Neurodégénération

Alzheimer

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Cette mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tiveN1 affecte le tissu céré­bral en détrui­sant des neurones, ce qui se traduit par la perte progres­sive et irré­ver­sible des fonc­tions mentales, et notam­ment de la mémoire. C’est la forme la plus répan­due de déclin cogni­tif dans les socié­tés industrialisées.

Loin de prétendre couvrir exhaus­ti­ve­ment le sujet de la mala­die d’AlzheimerN2, je souhaite évoquer quelques travaux qui ouvrent des pistes nouvelles.

Sommaire

Le protocole MEND

Ces travaux sont menés par l’équipe du Dr Dale Bredesen, fonda­teur en 1998 du Buck Institute for Research on Aging (USA).

L’article Reversal of cogni­tive decline in Alzheimer’s disease (Dave et al., 2016N3) présente les premiers résul­tats de cette nouvelle approche qu’il convient de mettre en contexte. Il s’agis­sait d’une expé­ri­men­ta­tion du proto­cole MEND (Metabolic Enhancement for NeuroDegeneration) sur 10 personnes souf­frant de déclin cogni­tif — pas spéci­fi­que­ment Alzheimer — traité sur une durée de 5 à 24 mois. Des progrès signi­fi­ca­tifs ont été mesu­rés chez 8 de ces patients.

➡ Ce qui fait dire à des char­la­tans New-Age qu’un mysté­rieux « proto­cole M » décou­vert par une équipe de cher­cheurs cali­for­niens guéri­rait 8 patients Alzheimer sur 10… Comme convenu, ce trai­te­ment aurait été « enterré par les Autorités et caché au grand public » car il dessert les inté­rêts de Big Pharma ! Voir mon article “Health coaching”: business models en roue libre…

La page New Hope that Alzheimer’s Can Be Prevented — and Even Cured (2017N4) contient le résumé d’un entre­tien entre Chris Kresser et Dale Bredesen. Dès le départ, ces travaux sont situés dans un cadre de méde­cine fonc­tion­nelleN5 :

L’approche conven­tion­nelle est souvent en retard — la surprise est que l’amy­loïde très asso­cié à la mala­die d’Alzheimer est une réponse protec­trice aux agres­sions de microbes ou de toxines. Par consé­quent, toute tenta­tive d’éli­mi­na­tion de l’amy­loïde devrait être précé­dée de la suppres­sion de l’agres­sion qui induit cette réponse.

Après avoir présenté l’équi­libre entre divers peptides des synapses reliant les neurones, dont certains sont construc­teurs (synap­to­blastes) et les autres destruc­teurs (synap­to­castes) — un méca­nisme simi­laire à celui dont le déséqui­libre entraîne l’os­téo­po­rose — Bredesen propose une liste des cinq types d’Alzheimer décrits dans son ouvrage The End of Alzheimer’s (2017N6) :

  • Type 1, inflam­ma­toire (« chaud ») : l’in­flam­ma­tion peut être due à des agents patho­gènes ou à d’autres facteurs inflam­ma­toires tels que les graisses trans.
  • Type 2, atro­phique (« froid ») asso­cié à des réduc­tions du support trophique telles que le facteur de crois­sance nerveuse, le facteur neuro­tro­phique dérivé du cerveau, l’es­tra­diol, la vita­mine D et d’autres supports trophiques, hormo­naux ou nutri­tion­nels. Il existe aussi une combi­nai­son commune de type 1 et type 2 — type 1.5 glyco­toxique (« doux ») — qui combine l’in­flam­ma­tion du glucose élevé (par exemple via AGEN7) avec la perte trophique de la résis­tance à l’in­su­lineN8.
  • Type 3, toxique (« méchant ») asso­cié à une expo­si­tion à des toxines telles que des myco­toxinesN9 (par exemple, des tricho­thé­cènes ou de l’ochra­toxine A) ou des chimioxines (par exemple le mercure).
  • Type 4, vascu­laire (« pâle ») asso­cié à un soutien vascu­laire réduit.
  • Type 5, trau­ma­tique (« étourdi ») asso­cié à un trau­ma­tisme crânien antérieur.

