Cet article est basé pour l’essentiel sur des citations de la première partie de l’ouvrage The Slow Burn Fitness Revolution (Fredrick Hahn, Michael R Eades, Mary Dan Eades, 2003N1) qui expose les principes de l’entraînement fractionné de haute intensité (HIITN2) en extrême lenteur.
L’ouvrage est ancien et la deuxième partie présente peu d’intérêt pour qui connaît les nombreuses sources d’information actuelles. Par exemple, les auteurs proposent des exercices que l’on ne peut pratiquer qu’en salle avec des machines, alors qu’ils pourraient être remplacés par d’autres utilisant très peu d’équipement. On devine qu’ils prennent soin de leur clientèle…
D’autre part, l’exercice en extrême lenteur n’est qu’un aspect du HIIT, qui à son tour n’est que la composante « résistance » (anaérobie) de l’entraînement sportif, l’autre composante étant « l’endurance » (aérobie).
Il est important, que l’on soit sportif ou non, d’entretenir la capacité de consommation maximale d’oxygène (VO2maxN3), ce qui peut être accompli efficacement par une pratique de sprint (HIIT ultrarapide, voir mon article Entraînement fractionné de haute intensité - pratique) ou par la pratique aérobie de faible niveauN4 que j’ai exposée dans l’article Entraînement d'endurance. Cet aspect a été totalement ignoré des auteurs du livre qui se sont contentés de remarques évasives sur des pratiques excessives d’exercice d’endurance.
Malgré ces réserves, l’exposé de la première partie n’a rien perdu de sa pertinence 13 années après sa publication. Peut-on parler de « révolution du fitness » ? Oui, si l’on observe que l’exercice de haute intensité n’est plus réservé à certains athlètes et aux bodybuilders. La médecine des sports en a extrait une pratique qui s’adresse aux personnes de tous âges pour ralentir le vieillissement et améliorer leur métabolisme.
Plus récemment, l’expérimentation animale a montré que l’exercice de haute intensité pourrait contribuer à la prévention des cancers ainsi qu’à l’amélioration de leur traitement — voir mon article Cancer - sources.
Sommaire
⇪ Qu’est-ce à dire ?
Les auteurs commencent par une distinction claire entre exercice d'endurance et exercice de haute intensité. Leur thèse principale est que l’exercice d’endurance — à la base de la plupart des sports — n’apporterait pas tout le bénéfice, en termes de constitution physique, que la croyance populaire lui attribue en le désignant comme unique forme d’exercice physique.
(p. 8) De nombreux exemples de ce que les gens désignent par exercice ne sont en réalité que des pratiques de loisir. Cela passe probablement pour du chipotage mais en fait ce n’en n’est pas. Le golf, la balle molle, le basket, le tennis, le ski, le badminton et d’autres sports sont juste cela. Des sports. Des jeux. Du divertissement. Ces pratiques apportent sans aucun doute un bénéfice en termes de forme physique, mais pas autant que vous pourriez le croire. D’autre part — et c’est là que le bât blesse — ce bénéfice est acquis au prix de quel risque ? Même le golf, un sport tout ce qu’il y a de plus convivial, envoie ses pratiquants aux urgences, aux physiothérapeutes, orthopédistes et chiropracteurs avec des plaintes de douleurs dorsales, de chevilles foulées et d’épaules abîmées. Les autres activités sont encore pires.
(p. 9) Allez voir, sur le site Runner’s WorldN5, la rubrique relative aux blessures (suivre ce lienN6) où vous trouverez la description de plus de cinquante blessures typiques causées par la course et leurs traitements. Et comme si ce n’était pas suffisant, une étude récente (Otto M et al., 2000N7) a signalé que les coureurs et les boxeurs avaient les mêmes taux sanguins d’une protéine potentiellement dangereuse, le S‑100BN8. Des taux élevés de cette protéine, qui s’échappe de certaines cellules du cerveau quand elles sont traumatisées, ont été corrélés à des déficits neuropsychologiques. Ainsi, la course ne vous fracasse pas seulement le dos, elle vous fracasse aussi la tête !
