Le terme générique « chrononutrition » apparaît dans un nombre croissant de publications anglophones en chronobiologieN1 — voir mon article Chrononutrition - publications. Il est encore absent de Wikipedia anglais. La page « chrononutrition » sur Wikipedia françaisN2 ne décrit que la chrono-nutrition® (avec un trait d’union) enseignée en France depuis 1986 par Dr Alain Delabos.
À ma connaissance, aucune autre pratique de chrononutrition ne fait preuve d’une telle expérience clinique ; par ailleurs, je l’ai adoptée personnellement avec succès — voir mon article Chrononutrition - mon expérience. C’est donc celle que je présente ici, en essayant de la situer dans le champ des connaissances récentes en matière de nutrition.
Le principe de la chrono-nutrition®, décrit par son fondateur, est : « Vous pourrez vous nourrir comme vous le voudrez, pourvu que vos aliments soient naturels et choisis dans la journée en fonction des indications précises fournies par votre horloge biologique » (Delabos 2005).
Une présentation grand public très lisible figure sur cette pageN3. Elle est conforme à la pratique actuelle, sauf en ce qui concerne le « dîner de fruits », une option qui a été abandonnée car elle fait travailler le pancréas à contretemps (Delabos 2012N4).
Sommaire
⇪ De quoi s’agit-il ?
Le site officiel est la-chrononutrition.comN5. Il est complété par un site de coaching personnel : chrono-coaching.frN6.
Deux ouvrages de référence :
- Delabos, Alain (2012N4). Mincir sur mesure grâce à la chrono-nutrition. Albin Michel. (Diffusé aussi en format numériqueN7.)
- Mestre, Jean-René ; Rapin, Jean-Robert (2012N8). Time Nutrition : « Faites de l’aliment votre médicament ». Villeneuve les Maguelone : Jdc Logistique.
Le premier ouvrage est un exposé des principes et de la pratique de la chrono-nutrition, très facile d’accès et agréable à lire, complété par des recettes de Guylène Delabos, épouse de l’auteur. Il est indispensable de suivre à la lettre la méthode dans la plus récente version et ne pas fabriquer une chrononutrition « à sa sauce ». Non seulement une interprétation erronée produit souvent l’effet inverse de celui escompté (par exemple perdre du poids), mais elle peut aussi mettre en péril la santé.
➡ Attention aux arnaques : des ouvrages, des pages web et des ressources numériques sont vendues dans de multiples langues, faisant l’étalage de « chrono-nutrition » et d’une formation « d’experts » sans aucun lien avec les fondateurs. Le plus souvent, ces méthodes sont truffées d’erreurs ou d’interprétations invérifiées. En France, par exemple, un hypnothérapeute vendait en 2013 des enregistrements de « messages subliminaux » accompagnés d’un livre électronique « Je mincis avec plaisir » qui n’était rien d’autre qu’un plagiat de l’enseignement d’Alain Delabos.
Le Dr Delabos insiste sur la nécessité de vérifier son état de santé biologique avant de commencer — foie, pancréas, reins, sang, thyroïde, hypophyse, moëlle osseuse. Un suivi médical est indispensable en cas de pathologie. Rappelons que l’obésité n’est pas systématiquement liée à la « malbouffe » ; elle peut être un aspect clinique de maladies affectant l’équilibre hormonal, comme par exemple le syndrome de Stein-LeventhalN9 qui touche 3 à 10 % des femmes, ou encore l’effet indésirable de certains médicaments.
Si l’on a suivi un régime très pauvre en matières grasses, par exemple suite à l’ablation de la vésicule biliaire, une période d’adaptation peut s’avérer nécessaire et un apport médicamenteux est proposé à cet effet. Un coachingN6 est recommandé dans toute situation exceptionnelle.
En cas de trouble métabolique, le médecin adapte le programme, supprime certains aliments, les substitue à d’autres, en modifie la quantité jusqu’à arriver à un système nutritionnel qui corresponde à un métabolisme adéquat. Ce programme devra ensuite être scrupuleusement respecté. En cas d’allergies ou d’intolérances, l’aliment incriminé sera remplacé par un autre. Ce sera, par exemple, du fromage de chèvre à la place du fromage de vache, un poisson à la place d’un fruit de mer.
La chrononutrition : L’horloge alimentaire du Docteur Alain Delabos (2011N3)
Les auteurs affirment que cette pratique est en accord avec les préconisations du Programme National Nutrition Santé (PNNSN10) en France.
Il existe de nombreux forums « chrono » permettant le partage d’expériences et de conseils, dont un groupe dans lequel Alain Delabos intervient en personne (suivre ce lienN11). Ses entretiens hebdomadaires (WebTVN12) sont diffusés en vidéo sur Youtube (suivre les liens sur sa page FacebookN13).
➡ Ne pas faire aveuglément confiance aux groupes Facebook gérés par des “coaches” qui, au mieux, ne font que rappeler le contenu d’instructions à suivre à la lettre — même régime pour tous ! Cela, sans exercer le moindre esprit critique, mais surtout en ignorant totalement les données scientifiques… J’ai été exclu sans ménagement d’un tel groupe animé par une cardiologue qui intervient obsessivement sur le "danger" du cholestérol !
