Entraînement

Entraînement fractionné de haute intensité – théorie

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L’entraînement frac­tionné de haute inten­sité (High-Intensity Interval Training, HIIT) est un mode d’en­traî­ne­ment frac­tionné visant un renfor­ce­ment de la condi­tion physique par de brèves séances (de 15 à 30 minutes) d’exer­cices en anaé­ro­bieN1 [WikipediaN2, version 2016)].

Le HIIT est une variante de ce qu’on appelle commu­né­ment exer­cice contre résis­tance, incluant l’as­pect « haute inten­sité » qui n’est pas expli­cite dans la défi­ni­tion de Wikipedia. D’autre part, nous verrons qu’il peut aussi être exercé en aéro­bieN3. La défi­ni­tion de Wikipedia est donc trop restrictive.

L’article précise que le HIIT serait utile dans la préven­tion du diabète de type 2N4 auprès des popu­la­tions jeunes. Mais la publi­ca­tion à l’ori­gine de cette propo­si­tion (Babraj JA et al., 2009N5) conclut plus large­ment à une meilleure régu­la­tion du méta­bo­lisme de l’in­su­line, et pas seule­ment en préven­tion du diabète. Les auteurs écrivent :

Ce nouveau para­digme d’en­traî­ne­ment effi­cace au niveau du temps peut être utilisé comme une stra­té­gie pour réduire les facteurs de risque méta­bo­liques chez des popu­la­tions séden­taires jeunes ou moyen­ne­ment âgées, qui sans cela ne s’adon­ne­raient pas à de longs entraî­ne­ments aéro­bies.

Nous propo­sons une initia­tion (très modé­rée) au HIIT, ainsi qu’une initia­tion à l'entraînement musculaire MAF de Philip Maffetone dans les ateliers « Santé auto­nome »N6 et les stages Santé - Découverte, en asso­cia­tion avec des pratiques de gymnastique involontaire — l’éveil des musclesN7 et l’éveil des sensa­tionsN8 — qui remplacent avan­ta­geu­se­ment les échauf­fe­ments ou étire­ments du trai­ning clas­sique (voir Le Corps accordéN9 pages 344 et suivantes).

Sommaire

Qui en bénéficie ?

Weights
Source : Gym Clip ArtN10

Le HIIT et l’en­traî­ne­ment muscu­laire MAF peuvent béné­fi­cier à toute personne qui ne souffre pas d’une patho­lo­gie grave, et pas seule­ment celles qui rêvent d’une carrière olym­pique… Toutefois, les débu­tants qui ne sont pas déjà adeptes d’exercice d'endurance doivent les abor­der progres­si­ve­ment, car il faut lais­ser l’or­ga­nisme retrou­ver la faculté de four­nir des efforts de haute inten­sité en évitant notam­ment une solli­ci­ta­tion exces­sive des arti­cu­la­tions ou une accé­lé­ra­tion exces­sive de la fréquence cardiaque.

Dans son article sur la sarco­pé­nieN11, Murtaza Ahmed écrit (2015N12) :

Nous perdons en fait à peu près 3 kg de muscle par décen­nie, mais de façon plus supre­nante ce déclin débute à la tren­taine. Malheureusement, cela fait partie des dégra­da­tions que la plupart des gens ignorent, car elles ne présentent pas de symp­tômes, mais les consé­quences d’une absence de préven­tion précoce peuvent être dévastatrices.

Il est inté­res­sant de savoir que la raison pour laquelle nous n’avons pas de symp­tômes est que pendant notre jeunesse nous avons bien plus de muscles que néces­saire pour nos tâches quoti­diennes. Nous utili­sons seule­ment 30 % de nos forces pour accom­plir toutes les tâches impor­tantes de la vie courante, comme se lever d’une chaise, grim­per des esca­liers, de sorte que si notre force maxi­male dimi­nue de 5 % à chaque tranche d’an­nées, nous n’y prêtons pas atten­tion puisque nous pouvons encore accom­plir toutes nos acti­vi­tés habi­tuelles avec facilité.

Ce constat démontre l’in­té­rêt d’une pratique appa­ren­tée à de la « musculation ».

Dans l’avis de l’Agence fran­çaise de sécu­rité sani­taire des alimentsN13 sur l’évaluation des besoins nutri­tion­nels chez les personnes âgées fragiles ou atteintes de certaines patho­lo­gies (9 janvier 2009N14, page 8) il est précisé :

Chez des personnes âgées vivant à domi­cile ou insti­tu­tion­na­li­sées, défi­nies comme fragiles, l’exer­cice physique contre résis­tance permet d’améliorer la force et la fonc­tion muscu­laire. […] la prise en charge nutri­tion­nelle permet d’optimiser l’efficacité d’un programme d’exercice physique […] Ainsi, l’exercice physique et la prise en charge nutri­tion­nelle ont une action syner­gique et complé­men­taire sur le statut nutri­tion­nel et les capa­ci­tés fonc­tion­nelles. L’activité physique, dans la mesure des capa­ci­tés de chaque personne âgée, doit être envi­sa­gée dans le cadre de la prise en charge nutritionnelle.

Le HIIT a été accusé — prin­ci­pa­le­ment par ceux qui vendent des méthodes « clas­siques » — d’en­dom­ma­ger les arti­cu­la­tions et de provo­quer des lésions irré­ver­sibles dans les muscles. C’est effec­ti­ve­ment ce qui peut se produire lors­qu’on travaille en forçage et non en inten­sité, sans respec­ter les plages de récu­pé­ra­tion, ou à une cadence provo­quant des surcharges et des mouve­ments indé­si­rables. L’article de Jade Teta (2006N15) explique que, au contraire, l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité bien prati­qué produit un effet anti-inflammatoire activé par les myokinesN16. Ce risque de forçage n’existe pas dans l'entraînement musculaire MAF de Philip Maffetone car on ne pousse pas les muscles à « l’échec ».