Cette critique vise en réalité deux approches incorrectes de l’exercice d’endurance (aérobie) : le sous-entraînement, qui produit peu ou pas d’effet, et le surentraînement qui affecte gravement la santé. Ces approches sont malheureusement dominantes, autant chez les amateurs qui estiment que « bouger c’est bien » que chez des athlètes qui croient que la souffrance est le prix à payer pour augmenter leurs performances. Le « réglage » de l’entraînement aérobie est précis, mais simple à mettre en œuvre en faisant appel aux données de la médecine sportive — voir mon article Exercice d'endurance.
⇪ Pourquoi (et comment) faire travailler les muscles ?
L’exercice de haute intensité est longtemps resté une pratique de bodybuilder, ou une forme d’entraînement destiné à accroître les performances des athlètes. Or la recherche médicale a montré que ses effets s’étendaient bien au-delà de l’entretien de la musculature et de la masse osseuse.
(p. 20) Globalement, le système musculaire est le plus grand organe du corps, nourri et nettoyé par le réseau de vaisseaux sanguins le plus étendu. Dans la mesure où la part de lion de votre système sanguin (ou vasculaire) réside dans vos muscles, le fait de maintenir en bonne santé votre système musculaire renforce automatiquement votre système vasculaire. Contrairement à la croyance répandue, la plupart de vos autres organes, y compris le cœur et les poumons, sont au service de votre système musculaire. Ses améliorations (a contrario ses pertes) ont un impact sur tout votre corps.
Les muscles que vous utilisez en vous exerçant ont besoin d’un maximum de sang, consomment le plus de sucre et de gras en tant que combustibles, produisent le plus de chaleur, et demandent le plus d’énergie de tous les systèmes du corps. Non seulement le système musculaire est l’organe le plus grand, le plus friand en énergie, le plus producteur de chaleur dans le corps, mais c’est aussi le seul dont vous puissiez améliorer directement le fonctionnement par le biais de l’exercice. Il n’y a aucun exercice que vous puissiez faire pour améliorer le fonctionnement de votre foie, de vos reins ou de votre appareil digestif. Et, quoique cela puisse vous surprendre, il n’y a pas grand chose que vous puissiez faire pour améliorer directement le fonctionnement de votre cœur et de vos poumons.
Le premier signe de distinction de l’exercice de haute intensité est qu’il conduit les muscles sollicités à un « échec » par épuisement de leur capacité énergétique, un échec qui survient rapidement : quelques secondes ou quelques minutes, selon l’intensité et la nature de l’effort.
(p. 28) Malgré sa tonalité négative, « l’échec » n’est pas un événement catastrophique au cours duquel le muscle s’effondre, mais simplement le point de fatigue profonde, totale à partir duquel, aussi fort que puissiez essayer, vous ne pourrez plus soulever le poids tout en maintenant une forme parfaite et relaxée. Pas de torsion ni courbure du dos, pas d’aide avec d’autres parties du corps, pas de grimace, de soubresauts avec le poids, ni d’abandon à la gravité.
Ces manœuvres que l’on voit si fréquemment dans les salles de gym traditionnelles, ne font que provoquer des blessures et entraînent la perte du bénéfice que vous auriez pu trouver dans votre entraînement. Saluez l’échec — c’est le signe de votre succès et la cible de chaque exercice.
L’exercice de haute intensité ne s’inscrit pas dans l’injonction simpliste « manger moins et bouger plus » dont j’ai souligné l’absurdité dans mon article Manger et bouger.