Il est important, pour se lancer dans cette expérience, de respecter les quantités préconisées qui varient en fonction de la taille des individus, en pesant certains aliments. Certes, ces chiffres représentent une moyenne, facile à calculer, que l’on corrigera par la suite selon ses besoins — l’activité, la saison, le lieu. Mais toute modification doit être réfléchie et conduire à de nouvelles mesures que l’on s’efforcera de respecter après avoir vérifié leurs effets. On règle par exemple les quantités du petit-déjeuner pour que la faim revienne au moment de prendre le repas de mi-journée. C’est aussi une question de qualité :
Notez que la qualité s’exprime par la composition et la nature des aliments, laissant intervenir la notion d’assemblage entre protides, lipides et glucides dont l’infinie variété va permettre d’établir la sensation de goût… ou de dégoût. Ce sont les variations d’activité dans la journée qui devraient faire d’instinct varier les assemblages. C’est là que, malheureusement, dans la société moderne, les obligations sociales et professionnelles s’opposent à cet instinct et induisent des erreurs nutritionnelles plus ou moins importantes.
Alain Delabos, Mincir sur mesure grâce à la chrono-nutrition, 2012, p. 41
Même recommandation sur la précision à accorder au pesage personnel et aux mensurations (tour de taille, de hanches et de poitrine) que l’on inscrit une fois par semaine dans un registre pour conserver la trace de l’évolution. Un obèse est très souvent dans le déni (syndrome « Obelix »)… Or la condition première d’une réforme de ses moyens d’existence est un retour à la réalité. C’est d’autant plus aisé quand cette réalité évolue dans un sens favorable.
Il est important de noter que la chrono-nutrition n’est pas un régime amaigrissant. Ce n’est déjà pas un régime privatif puisqu’elle ne réduit pas l’apport calorique : l’absence de faim entre les repas est un des meilleurs signaux de réussite, déjà une conquête considérable pour ceux qui ont souffert d’accès de boulimie. Elle ne s’adresse donc pas exclusivement aux personnes en surpoids, bien que la majorité des adeptes de chrono-nutrition soient des femmes qui ont essayé sans succès de nombreux régimes amincissants. Une personne anémique ou en manque de poids peut retrouver son équilibre, avec en prime l’énergie nécessaire à un travail efficace et un moral excellent, comme nous avons pu le constater chez des danseurs professionnels.
On peut bien entendu ergoter sur le côté « privatif » dans la mesure où certains types d’aliments comme les laitages frais (riches en lactose) et les yaourts sont à éviter, sauf pendant les repas joker. Mais dans ce cas on serait amené à désigner comme « privation » l’abstinence d’alcool, de tabac et de drogues récréatives… Pour une personne qui dispose d’un budget nourriture décent, l’accès à des produits non transformés, ou artisanaux comme les fromages affinés, compense largement le renoncement à ceux qui entretiennent l’obésité.
Une raison d’éviter tout laitage non affiné est que le lactosérumN14 (petit-lait) augmente la résistance à l’insulineN15 : plus d’insuline diminue la glycémie et peut provoquer des fringales (Adams RL & KS Broughton, 2016N16). Ce mécanisme est décrit par Michael Eades dans The Arrow #200.
Contrairement aux régimes amincissants médiatisés (Atkins, Dukan… voir le panoramaN17) et au jeûne thérapeutique, il n’y a pas un « temps » pour la chrono-nutrition suivi d’un retour à la « normale ». Pratiquée avec succès, elle devient une manière naturelle de s’alimenter, et cela sans frustration car les signaux de faim et de satisfaction redeviennent lisibles comme ils ont pu l’être pendant la jeune enfance. Cet équilibrage est vraisemblablement lié à une ressensibilisation à la leptineN18 — voir la page de Jane Plain (2014N19) et mon article Manger et bouger ?. On peut très bien faire de la chrono-nutrition en déjeunant chaque jour au restaurant, sous condition de bien choisir la carte ou le menu et d’éviter certains établissements !
La chrono-nutrition réserve aussi, dès le départ, une place aux « excès » grâce aux indispensables repas joker qui envoient à l’organisme un signal qu’il n’est pas en mode « survie ». Cette flexibilité est aussi fondamentale pour la sociabilité et la bonne humeur.
⇪ Les bases empiriques
Des données scientifiques à l’appui de la chrono-nutrition® sont exposées succintement dans les ouvrages d’Alain Delabos, qui sont avant tout des guides pratiques. Les pages « Quand la science s’applique au quotidien », rédigées par Prof. Jean-Robert Rapin, ont paru dans la version 2005 de l’ouvrage Mincir sur mesure grâce à la chrononutrition (p. 331–349). Elles décrivent l’article Bilan lipidique : intérêt de la chrononutrition par Rapin JR, Delabos A, Gouyon A & Renouf V publié dans NAFAS, vol.1, n°2, juin 2003N20. Cette étude non randomisée ni contrôlée portait sur 176 sujets (principalement des femmes) d’âge moyen 52.2 ± 12.9 ans et en surpoids (IMC supérieur à 25 kg/m2), qui ont pratiqué la chrono-nutrition® pendant une durée de trois mois. La baisse de l’IMC a été en moyenne de 2 kg/m2. Il a aussi été constaté une baisse du cholestérol LDL (de 1.84g/l à 1.58g/l) et des triglycérides (de 1.12g/l à 1.02g/l).