Les causes ayant été iden­ti­fiées, et soigneu­se­ment quan­ti­fiées pour chaque patient, un trai­te­ment indi­vi­dua­lisé est envi­sa­geable. Au total, 150 facteurs liés aux habi­tudes de vie ont été signa­lés, qui expli­que­raient la surve­nue de 95% des cas d’Alzheimer, les 5% restants étant attri­bués à des facteurs génétiques.

Les essais cliniques ont montré que les symp­tômes pouvaient régres­ser signi­fi­ca­ti­ve­ment pourvu que la mala­die ne soit pas à un stade trop avancé. C’est l’ob­jec­tif du proto­cole ReCODE.

Bredesen expliqueN4 :

La clé est que l’en­semble du programme fonc­tionne de concert, donc il existe un effet de seuil, tout comme on l’ob­serve dans le trai­te­ment des mala­dies cardio­vas­cu­laires. Il semble y avoir des effets béné­fiques majeurs induits par l’in­ver­sion de la résis­tance à l’in­su­line, l’op­ti­mi­sa­tion du sommeil, l’exer­cice régu­lier, l’éli­mi­na­tion des expo­si­tions toxiques […], l’op­ti­mi­sa­tion du soutien hormo­nal […], l’op­ti­mi­sa­tion de la nutri­tion (par exemple, se prému­nir contre un taux élevé d’homo­cys­téine [N10], un taux faible de vita­mines D et B12, de magné­sium etc.), la lutte contre des agents patho­gènes (par exemple la borré­liose [N11]), une réduc­tion de l’in­flam­ma­tion — mais surtout, des causes de l’in­flam­ma­tion —, une opti­mi­sa­tion de l’en­traî­ne­ment du cerveau et la réduc­tion du stress.

Rôle du peptide amyloïde Aβ

Des travaux soulignent une ressem­blance de la mala­die d’Alzheimer avec les mala­dies à prions comme celle de Creutzfeldt-Jakob :

[…] les protéines impli­quées dans la mala­die d’Alzheimer changent de forme, ce qui modi­fie leur action à l’échelle cellu­laire. Il faut savoir que le rôle d’une protéine dépend géné­ra­le­ment de sa forme (qui elle-même dépend en grande partie de l’enchaînement des acides aminés qui la compose). C’est ce chan­ge­ment de morpho­lo­gie qui confère au peptide Aβ [N12] des proprié­tés tota­le­ment diffé­rentes de celles de sa forme normale. Devenu capable de s’auto-agréger, il peut former les dépôts de fibres amyloïdes qui sont proba­ble­ment à l’origine de la mort des neurones.
Mais ce n’est pas tout : les cher­cheurs ont démon­tré que les formes toxiques sont capables de forcer leurs alter-egos normaux à les imiter, et à adop­ter eux aussi une forme patho­gène ! Ce phéno­mène, dit « auto-réplicatif », explique comment une cellule malade produi­sant la forme toxique du peptide peut « conta­mi­ner » la cellule voisine.
Cette conta­gion de proche en proche explique aussi pour­quoi, durant l’évolution de la mala­die d’Alzheimer, la propa­ga­tion des lésions céré­brales s’étend progres­si­ve­ment à tout le cerveau en suivant un schéma bien déter­miné, chez tous les patients.

Cette cita­tion est issue d’un article d’Angélique Igel-Egalon sur le site The Conversation (2018N13) repro­duit par de nombreux médias fran­co­phones. L’auteure et le chef de rubrique Santé ont aima­ble­ment listé les liens impor­tants en réponse à un commen­taire où j’avais signalé l’ar­ticle de Aleksandr A Rubel et al. (2013N14). Je les rappelle en partie ci-dessous.

Melanie Meyer-Luehmann et al. (2006N15), Jan Stöhr et al. (2014N16) ont démon­tré l’in­duc­tion expé­ri­men­tale de plaques amyloïdes sur des souris.