Le rôle de l’in­flam­ma­tion dans la répa­ra­tion d’un muscle endom­magé, suite à un acci­dent ou un effort exces­sif, est très mal compris des spor­tifs et de leurs soigneurs quand ils s’obs­tinent à utili­ser de la glace pour réduire la douleur et « soigner l’in­flam­ma­tion ». Cette pratique stupide a été popu­la­ri­sée en 1978 par Gabe Mirkin, méde­cin du sport, sous l’acro­nyme RICE : “Rest, Ice, Compression and Elevation”. Mirkin recon­naît lui-même aujourd’­hui que c’était une erreur, expli­quant ce qui l’avait conduit à préco­ni­ser le proto­cole et regret­tant qu’au­cune expé­ri­men­ta­tion n’ait été conduite pour véri­fier son effi­ca­cité en termes de durée de soinN17. Une étude publiée en 2010 dans le jour­nal de la Federation of American Societies for Experimental BiologyN18 permet de comprendre que la glace retarde la répa­ra­tion musculaire :

Le corps déploie son équipe de répa­ra­tion et de nettoyage sous la forme de macro­phages, de globules blancs qui englou­tissent et digèrent les débris cellu­laires. Ils produisent la protéine facteur de crois­sance analogue à l’in­su­line [IGF‑1N19] qui est néces­saire pour la répa­ra­tion et la régé­né­ra­tion muscu­laire. La même étude a montré que le blocage de l’in­flam­ma­tion retarde la guéri­son en empê­chant la libé­ra­tion d’IGF‑1.

Le forçage est presque inévi­table dans une pratique tein­tée de maso­chisme — « souf­frir pour deve­nir belle/beau », se puri­fier — ou encore dans un esprit de compé­ti­tion — “no pain no gain” : faire étalage de sa force… Les personnes en surpoids ont aussi tendance à croire que plus elles se dépensent plus elles minci­ront, ce qui est inexact car la dépense calo­rique atteint un plateau pour un même programme d’en­traî­ne­ment, par une adap­ta­tion du méta­bo­lisme à l’ac­ti­vité physique (Ponzer H et al., 2015N20).

Les personnes âgées, tout parti­cu­liè­re­ment, devraient se conten­ter d’exer­cices lents (voire statiques) au moins jusqu’à ce qu’elles aient retrouvé la pleine toni­cité de leur muscu­la­ture et acquis une maîtrise tech­nique des mouve­ments. Elle sont la meilleure cible de l'entraînement musculaire MAF de Philip Maffetone.

À l’op­posé, pour déve­lop­per plus rapi­de­ment et plus effi­ca­ce­ment sa muscu­la­ture, on peut prati­quer une variante du HIIT : l’entraînement musculaire à intensité variable.

Ce n’est pas de l’exercice d’endurance !

Les spécia­listes de l’en­traî­ne­ment spor­tif, comme le méde­cin urgen­tiste et halté­ro­phile Doug McGuffN21 (voir vidéoN22), affirment que l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité est indis­pen­sable en complé­ment de l’exer­cice d’en­du­rance bien connu (voir articleN23). Son point de vue reflète celui de l’American College of Sports Medicine en 2014, ainsi que des adeptes du CrossFitN24.

L’articulation entre les formes d’exer­cice est soigneu­se­ment expli­quée dans l’ou­vrage Primal Endurance (2016N25) de Mark Sisson et Brad Kearns. Les auteurs distinguent par ailleurs (page 149) deux caté­go­ries d’exer­cice contre résis­tance (Primal Essential Movements et Maximum Sustained Power) ciblant des objec­tifs distincts que je décri­rai plus loin.

L’étude de Gillen GB et al. (2016N26) a comparé les effets de 3 séances hebdo­ma­daires de 3 minutes de Sprint Interval Training (péda­lage intense à envi­ron 500 W incluant deux phases de repos d’une minute) à 3 séances hebdo­ma­daires de péda­lage régu­lier pendant 45 mn (envi­ron 110 W) pendant 12 semaines. Les effets béné­fiques de ces deux modes d’en­traî­ne­ment étaient compa­rables, bien que celui à haute inten­sité ait corres­pondu à un volume et un temps 5 fois infé­rieur de dépense énergétique.

Pour Sisson et Kearns (2016N25, p.185–206), le sprint prati­qué de manière précau­tion­neuse est la « cerise sur le gâteau » de l’en­traî­ne­ment contre résis­tance, car il permet aux athlètes de déve­lop­per leur « puis­sance explo­sive », et à tout indi­vidu de béné­fi­cier d’un afflux excep­tion­nel d’hor­mones répa­ra­trices pendant plusieurs jours. Nous verrons (dans mon article Entraînement fractionné de haute intensité - pratique) que la pratique de sprint dont il est ques­tion corres­pond à une puis­sance bien supé­rieure à 500 W pour une durée n’ex­cé­dant jamais 30 secondes. Il est à clas­ser comme Maximum Sustained Power alors que le Sprint Interval Training de Gillen GB et collègues était plutôt un exemple de Primal Essential Movements.

Une enquête améri­caine (1997–2014N27) sur le suivi d’un guide de bonne pratique d’exer­cice physique (2008 Physical Activity Guidelines for AmericansN28) révèle une adhé­sion plus forte aux pres­crip­tions d’exer­cice d’en­du­rance qu’à celles d’exer­cice contre résis­tance. Katherine Hobson (2016N29) fait obser­ver que cette diffé­rence est plus marquée chez les femmes que chez les hommes.

Parmi les femmes âgées de 25 à 64 ans, par exemple, 49 % recon­nais­saient suivre les recom­man­da­tions de quan­tité d’exer­cice aéro­bie, tandis que seule­ment 18 % respec­taient les indi­ca­tions pour les deux types d’exer­cice [aéro­bie et muscu­la­tion]. Chez les hommes de la même tranche d’âge, ces pour­cen­tages étaient de 53 % et 25 %.

