant à tous les aspects de la perfor­mance humaine, y compris le plai­sir de l’exer­cice du sport.
Si le concept de base du suren­traî­ne­ment en tant que déséqui­libre paraît simple, sa complexité et l’absence d’un diag­nos­tic basé sur un unique test peuvent égale­ment contri­buer à l’absence de consen­sus sur sa défi­ni­tion entre athlètes, entraî­neurs, prati­ciens de santé et scien­ti­fiques. Ceci malgré des recherches appro­fon­dies sur le stress physique, biochi­mique et psycho-émotionnel datant de près d’un siècle. Le résul­tat est que ce trouble commun et grave peut ne pas être traité, en parti­cu­lier aux stades précoces, et rend sa préven­tion encore plus difficile.

Selon cette pers­pec­tive, le suren­traî­ne­ment est envi­sagé comme un syndrome (un ensemble de symp­tômes affec­tant la forme et la santé) au même titre que le syndrome d’épui­se­ment profes­sion­nel (burnoutN10) qui lui ressemble : on peut défi­nir l’en­traî­ne­ment comme la somme du travail (workout) et de la récu­pé­ra­tion. Quand le premier est exces­sif ou/et la seconde insuf­fi­sante, le suren­traî­ne­ment (ou le burnout) prend place. P. Maffetone précise (2019N9) :

L’un des objec­tifs de l’exercice est d’augmenter le stress de l’entraînement au-dessus du niveau normal afin de promou­voir une meilleure santé et une meilleure condi­tion physique, ce qui entraîne de meilleures perfor­mances compé­ti­tives. Cet état est appelé dépas­se­ment fonc­tion­nel.
Dépasser le seuil de stress du corps, avec un entraî­ne­ment exces­sif et/ou une récu­pé­ra­tion réduite (une équa­tion d’entraînement déséqui­li­brée) peut induire un stress physique exces­sif et une mauvaise adap­ta­tion. La tran­si­tion du dépas­se­ment fonc­tion­nel vers non-fonctionnel est décrite ici comme l’ap­pa­ri­tion du surentraînement.

Les recherches des récentes décen­nies en méde­cine du sport et en biomé­de­cine, complé­tées par l’ex­pé­rience d’en­traî­neurs spor­tifs eux-mêmes confron­tés à la « limite d’âge », permettent de voir un peu plus clair dans les diverses formes d’en­traî­ne­ment. Dans la préface de Ready, Set, GO ! Synergy Fitness (Campbell P, 2006N11), Marilyn DeMartini écrit (p. 7) :

La science et l’ex­pé­rience nous montrent comment équi­per nos corps en guerre contre le vieillis­se­ment. […] Si vous vous conten­tez d’ac­cep­ter un tour de taille crois­sant, une baisse d’éner­gie, une dimi­nu­tion de l’ap­pé­tit sexuel ou une sensa­tion de malaise géné­ra­lisé, ce livre ne vous est pas destiné.

Je dirais la même chose de ma publi­ca­tion… On continue ? 🙂

Le surentraînement

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Sur un message hebdo­ma­daire Sunday with Sisson, Mark Sisson écrit (3/07/2022) :

Un phéno­mène que j’ai remar­qué est le nombre surdi­men­sionné d’en­tre­pre­neurs tech­no­lo­giques, de fonda­teurs de start-up et de bour­reaux de travail qui se lancent dans les sports d’en­du­rance. La corré­la­tion est indé­niable et elle va dans les deux sens. Je connais une tonne de gars d’en­du­rance, avec qui j’ai grandi en m’en­traî­nant et en concou­rant, qui ont fini par créer leur propre entre­prise. Ils se sont inves­tis dans leur travail et ont eu beau­coup de succès après avoir mis fin à leur carrière de spor­tifs d’en­du­rance.
J’ai commencé à me deman­der ce qui se passait.
Une partie de l’ex­pli­ca­tion de l’ob­ses­sion pour les sports d’en­du­rance chez les travailleurs de la tech­no­lo­gie et les fonda­teurs de start-up est que leur base de ce qui consti­tue une bonne santé et une bonne forme physique est complè­te­ment fausse — comme chez la plupart des gens. Ils dépensent 10 000 dollars pour un beau vélo et parcourent 20 à 30 kilo­mètres sur le trot­toir tous les week-ends tout en évitant la muscu­la­tion ou le sprint parce qu’ils pensent à tort que c’est le meilleur moyen d’être en forme, en bonne santé et de vivre long­temps.
Cependant, un point commun que je vois entre ces deux groupes — les athlètes d’en­du­rance de haut niveau et les travailleurs de la tech­no­lo­gie de haut niveau — est que les deux sont très bons pour suppor­ter la douleur. Ils peuvent suppor­ter un travail pénible et persis­ter malgré un incon­fort extrême, qu’il soit physique ou mental.
Mais voilà le problème. Ce n’est pas parce que tu peux endu­rer l’in­con­fort que tu dois le faire. La capa­cité à suppor­ter le stress oxyda­tif, la dégra­da­tion des tissus et la douleur brûlante inhé­rente à une concen­tra­tion mentale et physique achar­née ne signi­fie pas que tu ne vas pas être endom­magé par ces choses. Le stress te fait encore du mal. Il entrave toujours ta vie de famille. Il réduit encore ta capa­cité à être heureux.
L’endurance est une compé­tence précieuse qu’il faut culti­ver mais ne pas en abuser. Utilise-la avec parci­mo­nie et récu­père toujours de tes efforts. Les athlètes d’en­du­rance ont besoin de plus de protéines que les athlètes de force, et je parie que c’est simi­laire pour les fonda­teurs de start-up et les bour­reaux de travail. Ils ont besoin de plus de sommeil, de plus de soleil et de plus de temps pour décompresser.