En 2015, Zane Jaunmuktane et al.N17 ont constaté une trans­mis­sion par conta­gion de la patho­lo­gie asso­ciée au peptide Aβ, notam­ment via les trai­te­ments par hormone de crois­sance qui avaient contri­bué à dissé­mi­ner la mala­die de Creutzfeldt-Jakob (Ritchie DL et al., 2017N18 ; Frontzek K et al., 2016N19 ; Cali I et al., 2018N20). Les deux derniers auteurs signalent aussi que des greffes de dure-mèreN21 pour­raient avoir causé une trans­mis­sion du prion humain. Une autre conta­mi­na­tion plus rare a pu être causée par des instru­ments de neuro­chi­rur­gie (Jaunmuktane Z et al., 2018N22).

Sachant que diffé­rentes souches de prions ont été iden­ti­fiées (Morales R, 2017N23), Angélique Igel-Egalon suggère qu’on désigne la mala­die d’Alzheimer comme une « mala­die de type prion » plutôt qu’une « mala­die à prions »N13.

Plus récem­ment, Deepak Kumar et al. (2016N24) auraient « réha­bi­lité » le peptide amyloïde AβN12 qui selon eux joue plutôt un rôle « protec­teur » dans un méca­nisme dont le dérè­gle­ment provoque la mala­die d’Alzheimer :

On pense que la protéine Aβ [N12] est respon­sable de la mort neuro­nale dans la mala­die d’Alzheimer. Aβ forme des agré­gats inso­lubles dans le cerveau des patients atteints de la mala­die d’Alzheimer, carac­té­ris­tiques de la mala­die. Aβ et sa propen­sion à l’agré­ga­tion sont large­ment consi­dé­rés comme intrin­sè­que­ment anor­maux. Cependant, dans de nouveaux travaux, Kumar et al. montrent que Aβ est un anti­bio­tique natu­rel qui protège le cerveau contre les infec­tions. Le plus surpre­nant est que les agré­gats Aβ capturent et empri­sonnent les bacté­ries patho­gènes. Il n’est pas clair si Aβ combat une infec­tion réelle ou faus­se­ment perçue dans la mala­die d’Alzheimer. Cependant, dans tous les cas, ces décou­vertes iden­ti­fient des voies inflam­ma­toires comme nouvelles cibles poten­tielles pour le trai­te­ment de la mala­die d’Alzheimer.

Cette façon de voir me paraît en accord avec celle, décrite plus haut, à l’ori­gine du proto­cole MEND. Selon Gina Kolata (New York TimesN25), le scéna­rio de l’in­fec­tion, vu par les cher­cheurs Rudolph Tanzi et Robert Moir, pour­rait se résu­mer ainsi :

Un virus, un cham­pi­gnon ou une bacté­rie pénètre dans le cerveau en passant à travers une membrane — la barrière hémato-encéphalique [N26] — qui fuit à mesure que les gens vieillissent. Le système de défense du cerveau se préci­pite pour arrê­ter l’envahisseur en fabri­quant une cage collante à partir de protéines, appe­lée bêta-amyloïde. Le microbe, comme une mouche dans une toile d’arai­gnée, devient piégé dans la cage et meurt. Ce qui reste est la cage — une plaque qui est la marque distinc­tive de la mala­die d’Alzheimer.

Alors que les protéines AβN12 ont jusqu’ici été consi­dé­rées comme un déchet dont les frag­ments (peptides) s’ac­cu­mulent dans le cerveau avec l’âge, Robert Moir avait remar­qué leur simi­li­tude avec celles du système immu­ni­taire inné, ce qui confir­me­rait qu’elles puissent inter­ve­nir dans la défense du cerveau contre des agres­sions micro­biennesN25. L’expérimentation animale renforce cette hypo­thèse. Rudolph TanziN27 étudie par ailleurs le rôle média­teur du micro­biote intes­ti­nalN28 dans ce proces­sus. Certains gènes comme ApoE2 peuvent le retar­der en faci­li­tant l’éli­mi­na­tion des frag­ments d’Aβ après qu’ils aient joué leur rôle défen­seurN25.