L’absence de groupe de contrôle, et surtout d’un suivi sur un ou deux ans, ne permet pas de prouver l’efficacité de la méthode dans la lutte contre l’obésité. Toutefois, les auteurs concluent avec raison :
L’objectif de ce travail était double : d’une part, vérifier que l’hypothèse glucidique était valide et, d’autre part, démontrer l’intérêt de la chrono-nutrition dans la perte de poids sans entraîner de désordre lipidique.
➡ Personnellement, après 3 mois de chrono-nutrition avec exercice d'endurance, mon IMC avait baissé de plus de 4 kg/m2, soit le double de la moyenne mesurée dans l’étude.
Jean-Robert Rapin (décédé en 2003N21) est le professeur de pharmacologie qui a fourni à Alain Delabos les données scientifiques sur la chronobiologieN1. La chronobiologie est une discipline scientifique qui s’attache à la dimension temporelle des sciences de la vie, à l’étude des rythmes biologiques et de leurs anomalies (Daniel Sechter, 1999N22). Une vidéoN23 contient un court exposé de J.-R. Rapin sur les origines de la chronobiologie de la nutrition.
La thèse de médecine de El Mokhtar Damou, La Chrono-nutrition : conséquences sur la qualité de vie en cas de surpoids ou d’obésité (2015N24) résume les avantages de cette pratique en comparaison de régimes amincissants (page 77) :
Avec la chrono-nutrition, l’avantage le plus souvent cité est l’absence de faim, associée à la disparition des grignotages. Les personnes interrogées constatent une sensation de meilleur état général et une absence de fatigue, y compris si elles ont des horaires de travail décalés. Certaines ont retrouvé l’énergie pour refaire du sport. Malgré la baisse de consommation de végétaux, le transit s’améliore. Et la perte de poids semble être localisée, permettant une amélioration de l’image corporelle.
La chronomédecine intéresse particulièrement les pharmacologues car elle leur permet d’améliorer les soins médicamenteux dans le cas de traitements lourds — voir la thèse d’Édouard Courot (2016N25 pages 41–71). On sait aujourd’hui que l’efficacité de certains médicaments dépend du moment où ils ont été administrés, dans le cycle circadienN26 du patient, ou plus précisément le cycle nycthéméral (N27 nuit/jour) qui dépend de ses heures de sommeil (voir articleN28).
Les connaissances en chronobiologie ne sont encore que parcellaires mais une meilleure compréhension des rythmes des sécrétions hormonales circadiens permet d’ores et déjà de donner des conseils précis. Les hormones qui régulent le métabolisme varient en fonction du nycthémère (période de 24h comportant un jour et une nuit) et ont nécessairement un impact sur le devenir des différents éléments nutritionnels absorbés. Des mécanismes subtils entrent en jeu et certaines données scientifiquement établies doivent être utilisées afin d’assurer un meilleur équilibre nutritionnel qui ne peut que s’accompagner d’une amélioration de la forme, d’une bonne maîtrise du poids et participer à la prévention de nombreuses pathologies.
Laure Loin, Diététique et nutrition à l’officine : aide au contrôle du poids
chez le patient pathologique ou non.
Thèse de doctorat, Université de Rouen, 2014N29, p.55
La chronobiologie de la nutrition est exposée par Mestre et Rapin dans leur ouvrage Time Nutrition (2012) qui donne 26 références bibliographiques sur des sujets apparentés. Le mot-clé « chononutrition » a fait son apparition plus récemment dans la littérature scientifique, de sorte que les articles que nous avons répertoriés (voir Chrononutrition - publications) sont tous postérieurs à la publication de cet ouvrage.
La chrono-nutrition® accorde toute leur importance aux cycles synchronisés sur l’heure du réveil, et sur notre capacité, par le choix des aliments, d’activer les synchroniseurs et permettre la synthèse des hormones et des neuromédiateurs qui maintiendront l’harmonie des divers rythmes organiques (Mestre & Rapin, p. 37). Les cycles de production d’enzymesN30 et d’hormonesN31 permettent donc de déterminer les moments privilégiés pour l’assimilation de tel ou tel type d’aliment ; un planning nutritionnel peut être déduit de cette connaissance.
Les pics réguliers du cortisolN32, aux heures des quatre repas, font monter les taux de glycémie et de l’insulineN33 qui intervient dans l’entrée cellulaire du glucose et la synthèse des lipides. La nuit, une baisse du taux d’insuline permet la libération (lipolyseN34) des acides gras utilisés dans la synthèse des membranes cellulaires. Chaque pic de glycémie est suivi d’une hypoglycémieN35 associée à une sensation de faim. Si l’on s’alimente en dehors des pics, ou si l’on consomme des aliments à indice glycémiqueN36 élevé, on provoque ou on augmente l’hyperglycémieN37 entraînant une sécrétion d’insuline et le stockage de glucose dans le foie et les muscles squelettauxN38 sous forme de glycogèneN39 jusqu’à saturation, puis dans les cellules graisseuses sous forme de triglycéridesN40. Voir à ce sujet les articles Pourquoi manger trop de sucre fait-il grossir ?N41, Glucides et lipides, des sources d’énergie pour l’organismeN42 et ma page Glucides ou lipides ?