Dans l’entraînement fractionné de haute intensité (N12), les dosages sont pré-établis : il s’agit d’exer­cice frac­tionné sous deux aspects. En mode Maximum Sustained Power (N6, p.149), on pousse le mouve­ment ou la posture à la limite de l’ef­fort : « l’échec » du muscle est signe de la réus­site de l’exer­cice. Impossible d’al­ler plus loin, cette limite étant vite atteinte en raison de l’in­ten­sité : rare­ment plus de cinq répé­ti­tions d’un simple mouve­ment, ou plus de 2 ou 3 minutes dans une posture. Il s’en­suit un temps de récu­pé­ra­tion pendant lequel l’or­ga­nisme mobi­lise ses ressources pour compen­ser la dépense muscu­laire excep­tion­nelle. Cette alter­nance d’ef­fort et de repos exerce de multiples effets béné­fiques sur le méta­bo­lisme en géné­ral (en plus de la crois­sance des muscles).

Autre aspect du frac­tion­ne­ment : les séances d’en­traî­ne­ment de haute inten­sité sont courtes (typi­que­ment de 4 à 30 minutes) et doivent être espa­cées de 48 heures au mini­mum (voire plus chez une personne âgée) pour lais­ser le temps à l’or­ga­nisme de recons­truire les fibres muscu­laires et d’ac­croître leur vascu­la­ri­sa­tion. Cette période d’at­tente peut être esti­mée à la durée des courbatures.

Dans l’exer­cice rapide (sprint), des limites précises de temps et de fréquence sont stric­te­ment défi­nies — voir Sisson et Kearns (2016N6, p.185–205) et mon article Entraînement fractionné de haute intensité – pratique.

D’après la méta-analyse de Haruki Momma et al. (2022N19), la durée hebdo­ma­daire totale d’entraînement de haute intensité pour des adultes de plus de 18 ans serait d’en­vi­ron 40 à 60 minutes. Autrement dit, par exemple, 2 à 3 séances de 20 minutes espa­cées de 48 heures. Ceci pour opti­mi­ser la réduc­tion du risque de morta­lité toutes causes ou par mala­die cardio­vas­cu­laire (CVD) — voir image ci-dessous. La courbe est en forme de ‘J’, ce qui veut dire qu’en augmen­tant la dose aux envi­rons de 130 à 140 minutes le béné­fice serait nul, et au-delà il devien­drait même négatif.

Méta-analyse dose-réponse non linéaire des associations entre les activités de renforcement musculaire et la mortalité toutes causes confondues, les maladies cardiovasculaires, l'ensemble des cancers et le diabète. Les activités de renforcement musculaire ont été modélisées à l'aide de splines cubiques restreintes dans un modèle dose-réponse à effets aléatoires. La ligne noire indique le modèle spline et les lignes pointillées représentent les intervalles de confiance à 95 %. RR est le risque relatif. Source : Haruki Momma et al. (2022N19)

Ce résul­tat est utile pour donner un ordre de gran­deur du temps à consa­crer à la seule « muscu­la­tion ». Il est clair que n’y sont pas incluses les minutes consa­crées à l’exercice d'endurance ni à l’entraînement musculaire MAF. Ce dernier est au contraire répété fréquem­ment dans la jour­née pour main­te­nir en éveil la muscu­la­ture ; prendre exemple sur ce que font les enfants « agités » !

En respec­tant ces limites, il y a peu de risque d’over­dose d’en­traî­ne­ment de haute inten­sité, tant qu’on ne s’ex­pose pas à un claquage en s’obs­ti­nant à fran­chir une limite arti­cu­laire ou muscu­laire… La pratique en extrême lenteur est un bon moyen de préve­nir ce genre d’ac­ci­dent car elle empêche l’uti­li­sa­tion de l’iner­tie (prendre son élan) pour augmen­ter la force. La pratique en extrême rapi­dité, à l’op­posé, sprint ou Tabata limite l’exer­cice à 4 minutes. Même si le rythme cardiaque approche son maxi­mum, l’exer­cice rapide est trop court pour entraî­ner une alté­ra­tion irré­ver­sible du myocarde (voir ci-dessous) — avec toute­fois de fortes réserves au sujet du Tabata, voir mon article Entraînement fractionné de haute intensité - pratique.