Selon William A Eimer et al. (2018N29), des agents infec­tieux à l’ori­gine du méca­nisme destruc­tif pour­raient être les virus de l’herpès : HSV1N30, HHV6N31, HHV7N32. Des travaux sur un modèle animalN33 suggèrent aussi qu’un agent patho­gène bucco-dentaire (Porphyromonas gingi­va­lis), au rôle majeur dans le déclen­che­ment de paro­don­tites, pour­rait déclen­cher une neuroin­flam­ma­tion dans le cerveauN34 condui­sant à la mala­die d’Alzheimer.

L’inflammation provoque la mort de cellules nerveuses. La partie de la barrière hémato-encéphaliqueN26 qui devient la plus poreuse avec l’âge est celle qui protège l’hip­po­campe, siège de l’ap­pren­tis­sage et de la mémoire où les plaques d’Alzheimer se forment.

En réponse à mon commen­taire, Angélique Igel-Egalon observe que l’étude de Deepak Kumar et al. (2016N24) ne dit rien de l’in­fluence sur leur poten­tiel infec­tieux des struc­tures et formes des oligo­mèresN35 du peptide amyloïde AβN12. Comme signalé précé­dem­ment, le problème est moins une accu­mu­la­tion passive de protéines que leur chan­ge­ment de forme qui modi­fie leur action à l’échelle cellu­laireN13.

Si le problème réside dans la dété­rio­ra­tion de la barrière hémato-encéphaliqueN26, toute inter­ven­tion empê­chant ou ralen­tis­sant cette dété­rio­ra­tion devrait être protec­trice de la mala­die d’Alzheimer. Or un facteur impor­tant de cette dégra­da­tion pour­rait être le stress, selon un méca­nisme partiel­le­ment connu (Welcome MO & NE Mastorakis, 2020N36). La dégra­da­tion permet autant le passage de substances nocives en prove­nance de l’en­vi­ron­ne­ment que celui de lipides (via les lipo­pro­téines). C’est l’hy­po­thèse de l’in­va­sion des lipides formu­lée par Jonathan D’Arcy Rudge (2022N37) :

Le modèle d’in­va­sion lipi­dique explique comment l’af­flux d’acides gras libres liés à l’al­bu­mine via une barrière hémato-encéphalique pertur­bée induit des chan­ge­ments bioéner­gé­tiques et un stress oxyda­tif, stimule la neuro-inflammation induite par la micro­glie et provoque une amné­sie anté­ro­grade. Il explique égale­ment comment l’af­flux de lipo­pro­téines externes, qui sont beau­coup plus grandes et plus riches en lipides, notam­ment en choles­té­rol, que celles norma­le­ment présentes dans le cerveau, provoque des anoma­lies endosomales-lysosomales et une surpro­duc­tion du peptide amyloïde‑β (Aβ). Cela conduit à la forma­tion de plaques amyloïdes et d’en­che­vê­tre­ments neuro­fi­bril­laires, les carac­té­ris­tiques les plus connues de la mala­die d’Alzheimer.

Des assem­blages d’ex­traits de plantes sont propo­sés et vendus comme « remèdes miracles » pour la préven­tion et le trai­te­ment de la mala­die d’Alzheimer. Voir par exemple une combi­nai­son de nootropesN38 : mille­per­tuis offi­ci­nal, N‑acetyl L‑Carnitine, phos­pha­ti­dyl­sé­rine, huper­zine A, gingko bilboa, L‑glutamine, brahmi et vinpo­cé­tine, commer­cia­li­sée par Advanced Biohealth. La vidéo inter­mi­nable qui sert de “sales pitch” à ce produit présente toutes les carac­té­ris­tiques d’une arnaque, mais l’ave­nir confir­mera ou infir­mera la vali­dité de telles propositions.

