Cette vidéo peut être visionnée avec des sous-titres en plusieurs langues. Voir plus bas les liens vers des commentaires critiques et une liste de points de contradiction.
Source de cette vidéo : N1
Sommaire
⇪ Présentation du film
Michael Moore présente Planet of the Humans, un documentaire qui ose dire ce que personne d’autre ne veut dire : que nous sommes en train de perdre la bataille pour arrêter le changement climatique sur la planète Terre parce que nous suivons les dirigeants qui nous ont emmenés sur la mauvaise route — vendre le mouvement Vert aux intérêts financiers et aux entreprises américaines. Ce film est un réveil à la réalité à laquelle nous avons peur de faire face : au milieu d’un événement d’extinction causé par l’homme, la réponse du mouvement environnemental est de faire pression pour des ajustements technologiques et des pansements. C’est trop peu et trop tard.
- Entretien avec Jeff, Michael et Ozzie (1h 16) : https://youtu.be/HBGcEK8FD3w
- Réponse de Hill TV aux critiques avec Jeff, Michael et Ozzie (17 min) : N2
- FAQ, guide de discussion, médias : https://planetofthehumans.com/
Absente du débat [sur l’avenir de la planète] est la seule chose qui POURRAIT nous sauver : maîtriser notre présence humaine et notre consommation incontrôlables. Pourquoi n’est-ce pas LE problème ? Parce que ce serait mauvais pour les profits, mauvais pour les affaires. Écologistes, sommes-nous tombés dans les illusions, les illusions « vertes » qui sont tout sauf vertes, parce que nous avons peur que ce soit la fin — et nous avons placé tous nos espoirs sur la biomasse, les éoliennes et les voitures électriques ?
Aucune production de batteries ne nous sauvera, prévient le réalisateur Jeff Gibbs (environnementaliste de longue date et coproducteur de Fahrenheit 9/11 et Bowling for Columbine). Ce film urgent et incontournable, une attaque frontale contre nos vaches sacrées, produira certainement de la colère, des débats et, espérons-le, une volonté d’envisager notre survie d’une nouvelle manière — avant qu’il ne soit trop tard.
Avec : Al Gore, Bill McKibben, Richard Branson, Robert F Kennedy Jr., Michael Bloomberg, Van Jones, Vinod Khosla, Koch Brothers, Vandana Shiva, General Motors, 350.org, Arnold Schwarzenegger, Sierra Club, the Union of Concerned Scientists , Conservation de la nature, Elon Musk, Tesla.
Site Web : https://planetofthehumans.com/
⇪ Commentaires critiques
Toute vidéo n’est jamais qu’un instrument de propagande même quand elle réussit à transmettre des données factuelles… Ce film n’échappe pas à la règle, comme nous allons le voir.
Voici donc deux vidéos — elles aussi propagandistes, il va de soi — qui ont le mérite de signaler des erreurs ou des mensonges par omission de la première. Pour les non-anglophones, une liste non-exhaustive des points de contradiction est proposée.
⇪ Points de contradiction
Vidéo “Planet of the Humans : DEBUNKED” (In Depth, Zac & Jesse, 2020N3) :
- 1:20 — Le reportage sur la Solar Fest au Vermont date vraisemblablement de 1995 ou 1996, une époque où les capteurs solaires étaient très peu performants et les batteries insuffisantes pour le stockage d’énergie. Il ne prouve donc pas l’inefficacité du photovoltaïque 25 ans plus tard.
- 4:22 — Reportage sur la charge d’un véhicule électrique datant de 2010. Peter Lark y reconnaît que 95% de l’énergie électrique provenait du charbon. Zac et Jesse présentent (voir image ci-dessous) un diagramme de la répartition actuelle des sources au Michigan, montrant que 30.3% proviennent du nucléaire, 34.6% du gaz naturel, 26.6% du charbon, 1.2% de l’hydroélectrique et 7.3% d’énergies renouvelables autres que hydroélectrique. Toutefois, ils affirment que toutes ces énergies, à l’exception du charbon, sont « plus propres »… Autrement dit, Zac et Jesse estiment que remplacer le charbon par du nucléaire est un progrès. Il est significatif qu’aucune discussion du nucléaire civil — point de clivage des écologistes — ne figure dans ce film ni dans les commentaires critiques.