(p. 33) Quand vous mangez moins de calories que nécessaire pour satisfaire les besoins énergétiques de votre corps, il fait appel à ses réserves de carburant — graisse corporelle et sucre stocké — pour combler le manque en consommant ou en brûlant ses propres tissus. Si votre corps ne brûlait que l’excès de graisse pour satisfaire ses besoins, ce serait parfait, malheureusement ce n’est pas toujours le cas. Selon la prescription « manger moins », si vous vous contentez de salades sans assaisonnement gras, de boissons de régime, et de bagels sans corps gras accompagnés d’un soupçon de fromage à 0% de matière grasse, votre corps va s’apercevoir qu’il ne reçoit pas d’assez de protéines pour assurer la croissance et la réparation des tissus au jour le jour. Pour combler ce manque, en plus de brûler le gras et le sucre stocké (du glycogèneN9) pour faire de l’énergie, le corps va commencer à détruire des muscles pour en extraire des matériaux bruts de protéines dont il a besoin pour des fonctions vitales. Comme le muscle est dense, le fait de le détruire et de l’utiliser résulte en une perte de poids sur la balance — mais pas celle que vous recherchiez. Les études ont démontré de multiples fois qu’avec un régime à basses calories (et généralement carencé en protéines) jusqu’à 30 à 40% de la perte de poids provient de muscles, d’os ou d’organes vitaux. Vous n’avez pas envie de perdre des muscles ni des tissus vitaux ; vous voudriez seulement perdre un excédent de graisse, mais malheureusement, en suivant l’injonction vague « manger moins et bouger plus », vous risquez de perdre les deux.
⇪ La forme n’est pas la santé !
Ce point me paraît le plus important de l’exposé : se maintenir en forme n’est pas l’équivalent de se maintenir en bonne santé…
(p. 34) Au premier abord, il semblerait impossible de perdre du muscle en suivant le régime « manger moins et bouger plus », parce qu’en faisant de l’aérobic on a clairement l’impression d’être en meilleure forme, et l’aspect « manger moins » de la prescription doit certainement nous faire perdre de la graisse. Mais les études ne mentent pas — trop peu de nourriture et de l’exercice aérobie équivaut souvent à une perte de muscle. Si vous persévérez dans cette direction, il se peut que vous atteigniez votre poids idéal, peut-être même celui que vous aviez à la fin de vos études, mais vous ne finirez pas par ressembler à ce que vous étiez au lycée ; la composition de votre corps sera totalement différente. Le même poids, peut-être, mais avec beaucoup plus de gras et beaucoup moins de muscle. En suivant la prescription standard pour perdre du poids, si vous êtes un homme vous finirez typiquement par passer de l’aspect grosse « pomme » à celui d’une plus petite pomme ; et si vous êtes une femme vous vous ratatinerez de grosse poire à petite poire. Ce n’est probablement pas ce que vous espériez.
Pire que cela, comme si ce n’était pas suffisant, une fois parvenu‑e au but de votre jeu de l’oie « manger moins et bouger plus », si vous essayez de préserver votre perte de poids, il y a de fortes chances que vous courriez à l’échec, parce que la réduction de votre masse musculaire vous fait brûler tellement moins de calories que, à moins que vous soyez déterminé‑e à vous rationner éternellement, votre poids augmentera de nouveau inexorablement. Et, cette fois, quand vous aurez retrouvé votre poids initial, vous serez dans un état pire qu’au départ, parce que vous aurez moins de muscle (à force de manger moins et de faire plus d’exercice, en plus de la perte associée au vieillissement) et encore plus de graisse corporelle. Si vous décidez de faire une nouvelle tentative de perte de poids en utilisant toujours la même recette, vous tomberez dans le cercle vicieux bien connu de l’effet yo-yoN10.
Ce point de vue rejoint entièrement celui de Jonathon Sullivan qui désignait l’haltérophilie comme une big medicineN11 bien mieux adaptée au maintien en bonne santé que le running. Sullivan écrit (trad. Paleophil) :
Au lieu de nous recroqueviller lentement dans une flaque de graisse maladive, nous pouvons mourir comme nous échouerions à la dernière répétition d’une série de squats bien lourds. Rester forts et pleins de vitalité dans les dernières années de notre vie, avant de succomber rapidement à ce qui nous tuera. Forts jusqu’à la fin.