Il faut redou­bler de prudence — et faire preuve de scep­ti­cisme — à la lecture de tout article scien­ti­fique annon­çant une avan­cée spec­ta­cu­laire dans la compré­hen­sion et/ou le trai­te­ment de mala­dies comme Alzheimer. Voir par exemple l’ar­ticle de Sylvain Lesné (person­nage disparu) et collègues (2006N39) dont la mani­pu­la­tion frau­du­leuse d’images a été mise en évidence par les analyses auto­ma­tiques (Schneider L, 2022N40). La fraude scien­ti­fique permet de gagner gros — quitte à tout perdre — quand on s’oc­cupe de mala­dies répu­tées incurables.

Dépistage et prévention

Des recherches sont en cours pour propo­ser un dépis­tage précoce d’Alzheimer qui permet­trait de démar­rer un trai­te­ment dans la « phase silen­cieuse » de la mala­die — voir par exemple Elena Sender (2017N41) et N42.

Keenan A Walker et al. (2017N43) ont montré que la présence de 3 ou plus biomar­queurs d’in­flam­ma­tion systé­mique (sur 5 mesu­rés) dans le sang de sujets d’âge moyen 53 ans avait augmenté signi­fi­ca­ti­ve­ment, 24 ans plus tard, l’in­ci­dence de la mala­die d’Alzheimer, en dimi­nuant notam­ment le volume de l’hippo­campeN44. Je crois donc impor­tant de surveiller les taux sanguins suscep­tibles de signa­ler une inflam­ma­tion : CPK (créa­tine kinaseN45), vitesse de sédi­men­ta­tionN46 et protéine C‑réactive — voir mon article Protéine C-réactive : panique !

La prise de médi­ca­ments anti­cho­li­ner­giquesN47 serait asso­ciée à un risque accru de démence (de 6 à 49%) comme le signale une étude menée sur 284 343 sujets âgés de 82.2 ± 6.8 ans (Coupland CAC, 2019N48). La carence en cholineN49 est fréquente et touche 9 Américains sur 10. Lucy Mailing explique (voir mon article Choline) qu’elle est :

[…] un précur­seur de l’acé­tyl­cho­line [N50], un neuro­trans­met­teur qui joue un rôle dans la mémoire, les rythmes circa­diens et le contrôle muscu­laire, ainsi que de la sphin­go­myé­line [N51] qui se trouve dans la gaine grais­seuse entou­rant les fibres nerveuses et améliore la conduc­tion des impul­sions électriques.

En termes de préven­tion, les recom­man­da­tions publiées sur ce site (voir notam­ment mon article Vivre bien et longtemps) sont en plein accord avec le programme ReCODE mentionné ci-dessus.

L’augmentation du facteur neuro­tro­phique issu du cerveau (brain-derived neuro­tro­phic factor, BDNFN52) que l’on observe dans les pratiques du demi-jeûne frac­tionné (voir mon article Jeûne et restriction calorique) et de l’en­traî­ne­ment frac­tionné de haute inten­sité (voir mon article Entraînement fractionné de haute intensité) fait partie des stra­té­gies de préven­tion effi­caces justi­fiées par l’ex­pé­ri­men­ta­tion animale. Pour un exposé détaillé, suivre les liens sur cette page du site Mental Health Daily (2016N53).

Autres pistes

L’étude de Esme Fuller-Thomson & ZhiDi Deng (2019N54) basée sur l’au­top­sie de personnes décé­dées à plus de 80 ans, suggère que l’in­toxi­ca­tion au plomb contenu dans les carbu­rants — jusqu’à l’in­ter­dic­tion de cet addi­tif — aurait pu avoir une inci­dence notable sur une encé­pha­lo­pa­thie proche d’Alzheimer. Les taux de démence ont en effet baissé de 15 % par décen­nie depuis les années 1980, une dimi­nu­tion d’autant plus impré­vue que des facteurs de risque de la mala­die, comme l’obésité et le diabète, sont en plein essor. D’autres travaux ont montré une inci­dence plus élevée de la démence chez les personnes vivant près de grands axes routiers.