Édouard Courot écrit à propos de l’insuline (2016N25 pages 78 et 80) :
D’un point de vue chronobiologique, elle joue le rôle de synchroniseur périphérique principal en induisant l’expression de gènes horloges, notamment au niveau hépatique […]. Les rythmes alimentaires à heures régulières ont donc un rôle crucial dans ces régulations.
En effet, on peut supposer que la sécrétion cyclique de certaines enzymes digestives gastro- intestinales, ainsi que de nombreux métabolites ayant un rôle dans le métabolisme, se font à des heures précises en prévision d’un apport alimentaire afin d’optimiser la digestion et l’utilisation des nutriments.
Par conséquent, des repas pris à heures régulières renforcent les oscillations de ces rythmes et sont un facteur de protection vis‑à-vis de troubles métaboliques. […]
De façon générale, sauter un repas perturbe la synchronisation des horloges périphériques. Pour faire l’analogie avec l’horloge centrale, c’est un peu comme si un individu se maintenait exposé à la lumière pendant 24h en sautant une nuit : l’horloge centrale en serait perturbée.
Un intérêt de l’exposé de Mestre et Rapin était de signaler que les rythmes biologiques peuvent être perturbés chez un individu en raison d’un mode de vie trop « déphasé », de mauvaises habitudes nutritionnelles, le stress, ou des pathologies. Autrement dit, les diagrammes de variation circadienne des taux de cortisol, de sérotonine etc. dans le sang, sont les images de données statistiques qui ne décrivent pas le fonctionnement d’un individu en particulier.
Denis Riché relativise ces résultats en s’appuyant sur des travaux anciens en chronobiologie comparant les fluctuations « endogènes » des processus hormonaux aux effets de facteurs « exogènes » résultant de l’activité physique et de l’environnement. Il écritN43 :
A titre de comparaison, l’impact de ces derniers a été évalué lors de situations telles que la pratique d’une activité physique. Dans ces travaux, il convient de dissocier l’effet chronobiologique propre, celui lié au manque de sommeil. Ces facteurs de pondération étant pris en compte, il apparaît alors que l’impact propre des rythmes endogènes sur les processus hormonaux et nerveux est nul, et complètement noyé sous les effets des secrétions hormonales et de l’activité nerveuse induits par le stress et par l’activité […]. Par exemple, sous l’effet d’un exercice de pédalage des bras effectué à une intensité croissante, le taux plasmatique de noradrénaline et l’activité locale du système nerveux sympatho-adrénergique (ΔMNSA), augmentent respectivement de 60 et 240 % au niveau du palier d’effort le plus soutenu […]. Cette valeur est à rapprocher des ondulations liées aux rythmes « endogènes » qui n’excèdent pas 10 à 20 %. Pour beaucoup d’autres paramètres (sécrétions hormonales, activités enzymatiques), il en va de même. Ainsi, comparativement au rythme endogène de la libération d’insuline, les pics enregistrés après une prise (matinale) de glucides, lors des premiers travaux sur l’index glycémique, sont d’un tout autre ordre de grandeur [Jenkins DJ et al., 1981N44].
Or, ces études n’étaient pas réalisées au moment où la libération « spontanée » endogène d’insuline était supposée être maximale. Autrement dit, la quantité de glucides consommés et la nature des repas ingérés comptent beaucoup plus, relativement à l’insulino-secrétion, que le moment de la journée où cette prise se déroule.
Autre élément à considérer, un taux hormonal n’est pas équivalent à une action endocrine. Corréler les deux est largement spéculatif. Notons par exemple que la réponse hormonale intègre également des effets liés aux récepteurs et aux mécanismes post-récepteurs, difficiles à apprécier. […]
Ainsi, l’utilisation des glucides apportés par l’alimentation, chez un sujet entraîné, n’a rien à voir avec celle qu’on constate chez un sujet sédentaire [Holloszy JO & Booth FW, 1976N45]. En raison des adaptations survenant en réponse à l’entraînement, le muscle est placé en tête de la hiérarchie.
Par ailleurs, l’optimisation du régime alimentaire dépend des besoins prioritaires à satisfaire : Si on veut intégrer les oméga 3 à nos membranes pour améliorer la qualité de nos tissus et agir sur la prévention cardio-vasculaire, il est important de les prendre le soir. Mais si on veut bénéficier de l’effet anti-inflammatoire des oméga 3 à travers les prostaglandines, il est nécessaire de les prendre le matin (J.-R. Rapin, voir N21).
Dans La Chrono-diététique (2013, p. 21), Jean-Marie Bourre écrit :
[…] le cerveau peut créer de nouveaux rythmes, au risque d’en perturber ou d’en annihiler d’autres ; ce qui peut s’avérer dangereux. En voulez-vous un exemple avec le grignotage ?
Édouard Courot ajoute (2016N25 page 73) :
Un paramètre également important dans la sensation de faim est l’heure. En effet, les rythmes de libération de ghréline [N46] semblent être calés sur nos habitudes de rythmes alimentaires même si la glycémie est encore élevée […]. La prise alimentaire agirait donc en tant que synchroniseur du comportement alimentaire. En effet, si l’on est habitué à manger à telle ou telle heure, les hormones orexigènes [N47] atteindront un pic à ces horaires.