La ques­tion du dosage reste entière dans l’exercice d'endurance. Ce problème est moins tech­nique que cultu­rel : prati­quer un sport est pour beau­coup une affaire de compé­ti­tion, que ce soit avec les autres ou avec soi-même — le « dépas­se­ment de soi ». On peut le consta­ter en écou­tant les moti­va­tions des coureurs à pied ou des cyclistes. Certains déclarent s’exer­cer pour le plai­sir, ce qui est certai­ne­ment le cas des randon­neurs. D’autres voudraient perdre ou éviter de prendre du poids et acqué­rir une meilleure capa­cité cardio-pulmonaire. Quant aux plus doués, ils s’en­traînent pour amélio­rer leurs perfor­mances et parti­ci­per à des compé­ti­tions. Celles et ceux qui ne s’en tiennent pas au plai­sir ont tendance à mesu­rer leur « forme » en termes de distance parcou­rue ou de vitesse moyenne. Il existe main­te­nant toutes sortes d’ob­jets permet­tant d’en­re­gis­trer ces para­mètres et de les traduire en termes de « calo­ries consom­mées » ou encore de vitesse maxi­male aéro­bie (VMAN13) et consom­ma­tion maxi­male d’oxygène (VO2maxN14) si l’on dispose d’un maté­riel sophistiqué.

Parler d’over­dose n’est pas exagéré pour dési­gner un risque asso­cié à l’ob­ses­sion de la perfor­mance dans une pratique physique. J’entends souvent des spor­tifs parler de fran­chir un « seuil de douleur » pour atteindre un état d’eu­pho­rie (ce que Mark Sisson désigne par “black hole”) et d’une forme d’ad­dic­tion liée à ce fran­chis­se­ment. J’ai failli perdre la vie en m’éva­nouis­sant paisi­ble­ment au fond d’une piscine, à 14 ans, alors que je m’exer­çais (sans surveillance) à nager en apnée le plus long­temps possible…

Dans son article Overtraining is a dirty word, Phil Maffetone écrit (2019N15) :

Le suren­traî­ne­ment, mieux défini comme un trouble du spectre en trois étapes [N9], comprend un large éven­tail de bles­sures physiques, biochi­miques et mentales-émotionnelles, presque toujours évitables. Le suren­traî­ne­ment est doulou­reux et coûteux. Même les personnes qui ne font pas d’exer­cice peuvent déve­lop­per le même état physio­lo­gique que le suren­traî­ne­ment, bien qu’il s’agisse d’un épui­se­ment profes­sion­nel (burnout) qui peut surve­nir chez les diri­geants d’en­tre­prise, les parents, les étudiants et d’autres personnes forte­ment surmenées.

36e marathon de Paris
36e mara­thon de Paris le 15 avril 2012.
(Photo de Trago/Getty Images)
Source : N16

La méde­cine des sports étudie très sérieu­se­ment les effets du suren­traî­ne­ment. La plupart des articles que j’ai consul­tés dans son corpus de publi­ca­tions concernent la pratique du mara­thon, une disci­pline très popu­laire du fait son acces­si­bi­lité — un maillot et une bonne paire de chaus­sures pour tout équi­pe­ment — augmen­tée de sa dimen­sion symbo­lique (voir articleN17). Il est donc facile de recru­ter des mara­tho­niens pour une étude obser­va­tion­nelle et de les suivre sur une longue durée. Ils sont souvent étudiants ou profes­sion­nels de santé.

Les conclu­sions des travaux sur les mara­tho­niens — aussi bien l’ef­fet béné­fique de la pratique modé­rée que les mises en garde contre l’ex­cès d’exer­cice — s’ap­pliquent à toute la caté­go­rie « exercice d'endurance » (cyclisme, nata­tion, marche rapide etc.) ce qui exclut l’entraînement fractionné de haute intensité, le body buil­ding et certains sports comme par exemple l’hal­té­ro­phi­lie ou le saut en hauteur.

L’article Training Strategies to Optimize Cardiovascular Durability and Life Expectancy (O’Keefe JH et al., 2023N18) confirme ces recommandations :

La dose opti­male d’ac­ti­vité physique et les meilleurs types d’exer­cice pour amélio­rer la dura­bi­lité cardio­vas­cu­laire (CV) et opti­mi­ser la longé­vité sont incon­nus. L’objectif de cet article est de passer en revue la litté­ra­ture récente sur les effets de la durée et de l’in­ten­sité de l’exer­cice, de la condi­tion physique et de certains types d’en­traî­ne­ment ou de sport sur la santé cardio­vas­cu­laire à long terme et l’es­pé­rance de vie.

Une revue systé­ma­tique des études récentes (2011 à 2022) a été réali­sée sur PubMed. Les études ont été incluses si elles trai­taient du sujet de la condi­tion physique et/ou de la dose/du type d’exer­cice et de la santé cardio­vas­cu­laire et/ou de l’es­pé­rance de vie. Les études épidé­mio­lo­giques montrent que la condi­tion physique cardio­res­pi­ra­toire est inver­se­ment liée au risque de morta­lité toutes causes confon­dues, sans augmen­ta­tion du risque de morta­lité dans la cohorte la plus en forme. L’inaptitude est l’un des facteurs de risque les plus impor­tants pour la morta­lité toutes causes confon­dues.