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Source : CDC
Credit : Meredith Rizzo/NPR

Ce déca­lage est le reflet d’un biais cultu­rel : l’exer­cice contre résis­tance est asso­cié à une affir­ma­tion de « viri­lité ». Les hommes sont suppo­sés faire étalage de leur force muscu­laire tandis que les femmes devraient se satis­faire d’une « mise en forme » (strong men and curly women). Elles sont d’ailleurs plus souvent repré­sen­tées en train de faire de la gym tonique, de la danse ou du jogging, que de soule­ver des poids…

➡ Quelle propor­tion de femmes ont lu cet article jusqu’ici ? 😉

Katherine Hobson rappelle dans son articleN29 que seul l’exer­cice contre résis­tance permet d’évi­ter une perte de densité miné­rale osseuseN30 qui conduit à l’ostéo­po­roseN31 tant redou­tée chez les femmes âgées. Leur longé­vité supé­rieure à celle des hommes, en moyenne, plaide en faveur d’un entre­tien de la masse muscu­laire qui leur permet de rester auto­nome et d’évi­ter des chutes fatales (voir mon article Vivre bien et longtemps).

Des études comme celle de Tjønna AE et al. (2008N32) suggèrent que l’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité (HIIT) serait plus appro­prié que l’exer­cice d’en­du­rance pour augmen­ter la consom­ma­tion maxi­male d’oxygène (VO2maxN33) et réduire les facteurs de risque du syndrome méta­bo­liqueN34 : obésité, diabète etc.

Dans notre expé­rience, toute­fois, cette augmen­ta­tion du VO2max ne s’est produite spec­ta­cu­lai­re­ment qu’en prati­quant des exer­cices brefs à grande vitesse. Cette obser­va­tion rejoint celle de spor­tifs qui déve­loppent leur vitesse maxi­male aéro­bie (VMAN35) grâce à des entraî­ne­ments « frac­tion­nés » ou « par inter­valles » incluant une succes­sion d’ef­forts intenses aux alen­tours de la VMA (95–110 %) et de courts repos (infé­rieurs à la durée de l’ef­fort et calcu­lés pour ne permettre qu’une récu­pé­ra­tion semi-complète) (page Wikipedia). Cette défi­ni­tion évoque des pratiques proches du proto­cole Tabata qui peuvent béné­fi­cier à des athlètes mais gagnent à être rempla­cées par des sprints pour un moindre risque — voir mon article Entraînement fractionné de haute intensite - pratique.

La recherche du maxi­mum d’in­ten­sité sur une courte durée, qui diffé­ren­cie le HIIT d’une muscu­la­tion clas­sique, conduit à une meilleure réponse à l’exer­cice aux plans neuro­mus­cu­laire et hormo­nal, comme l’ont véri­fié les études de Ahtiainen JP et al. (2003N36) et de Linnamo V et al. (2005N37).

McGuff déclare dans un entre­tienN38 :

[…] il ne s’agit pas néces­sai­re­ment de courir pendant des heures et des heures. C’est la manière de faire qui compte. Dans la nature, vous ne verrez jamais un animal faire du jogging… Tout ce que fait l’ac­ti­vité répé­ti­tive, c’est réduire la plas­ti­cité de votre système physio­lo­gique — en lui ôtant cette capa­cité de gérer des niveaux d’ef­fort très variés en peu de temps. Vous dimi­nuez en fait votre plas­ti­cité et la faculté de vous adap­ter au stress physique en général.

Cette opinion est exces­sive et contra­dic­toire avec l’en­sei­gne­ment de l’acti­vité aéro­bie à faible niveauN39 tel que défi­nie par Phil Maffetone — voir mon article Exercice d'endurance. Un plai­doyer vigou­reux, exclu­sif lui aussi, en faveur de l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité est donné dans la première partie de l’ou­vrage The Slow Burn Fitness Revolution (2003). J’en ai traduit des extraits dans mon article The Slow Burn Fitness Revolution. Pour les anglo­phones, une vidéo de Skyler Tanner (2013N40) expose les carac­té­ris­tiques et avan­tages de l’exer­cice contre résis­tance qui s’ap­pliquent entiè­re­ment au HIIT.

Avant de préci­ser ce que l’exer­cice de haute inten­sité peut nous appor­ter, il convient de clari­fier les termes inten­sité et frac­tionné.

Un entraînement de haute intensité

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Source : Anatomy Human BodyN41

Notre masse muscu­laire est un mélange de 3 types de fibresN42 :

  • Les fibres « lentes » (rouges, type I, slow twitch) qui sont les plus utili­sées en exer­cice d’en­du­rance : marche, cyclisme, nata­tion… Elles permettent de main­te­nir une contrac­tion très long­temps et sont peu soumises à la fatigue. Elles puisent leur éner­gie en utili­sant l’oxy­gène dans le sang (condi­tions aéro­biesN3), ce qui permet leur alimen­ta­tion régu­lière en adéno­sine triphos­phate (ATPN43).
  • Les fibres « rapides » (roses, types IIa et IIab, fast-twitch) qui peuvent se contrac­ter envi­ron 5 fois plus vite que les fibres lentes, mais résistent aussi à la fatigue, étant alimen­tées par leurs capil­laires. On distingue les IIa (rapides à endu­rance moyenne) et les IIab (rapides à faible endu­rance). Ces fibres puisent leur éner­gie dans une dégra­da­tion du glucose (gluco­lyse) en condi­tions anaé­ro­biesN44 qui produit du lactateN45.
  • Les fibres « ultra­ra­pides » (blanches, type IIx, super-fast twitch) qui peuvent se contrac­ter envi­ron 10 fois plus vite que les lentes et sont desti­nées aux efforts excep­tion­nels, volon­taires et de très courte durée : soule­ver une lourde charge, faire un sprint etc. Elles sont blanches car elles ne possèdent pas de capil­laires et doivent donc consom­mer direc­te­ment (en condi­tions anaé­ro­biesN44) l’éner­gie stockée dans les muscles sous la forme de phos­pho­créa­tineN46 et d’ATPN43 (système des phos­pha­gènes, ATP-PCN47).