- 6:03 — Reportage sur des panneaux solaires au Michigan, datant de 2010. Ce sont des panneaux flexibles dont le rendement était de 8% à l’époque. Outre qu’il est absurde d’utiliser des panneaux flexibles dans ce cadre, les rendements actuels dépassent 20%. Mais surtout les panneaux n’occupent pas un espace considérable quand on les installe sur les toitures, solution la plus courante en 2020 mais qui n’est jamais évoquée dans le reportage.
- 8:15 — Les éoliennes sont effectivement placées sur des zones partiellement déboisées au sommet des collines, mais les arbres repoussent.
- 9:09 — Les auteurs affirment que les éoliennes « ne durent que 20 ans ». En réalité, au bout de 20 ans on peut être amené à les réparer pour continuer à les utiliser.
- 13:00 — Les paroles de l’anthropologue Nina Jablonski sont reproduites hors contexte car le montage a supprimé ce à quoi elle répondait.
- 15:15 — La technologie photovoltaïque critiquée ici date de 2009. En réalité, les panneaux solaires ont une durée de vie bien supérieure, qui continue à augmenter, de sorte qu’ils produisent bien plus d’énergie que celle nécessaire à leur construction.
- 25:44 — Information inexacte sur l’Allemagne, probablement par une confusion entre « énergie » et « énergie électrique ». En 2019, 46% de la production électrique en Allemagne provenait d’énergies renouvelables.
- 27:20 — La Giga Factory d’Ellon Musk est équipée depuis un an de panneaux solaires, contrairement à sa version en cours de construction montrée dans le reportage.
- 42:27 — Aucune conclusion dans ce film : les auteurs n’indiquent même pas une forme de production d’énergie qu’ils jugeraient « propre ». Leur seule proposition est de diminuer la population humaine… mais par quels moyens ? Pour Zac et Jesse, ce film est gravement démobilisateur.
Vidéo “Planet of the Humans” (Let’s just have a think, 2020N4) :
- 1:12 — Le reportage sur la Solar Fest au Vermont date de 2005, époque où les batteries n’étaient pas disponibles, de sorte que le soir les panneaux solaires ne pouvaient plus alimenter le site. (La date ne correspond pas à celle déterminée par Zac et Jesse, mais cela ne change rien à l’argument.)
- 2:59 — Les prix de la production d’électricité par des énergies renouvelables ont considérablement diminué depuis dix ans, notamment le solaire photovoltaïque de 77%, et celui des éoliennes terrestres de 36% (voir image ci-dessous).
- 3:54 — Le film dénonce les compromissions des organisations écologistes qui acceptaient les dons de milliardaires impliqués dans des industries polluantes il y a dix ans. Mais, depuis, Michael Bloomberg a confirmé son engagement pour l’écologie, renonçant même à sa candidature à l’élection présidentielle. Le Sierra Club qu’il finançait a utilisé son argent et celui d’autres sponsors de manière efficace dans la campagne « Beyond Coal ».
- 5:20 — Les données actuelles montrent que « recharger un véhicule électrique est bien moins polluant que rouler à l’essence, partout aux USA ».
- 7:09 — Le site mentionné produisait environ 64 MWh par an d’électricité solaire en 2008, mais une installation plus récente dans la même région produit 436 MWh par an.
- 8:14 — Construction des panneaux solaires : il est vrai qu’on utilise des ressources naturelles (quartz et charbon) mais c’est fait pour au minimum 20 ans. L’analyse du cycle de vie (“lifecycle analysis”) démontre aujourd’hui l’avantage des énergies renouvelables sur le charbon et le gaz.
- 10:51 — Le Sunray Project qui est montré « détruit » en 2015 était actuellement en cours de reconstruction (Sunray 2).
- 12:09 — Les installations solaires actuelles utilisent des batteries pour stocker l’énergie et n’ont plus besoin d’être associés à des centrales utilisant le gaz naturel, contrairement à l’installation ancienne montrée dans le reportage.