Dans une étude récente et concluante, l’ac­ti­vité physique modé­rée (APM) et l’ac­ti­vité physique vigou­reuse (APV) ont été asso­ciées à une réduc­tion de la morta­lité cardio­vas­cu­laire et de la morta­lité toutes causes confon­dues.

Paradoxalement, de fortes doses d’APM ont réduit la morta­lité CV et toutes causes confon­dues mieux que de fortes doses d’APV. Une vaste méta-analyse a montré que l’en­traî­ne­ment muscu­laire était indé­pen­dam­ment asso­cié à des taux plus faibles de morta­lité toutes causes confon­dues et de mala­dies cardio­vas­cu­laires, bien que les meilleurs résul­tats aient été asso­ciés à une dose cumu­la­tive d’en­vi­ron 60 minutes/semaine. Le jeu physique inter­ac­tif est forte­ment asso­cié à une meilleure espé­rance de vie.

La condi­tion physique est un facteur déter­mi­nant de la santé cardio­vas­cu­laire et de l’es­pé­rance de vie. Les exer­cices modé­rés à vigou­reux, l’en­traî­ne­ment muscu­laire et les sports inter­ac­tifs sont asso­ciés à une meilleure espé­rance de vie. Des volumes très impor­tants d’exer­cices intenses et/ou d’hal­té­ro­phi­lie ne sont peut-être pas la solu­tion idéale pour opti­mi­ser la longévité.

Bénéfices et risques de l’exercice d’endurance

Les effets posi­tifs de l’exer­cice d’en­du­rance sur le système vascu­laire sont connus, notam­ment une augmen­ta­tion du diamètre des artères (Green DJ et al., 2012N20) qui a pour effet de retar­der le vieillissement.

La pres­sion sanguine en péri­phé­rie dimi­nue, ainsi que le rythme cardiaque, ce qui béné­fi­cie aux patients hyper­ten­dus (Cornelissen VA et al., 2011N21). Toutefois, les données semblent incom­plètes pour ce qui concerne la pres­sion sanguine centrale (Sharman JE et al., 2005N22).

Un entraî­ne­ment immo­déré peut produire l’ef­fet inverse de celui souhaité (perte de poids) en raison de la produc­tion de corti­solN23 en excès qui peut accroître l’insulinorésistance (N24) et conduire à de l’obésité abdo­mi­nale (voir pageN25), en même temps que dimi­nuer le nombre de lympho­cytes NK (N26 Natural Killers) et par cela affai­blir le système immu­ni­taire. Un des facteurs de cette dégra­da­tion, récem­ment mis en évidence, est l’al­té­ra­tion du micro­biote intes­ti­nal — voir les expli­ca­tions de Lucy Mailing (09:42) : Exercice et santé intestinale.

En cardio­lo­gie, le danger d’un excès d’exer­cice d’en­du­rance a été mis en évidence par Wilson M et al. (1985N27) : les cher­cheurs ont étudié la santé (morpho­lo­gie, fonc­tion­ne­ment du cœur, fibrose du myocardeN28) d’un groupe de vété­rans spor­tifs (50 à 67 ans, ayant couru au mini­mum 100 mara­thons) comparé à un groupe témoin non spor­tif (52 à 69 ans) et un troi­sième de jeunes athlètes (26 à 40 ans). Ils ont décelé des patho­lo­gies chez les vété­rans spor­tifs direc­te­ment corré­lés à la durée et l’inten­sité de leur pratique, ainsi qu’au nombre de mara­thons courus en compé­ti­tion. Les données suggèrent un lien de causa­lité entre une pratique exces­sive de l’exer­cice d’en­du­rance et la fibrose du myocarde.

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Des travaux plus récents (ex. La Gerche A et al., 2012N29 ; O’Keefe JH et al., 2012N30) ainsi que l’ex­pé­ri­men­ta­tion animale (voir Begoña B et al., 2011N31) ont conduit à des résul­tats simi­laires, bien qu’ils fassent encore l’ob­jet de contro­verses dans le milieu de la cardio­lo­gie spor­tive (voir Sharma S & Zaidi A, 2011N32 ; Levine D., 2014N33). La confé­rence TED du cardio­logue James H. O’Keefe est instruc­tive à ce sujet (voir vidéoN34).

Auteurs de l’ar­ticle Increased Coronary Artery Plaque Volume Among Male Marathon Runners, Schwartz RS et al. (2014N35) ont comparé la santé cardiaque de 50 mara­tho­niens vété­rans (au mini­mum une compé­ti­tion par an durant 25 ans) et 23 hommes séden­taires. Ils ont observé chez les premiers une augmen­ta­tion du volume de la plaque arté­rielle coro­naire (de 126 à 200 mm3), du volume de plaque calci­fiée (de 44 à 84 mm3) et non-calcifiée (de 82 à 116 mm3). Par contre, pas de diffé­rence statis­tique en ce qui concerne les surfaces, longueurs et nombre de lésions, ni les sténosesN36.