L’entraînement de haute inten­sité est celui qui fait inter­ve­nir les fibres blanches, par consé­quent dans des efforts intenses de courte durée. Cette forme d’exer­cice est au départ anaé­ro­bieN44, avec une venti­la­tion modé­rée ou inexis­tante puisque la solli­ci­ta­tion est brève, alors que l’exer­cice d’en­du­rance est toujours aéro­bieN3, utili­sant une grande quan­tité d’oxy­gène. Toutefois, si l’exer­cice inten­sif est de plus longue durée (jusqu’à 4 minutes), avec de courtes inter­rup­tions (une dizaine de secondes) ne permet­tant qu’une récu­pé­ra­tion partielle, le sujet peut finir par respi­rer inten­sé­ment et augmen­ter ainsi sa consom­ma­tion maxi­male d’oxygène (VO2maxN33). Il me paraît donc essen­tiel de ne pas restreindre l’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité à la pratique d’exer­cices en anaé­ro­bieN44, comme le suggère la page WikipediaN2. La confu­sion entre ces deux notions (inten­sité et anaé­ro­bie) exclut les exer­cices inten­sifs de moyenne durée. Or ces derniers, moins centrés sur la muscu­la­tion, ont une inci­dence sur la santé mito­chon­drialeN48 plus impor­tante que de simples exer­cices de résis­tance, comme le montre l’étude de Robinson M et al.N49.

Une option inté­res­sante pour atteindre la haute inten­sité sans mettre en danger ses arti­cu­la­tions consiste à exécu­ter les mouve­ments en extrême lenteur (voir présen­ta­tion et démons­tra­tion en vidéoN50) ou même en « statique » (comme des postures). Dans ce cas, tous les types de fibres muscu­laires sont mobi­li­sés. À l’in­verse, les mouve­ments peuvent être très rapides (un sprint à la course ou à vélo, une marche éner­gique…) mais cette manière de faire néces­site un entraî­ne­ment progres­sif dans de bonnes condi­tions médi­cales ; elle est donc moins adap­tée aux personnes âgées et certai­ne­ment à celles qui souffrent d’in­suf­fi­sance cardiaque.

La diffé­rence entre cet entraî­ne­ment et une pratique négli­geant la qualité de l’exer­cice est expli­quée sur la vidéo : Lifting Weights Does Not Help You Build Muscle and Lose Fat (Darin SteenN51).

L’intensité

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Explication vidéo en anglais : N52

Les fibres blanches ne supportent que des efforts de courte durée, par exemple une à deux minutes selon les muscles solli­ci­tés et le niveau d’en­traî­ne­ment. Pour un débu­tant ou une personne âgée, cet effort peut même se limi­ter à quelques secondes.

Dans l’ap­proche Maximum Sustained Power (Sisson et Kearns 2016N25, p.149) on cherche à parve­nir à un pic au-delà duquel l’ef­fort devien­drait doulou­reux — le muscle flan­che­rait de lui-même — ce qui peut induire un rythme cardiaque accé­léré quand les mouve­ments sont rapides (exer­cice « cardio »). Pour ces raisons, on le désigne comme peek fitness exer­cize.

➡ Dans la litté­ra­ture sur l’en­traî­ne­ment spor­tif, le terme « cardio » désigne plus souvent l’exer­cice d’en­du­rance qui provoque à coup sûr une accé­lé­ra­tion de la fréquence cardiaque. Nous voyons ici que l’exer­cice de haute inten­sité peut aussi « monter en cardio » sous certaines conditions.

L’autre approche que Sisson et Kearns dési­gnent comme Primal Essential Movements (2016N25, p.149) consiste à ne pas pous­ser le muscle jusqu’à l’échec mais à effec­tuer des répé­ti­tions du mouve­ment plus nombreuses après récu­pé­ra­tion, qu’on peut inté­grer à la vie quoti­dienne : soule­ver des poids modé­rés, se suspendre à une barre de trac­tion, s’ac­crou­pir, faire des trac­tions ou des planches etc. Ces mouve­ments main­tiennent ou augmentent la masse muscu­laire, bien qu’ils ne déclenchent pas la « fontaine de jouvence hormo­nale » des exer­cices en Maximum Sustained Power. Cet entraî­ne­ment est très proche (sinon iden­tique) de l'entraînement musculaire MAF de Philip Maffetone.

Quoi que l’on fasse, il faut veiller à ne pas tenter de fran­chir la limite. Le plus simple serait de mesu­rer sa fréquence cardiaque en se fixant une zone de sécu­rité : pas plus de 90 % de la fréquence maxi­male, sauf dans un sprint.

La limite n’est pas pour autant une donnée statique. Comme l’écrit Lucas dans son article La surcharge progressive :

L’entraînement sert à détruire les fibres muscu­laires, et le repos à les recons­truire (plus grosses et fortes si on a bien travaillé). […]
Il faut garder en tête que le corps n’a qu’une seule volonté, survivre. Il faut donc lui faire comprendre qu’il doit sans cesse évoluer, car la diffi­culté, elle, va sans cesse augmenter.

La progres­si­vité est préci­sé­ment ce qui permet d’évi­ter le suren­traî­ne­ment — voir ci-dessous.

Une formule couram­ment utili­sée pour évaluer la fréquence cardiaque maxi­male est (pour un homme) 220 – votre âge. Par exemple, à 60 ans la fréquence maxi­male d’un homme serait 220 – 60 = 160 batte­ments par minute. Pour une femme, on ajou­te­rait 6 bpm au résul­tat. Une autre formule propo­sée par Gellish RL et al. (2007N53) est : 207 – (âge x 0.7) ce qui donne 165 bpm pour un homme ou une femme de 60 ans.

Cette fréquence est bien entendu plus élevée que celle recom­man­dée par Dr Phil Maffetone pour opti­mi­ser la pratique de tout exer­cice d’en­du­rance, à savoir 180 – votre âge, autre­ment dit 120 bpm pour un indi­vidu de 60 ans (Maffetone 2015N54, p. 286–287) — voir mon article Exercice d'endurance pour plus de détails.