⇪ Augmenter sa résistance
(p.37) Postez-vous à un carrefour et demandez aux cent premiers passants ce dont une personne a besoin pour augmenter sa résistance. On peut parier que ces cent personnes vous répondront qu’il faut faire une sorte d’exercice « aérobie »N12 pour acquérir de l’endurance. Demandez à ces mêmes personnes ce qu’« aérobie » veut dire, et elles vous diront que cela signifie du jogging, du cyclisme, de la natation ou de l’aérobic. Si vous demandez ce que l’exercice aérobie apporte aux gens, vos sujets vous diront qu’il améliore l’endurance parce qu’il renforce le cœur et les poumons. Si vous leur disiez que l’aérobic ne renforce pas vraiment le cœur et les poumons — qu’au lieu de cela il renforce un peu leurs muscles de sorte que tout se passe comme si leur cœur et leurs poumons fonctionnaient mieux — et si vous leur disiez que trente minutes par semaine d’exercice Slow Burn [intensif lent] leur donnerait autant d’endurance que trois heures de jogging, ils vous prendraient probablement pour l’idiot du village et passeraient leur chemin.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, votre déclaration inattendue serait exacte.
Les auteurs citent (p. 38) George SheehanN13, un médecin qui pratiquait la course avec un entraînement de haute intensité. Sa règle de conduite était (voir blogN14) : « peu de kilomètres, beaucoup d’intensité ». Il ne court que 30 à 40 km par semaine. Sheehan écrivait (dans Take the Muscles and Run, 1981, p. 55) :
Vous seriez tentés de croire, du fait de l’insistance sur la santé cardiopulmonaire, que les principaux bénéficiaires de la course sont le cœur et les poumons. Repensez‑y. L’exercice n’apporte rien aux poumons, cela a été amplement prouvé… Ni à votre cœur. La course, quoi qu’on vous en ait dit, entraîne et conditionne principalement les muscles.
Les auteurs ajoutent (p. 39) :
Il a raison. La course et les autres formes d’exercice « aérobie » renforcent les muscles. Des muscles plus forts travaillant plus efficacement à extraire de l’oxygène du sang réduisent la demande sur le cœur et les poumons, donnant l’impression d’une amélioration de la forme cardiovasculaire et cardiopulmonaire.
J’ai déjà tempéré cette prise de position en signalant qu’elle ne critique que des pratiques incorrectes d’exercice d’endurance, éventuellement associés à d’autres erreurs de style de vie. Un exercice aérobie bien dosé permet au contraire d’augmenter la consommation maximale d’oxygène (VO2maxN3) et cela même à un âge avancé, comme l’a montré Philip Maffetone (2015N15, p. 235–237) — voir mon article Exercice d'endurance.
⇪ La souplesse
La force et la souplesse sont souvent perçues comme antagonistes dans notre représentation des capacités physiques. Qu’en est-il vraiment ?
(p. 52) En réalité, la force musculaire augmente la souplesse. Pourquoi ? Parce qu’un muscle entraîné n’est pas seulement plus fort, il est plus souple, a une meilleure circulation, est mieux hydraté, et peut exercer une force bien plus grande à travers les ligaments. Des muscles forts faisant bouger l’articulation dans toute son amplitude de mouvement en même temps qu’ils assurent l’intégrité des ligaments conduisent à une flexibilité optimale et stable.
Malheureusement, la majorité des gens (y compris, et c’est dommage, de nombreux entraîneurs) croient que le meilleur moyen de gagner en souplesse consiste à étirer le ligament. Allez dans presque n’importe quelle salle de gym, vous verrez des entraîneurs incitant leurs clients à s’étirer dans toutes sortes de contorsions. Et vous verrez des gens sans entraîneurs tirant sur leurs épaules, leur dos, leurs hanches, leurs ischio-jambiers, et tout ce qu’ils imaginent devoir allonger dans l’illusion d’acquérir de la souplesse. Mais tous ce qu’ils obtiennent, en réalité, ce sont des ligaments relâchés et instables.