Une étude de Yakeel Quiroz et collègues (2020N55) révèle qu’un biomar­queur de diag­nos­tic précoce effi­cace des mala­dies de HuntingtonN56 et d’Alzheimer pour­rait être le taux élevé de neuro­fi­la­ment à chaîne légère (NfLN57) circu­lant dans le liquide céphalo-rachidien et détec­table dans le sang. Ce signa­le­ment pour­rait être effi­cace jusqu’à 22 ans avant l’ap­pa­ri­tion des premiers symptômes.

Des essais ont lieu sur l’amé­lio­ra­tion des capa­ci­tés cogni­tives de patients atteints de mala­die d’Alzheimer à un stade précoce ou moyen grâce à la consom­ma­tion de TCM (trigly­cé­rides à chaîne moyenne, N58), par exemple Miho Ota et al. (2019N59). D’autres essais, toujours sur de petits nombres de malades — donc à faible niveau de preuve — ont montré un effet béné­fique de la consom­ma­tion d’huile de noix de coco riche en acide laurique qui est un TCM à l’état naturel.

Il ne s’agit pas de « remèdes de grand mères » mais d’une recherche basée sur le constat que la mala­die d’Alzheimer pour­rait être dési­gnée comme un « diabète de type 3 » comme proposé par Zuzanne M de la Monte et Jack R Wands (2008N60) : le cerveau produit sa propre insu­line, et celui de patients Alzheimer ne souf­frant pas de diabète de type 1 ou de type 2 présente une défi­cience en insu­line, pour­tant carac­té­ris­tique du diabète. Par consé­quent, tout trai­te­ment (préven­tif ou cura­tif) visant à favo­ri­ser la produc­tion de corps céto­niquesN61 pour­rait être béné­fique aux patients Alzheimer.

Cette approche — appli­quée aussi à la mala­die de ParkinsonN62 et autres mala­dies neuro­dé­gé­né­ra­tivesN1 comme la sclé­rose laté­rale amyo­tro­phique (Maladie de Charcot, N63) — inclue­rait un trai­te­ment méta­bo­lique simi­laire à celui du cancer (voir mon article Cancer - approche métabolique) et la pratique de diète céto­gène (voir mon article). Avec pour seule réserve que, chez une personne âgée, un chan­ge­ment radi­cal de régime alimen­taire peut se traduire par la perte d’ap­pé­tit et par consé­quent une dénu­tri­tion anni­hi­lant le béné­fice escompté (Gibson AA et al., 2015N64).

Le bleu de méthy­lèneN65 ferait preuve de proprié­tés inté­res­santes dans la lutte contre des mala­dies neuro­dé­gé­né­ra­tives, d’après un article trai­tant de son rôle présu­mé­ment protec­teur de l’in­fec­tion CoVID-19 (Henry M et al., 2020N66). La figure ci-dessous décrit son action possible sur les prin­ci­pales enzymes impli­quées dans la mala­die d’Alzheimer. Cet effet a été observé dans des études cliniques.

Source : N66

Dans l’étude Impact des facteurs de mode de vie sain sur le risque de démence d’Alzheimer (Klodian D et al., 2020N67), les cher­cheurs ont évalué l’impact de cinq choix de vie — alimen­ta­tion saine, acti­vité physique, inter­dic­tion de fumer, consom­ma­tion modé­rée d’alcool et main­tien d’un mode de vie intel­lec­tuel­le­ment actif — sur la réduc­tion du risque de mala­die d’Alzheimer. Pour les sujets ayant adopté 2 ou 3 facteurs de mode de vie saine, le risque est dimi­nué de 39 % compa­ra­ti­ve­ment aux sujets ayant adopté unique­ment 0 ou 1 facteur de vie saine. Ce risque est abaissé de 59 % lorsque les sujets ont adopté 4 ou 5 facteurs de risque de vie saine. Les même auteurs auteurs préco­nisent l’adop­tion d’un régime MIND (Mediterranean-Dash Intervention for Neurodegenerative Delay) inspiré par la diète médi­ter­ra­néenneN68 et le régime DASHN69.