Les examens en IRMN37 de Breuckmann F et al. (2009N38) ont mis en évidence un risque accru de “late gado­li­nium enhan­ce­ment”N39 du muscle cardiaque chez une centaine de mara­tho­niens appa­rem­ment en bonne santé. Je ne comprends rien à cette tech­nique de mesure, mais le résul­tat est un facteur prédic­tif d’infarc­tus du myocardeN40.

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Adaptation du muscle cardiaque à l’exer­cice inten­sif
d’en­du­rance chez des athlètes d’âge moyen
Source : N41

Plus récem­ment, Redel HG (2014N41) a conduit une étude sur des hommes de 40 à 65 ans prati­quant le mara­thon. L’adaptation physio­lo­gique du myocardeN42 à des efforts inten­sifs de longue durée doit être distin­guée d’une défor­ma­tion patho­lo­gique qui peut appa­raître chez certains sujets (voir figure). La dila­ta­tion touche prin­ci­pa­le­ment l’atriumN43 et le ventri­culeN44 droit (qui alimente l’ar­tère pulmo­naire). L’auteur déclare que les effets à long terme de ces alté­ra­tions méri­te­raient d’être étudiés plus en détail. L’existence d’un risque lié à une défor­ma­tion perma­nente fait l’ob­jet de contro­verses ; elle néces­si­te­rait des études longi­tu­di­nales (suivi de chaque athlète) sur plusieurs décen­nies utili­sant l’IRMN37 (voir pageN45).

Dans un podcast (Sisson M, 2021N46 10:00) l’ex-champion de triath­lon Mark Sisson, âgé de 68 ans — qui a lutté pendant vingt ans contre le dopage des spor­tifs — révèle que ses trente années du suren­traî­ne­ment lui ont causé une défor­ma­tion du ventri­cule droit qui l’oblige à un suivi par un cardiologue.

De nombreuses études ont rapporté des accrois­se­ments de marqueurs séro­lo­giques de dété­rio­ra­tion cardio­mus­cu­laire pendant ou juste après la parti­ci­pa­tion à un mara­thon. Des travaux utili­sant l’IRM et le late gado­li­nium enhan­ce­mentN39 ont toute­fois révélé que ces marqueurs reve­naient à la normale au bout de 24 à 48 heures. Il s’agi­rait donc d’al­té­ra­tions tempo­raires sans consé­quences cliniques. Cette réver­si­bi­lité écar­te­rait le risque de nécrose myocar­diale (N40 infarctus).

atrial-fibrillation-mechanisms
Mécanismes de fibril­la­tion atriale
Source : N41

Par contre, chez les sujets étudiés par HG Redel, un risque signi­fi­ca­tif de déve­lop­pe­ment de fibril­la­tion atrialeN47 a été observé. La figure ci-contre donne la liste des méca­nismes impliqués.

Chez les athlètes prati­quant de l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité, un durcis­se­ment des parois des artères a pu être observé (Otsuki T et al., 2007N48), mais ils peuvent l’évi­ter en augmen­tant progres­si­ve­ment l’in­ten­sité sans agir sur le volume (Casey DP, 2007N49), ce qui corres­pond à la pratique actuelle, voir mon article Entraînement fractionné de haute intensité – pratique.

L’étude de Möhlenkamp S et al. (2008N50) signale une préva­lence d’athé­ro­sclé­roseN51 par dépôt calcaire chez des mara­tho­niens confir­més âgés de plus de 50 ans.

Les arrêts cardiaques pendant un mara­thon sont rela­ti­ve­ment peu fréquents (Kim JH et al., 2012N52). Leur fréquence augmente toute­fois avec l’âge des coureurs. De plus, 50 % d’entre eux se produisent pendant le dernier mile (1.6 km) de la course.

HG Redel conclut que les athlètes qui s’en­traînent inten­si­ve­ment, et plus parti­cu­liè­re­ment les coureurs d’âge moyen ou seniors, devraient être aver­tis qu’ils s’ex­posent à un risque accru de compli­ca­tions cardio­vas­cu­laires. Un suivi médi­cal cardio­lo­gique est donc vive­ment recom­mandé. Il serait prudent pour les seniors de se conten­ter d’un demi-marathon « pour le plai­sir » plutôt que de se mesu­rer dans la compétition.