(p. 53) Voyons par un exemple ce qui arrive aux ligaments qu’on a étirés jusqu’au point d’instabilité.
Une ballerine professionnelle de 35 ans à la retraite commence à souffrir de petites dislocations occasionnelles de ses épaules quand elle tend les bras au-dessus de sa tête, ou de ses hanches si elle monte sur un tabouret ou autre chose d’un peu élevé. Quand cela se produit, elle éprouve un peu d’inconfort, mais elle est capable de faire jouer ses épaules ou ses hanches pour que les jointures se remettent en place. En prenant de l’âge, ces petites dislocations deviennent plus fréquentes, plus douloureuses et plus difficiles à remettre en place. Elle consulte son médecin qui lui conseille de démarrer un programme d’exercice progressif, débutant par — vous l’avez deviné — de la marche sportive.
Elle commence son entraînement, et quelques semaines plus tard, alors qu’elle marche à vive allure, elle fait un faux pas au-dessus d’une flaque de boue, se déchire un ligament dans l’articulation de la hanche (à cause du relâchement et de l’instabilité) et se retrouve avec une totale dislocation de la hanche. Elle s’effondre dans une douleur insoutenable. La chute provoque une fracture de la hanche, une torsion des genoux, et disloque aussi l’épaule instable avec laquelle elle a essayé de se retenir dans sa chute.
Après une semaine d’hôpital et des milliers de dollars de chirurgie orthopédique, elle retourne chez elle pour rester immobile pendant un mois jusqu’à ce que les blessures aient guéri. Ensuite elle suit un cours extensif de thérapie physique — encore des dollars dépensés, et plus de temps loin de son travail et de sa famille. Mais les ligaments qui n’ont pas été réparés par le chirurgien sont toujours instables et n’attendent que le moindre faux mouvement pour reproduire le même scenario désastreux. Notre ballerine est maintenant devenue une invalide de 40 ans, alors que quinze ans plus tôt elle était un modèle de forme physique réputée pour son incroyable force et sa souplesse. Que s’est-il passé ?
Elle était capable de se produire à un niveau professionnel grâce au fait qu’elle était génétiquement « favorisée » par la souplesse de ses ligaments, qui lui permettait d’accomplir sans peine tous les mouvements difficiles et précis exigés par sa profession. En compensation de la souplesse de ses articulations, elle avait de la force, acquise dans une certaine mesure par son entraînement de danse et par d’innombrables heures de pratique, mais à un plus grand degré du fait de sa jeunesse. En prenant de l’âge, elle a perdu à la fois la masse et la force musculaire jusquà ce que — comme finalement tous les grands athlètes — elle ne puisse plus rivaliser avec des praticiens de sa discipline plus jeunes et plus forts. Le moment venu, elle a fait ses dernières salutations et enfilé ses pointes pour la dernière fois.
Suite de l’histoiire :
Une fois à la retraite, son niveau d’activité a diminué brusquement, ce qui a accéléré la perte de masse et de force musculaire causée par l’âge. Avec le temps et la perte continuelle de force, ses muscles sont devenus de moins en moins capables de compenser la laxité, jusqu’au point où notre histoire a commencé, quand elle a souffert de dislocations partielles.
Si, au lieu de laisser le temps suivre son cours, elle s’était engagée dans un programme d’exercice de haute intensité au moment où elle prenait sa retraite, elle serait devenue en peu de temps plus forte qu’elle ne l’avait jamais été. Sa force accrue aurait plus que compensé le risque de dislocation de ses articulations, lui permettant de mener une vie normale, sans blessures. Si elle avait commencé l’entraînement de haute intensité avant sa retraite, elle aurait même probablement pu prolonger sa carrière.