Ce résul­tat est corro­boré, pour ce qui concerne la démence sénile en géné­ral, par l’Étude de Rotterdam (Xiao T et al., 2023N70). Un groupe de 3651 parti­ci­pants ont été suivis sur une quin­zaine d’an­nées. Toutes ces personnes, âgées de 72 ± 10 ans en moyenne au départ, ne présen­taient aucun symp­tôme de démence quand leur densité miné­rale osseuse a été mesu­rée en plusieurs points du corps, notam­ment le col du fémur. Au cours des dix années suivant le début de l’étude, le risque de démence était le plus élevé (dans un rapport supé­rieur à 2) pour les groupes présen­tant le tertile le plus bas de densité miné­rale osseuse. Ce résul­tat est signi­fi­ca­tif parce qu’on avait tendance à inver­ser les effets, esti­mant que la démence entraî­nait une baisse d’ac­ti­vité physique qui à son tour fragi­li­se­rait les os. Or, ici, la fragi­lité précède le déclin cogni­tif. Par consé­quent, c’est plutôt le style de vie — carences nutri­tion­nelles et manque d’exer­cice — qu’il faudrait incri­mi­ner, autant pour la perte de densité miné­rale osseuse que pour le déclin cognitif.

La dimen­sion psycho­lo­gique de cette mala­die méri­te­rait une atten­tion accrue. Sur un article de blog (2021N71) un lecteur (le profes­seur Mario Garrett) commente :

La biolo­gie n’ex­plique pas complè­te­ment la démence. Nous ne pouvons ni prédire ni confir­mer un diag­nos­tic de démence sur la base de sa biolo­gie. La plupart des adultes possèdent déjà les biomar­queurs. Chez les adultes plus âgés, les biomar­queurs ne sont pas en corré­la­tion avec la mala­die, seule­ment avec les cas graves. Nous ne pouvons pas expli­quer le reste. Des études récentes portant sur la préven­tion — l’étude FINGER est actuel­le­ment mise en œuvre dans 25 pays — sont plus promet­teuses pour amélio­rer la mala­die. Pourtant, nous ne dispo­sons pas d’une théo­rie majeure pour expli­quer ces résul­tats sans recou­rir à la biolo­gie. En compre­nant qu’il existe des facteurs, autres que la biolo­gie, média­teurs et modé­ra­teurs de la démence, nous avons une vision plus large de la mala­die qu’une simple approche binaire. La psycho­lo­gie joue un rôle essen­tiel dans cette mala­die clinique, par la manière dont la cogni­tion affecte la démence. L’hypothèse est que l’en­semble de la cogni­tion : la percep­tion, l’orien­ta­tion, la nouveauté, l’at­ten­tion, l’ap­pli­ca­tion des connais­sances (praxis), le calcul, le langage, la pensée abstraite et la mémoire affectent et provoquent la démence. Ce n’est pas la démence qui provoque le déclin cogni­tif, mais le déclin cogni­tif qui provoque la démence. La psycho­pa­tho­lo­gie de la démence peut initier la démence, la modé­rer en renfor­çant ou en retar­dant la progres­sion de la mala­die, ou servir de média­teur à la mala­die en agis­sant comme un proces­sus de confir­ma­tion. Le point de bascu­le­ment exprimé par l’apa­thie et la dépres­sion annonce le chan­ge­ment de la cogni­tion. La psycho­pa­tho­lo­gie de la démence est impor­tante pour comprendre l’étio­lo­gie de la démence, car elle consti­tue la voie la plus promet­teuse pour guérir certaines démences.
Toutes ces affir­ma­tions sont docu­men­tées. Il est temps d’élar­gir l’étude à la psychologie.

Ces pistes nouvelles sont encou­ra­geantes et peuvent donner lieu à des chan­ge­ments de mode de vie qui, s’ils ne produisent pas les effets mira­cu­leux affi­chés par des articles triom­pha­listes, améliorent le bien-être et la santé des patients de mala­dies neurodégénératives.

▷ Liens

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Article créé le 8/11/2017 - modifié le 29/03/2023 à 12h12

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