Source : E Marijon et al. (2021N53)

Le Centre d’ex­per­tise mort subite de Paris (Paris-CEMS) a étudié les cas de morts subites induites par la pratique spor­tive pendant cinq années consé­cu­tives. L’estimation pour la France est une moyenne de 1000 cas par an. La grande majo­rité (envi­ron 95 %) concer­nait des hommes adultes dans une acti­vité spor­tive de loisir. Moins de 5 % ont fait l’ob­jet d’au­top­sies. Selon E Marijon et al. (2021N53) :

Tout comme pour la mort subite en général, parmi les causes identifiées, la mala­die coro­naire reste prépondérante, représentant 75 % des patho­lo­gies identifiées, les cardio­pa­thies struc­tu­relles non-ischémiques dans 15–20 % des cas, et les mala­dies électriques du cœur (Wolf Parkinson White, cana­lo­pa­thies de type Brugada, syndrome du QT long…) dans 5–10 % des cas. […]

Quand on étudie atten­ti­ve­ment les antécédents de ces patients, plus de 50 % avaient une cardio­pa­thie ischémique connue ou présentaient au moins deux facteurs de risque cardio­vas­cu­laire. Par ailleurs, on retrou­vait dans plus de 50 % des cas des symptômes cardiaques rela­ti­ve­ment cari­ca­tu­raux dans les 4 semaines qui précèdent l’arrêt cardiaque. […]

Prévenir la mort subite du spor­tif repose sur trois axes :
• un bilan médical pour vérifier l’intégrité du système cardio­vas­cu­laire du prati­quant ;
• l’éducation de celui-ci sur les règles de bonne pratique spor­tive ;
• et enfin la forma­tion de la popu­la­tion générale aux gestes de secours avec accès facile à un défibrillateur auto­ma­tique externe.

L’Association euro­péenne pour la préven­tion et la réha­bi­li­ta­tion cardio­vas­cu­laireN54 (European Association of Cardiovascular Prevention and Rehabilitation) a émis des recom­man­da­tions pour le suivi des personnes d’âge moyen et des seniors enga­gés en amateurs dans une pratique spor­tive (Borjesson M et al., 2011N55). Les experts recom­mandent l’uti­li­sa­tion de l’élec­tro­car­dio­gramme au repos, en complé­ment de l’exa­men clinique, mais aussi pendant l’exer­cice pour les personnes les plus à risque.

Le coup de chaleur d’exercice

Ce coup de chaleur survient subi­te­ment, ce qui le rend impré­vi­sible et parti­cu­liè­re­ment dange­reux, chez des personnes expo­sées à une forte chaleur pendant de l’exer­cice d’en­du­rance (jogging etc.) ou un travail manuel inten­sif. Il se traduit notam­ment par une hyper­ther­mie (tempé­ra­ture centrale de l’organisme supé­rieure à 40 °C) et par une détresse neuro­lo­gique (fatigue, maux de tête, vertiges, coma), ainsi que par des troubles du rythme cardiaque. Laurent Grélot écrit (2019N56) :

Le coup de chaleur d’exercice consti­tue une urgence vitale abso­lue. En effet, il s’accompagne d’un syndrome de réponse inflam­ma­toire systé­mique ou SRIS [N57], d’une coagu­la­tion intra­vas­cu­laire dissé­mi­née, et in fine d’une défaillance multi­vis­cé­rale (avec ou sans insuf­fi­sance hépa­tique [N58]).

[…] Le point de départ pour­rait être que l’effort intense et prolongé en ambiance chaude augmente la tempé­ra­ture interne. La paroi intes­ti­nale s’en trou­ve­rait perméa­bi­li­sée vis-à-vis des bacté­ries à Gram néga­tif [N59] de notre micro­biote diges­tif, lesquelles pour­raient enva­hir le corps et deve­nir une source d’endotoxines. Cette situa­tion indui­rait une éléva­tion explo­sive de la tempé­ra­ture centrale : une réac­tion inflam­ma­toire se mettrait en place suite à l’élévation du taux de lipo­po­ly­sac­cha­rides (LPS [N60] circu­lants (un compo­sant de la membrane des bacté­ries qui est aussi une endo­toxine) et une baisse des anti­corps anti-LPS, sur un fond de cyto­kines [N61] pro-inflammatoires (des molé­cules qui sont des agents essen­tiels du système immu­ni­taire). Cette augmen­ta­tion de tempé­ra­ture accen­tue­rait la perméa­bi­li­sa­tion de la paroi intes­ti­nale, plon­geant l’organisme dans un cercle vicieux ther­mique catas­tro­phique, et parfois fatal.

On retien­dra que l’ibupro­fène [N62], d’usage courant, faci­lite le déve­lop­pe­ment de cette endo­toxé­mie dans un contexte de travail physique long et intense, faisant possi­ble­ment le lit du coup de chaleur d’exercice.

[…] il est essen­tiel d’expliquer au travailleur (ou au joggeur) que les réponses physio­lo­giques à la chaleur ne suivent pas linéai­re­ment l’élévation des tempé­ra­tures ambiantes. Dès que cette dernière dépasse 35–36°C (c’est-à-dire la tempé­ra­ture de notre peau dans ce contexte), l’air nous réchauffe conti­nuel­le­ment, et n’est donc plus le milieu dans lequel notre propre chaleur peut se dissi­per. Il existe donc un effet de seuil. Pour cette raison, il est vrai­ment dérai­son­nable, parce que le danger est démul­ti­plié, de prati­quer la course à pieds dès que la tempé­ra­ture ambiante dépasse 36°C.