(p. 57) Dans leur ouvrage sur l’entraînement des athlètes, Scientific Basis of Athletic ConditioningN16, les professeurs de l’Université Brigham Young et physiologues de l’exercice Clayne Jensen et Garth Fisher signalent que, parmi les athlètes, les haltérophiles olympiques arrivaient en second après les gymnastes au score général d’un certain nombre de tests de souplesse. Pensez‑y. Vous avez des boxeurs, des voltigeurs, des sauteurs à la perche, des lanceurs de javelot, des patineurs artistiques, des nageurs et des athlètes de toutes les catégories de compétition aux olympiades, et aucun d’eux à part les gymnastes n’est aussi souple que les haltérophiles. Comment ces haltérophiles sont-ils devenus si souples ? En faisant du yoga ? Du Pilates ? Une ribambelle d’exercices pénibles d’étirement ? Non. Leur secret est qu’ils ont une plus grande force musculaire et, grâce à cela, des ligaments et des tendons solides, ce qui permet aux articulations de bouger facilement dans leur pleine amplitude de mouvement.
⇪ La densité osseuse
Nous avons vu que la « musculation » mise en œuvre dans l’entraînement fractionné de haute intensité permettait d’améliorer « la santé », et pas seulement d’accroître la masse musculaire au bénéfice de performances sportives ou d’un rendu esthétique. Un aspect de cette amélioration particulièrement vital pour les personnes âgées est le maintien ou l’augmentation de la densité osseuse. Si l’on ne fait rien pour s’entretenir, le vieillissement est à la fois la cause d’une déficience musculaire (sarcopénieN17) et d’une diminution de la densité minérale osseuseN18 (ostéopénieN19) qui précède l’ostéoporoseN20.
(p. 62–63) Étudions un peu en détail un article récent publié dans l’International Journal of Sports Medicine qui reconnaît le bénéfice — et la sécurité — de la musculation. Bien que la recherche ait démontré à de nombreuses reprises l’effet positif de la musculation sur la construction osseuse, certains ont exprimé leur inquiétude en ce qui concerne la sécurité de l’haltérophilie, notablement pour le bas du dos. Des études antérieures réalisées sur les os de cadavres ont déterminé une force maximale théorique que la vertèbre lombaire humaine moyenne (un os du bas du dos) pourrait supporter avant de s’effondrer. Sur la base de ces études, on a longtemps affirmé qu’appliquer à la région lombaire une force excédant ce maximum théorique pourrait entraîner un endommagement ou une fracture de l’os — pas du tout ce que vous souhaiteriez si vous aviez en vue la construction osseuse. Pour vérifier cette supposition, l’équipe de recherche a pris l’initiative d’examiner la densité minérale osseuseN18 (une mesure de la masse et de la résistance osseuse) d’un individu particulier : l’homme qui se trouvait être le champion du monde du squat lift — son record était de 469 kilogrammes, soit environ 1100 livres. Les radiographies ont montré que son bas du dos était totalement sain, l’alignement normal, sans trace de compression, de hernie, ou de défaut de ses disques, malgré la force incroyable qu’il avait déployée en soulevant cet extraordinaire poids. Mais c’est le scan de densité de sa région lombaire qui a le plus surpris les chercheurs : c’était la plus haute densité minérale osseuse jamais observée. Ce cas unique a plus que doublé le maximum théorique de charge que le bas du dos peut supporter.
(p. 63) Bien entendu, vous pouvez augmenter un peu la densité osseuse en faisant autre chose que de l’haltérophilie, par exemple du jogging ou de l’aerobic, mais les études ont montré que le gain en densité osseuse est moins significatif dans ce type d’exercice qu’avec la musculation, et qu’il se produit principalement au bas du dos, peu dans les hanches, et presque pas du tout dans les bras et les épaules. Ensuite, bien sûr, il faut ajouter le coût du traumatisme que le jogging, kilomètre après kilomètre, inflige aux hanches, aux genoux et aux articulations des chevilles — sans oublier le risque plus élevé de se tordre la cheville, de périostiteN21 tibiale, de genoux décharnés, de morsure de chien, ou de se faire écraser par un chauffard.
