L’interprétation du taux sanguin de protéine C‑réactive (CRP dans le monde anglophone) est exposée sur de nombreux sites, à commencer par WikipediaN1. Elle peut plonger dans l’angoisse un lecteur confronté à un taux élevé. J’en témoigne ici…
Dans mes bilans sanguins de ces dernières années, le taux de protéine C‑réactive était d’environ 2 mg/l, autrement dit « normal » selon les indications du laboratoire : valeur de référence < 5 mg/l. Mon inquiétude est née (en septembre 2017) d’une analyse qui indiquait 18 mg/l. Dans le même bilan, la vitesse de sédimentation sanguine était montée à 11 mm, contre 4 mm un an plus tôt.
Le taux de CRP est un marqueur d’inflammation ou d’invasion microbienne. L’inflammation, quelle qu’en soit la cause, me préoccupe, car elle est associée au risque d’accident cardiovasculaire. Un endothélium vasculaireN2 enflammé accélère la formation de plaque d’athéroscléroseN3 dont j’ai déjà fait les frais — voir mon article Je suis à l'hôpital !. Par ailleurs, un endothélium dysfonctionnel ne produit pas assez de monoxyde d’azoteN4 pour dilater la paroi musculaire des artères et adapter le flux sanguin à l’effort. Ce dernier point pouvait expliquer que ma résistance lors d’un entraînement n’avait pas augmenté sensiblement après une première angioplastie.
Sommaire
⇪ Panique à bord…
Mon médecin généraliste était désorientée en l’absence de symptôme permettant d’orienter la recherche d’une cause : ni fièvre, ni douleur, ni fatigue. Les autres paramètres du bilan sanguin étaient favorables. Elle a accepté de suivre toutes les pistes, y compris d’envisager celle d’un cancer en phase silencieuse. Bien entendu, il était raisonnable (et rassurant) d’explorer en premier celle de maladies bénignes.
La lecture de la page C‑reactive proteinN5 en anglais m’a permis de mieux cerner les interprétations possibles :
Le taux normal dans le sérum d’un humain en bonne santé est entre 5 et 10 mg/l, il augmente avec l’âge. Des taux plus élevés se rencontrent chez les femmes enceintes ou en présence d’inflammations légères ou d’infections virales (10–40 mg/l), d’inflammation moyenne ou bactérienne (40–200 mg/l), d’inflammations bactériennes sévères et brûlures (> 200 mg/l).
Le taux de 18 mg/l pouvait donc correspondre à une inflammation sans gravité, sauf qu’elle pouvait masquer une augmentation du risque cardiovasculaire. Toutefois, l’absence de symptôme restait inquiétante, signalant un « mal invisible ».
Les pages et articles consultés mentionnent les causes inflammatoires ou infectieuses — à l’exception des femmes enceintes — mais passent sous silence la production de protéine C‑réactive consécutive à un entraînement de haute intensité. Cet effet a été documenté en médecine du sport — cf. une revue des publicationsN6. Dans mon article Entraînement fractionné de haute intensité - pratique, j’ai indiqué qu’un temps de récupération d’environ 48 heures était nécessaire pour la reconstruction de la masse musculaire après une séance sollicitant les fibres musculaires « ultrarapides ». Pendant cette récupération, le foie fabrique de la protéine C‑réactive pour maîtriser l’inflammation associée à ce processus.
Il se trouve que je m’étais présenté au laboratoire pour la prise de sang immédiatement après une séance matinale d’exercice intensif, sans avoir pris de déjeuner conformément aux instructions. J’ai donc cru avoir décelé la raison de cette augmentation de la CRP. Pour en avoir le cœur net, j’ai demandé une nouvelle analyse une semaine plus tard, veillant cette fois à m’abstenir d’exercice pendant les deux jours qui la précédaient.
Hélas, le taux de CRP était identique à celui de la semaine précédente. La vitesse de sédimentation était même passée de 11 à 20 mm… Retour à la case départ !
Parmi les causes mineures d’infection figurent les abcès dentaires. J’ai consulté un dentiste pour en avoir le cœur net. Il n’a rien décelé immédiatement mais a prescrit une radiographie panoramique de la mâchoire. Une semaine plus tard, celle-ci a révélé une carie profonde qui ne causait aucun désagrément, si ce n’est une très légère douleur le soir après exposition au froid.
La carie a été soignée. Une semaine plus tard, j’ai consulté un médecin en Allemagne qui a refait une analyse de sang. Le taux de CRP était redescendu à 2.14 mg/l, autrement dit en dessous du seuil de 5 mg/l. Quatre semaines plus tard, ayant suivi son traitement de médecine orthomoléculaireN7, le taux était descendu à 0.65 mg/l, proche du 0.4 mg/l qu’il m’avait indiqué comme cible.
➡ En Allemagne, la notion de « médecine orthomoléculaire » n’est pas réduite à la ridicule controverse sur l’inefficacité d’une supplémentation en vitamine C !
⇪ La protéine C‑réactive est un marqueur de santé cardiovasculaire
Les décimales de « 0.65 » indiquent une mesure ultrasensible de la CRP qui fournit d’autres informations. En l’absence d’autres causes d’infection ou d’inflammation, le taux de protéine C‑réactiveN1 peut servir de marqueur de risque cardiovasculaire. Certains auteurs suggèrent qu’un taux supérieur à 1 à 3 mg/l contribuerait à la formation de plaque d’athéroscléroseN3, et d’autres que l’inflammation de l’endothéliumN2 entraverait la formation de monoxyde d’azoteN4. Les deux ne sont pas incompatibles.