Pour remédier à cela et « remettre les pendules à l’heure », Mestre et Rapin proposent des compléments alimentaires : tyrosineN48, magnésiumN49, tryptophaneN50, probiotiquesN51, oméga 3N52 etc. à consommer à certains moments de la journée (voir le site Time NutritionN53).
Si l’on ne fait pas appel à leur coaching, on peut espérer que les horloges sont déjà bien calées, ou encore qu’elles se resynchroniseront après l’adoption de nouvelles habitudes nutritionnelles, comme l’ont observé les chronobiologistes, notamment Tahara & Shibata 2013N54, Yoshizaki et al., 2013N55, Oike, Oishi & Kobori, 2014N56, Tahara & Shibata, 2014N57, Asher & Sassone-Corsi, 2015N58. C’est en tout cas ce qui s’est passé pour moi — voir mon article Chrononutrition-expérience.
Ce réajustement est présenté concrètement par Alain Delabos (Mincir sur mesure, 2012, p. 39) :
Au retour de l’équilibre métabolique du corps (qui n’a rien à voir avec le poids et le volume), permettant d’une part le stockage dans les bonnes quantités des éléments constitutionnels de l’organisme et d’autre part l’élimination du superflu, on verra réapparaître l’appétit pour le goûter en fin d’après-midi et le dîner dans la soirée. Ce qui sera d’ailleurs le signe que votre corps a effectué son retour à cet équilibre.
➡ En cas d’insuccès apparent de la chrono-nutrition, plutôt que faire appel à des compléments alimentaires ou médicamenteux, je regarderais en direction du demi-jeûne fractionné et de l’entraînement fractionné de haute intensité.
⇪ Chronobiologie, nouvelles avancées
Les effets des horloges biologiques humaines sont décrits de manière très compréhensible dans l’introduction de l’ouvrage La chrono-diététique de Jean-Marie Bourre (2013N60).
On en trouvait une première formulation en français dans un livre d’Alain Reinberg : Les rythmes biologiques, mode d’emploi (1994N61) suivi de Chronobiologie médicale, chronothérapeutique (2003N62).
Les fluctuations temporelles de paramètres physiologiques sont présentées sur une page de l’Université McGillN59 figure ci-dessus. Des chercheurs de l’Université du Texas (Etats-Unis), de l’Université de Ferrara (Italie), de l’Université de Vigo (Espagne) et de l’Université du Minnesota (Etats-Unis) ont rassemblé dans deux revues détaillées les rythmes circadiens des organismes humains et de différentes maladies (voir articleN63) destinées à la mise en œuvre de stratégies chrono-préventives et chrono-thérapeutiques.
Des chercheurs de McGill University (Canada) ont déjà identifié une horloge ultradienneN64 dans le cerveau des mammifères, qui gère des cycles d’activité de 4 heures et peut déclencher des réflexes de demande de nourriture (Blum ID et al., 2014N65, voir page en français : N66). Chez un adulte en bonne santé, cette horloge se synchronise sur l’horloge circadienneN26, de sorte que les périodes d’activité et de sommeil sont accordées. Mais les horloges ne sont pas encore synchonisées chez le nouveau-né qui demande le sein environ toutes les quatre heures sans « faire ses nuits ». D’autre part, elle peut se dérégler et produire des cycles bien plus longs (Steele AD & Mistlberger RE, 2015N67), par exemple plusieurs jours correspondant aux phases d’hyperactivité et de dépression d’un patient bipolaireN68.
Les chercheurs en chronobiologie sont parvenus à isoler trois protéines fonctionnant comme une horloge circadienneN26 dans des cyanobactériesN69 et décrire le mécanisme en œuvre dans leurs oscillations (voir Cohen SE & Golden SS, 2015N70). L’intégration de cette fonction dans un être vivant comme le calmarN71, qui utilise la bioluminescenceN72 pour se diriger dans l’obscurité, fait apparaître des mécanismes bien plus complexes d’interactions entre micro-organismes synchronisés ou non — cf. l’émission Sur les épaules de Darwin par Jean Claude Ameisen le 17/10/2015N73.
⇪ Chronobiologie de la nutrition
Depuis 2013, le mot-clé « chrononutrition » a fait son apparition dans les publications de chronobiologistes qui travaillent en expérimentation animale et humaine sur la base des variations temporelles de paramètres physiologiques régies par des rythmes circadiensN26 (voir Chrononutrition - publications). Ces horloges biologiques se synchronisent sur des cycles de luminosité ou de veille/sommeil spécifiques de chaque individu, avec une influence observable des rythmes nutritionnels.
Queiroz JdN et al. (2020N74 page 2) expliquent :
Le système circadien des mammifères est composé d’une horloge centrale/maîtresse, située dans le noyau suprachiasmatique (SCN) [N75] de l’hypothalamus [N76], qui contrôle plusieurs horloges secondaires réparties dans le cerveau (extra-SCN) et d’autres organes, notamment le foie, les muscles squelettiques, le tissu adipeux et le pancréas […]. En bref, les horloges circadiennes (centrale/maîtresse et périphérique/secondaire) sont des mécanismes intracellulaires qui génèrent des oscillations auto-entretenues d’environ 24 heures par un ensemble de protéines, appelées protéines d’horloge, qui fonctionnent par le biais de boucles de rétroaction autorégulatrices (Challet 2019N77 ; Rijo-Ferreira et Takahashi 2019N78).