(p. 64) Dans certaines circonstances, ces activités peuvent s’avérer contreproductives pour le renforcement de votre ossature. Par exemple, des études ont montré que si l’on associe le jogging ou l’aerobic à un régime faible en calories — typiquement ce que font de nombreuses femmes inquiètes pour leur poids pendant ou après la ménopause — on risque même d’affaiblir encore plus et d’amincir les os du bas du dos et du col du fémur (le pont osseux qui relie votre hanche au sommet de la jambe, lieu fréquent de sérieuses fractures de la hanche). Imaginez tout ce travail acharné résultant en une accentuation de la perte osseuse au lieu de provoquer un gain de force et de densité — pas du tout ce que vous attendiez de vos efforts.
⇪ La génétique s’en mêle…
(p. 74–75) Si la nature vous a doté de muscles abdominaux courts connectés aux articulations par de longs tendons, vous pouvez vous entraîner jusqu’à point d’heure, vous ne ressemblerez jamais à Arnold [Schwarzenegger]. Vous pouvez devenir fort comme un bœuf, vous pouvez développer un physique superbe, mais vous ne gagnerez jamais une compétition de bodybuilding. Pour que vous soyez « déchiré » et « déchiqueté », il faut que vos gènes le permettent. Si vous avez les bons gènes, le Slow Burn [l’exercice de haute intensité] vous déchirera et déchiquètera plus vite que n’importe quelle autre méthode.
Un ouvrage publié il y a une dizaine d’années par un bodybuilder inspiré racontant son expérience dans le monde du bodybuilding de compétition souligne le rôle joué par le capital génétique. [Muscle : Confessions of an Unlikely Bodybuilder, 1992N22] L’auteur [Samuel Wilson Fussel] était un enfant maigrichon qui, après avoir étudié à Oxford, a commencé à travailler comme éditeur. Il s’est mis à faire de la musculation, et peu après il a été attiré par la culture du bodybuilding intensif. Il a abandonné son métier pour consacrer tout son temps à sa nouvelle vocation, a déménagé à “Muscle Beach” en Californie, pris des stéroïdes anabolisants et toutes sortes de produits pour augmenter sa musculature. Malgré ses efforts à plein temps, et malgré les tentatives multiples de régimes de stéroïdes anabolisants et la consommation de centaines de grammes de protéines et d’une douzaine de compléments alimentaires chaque jour, il n’est jamais parvenu même de loin à gagner la moindre compétition. […] Le problème est qu’il n’avait pas les gènes nécessaires, de sorte que malgré ses meilleurs efforts, il ne pouvait pas surpasser le corps dont la nature l’avait doté.
Le récit de Samuel Wilson Fussel, fils d’un auteur bien connu (Paul Fussel), a été critiqué comme une œuvre fictionnelle par des bodybuilders qui ont fréquenté le même club. Il reflète toutefois les désillusions auxquelles doit faire face un sportif qui n’est pas né avec un corps apte à bénéficier de l’entraînement imposé par la pratique professionnelle de sa discipline.
⇪ Conclusion
L’exposé de Hahn et collègues est excessif quand ils postulent que des heures d’entraînement athlétique hebdomadaire peuvent être remplacées par seulement 30 minutes d’exercice de haute intensité… La réalité est plus complexe et fortement variable d’un individu à l’autre. Le sport pratiqué hors compétition (avec soi-même et avec les autres) est une source de plaisir en même temps qu’un exercice d'endurance bénéfique pour la santé. La marche est un exercice indispensable au quotidien.
Ce qui est nouveau, dans une optique de maintien de la santé, c’est la découverte des avantages de l’exercice de haute intensité pour l’entretien et le développement de la masse musculaire, de la densité minérale osseuseN18, de la souplesse et de l’endurance. Si les pratiques sont différentes, elles se complètent harmonieusement, sources de bien-être une fois associées à une hygiène alimentaire et un sommeil réparateur.
Suite (20 ans plus tard) : Entraînement musculaire à intensité variable (Michael Eades)
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Article créé le 28/04/2016 - modifié le 6/04/2024 à 17h32