Une forme de burn-out

Une équipe de l’INSERM (Blain B et al., 2019N63) a travaillé pendant neuf semaines avec 37 triath­lètes répar­tis en deux groupes. Le premier sous entraî­ne­ment normal de haut niveau, le second soumis à une surcharge d’entraînement au cours des trois dernières semaines de l’expérience. Le suivi a été assuré au niveau compor­te­men­tal et par l’ana­lyse d’IRM fonc­tion­nelle. Les cher­cheurs expliquent :

Il y a quelques décen­nies, une super­star du mara­thon au sommet de sa carrière a soudai­ne­ment cessé de courir pendant plusieurs années, prétex­tant un épui­se­ment mental et physique en l’ab­sence de bles­sure appa­rente. Cet état de fatigue extrême est au cœur de ce qu’on appelle syndrome de suren­traî­ne­ment, une forme d’épui­se­ment profes­sion­nel qui frappe les athlètes dans divers types de sports d’en­du­rance. Au-delà de la fatigue subjec­tive, le syndrome de suren­traî­ne­ment est carac­té­risé objec­ti­ve­ment par une dimi­nu­tion des perfor­mances qui persiste au-delà d’une période de repos substan­tielle. Il peut égale­ment être accom­pa­gné de modi­fi­ca­tions cardiaques et endo­cri­niennes, ainsi que de symp­tômes asso­ciés à la dépres­sion, tels que l’apa­thie, l’ir­ri­ta­bi­lité, l’agi­ta­tion, l’in­som­nie ou la perte d’ap­pé­tit. Les méca­nismes sous-jacents restant incon­nus, le syndrome de suren­traî­ne­ment repré­sente un problème majeur pour les athlètes et les entraî­neurs et une cause poten­tielle de la pratique du dopage.
Ici, nous suggé­rons qu’un méca­nisme neuro­nal pour­rait être à la base des effets d’un entraî­ne­ment physique exces­sif. Plus spéci­fi­que­ment, notre idée est que la surcharge d’entraînement induit une fatigue dans le système céré­bral de contrôle cognitif.

L’étude a montré que l’ex­cès d’activité spor­tive entraî­nait une réduc­tion de l’activité du cortex préfron­tal laté­ral simi­laire à celle obser­vée lors d’un effort intel­lec­tuel. Elle se carac­té­rise par une inhi­bi­tion du contrôle cogni­tif qui se traduit par des déci­sions impul­sives, privi­lé­giant les grati­fi­ca­tions à court terme plutôt que les buts à long terme. Les cher­cheurs estiment que la fatigue et la réduc­tion du contrôle cogni­tif pour­raient consti­tuer une première étape dans le déve­lop­pe­ment d’un syndrome de burn-out. Ils concluent (2019N63) :

[…] nos résul­tats four­nissent la première démons­tra­tion que la surcharge d’en­traî­ne­ment physique induit une fatigue du système céré­bral de contrôle cogni­tif, asso­ciée à des déci­sions écono­miques plus impul­sives. Ils suggèrent un méca­nisme neuro­nal qui pour­rait expli­quer non seule­ment pour­quoi les athlètes en suren­traî­ne­ment ne parviennent pas à surmon­ter les signaux de douleur ou de fatigue, mais aussi pour­quoi ils risquent de se doper, ce qui peut contri­buer à une perfor­mance immé­diate mais compro­mettre des perfor­mances à long terme. Ils pour­raient égale­ment expli­quer l’augmentation des syndromes de fatigue obser­vés chez les amateurs de sports extrêmes, tels que l’ultra-trail, qui peuvent mettre en danger non seule­ment le cœur et les genoux, mais aussi le cerveau. Enfin, ces résul­tats pour­raient peut-être être éten­dus à d’autres types de surcharge de travail et ont donc des appli­ca­tions non seule­ment pour l’entraînement spor­tif, mais égale­ment pour la gestion du travail et les soins de santé, car une surcharge de travail est l’une des voies possibles du syndrome d’épuisement professionnel.

À retenir…

Une étude appro­fon­die de la litté­ra­ture scien­ti­fique sur les risques cardio­vas­cu­laires d’un excès d’exer­cice d’en­du­rance a été menée par O’Keefe J et al. (2012) : Potential Adverse Cardiovascular Effects From Excessive Endurance ExerciseN30.

Les points essen­tiels se résument ainsi :

Heart_conduct_atrialfib
Fibrillation auri­cu­laire
Heart_conduct_sinus
Rythme sinu­sal
Source : N47
  • Les personnes qui s’en­traînent régu­liè­re­ment ont des taux signi­fi­ca­ti­ve­ment moins élevés de handi­cap et une espé­rance de vie moyenne augmen­tée de 7 ans par rapport à celles physi­que­ment inac­tives. Toutefois, une dose limite existe au-delà de laquelle les effets adverses de l’exer­cice dépassent ses bénéfices.
  • L’exercice inten­sif chro­nique soutenu peut causer de la fibrose cardiaqueN64, parti­cu­liè­re­ment dans les atriaN43, le septum inter­ven­tri­cu­laireN65 et le ventri­cule droit, créant un milieu propice à des aryth­mies atrialesN47 [voir figure] et ventriculaires.
  • Un exer­cice exces­sif chro­nique soutenu peut aussi être asso­cié à de la calci­fi­ca­tion arté­rielle (athé­ro­sclé­roseN51), une dysfonc­tion dias­to­liqueN66 et un durcis­se­ment des parois des grandes artères.
  • Les athlètes vété­rans de l’en­du­rance dans des sports comme le mara­thon, l’ultra-marathonN67 ou le cyclisme profes­sion­nel ont 5 fois plus de risque de fibril­la­tion atrialeN47 (auri­cu­laire).
  • Les efforts de l’exer­cice d’en­du­rance inten­sif provoquent souvent une augmen­ta­tion de marqueurs de dété­rio­ra­tion cardio­mus­cu­laire asso­ciés à des réduc­tions tempo­raires de la frac­tion d’éjec­tionN68 du ventri­cule droit.