Dans une revue explicative détaillée de la littérature scientifique, qui cite 208 références — principalement en expérimentation animale — Étienne Challet précise (2019N77 pages 393–399) :
(p. 393) […] la prise alimentaire [des animaux] est organisée temporellement en repas distincts, limités à la phase active, qui est une période quotidienne de reconstitution des réserves énergétiques, tandis que la phase de sommeil correspond à une période quotidienne de jeûne et de mobilisation des réserves énergétiques. Ces variations quotidiennes du métabolisme énergétique et du comportement alimentaire sont également coordonnées par les horloges circadiennes. […]
Les différentes horloges circadiennes de l’organisme [des mammifères] sont synchronisées (ou remises à zéro) par des signaux environnementaux cycliques. L’horloge maîtresse du SCN [N75] est principalement synchronisée par la lumière ambiante détectée par la rétine […]. Un système de synchronisation distinct, appelé dans cette revue l’horloge alimentaire, est remis à zéro par la prise de nourriture. L’horloge alimentaire participe au cycle d’alimentation et de jeûne et aide les animaux à s’éveiller et à chercher de la nourriture au moment où celle-ci est disponible […]. Un moment d’alimentation mal choisi (c’est-à-dire lorsque l’alimentation a lieu pendant la période de repos habituelle) peut réinitialiser de nombreuses horloges circadiennes dans les organes périphériques et le cerveau, mais pas dans le SCN […]. En outre, une alimentation mal programmée peut avoir des effets délétères sur la santé métabolique […]. Par conséquent, l’étude de la régulation circadienne de la prise alimentaire est importante pour comprendre non seulement les mécanismes fondamentaux de l’homéostasie énergétique mais aussi l’étiologie des troubles métaboliques. […]
(p. 399) En résumé, le contrôle quotidien du cycle alimentation-jeûne repose sur des interactions entre l’horloge maîtresse du SCN, qui est principalement remise à zéro par la lumière ambiante, et des horloges secondaires entraînées par la nourriture, dont la phase est contrôlée par le SCN et qui sont décalées par l’heure des repas. Plusieurs horloges entraînées par la nourriture dans le cerveau définissent une horloge alimentaire, c’est-à-dire un mécanisme d’horloge entraînant des comportements rythmiques qui anticipent le moment prévu de la disponibilité de la nourriture.
Un facteur important, le microbiote intestinal [N80), est à prendre en considération pour la compréhension des mécanismes de régulation de la prise alimentaire (Challet E, 2019N77 page 401) :
De plus en plus de travaux suggèrent que, selon l’état d’alimentation et la composition du régime alimentaire, le microbiote intestinal influence le contrôle de l’homéostasie [N81] énergétique de l’hôte et module le développement de l’obésité et du diabète de type 2 [N82]. Les produits microbiens, tels que les acides gras à chaîne courte et le succinate [N83], modifient la néoglucogenèse [N84] intestinale […]. En outre, le microbiote affecte les signaux circulants, les neurones entériques et les afférences vagales qui transmettent les signaux de faim et de satiété au cerveau […]. Le microbiote intestinal contribue également aux interactions rythmiques entre l’intestin et le cerveau, participant ainsi à la régulation circadienne de la prise alimentaire.
Une avancée intéressante de la chronobiologie (au sens large) pourrait se situer dans le domaine de la santé primale : la recherche sur les effets à long terme de ce qui se passe au début de la vie, promue depuis les années 1980 par Dr Michel Odent (2020N85, p. 165). Il écrivait dans Primal health research in the age of epigenetic clocks (Odent S & M, 2019N86) :
Aujourd’hui, il semble que le type d’horloge biologique le plus prometteur soit lié au développement rapide de l’épigénétique, cette discipline émergente basée sur le concept d’expression génique. Dès 2011, l’équipe de Steve Horvath, à Los Angeles, a fourni la première démonstration solide que la méthylation de l’ADN dans la salive pouvait générer des prédicteurs d’âge précis. […] Rappelons que la méthylation de l’ADN est un outil de signalisation épigénétique couramment utilisé qui permet de fixer les gènes en position « off ». Il joue sans aucun doute un rôle clé dans le processus de vieillissement, le maintien de la santé, la carcinogenèse, la genèse du syndrome métabolique et la récupération de l’état pathologique. Certaines périodes de développement humain semblent être critiques en termes d’activité épigénétique.
⇪ Où situer la chrono-nutrition ?
On peut classer la chrono-nutrition® dans la catégorie des modes d’alimentation pauvres en glucides et riches en graisses (Low Carb High Fat) nouvellement préconisés en remplacement de régimes restrictifs qui visaient l’élimination des graisses, et plus particulièrement les graisses saturéesN87.
Toutefois, les glucides ne sont pas totalement évités puisqu’on en consomme le matin, le midi et au goûter. On n’essaie donc pas de déclencher un mécanisme de cétoseN88 comme dans une diète cétogèneN89 — voir mon article Diète cétogène - expérience.