- 14:03 — « Il est plus difficile et coûteux de gérer les variations de puissance subites et imprévues des centrales électriques conventionnelles que celles, graduelles et prévisibles, des éoliennes et centrales solaires. Il est faux de dire que de l’électricité produite par des énergies fossiles serait utilisée pour maintenir en rotation les éoliennes quand le vent est insuffisant. » Mais ce n’est pas ce qui a été dit dans le film : le manifestant affirme que la centrale d’appoint doit constamment brûler son carburant à 100% même quand les éoliennes ont pris le relais, ce qui est aussi une fake news. Comme le précise Ketan Joshi (2020N5) : « Quand la centrale produit moins d’électricité, elle utilise moins de charbon. »
- 16:26 — Les géants de l’industrie sont aujourd’hui les principaux acheteurs d’électricité renouvelable.
- 17:00 — Un article de Richard York (2012) contredit la citation hors-contexte où l’on lui fait dire que les énergies renouvelables ne feraient que déplacer l’utilisation des énergies fossiles. Dans un article qu’il a cosigné en 2019 (voir 18:41) il affiche avec optimisme la perspective d’une véritable transition énergétique avec un remplacement des énergies fossiles par des renouvelables.
- 21:59 — McKibben a reconnu, dès 2016, s’être trompé en soutenant l’utilisation de la biomasse pour la production d’électricité, qui s’est traduite par une déforestation massive. Mais ce revirement n’est pas mentionné dans le film.
- 23:26 — Parler de surpopulation alors que le problème est dans la surconsommation est une position dangereuse.
- 25:12 — La fin du film Planet of the Humans illustre la destruction de l’habitat des orang-outans qui n’a rien à voir avec l’énergie car ce qui est en cause est l’exploitation d’huile de palme. Le critique regrette qu’aucune solution concrète n’ait été proposée pour résoudre les problèmes environnementaux. Il présente plusieurs ouvrages qui décrivent des projets vraiment innovateurs à diverses échelles.
On peut lire par exemple le rapport de huit élèves de l’École Polytechnique qui ont conduit en Éthiopie des projets de développement de projets photovoltaïques ou de systèmes de réfrigération, voir EA X 2017 Energy Transition Reports (2017N6).
⇪ Articles critiques
Une liste détaillée d’articles sur le film Planet of the Humans a été publiée sur le site Get Energy Smart (2020N7).
Paul Gipe est cité :
Un spectateur qui serait enclin à croire des films comme celui-ci est aussi prêt à croire Donald Trump quand il suggère de s’injecter du désinfectant pour soigner la CoVID-19.
Le cinéaste et militant écologiste Neal Livingston écrit :
Planet of the Humans utilise les techniques de montage les plus éculées pour manipuler émotionnellement le spectateur. Nous voyons des éoliennes du début des années 1970, les premiers jours de l’énergie éolienne, qui sont révolues depuis longtemps. Nous voyons dans la rue des interviews faciles, avec des techniques de montage pour faire apparaître stupides les leaders environnementaux. Nous voyons des orangs-outans mourants à la fin du film se termine pour vous faire pleurer. Mais nulle part le film ne suggère comment se débarrasser des énergies fossiles en nous montrant où les énergies renouvelables fonctionnent. Le film ne nous aide pas non plus à arrêter la destruction de la forêt, en nous montrant des endroits qui ont pris des mesures pour protéger la nature, alors que cela a été fait en de nombreux endroits.
Les articles de Ketan Joshi, à commencer par Planet of the humans : A reheated mess of lazy, old myths (2020N5), offrent une vision critique détaillée et bien documentée. Elle écrit notamment :
Le principal défaut de ce documentaire est qu’il accomplit ce que tant de communicants s’efforcent, sans succès, de faire : présenter des idées d’un groupe idéologique dans l’univers d’un autre. Il échappe très activement et avec succès à la « bulle » pour vendre des mythes d’extrême droite et de négationnistes du climat d’il y a près de dix ans à des environnementalistes de gauche dans les années 2020. Et, à voir les commentaires, il semble y réussir. Gibbs transcende à la fois le temps et l’espace idéologique, maintenu en l’air par un système qui donne la préférence à la médiocrité.