Dans ses ouvrages (2015N54, p. 14–15), Maffetone critique comme un mythe l’éva­lua­tion par le calcul de la « fréquence maxi­male », signa­lant qu’elle est fonc­tion du type d’ac­ti­vité, de l’en­traî­ne­ment du spor­tif, de son niveau de stress etc. Les deux formules que j’ai citées produisent d’ailleurs des résul­tats discor­dants, l’une pouvant conduire à un suren­traî­ne­ment et l’autre à un sous-entraînement. La vraie fréquence maxi­male est celle mesuré dans des condi­tions de labo­ra­toire. Seulement un tiers des sujets atteignent une limite proche de celle donnée par la formule, un tiers nette­ment en dessous et un tiers nette­ment en dessus (Maffetone & Allen, 2010N55, p.68). Une expli­ca­tion de cette disper­sion tient au fait que les promo­teurs de cette formule avaient déter­miné un écart type de 12 bpm dans leur mesureN56.

➡ Intrigué par les diffé­rences obser­vées lors d’exer­cices à grande vitesse, j’ai demandé à un cardio­logue, au terme d’un examen écho­gra­phique sous effort, quelle fréquence cardiaque maxi­male il avait mesuré. Sa réponse : « Ben voyons ! 220 moins votre âge ! » À ranger dans la boîte « à quoi servent les cardiologues ? »

Une mesure de la fréquence cardiaque maxi­male dans des circons­tances précises peut se faire lors d’une séance de sprint ou de Tabata — voir mon article Entraînement fractionné de haute intensité - pratique. Elle permet de fixer à 90 % du maxi­mum la fréquence à ne pas dépas­ser dans l’en­traî­ne­ment anaé­ro­bie (de haute inten­sité). Pour les athlètes, toujours selon Maffetone, une fréquence maxi­male mesu­rée plus bas que celles obte­nues par les formules peut signa­ler un problème neuro­lo­gique (du système nerveux auto­nome) qui contrôle le cœur, les vais­seaux sanguins, et d’autres fonc­tions — et peut même indi­quer un risque accru de mort subite (ces cas sont parfois asso­ciés à des rythmes maxi­maux très bas) (2016N54, p. 16).

Pour déclen­cher la produc­tion d’hor­mone de crois­sance, la montée en inten­sité doit entraî­ner une augmen­ta­tion de la fréquence cardiaque ainsi qu’un échauf­fe­ment corres­pon­dant à une augmen­ta­tion de tempé­ra­ture corpo­relle d’en­vi­ron 0.6° C (Vigas M et al., 2000N57). Bien se couvrir est une bonne habi­tude — éven­tuel­le­ment jusqu’au point de déclen­che­ment de la suda­tion, selon Campbell (2006, p. 45).

Un entraînement fractionné

Le frac­tion­ne­ment est inévi­table puisque tout effort intense doit alter­ner avec des phases de récu­pé­ra­tion. Celles-ci sont rela­ti­ve­ment longues, par exemple une minute et demie après une minute d’ef­fort. Leur durée corres­pond au temps néces­saire pour détendre entiè­re­ment les muscles et retrou­ver la fréquence cardiaque du repos. On comprend donc que, par exemple, prati­quer un sprint à pleine vitesse au terme d’une course d’en­du­rance n’est béné­fique que si sa durée est extrê­me­ment brève (moins de 30 secondes pour fonc­tion­ner en anaé­ro­bie)… Certains joggers, mara­tho­niens ou cyclistes amateurs fran­chissent la limite sans s’en rendre compte, à la recherche d’une sensa­tion d’eu­pho­rie (que Mark Sisson désigne par “black hole”) au-delà de signaux doulou­reux : perte d’orien­ta­tion, douleurs dans la poitrine, crampes etc. (voir cette pageN58 et l’ar­ticle hyper­ven­ti­la­tionN59 sur Wikipedia). Dans une pratique maîtri­sée, toute­fois, comme le signale un commen­ta­teur, la capnie [N60 pres­sion partielle de CO2] est assez bien main­te­nue pendant les efforts intenses vue l’énorme produc­tion de CO2 par les muscles à ce moment-là. Le méca­nisme de régu­la­tion du flux sanguin vers le cerveau est exposé par Querido JS & Sheel AW (2007N61).

Le manque d’oxy­gène provo­qué par l’exer­cice inten­sif dans sa phase anaé­ro­bie est un des facteurs déclen­cheurs de la produc­tion de l’hor­mone de crois­sance HGH (voir ci-dessous).

Un deuxième aspect du frac­tion­ne­ment réside dans la pério­di­cité des séances de Maximum Sustained Power. En raison de son inten­sité, la durée de ces séances excède rare­ment quinze à trente minutes. Mais le temps de récu­pé­ra­tion entre deux séances est de 48 heures mini­mum. Il augmente avec l’âge et avec l’inten­sité des exer­cices. On alterne donc les séances, ce qui abou­tit à un total de moins de deux heures par semaine. Cette alter­nance n’est pas néces­saire dans l'entraînement musculaire MAF de Philip Maffetone. La pratique du HIIT est donc plus « effi­cace » en termes de temps que celle de l’exer­cice aéro­bie d’en­du­rance, mais surtout elle vise des amélio­ra­tions qui ne sont pas ciblées par lui. Les trois pratiques (incluant les Primal Essential Movements) sont en fait complé­men­taires, aussi bien pour les athlètes que pour les personnes veillant à leur santé.

Les effets bénéfiques de l’exercice de résistance

HGH_kidsImage6

Les travaux scien­ti­fiques montrent que l’or­ga­nisme est parti­cu­liè­re­ment actif pendant les périodes de récu­pé­ra­tion : sécré­tion de l’hormone de crois­sance humaine (Human Growth Hormone, HGHN62) qui a au moins trois effets : la synthèse des protéines (néces­saires à la crois­sance muscu­laire), la mobi­li­sa­tion des réserves lipi­diques, et une inhi­bi­tion de l’oxy­da­tion des glucides dans les tissus. Ces effets perdurent à l’âge adulte bien que la taille du sujet n’aug­mente plus.