Les auteurs concluent :

À présent, sur la base de l’ex­pé­ri­men­ta­tion animale et humaine, le béné­fice cardio­vas­cu­laire d’un exer­cice d’en­traî­ne­ment aéro­bique vigou­reux semble augmen­ter propor­tion­nel­le­ment à la dose jusqu’à envi­ron une heure quoti­dienne, au-delà de laquelle la pour­suite de l’en­traî­ne­ment produit moins de bien­faits, et peut même provo­quer des effets adverses cardio­vas­cu­laires chez certains indi­vi­dus.
Les recom­man­da­tions de consen­sus d’ac­ti­vité physique et de santé publique de l’American Heart Association et de l’American College of Sports Medicine sont, pour les adultes, un mini­mum de 150 minutes par semaine d’exer­cice d’en­du­rance modéré, et 75 minutes par semaine d’exer­cice d’en­du­rance vigou­reux [soit, respec­ti­ve­ment, 21 et 10 minutes par jour]. Ces recom­man­da­tions suggèrent aussi que de plus fortes doses d’exer­cice d’en­du­rance [modéré] peuvent être néces­saires chez certains groupes, notam­ment ceux à risque de mala­die coro­na­rienne (30 à 60 minutes par jour), les adultes essayant d’évi­ter le surpoids ou l’obé­sité (45 à 60 minutes par jour) et les anciens obèses qui cherchent à ne pas reprendre de poids (60 à 90 minutes par jour). Les recom­man­da­tions mettent aussi en garde contre l’aug­men­ta­tion de bles­sures musculo-squelettales et d’ac­ci­dents cardio­vas­cu­laires consé­cu­tifs à l’exer­cice d’en­du­rance inten­sif.

On peut noter que ces recom­man­da­tions concernent la durée de l’exer­cice aéro­bie mais ne disent rien de son inten­sité, sauf mention vague d’un exer­cice d’en­du­rance « modéré ». Or, depuis les années 1970, les obser­va­tions cliniques de méde­cins du sport comme Philip Maffetone (2010N69, p. 70–78) ont montré comment déter­mi­ner le rythme cardiaque à partir duquel l’or­ga­nisme ne peut plus s’ap­pro­vi­sion­ner en aéro­bieN70 et doit mettre en route un proces­sus anaé­ro­bie pour répondre à l’ef­fort supplé­men­taire. C’est la prolon­ga­tion de ce proces­sus anaé­ro­bie (privi­lé­giant la consom­ma­tion de sucre) qui est dange­reuse pour la santé, et qui de surcroît limite les perfor­mances. Développer une bonne « machine aéro­bie » néces­site donc un entraî­ne­ment d’en­du­rance juste au-dessous de cette limite. Lire à ce sujet « La formule 180 – votre âge » et « Le MAF Test » dans mon article Exercice d'endurance. Le MAF-GPS TestN71 permet notam­ment d’amé­lio­rer les perfor­mances sans bascu­ler dans le surentraînement.

Dans son article sur le suren­traî­ne­mentN9, Phil Maffetone décrit en détail les trois niveaux possibles ainsi que les mesures qu’un athlète devrait prendre pour en sortir. Il conclut :

Reconnaître le syndrome de suren­traî­ne­ment à un stade précoce peut aider à maxi­mi­ser les perfor­mances humaines tout en restant en bonne santé. Ce proces­sus commence par un proces­sus d’éva­lua­tion continu simple qui évalue les signes et les symp­tômes physiques, biochi­miques et psycho-émotionnels. Le MAF Test peut être un outil impor­tant pour détec­ter de manière objec­tive le suren­traî­ne­ment, parfois avant l’ap­pa­ri­tion des symp­tômes. Il est plus facile de réta­blir les perfor­mances spor­tives aux niveaux précé­dents lors du niveau 1 du suren­traî­ne­ment, le niveau 2 néces­si­tant plus de temps et d’ef­forts. Le niveau 3 du suren­traî­ne­ment est une mala­die plus grave et diffi­cile à trai­ter. Globalement, la préven­tion est le meilleur remède, permet­tant aux indi­vi­dus de réali­ser leur poten­tiel spor­tif et de main­te­nir cet état plus longtemps.

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Article créé le 19/06/2016 - modifié le 28/11/2023 à 15h16

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