[…]
Le film présente une brochette — uniquement d’Américains blancs, principalement des hommes — insistant sur le fait que la planète doit réduire sa population. Il n’y a aucune information fournie sur quels gens dans le monde doivent arrêter de baiser, mais nous pouvons le deviner en nous basant sur les données démographiques des personnes qui font cette demande.
⇪ Points d’accord
Les auteurs des vidéos précitées sur le film Planet of the Humans reconnaissent leur plein accord sur :
- la critique de l’exploitation de la biomasse : déforestation pour l’utilisation de bois comme combustible dans les centrales électriques
- la critique de l’utilisation d’éthanol comme biocarburant dans les véhicules : culture intensive de soja ou de canne à sucre et destruction à cet effet de forêts ancestrales : Amazonie etc.
Ils insistent — notamment Let’s just have a think (2020N4) — sur le fait que, dans la récente décennie, des groupes de militants environnementaux se sont engagés eux-mêmes dans la critique d’initiatives qu’ils avaient au départ soutenues. Cette évolution aurait dû être pour le moins mentionnée dans le film, voire mise en exergue afin de susciter une prise de conscience plus large des enjeux de la transition énergétique.
⇪ Au final…
Un entretien avec les auteurs de Planet of The Humans et son producteur Michael Moore (28 avril 2020N2) ne répond pas aux critiques mais il contient des déclarations révélatrices qui ne figuraient pas dans le film. Entre autres, Michael Moore (à partir de 15:00) déclare qu’il est contreproductif de « travailler avec le diable » en essayant de convaincre les industriels de devenir “green”. Pour lui, le changement devrait impacter toute la société humaine et son système économique : mettre fin à un capitalisme qui, selon lui, est mû par le seul profit et sacrifie le bien-être de la majeure partie de l’humanité.
Cette radicalité du désir de changement ne lui paraît pas utopique. Il cite en exemple la pandémie CoVID-19 qui a provoqué un changement immédiat des activités humaines par une prise de conscience planétaire de la fragilité de l’espèce. Malheureusement, dans le même entretien Ozzie Zehner affirme que « cette brève période (de confinement) a fait plus pour la planète que 30 ans de militantisme environnemental », ce qui est éminemment faux puisque la reprise des activités s’est soldée par une surconsommation. Moore espère au final que la peur suscitée par la compréhension des enjeux du changement climatique et de la destruction de notre environnement induira une réaction de la même ampleur que face à la pandémie.
Sans surprise, en France, le message politique de Planet of the Humans suscite une adhésion sans aucun examen critique des opposants à la « croissance verte ». En septembre 2020, le Journal La Décroissance publie sur deux pages un entretien avec Jeff Gibbs qui lui fait dire « La décroissance est la seule issue possible » mais aussi (page 5) : « Je n’ai pas de réponse à la question “comment décroître ?” et je pense que cela devrait se faire de manière différente selon les endroits et sociétés… » C’est précisément l’absence de proposition concrète et l’inexactitude des sources documentaires du film qui décrédibilisent le discours des « décroissants ». Balayant du coude toute critique basée sur des données vérifiables, ce journal se contente de fustiger (page 4) « le niveau de fanatisme que peut engendrer la religion renouvelable » !
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- N1 · y2xa · Vidéo “Planet of the Humans”
- N2 · jr60 · Vidéo “Michael Moore, filmmakers respond to criticism of new bombshell environmental film”
- N3 · pgw7 · Vidéo “Planet of the Humans : DEBUNKED”
- N4 · iiu3 · Vidéo “Planet of the Humans : Let’s just have a think…”
- N5 · yxo4 · Planet of the humans : A reheated mess of lazy, old myths
- N6 · aq9r · EA X 2017 Energy Transition Reports
- N7 · s29m · Moore’s Boorish Planet of The Humans : An Annotated Collection
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Article créé le 13/09/2020 - modifié le 28/01/2023 à 21h50