L’hormone HGH est une clé de la santé, de la force et de la longé­vité. Un défi­cit en hormone de crois­sance entraîne une dimi­nu­tion de la masse maigre, une augmen­ta­tion de la masse grasse, un arrêt de la crois­sance des carti­lages et des os, une tendance dépres­sive, et une dimi­nu­tion de la résis­tance à l’ef­fort et au froid (WikipediaN63). Elle joue un rôle aussi impor­tant que la vitamine D dans le méta­bo­lisme humain. Ces deux substances peuvent être consi­dé­rées comme essen­tielles pour ralen­tir le vieillis­se­ment.

human_growth_hormone_chart
Déclin du taux jour­na­lier de produc­tion
d’hor­mone de crois­sance humaine.
Source : N64

La produc­tion de HGH dimi­nue drama­ti­que­ment avec l’âge (voir graphe ci-contre), mais il a été mesuré qu’une séance de 20 minutes d’exer­cice de haute inten­sité (en Maximum Sustained Power) pouvait l’aug­men­ter de plus de 7 fois (voir l’ar­ticleN65 et la trans­crip­tion d’un entre­tien avec Phil CampbellN66).

Il faut savoir, à ce propos, que l’ad­mi­nis­tra­tion de soma­tro­pine (rhGH, recom­bi­nant human growth hormoneN67) pour compen­ser le déclin de sa produc­tion natu­relle est à éviter pour deux raisons : (1) elle pour­rait dimi­nuer la protec­tion contre les cancers (voir articleN68), (2) elle bloque la produc­tion de l’hor­mone HGH natu­relle, de sorte que la déchéance est encore plus rapide une fois qu’on inter­rompt le traitement.

HGH-IGF1
Sous l’ef­fet de l’exer­cice, l’hor­mone de
crois­sance (HGH) produit de l’IGF‑1
direc­te­ment dans les muscles (mIGF‑1),
mais aussi dans le foie sous forme
circu­lante (cIGF‑1). Cette deuxième forme
exerce un effet régu­la­teur de la HGH en
agis­sant sur la glande pitui­taire.
Source : N69.

On lit sur certains sites que l’hor­mone de crois­sance favo­ri­se­rait la crois­sance des cellules cancé­reuses. En réalité, ce n’est pas la HGH mais le facteur de crois­sance ressem­blant à l’insuline (IGF‑1N19) qui en est respon­sable. L’hormone de crois­sance (HGH) produit de l’IGF‑1 par l’in­ter­mé­diaire du foie, mais elle produit en même temps des récep­teurs de l’IGF‑1 qui inhibent son effet sur les cellules cancé­reuses. La rela­tion entre HGH et IGF‑1 est décrite avec des détails sur la crois­sance muscu­laire dans l’ar­ticle Regulation of muscle mass by growth hormone and IGF‑1 (Velloso CP, 2008N69).

L’étude de Dethlefsen C et al. (2017N70) a proposé un modèle expli­ca­tif de l’ef­fet protec­teur de l’exer­cice inten­sif contre le cancer du sein.

Compenser la dimi­nu­tion de produc­tion de HGH liée au vieillis­se­ment est l’ob­jec­tif affi­ché du programme proposé par Phil Campbell dans son ouvrage Ready, Set, GO !N71. L’auteur y présente de manière systé­ma­tique (et acces­sible) plusieurs solu­tions de trai­ning adap­tées aux personnes de plus de 50 ans, avec une gamme d’exer­cices bien docu­men­tés et caté­go­ri­sés selon les bien­faits que l’on peut en reti­rer. J’en recom­mande vive­ment la lecture aux anglophones.

L’étude de Thibaux Van der Steed et collègues (2021N72), signa­lée par Mark Sisson dans sa lettre du 16/07/2023, apporte un éclai­rage nouveau sur le rôle de l’hista­mineN73, une molé­cule de signa­li­sa­tion du système immu­ni­taire. Le séances d’en­traî­ne­ment, dans cette étude, étaient une combi­nai­son d’exer­cice d’en­du­rance et d’exer­cice inter­mit­tent de forte inten­sité — vélo station­naire à 150W pendant 10 minutes. Sisson commente :

Il s’avère que les anti­his­ta­mi­niques, en inhi­bant les effets du média­teur inflam­ma­toire qu’est l’his­ta­mine, atté­nuent égale­ment les effets adap­ta­tifs béné­fiques de l’exercice.

L’exercice est une agres­sion inflam­ma­toire à laquelle l’or­ga­nisme réagit en deve­nant plus fort, afin de pouvoir faire face à d’autres agres­sions simi­laires à l’ave­nir. « Devenir plus en forme », c’est en fait « deve­nir meilleur pour faire face à l’agres­sion inflam­ma­toire due à l’exer­cice ». C’est atté­nuer l’ef­fet de cette l’agres­sion, afin de pouvoir faire face à des agres­sions plus impor­tantes, et de main­te­nir les perfor­mances et l’homéostasie.

C’est cela la forme physique.

Le lactate produit par l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité n’est pas seule­ment un déchet, c’est égale­ment une pseu­do­hor­mone qui peut traver­ser la barrière hémato-encéphalique et stimu­ler le facteur neuro­tro­phique issu du cerveau (brain-derived neuro­tro­phic factor, BDNFN74). Dans le cerveau, le BDNF est actif dans l’hip­po­campe, le cortex et le prosen­cé­phale basal, des aires vitales pour l’apprentissage, la mémoire et d’autres fonc­tions cogni­tives (Shimada H et al., 2014N75). Il influe aussi sur la mémoire à long terme. Pour un exposé détaillé, suivre les liens sur cette page du site Mental Health Daily (2016N76).