➡ Pour une discussion détaillée de l’équilibre entre glucides et lipides, voir mon article Glucides ou lipides.
⇪ Question de rendement
Outre la dissociation des aliments en fonction des heures de consommation, la chrono-nutrition ne devrait pas entraîner une surconsommation de graisses ni de protéines — sous réserve d’une bonne évaluation de ces dernières, voir mon article Protéines.
L’équilibre est possible sans privation parce que les aliments sont absorbés avec un « rendement » maximal. Par exemple, selon les experts, les graisses saturées seraient assimilées au mieux dans l’heure qui suit le réveil grâce à la présence d’enzymes et hormones favorables à ce processus. Anthony Berthou écrit à ce sujet (voir articleN90) :
Rappelons d’ailleurs que plus de 70 % du cholestérolN91 sanguin est fabriqué par le foie à partir de glucose. Par ailleurs, l’enzyme-clé du métabolisme du cholestérol (HMGCoA-réductase) possède une activité maximale en début de matinée : la consommation de cholestérol alimentaire au cours de cette période permettrait une régulation de son activité sur l’ensemble du nycthémère (rythme biologique de 24h). Ainsi consommer des œufs au petit déjeuner n’augmenterait pas le taux de cholestérol sanguin total, à la différence d’une consommation le soir.
Cette proposition n’est malheureusement validée par aucune étude clinique sur la consommation d’œufs en lien avec la cholestérolémie, voir par exemple Flynn Ma et al. (1979N92). Denis Riché souligneN43 :
[…] toutes les études menées sur la question montrent une corrélation inverse entre l’apport alimentaire en cholestérol et son taux plasmatique. Mais cette relation inverse ne dépend pas du moment de la journée où cet apport est réalisé […]. Donc manger des œufs peut faire chuter le taux de cholestérol plasmatique, mais aucune contrainte horaire n’est déterminante dans cet effet.
Là aussi, le délai séparant la dégustation de l’œuf et l’effet inhibiteur du cholestérol qu’il contient sur la HMG-CoA réductase est imprévisible a priori. Souvenons-nous que le cholestérol, une fois assimilé, doit intégrer les lipoprotéines, circuler, être internalisé au niveau des récepteurs, et ensuite seulement gagner la cellule où il va réguler l’activité de l’enzyme. Il lui faut sûrement plus d’une heure pour accomplir ce trajet ! L’idée de donner spécifiquement les œufs le matin pour abaisser la cholestérolémie totale n’est donc pas pertinente.
On trouve dans la littérature scientifique d’autres arguments en faveur d’un petit-déjeuner riche en protéines et pauvre en glucides (voir cette page de Bill Lagakos : N93). Chez la plupart des adultes, un pic de cortisolN32 dans les 20 à 30 minutes après le réveil (cortisol awakening responseN94) se superpose à celui qui s’est produit avant le réveil. Cet afflux momentané de cortisol renforce la production de dopamineN95 associée à l’exposition à la lumière. Un excès de dopamine est source d’impulsivité. Le petit-déjeuner riche en protéines apporte du tryptophaneN50 et un peu d’insulineN33, favorisant la synthèse de sérotonineN96 qui permet de limiter cette impulsivité. La montée matinale de dopamine est toutefois importante pour la régulation de la glycémieN97 (Pijl H et al., 2000N98). D’autre part, la consommation de protéines diminue le taux de ghrélineN46, une hormone digestive qui stimule l’appétit, mieux que celle de glucides et lipides (Iwakura H et al., 2015N99).
Tous ces mécanismes sont perturbés par une exposition tardive à la lumière artificielle et par un dîner trop riche — notamment en glucides. Une telle perturbation peut se traduire par l’envie de se passer de petit-déjeuner, fréquente chez les personnes ayant tendance à l’obésité — voir mon article Jeûne et restriction calorique.
Ici encore, d’autres facteurs devraient être pris en compte, comme les durées des nombreuses étapes à franchir entre l’absorption de certains aliments et leurs effets sur le métabolisme. Denis Riché écrit à ce sujetN43 :
Pour obtenir un effet anti-inflammatoire, certains auteurs proposent de consommer des acides gras précurseurs des eicosanoïdes [N100] anti-inflammatoires en début de journée […]. Cette proposition ne tient pas compte des réalités physiologiques. En effet, entre l’émulsion des acides gras, l’action des lipases [N101], l’assimilation, l’incorporation aux lipoprotéines, l’intégration aux membranes tissulaires, et une éventuelle remise en circulation, il est impossible de prédire un délai moyen séparant l’ingestion de ces acides gras [N102] et leur positionnement dans la membrane, à proximité de l’enzyme. De ce fait, la modification du ratio « n‑3/n‑6 » au sein des membranes ne s’observe qu’à l’échelle de plusieurs semaines [Ryan MJ & BG Zimmerman, 1974N103]. Par conséquent, il paraît assez peu cohérent de proposer des acides gras polyinsaturés [N104] le matin plutôt qu’à un autre moment de la journée pour favoriser la prédominance de la synthèse des eicosanoïdes anti-inflammatoires […].