Le praticien que j’ai consulté à Wiesbaden a accordé beaucoup d’importance à l’inflammation, dans mon cas, ayant vérifié que d’autres marqueurs comme les taux de cholestérol LDL oxydé (45.2 ng/ml, voir N8), d’homocystéine (N9, 7.9 µmol/l) et de lipoprotéine(a) (N10, 17.8 nmol/l) étaient satisfaisants. Il estimait que la cible de CRP à atteindre serait 0.5 mg/l.
➡ Enfin un médecin qui ne se contente pas de mesurer le « cholestérol LDL » et de prescrire des statines ! Il n’empêche que le dernier cardiologue que j’ai consulté (le 9/12/2017) tenait à me prescrire du Crestor® « un petit peu de temps en temps pour soigner l’inflammation » ! Voir mon article Je suis à l'hôpital !
⇪ Améliorer son style de vie
Une des causes les plus fréquentes d’inflammation systémique chroniqueN11 est l’accumulation de graisse viscérale — qui se manifeste par le tour de taille, plus que par le « surpoids ». Cette région du corps n’étant pas conçue pour le stockage de graisse, l’organisme réagit contre cette invasion de matières qui entravent le fonctionnement des organes. Comme à l’intérieur d’une plaie infectée, la réaction immunitaire se traduit par la production de macrophagesN12 qui stimulent la formation de cytokinesN13 pour attaquer ce corps étranger. La masse totale des macrophages peut avoisiner celle de la graisse viscérale !
Heureusement, la graisse viscérale est la première à s’éliminer lorsqu’on améliore son style de vie, le plus souvent par l’adoption d’un régime alimentaire faible en glucides, ainsi que d’une pratique d’exercice bien adaptée à ses besoins. La nutrition joue donc un rôle manifeste dans cette inflammation systémique, bien que les effets des aliments varient selon les individus, leurs microbiotes et la synchronisation de leurs horloges internes — voir mon article Nutrition, qui écouter ? Toutes les pistes méritent d’être examinées, y compris l’examen critique des effets prétendument anti-inflammatoires des végétaux — voir mon article Carnivore Code.
⇪ Pour conclure…
Cet épisode m’a appris deux points insuffisamment documentés au sujet de la protéine C‑réactive :
- Penser aux abcès dentaires dans la recherche de causes d’infection. Ne pas hésiter à faire une radio panoramique de la dentition pour obtenir un diagnostic précis, sachant que des caries profondes, même insensibles, peuvent entraîner de fortes perturbations.
- Mesurer le taux de CRP ultrasensible, s’il est inférieur à 5 mg/l, afin d’évaluer le risque cardiovasculaire (surtout après un premier incident) en complément d’autres paramètres prédictifs de rechute.
Le taux de CRP n’est qu’un marqueur d’inflammation parmi beaucoup d’autres. D’autres tests, plus compliqués et plus coûteux, peuvent s’avérer nécessaires pour identifier les causes de l’inflammation.
L’inflammation est un facteur de risque commun de nombreuses maladies chroniques ; je n’ai présenté ici que le risque cardiovasculaire associé à mon histoire personnelle. Les lecteurs anglophones peuvent consulter un rapport de l’Université de HarvardN14 pour en saisir les mécanismes, et mettre en place des stratégies protectrices efficaces — à peu de choses près, celles présentées dans les divers chapitres de ce site.
⇪ Compléments de lecture
- Protéine C réactive : c’est quoi et pourquoi augmente‑t elle ? Site « Santé pratique »N15
⇪ ▷ Liens
🔵 Notes pour la version papier :
- Les identifiants de liens permettent d’atteindre facilement les pages web auxquelles ils font référence.
- Pour visiter « 0bim », entrer dans un navigateur l’adresse « https://leti.lt/0bim ».
- On peut aussi consulter le serveur de liens https://leti.lt/liens et la liste des pages cibles https://leti.lt/liste.
- N1 · c9jw · Protéine C réactive – CRP – Wikipedia
- N2 · pgyc · Endothélium – Wikipedia
- N3 · mnd6 · Athérome ou athérosclérose – Wikipedia
- N4 · pcyq · Monoxyde d’azote – Wikipedia
- N5 · o3qe · C‑reactive protein – Wikipedia
- N6 · cp3o · The Effects of Physical Activity on Serum C‑Reactive Protein and Inflammatory Markers : A Systematic Review
- N7 · t7ns · Médecine orthomoléculaire – Wikipedia
- N8 · ksx1 · Les LDL oxydés permettraient d’identifier les sujets âgés à haut risque cardiovasculaire
- N9 · zby3 · Homocystéine – Wikipedia
- N10 · xxly · Lipoprotéine(a) – Wikipedia
- N11 · kqvd · L’inflammation de bas grade ou inflammation systémique
- N12 · 60vw · Macrophage – Wikipedia
- N13 · fufq · Cytokine – Wikipedia
- N14 · q3cu · Inflammation and Chronic Disease – Harvard Health Publishing
- N15 · x7if · Protéine C réactive : c’est quoi et pourquoi augmente‑t elle ?
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Article créé le 11/11/2017 - modifié le 9/04/2023 à 08h20
6 thoughts on “Protéine C‑réactive : panique !”