Chez les sujets souf­frant d’un engrais­se­ment du foie causé par d’autres facteurs que l’al­cool (non-alcoholic fatty liver disease, NAFLDN77), l’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité faci­lite le désen­gor­ge­ment du foie, indui­sant une perte de poids et l’amé­lio­ra­tion d’in­dices comme le risque de cardio­pa­thie (Hallsworth K et al., 2015N78).

L’exercice de résis­tance permet de stocker des réserves de glucose sous forme de glyco­gène (réserve éner­gé­tiqueN79) dans les tissus muscu­laires, au lieu de les trans­for­mer en trigly­cé­ridesN80 stockés dans les cellules adipeuses. Ce qui signi­fie concrè­te­ment une perte de graisse au profit de la masse muscu­laire. Toutefois, l’ef­fi­ca­cité de ce proces­sus dépend de l’ap­port alimen­taire en glucides et lipides. Une diète « pauvre en glucides et riche en graisses » (LCHFLow Carb High Fat) peut faci­li­ter ce rééqui­li­brage — voir mes articles Glucides ou lipides ? et Manger et Bouger ?

halteres

Une étude (Gillen JB et al., 2012N81) a montré qu’une seule séance d’en­traî­ne­ment de haute inten­sité amélio­rait le taux de sucre dans le sang pendant 24 heures chez des personnes souf­frant de diabète de type 2N4. Pour les mêmes diabé­tiques, une heure par semaine d’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité se révèle effi­cace dès la deuxième semaine (voir page de Helen KolliasN82).

Dunstan DW et al. (2002N83) ont révélé que l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité permet­tait un meilleur contrôle de la glycé­mie chez des personnes âgées diabétiques.

Ils écrivent :

D’autres effets béné­fiques comme l’aug­men­ta­tion de la force muscu­laire et l’aug­men­ta­tion de la masse maigre dési­gnent l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité comme une compo­sante prati­cable et effi­cace dans la prise en charge de patients âgés atteints de diabète de type 2.

Liu J et al. (2018N84) ont confirmé ce résul­tat dans une méta-analyse couvrant 30 essais cliniques, montrant que les effets béné­fiques de l’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité étaient supé­rieurs à ceux d’une acti­vité physique modé­rée pour ce qui concerne la glycé­mie, la sensi­bi­lité à l’in­su­line, la réduc­tion du surpoids et la consom­ma­tion maxi­male d’oxy­gène. Il faut comprendre toute­fois que ce qu’ils appellent « acti­vité physique modé­rée » ne corres­pond pas exac­te­ment à l’exer­cice aéro­bie décrit dans mon article Exercice d'endurance. Comme déclaré plus haut, les pratiques se complètent et devraient être inté­grées à tout programme d’en­traî­ne­ment spor­tif ou de main­tien en bonne santé.

L’article de Jaureguizar KV et al. (2016N85) décrit le même avan­tage de l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité (avec des mouve­ments lents) pour les personnes souf­frant de cardio­pa­thies. Celui de Wisløff Ulrik et al. (2007N86) avait établi cet avan­tage pour ce qui concerne les patients âgés. Dunstan DW et al. (2005N87) ont constaté que le contrôle de la glycé­mie n’était pas main­tenu une fois que le patient s’en­traîne à son domi­cile, en raison d’une dimi­nu­tion de la régu­la­rité et de l’in­ten­sité de l’exercice.

Une méta-analyse de 2015 compa­rant le HIIT à de l’exer­cice en continu à inten­sité modé­rée (MICT) chez les personnes atteintes de coro­na­ro­pa­thie a révélé que le HIIT entraî­nait une amélio­ra­tion plus impor­tante du VO2maxN33, mais que le MICT entraî­nait une réduc­tion plus impor­tante du poids corpo­rel et de la fréquence cardiaqueN88. La première partie de ce résul­tat est confir­mée par la méta-analyse de Xie B et al. (2017N89).

Les effets spéci­fiques sur l’an­xiété de l’en­traî­ne­ment de haute inten­sité chez des sujets sains, ou souf­frant d’une patho­lo­gie physique ou mentale, ont été démon­trés dans plusieurs études — voir la méta-analyse de Gordon R et al. (2017N90).

Au béné­fice des personnes obèses, on commence à comprendre que cette pratique contri­bue­rait à dimi­nuer la résis­tance à la leptineN91 (voir articleN92), une hormone sécré­tée par les cellules adipeuses pour infor­mer le cerveau que l’or­ga­nisme est parvenu à satiété. L’expérimentation animale (Fernandes MFA et al., 2015N93) suggère par ailleurs que la baisse de niveau de leptine augmen­te­rait le besoin d’exer­cice, ce qui pour­rait enclen­cher un cycle vertueux (Polan S, 2015N94).

Une amélio­ra­tion de la nutrition est indis­pen­sable à la régu­la­tion du poids, asso­ciée à des phases régu­lières de restric­tion calo­rique — voir mon article Jeûne et restriction calorique. Il faut en effet éduquer l’or­ga­nisme à puiser son éner­gie dans les graisses (libé­rées par l’exer­cice) plutôt que dans les glucides four­nis en quan­tité exces­sive par une alimen­ta­tion déséqui­li­brée (et du grigno­tage). Les graisses inuti­li­sées retournent en effet dans les tissus adipeuxN95.

L’enseignement de Sisson et KearnsN25 comporte une partie centrale (pages 89–147) consa­crée à la nutri­tion des athlètes, selon une approche LCHF incluant des phases de diète céto­gène (voir mon article Diète cétogène — expérience) à l’en­contre de la pratique encore domi­nante du « gavage gluci­dique ». Le sous-titre de leur ouvrage Primal Endurance (2016N25) est “Become a Fat-Burning Beast!” Ils mettent en garde sur le fait que les perfor­mances peuvent dimi­nuer pendant une période de quelques semaines ou quelques mois qui corres­pond à l’adap­ta­tion de l’or­ga­nisme à ce mode de produc­tion d’éner­gie, néces­si­tant notam­ment la produc­tion inten­sive de mito­chon­driesN48.