Un autre facteur d’équilibre, selon la chrononutrition, est lié à la consommation de protéines répartie sur trois repas. Plusieurs études, dont celle d’Alencar MK et al. (2015N105), indiquent qu’en répartissant la prise de nourriture sur plus de deux repas par jour, on obtient le même amincissement sans diminuer la masse non-graisseuse — musculaire (voir discussionN106).
⇪ Quelles preuves au final ?
Il ne faut pas trop se laisser impressionner par un discours scientifique quand ceux qui le portent entraînent leurs auditeurs vers des extrapolations hasardeuses. Par exemple, pour justifier la consommation des graisses saturées au petit-déjeuner, certains auteurs affirment que les grands carnivores chassent au petit matin. Or c’est vrai des lions, mais pas des léopards qui chassent toute la nuit, ni des jaguars qui chassent aussi bien au crépuscule qu’à l’aube…
Les articles scientifiques traitant de sujets en rapport avec la chronobiologie de la nutrition sont listés sur ma page Chrononutrition - publications. L’équipe de Almoosawi S et al. (2016N107) a commenté un inventaire de publications sur ce sujet. Les travaux sont de plus en plus concordants sur la nécessité de respecter les rythmes biologiques.
Par exemple (Potter GD et al., 2016N108) :
L’alignement des cycles d’alimentation/de jeûne sur les changements métaboliques régulés par des horloges optimise le métabolisme, et les études sur d’autres animaux suggèrent que s’alimenter à des moments inappropriés perturbe l’organisation du système circadien, contribuant ainsi à des conséquences métaboliques indésirables et au développement de maladies chroniques.
À partir d’expérimentation animale, Johnston et al. (2016N109) signalent que la perturbation de l’horloge associée au tissu d’un seul organe périphérique peut entraîner de l’obésité ou la rupture de l’homéostasie N81 du glucose dans tout l’organisme.
Tahara Y et al. (2016N110) proposent une synthèse d’articles mettant en évidence la régulation de l’expression de gènes hépatiques par une horloge circadienne, et les dérèglements que peut entraîner une nutrition qui ne respecterait pas ces cycles.
La pertinence de la chrononutrition est par ailleurs confirmée par des données expérimentales sur la nutrition restreinte dans le temps (TRF, Time-Restricted Feeding) publiées par le Salk Institute en Californie, voir notamment Gill S & Panda S (2015N111). Une présentation de ces travaux figure sur mon article Jeûne et restriction calorique.
Des paradoxes peuvent surgir en expérimentation animale — qui n’ont pas automatiquement leur équivalent chez les humains — comme le fait que des souris génétiquement modifiées pour produire moins d’insulineN33 auraient tendance à stocker du gras lorsqu’elles sont soumises à de la restriction calorique (Dionne DA et al., 2016N112). Bill Lagakos (voir pageN113) suggère que le lien entre insuline et adiposité pourrait faire intervenir un troisième facteur régulateur : un peptide inhibiteur gastriqueN114 (Gastric inhibitory polypeptide, GIPN115).
⇪ Pour conclure…
En France, la pratique de la chrono-nutrition® s’appuie sur une très estimable expérience clinique (Delabos et collègues) ainsi que le partage d’informations sur des forums. Si l’on peut émettre l’objection que les échanges sur Internet ont tendance à privilégier les évaluations positives, l’expérience individuelle est accessible à toute personne qui ne souffre pas d’allergie ni de pathologie grave. N’imposant pas de restrictions, la chrono-nutrition ne comporte pas de risque de carences nutritionnelles. Des ouvrages s’adressant aux diabétiquesN116 et à ceux qui souffrent d’hypercholestérolémie génétiqueN117 ont par ailleurs été publiés par Alain Delabos.
L’expérimentation fera probablement apparaître d’importantes variations interindividuelles, ou encore des modifications dans le temps (l’histoire du sujet, les saisons…) et dans l’espace (son lieu de résidence et le climat local) mettant plusieurs cycles en concurrence, avec pour résultat des besoins nutritionnels qui ne coincident pas nécessairement avec les prescriptions déduites d’une analyse statistique rudimentaire. L’étude Personalized Nutrition by Prediction of Glycemic Responses (Zeevi D. et al., 2015N118) a montré par exemple que l’élévation du taux de glycémie suite à la consommation d’un même aliment variait considérablement d’un individu à un autre, avec des effets parfois inversés, cette réponse étant liée de manière prédictive à la composition de son microbiote intestinal. — voir discussion dans mon article Nutrition : qui écouter ?
On peut donc s’attendre à ce que la description des horloges biologiques humaines atteigne un niveau supérieur de complexité qui permettront d’affiner les hypothèses des pionniers de la chrononutrition… Par exemple, l’action régulatrice du microbiote intestinal sur les cellules hépatiques (qui fonctionnent comme des oscillateurs circadiens) est en cours d’investigation (Leone V et al., 2015N119).
Si les principes de la chrononutrition (et bientôt du « chrono-exercice ») apparaissent comme des hypothèses aussi révolutionnaires que prometteuses pour l’amélioration des pratiques de santé, leur mise en œuvre à l’échelle mondiale débouchera vraisemblablement sur une pratique clinique diversifiée, rendant compte de la complexité et de la plasticité des processus temporels.
Suite : Chrononutrition - mon expérience
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Article créé le 21/08/2015 - modifié le 3/11/2024 à 08h25
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