Ni trop ni trop peu : le principe Goldilocks

Un conte de fées anglais du 19e siècle raconte l’his­toire d’une jeune fille nommée Goldilocks décou­vrant la maison fores­tière d’une famille d’ours. Elle avait constaté que le porridge du bébé ours était « ni trop chaud, ni trop froid » et que son lit était « ni trop dur ni trop mou ».

Essentiellement, ils étaient « juste à point ». Telle est la nature de l’homéo­sta­sieN96 dans nos systèmes d’or­ganes : le stress dans une direc­tion ou une autre peut dépla­cer le curseur vers la mala­die ou une mauvaise adap­ta­tion, entraî­nant une rupture de l’ho­méo­sta­sie. C’est dans ce contexte que l’envi­ron­ne­ment redoxN97 d’une cellule est main­tenu dans une « zone Goldilocks » où la produc­tion de déri­vés réac­tifs de l’oxy­gène (ROSN98) est suffi­sam­ment compen­sée par la capacité/qualité des systèmes de contrôle anti­oxy­dants, et l’en­vi­ron­ne­ment opti­mal pour l’homéo­sta­sieN96. Toutefois, confronté à un stress oxydantN99 persis­tant et non compensé, l’en­vi­ron­ne­ment redox peut bascu­ler à l’ex­té­rieur de la zone Goldilocks, condui­sant à la mort cellu­laireN100, à l’inflam­ma­tionN101 et la maladie.

Alleman RJ et al., 2014 : The “Goldilocks Zone” from a redox pers­pec­tive — Adaptive vs. dele­te­rious responses to oxida­tive stress in stria­ted muscleN102

Ces auteurs ont mis en évidence les influences oppo­sées de la produc­tion de déri­vés réac­tifs de l’oxy­gène (ROS ou « radi­caux libres »N98) sur la santé muscu­laire (par l’ef­fet de l’exer­cice) ou à l’in­verse sur la mala­die (par l’ef­fet d’une mauvaise alimen­ta­tion) : cardio­myo­pa­thiesN103, isché­mieN104, syndrome méta­bo­liqueN34 etc. Cette produc­tion s’ef­fec­tue prin­ci­pa­le­ment dans les mito­chon­driesN48.

oxidative-stress-adaptation
Adaptation de l’en­vi­ron­ne­ment redox des muscles striés en réponse à la produc­tion de déri­vés réac­tifs de l’oxy­gène (ROS) par la pratique d’exer­cice physique frac­tionné (ondu­la­tion verte) versus la consom­ma­tion exces­sive de nour­ri­ture (en rouge) qui conduit à un stress oxydant patho­lo­gique. Source : N102

Les ROS produits par l’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité sont béné­fiques tant que celui-ci est alterné avec des phases de repos permet­tant aux anti­oxy­dants de réta­blir l’équi­libre redox (ligne ondu­lée verte sur la figure). Ils renforcent le méta­bo­lisme des mito­chon­driesN48, leur capa­cité aéro­bieN3 et anti­oxy­danteN105, améliorent la vascu­la­ri­sa­tionN106 et la sensi­bi­lité à l’in­su­lineN107. Cette réponse adap­ta­tive est un exemple de ce que l’on désigne par hormèseN108 : la réponse de stimu­la­tion des défenses biolo­giques, géné­ra­le­ment favo­rable, à des expo­si­tions de faibles doses de toxines ou d’autres agents géné­ra­teurs de stress. Par contre, une consom­ma­tion exces­sive de nour­ri­ture produit aussi des ROS dans les mito­chon­driesN48, mais cette fois avec des effets délé­tères qui comprennent l’inflam­ma­tionN101 et le recru­te­ment de cellules immu­ni­taires (macro­phagesN109 etc.), l’ac­ti­va­tion de gènes profi­bro­tiques, une hyper­tro­phie cardiaque, une augmen­ta­tion de la mort cellu­laireN100 et une aggra­va­tion de la résis­tance à l’in­su­lineN110 (ligne rouge sur la figure).

Le suren­traî­ne­ment — une pratique inten­sive sans phases de récu­pé­ra­tion — induit aussi un stress oxydantN99 patho­lo­gique. Il est donc impor­tant de déter­mi­ner, pour chaque indi­vidu, le dosage de l’exer­cice en termes d’inten­sité et de pério­di­cité. Les recom­man­da­tions d’an­ciens cham­pions ou entraî­neurs recon­ver­tis aux données de la méde­cine du sport sont en rupture franche avec l’en­traî­ne­ment prati­qué par la plupart des amateurs ou profes­sion­nels incons­cients de l’im­pu­nité confé­rée par leur jeune âge — voir mes articles Exercice d'endurance et Overdose d'exercice ➜ danger. Philip Maffetone écrit (2018N111) :

L’entraînement frac­tionné à haute inten­sité a sa place dans le réper­toire d’en­traî­ne­ment de presque tous les athlètes, car il permet de déve­lop­per la vitesse, la force et l’en­du­rance. Cependant, pour inté­grer cet outil effi­cace à votre stra­té­gie d’en­traî­ne­ment, vous devez utili­ser votre cerveau pour prendre des déci­sions judi­cieuses concer­nant la fréquence et la durée, ainsi qu’un soutien adéquat par le biais de la récu­pé­ra­tion et de la nutrition.

Pas recom­mandé ! (source)

Les limites à ne pas dépas­ser évoluent dans le temps, ce qui explique que des spor­tifs de haut niveau s’ex­posent à de graves diffi­cul­tés s’ils n’adaptent pas leur pratique aux chan­ge­ments induits par le vieillissement.

Combien, malgré un mode de vie sans excès, finissent leur carrière bardés de prothèses — au mieux — ou subissent de manière impré­vue (bien que prévi­sible) les effets redou­tables d’ac­ci­dents cardio­vas­cu­laires, d’AVC et autres mala­dies chroniques ?

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Article créé le 26/04/2016 - modifié le 7/04/2024 à 22h54

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