En lisant ces pages, vous cherchez peut-être un antidote à des choix insatisfaisants en matière de soin du corps, hygiène de vie ou « philosophie de l’existence »… Au fil du texte, vous rencontrerez un large éventail de liens vers des articles de synthèse ou des recommandations.
Ce serait toutefois une erreur d’en attendre des recettes à collectionner pour aller mieux. Du style : « Vous dormez mal ? Prenez du magnésium ! » avec un lien vers un service de vente en ligne… Ce que proposent ad nauseam de nombreux sites « de santé ». Or je n’ai rien à vendre !
Je fais partie de ceux qui déplorent l’envahissement d’un discours New AgeN1 hostile à la médecine scientifique mais porteur d’un consumérisme de thérapies.
Cette obsession du bien-être est nourrie par la crainte du vieillissement et de la maladie, paradoxalement associée chez beaucoup à une hygiène de vie approximative.
Quel que soit votre problème — ou celui de vos proches — une intervention ponctuelle a de fortes chances de se réduire à son effet placeboN2. Au début, tout va mieux, le remède semble tenir ses promesses, et cela peut durer des jours ou des semaines. Puis il perd son efficacité et on passe à autre chose…
Sommaire
⇪ Feuille de route
Il existe, bien entendu, des médicaments et interventions peu efficaces. J’en distingue trois catégories en ordre croissant d’utilité. La première : les arnaques, qui sont légion. La seconde, des pratiques qui permettent une amélioration temporaire, par exemple un régime amaigrissantN3 suivi d’une rechute — l’effet « yo-yo »N4. La troisième catégorie, et la plus intéressante à mes yeux, est celle d’interventions qui ne s’avèrent efficaces qu’une fois intégrées à nos conditions d’existence.
➡ En clair, ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier…
Exemples :
- Consommer « assez » de viande pour couvrir ses besoins en fer héminique (voir N5) et en protéines offre peu d’intérêt si l’on néglige d’inclure aux repas suffisamment de vitamine C permettant l’absorption du fer (voir l’étudeN6), ou encore si des facteurs antinutritionnels empêchent l’assimilation des protéines (voir l’étudeN7).
- Se dépenser en jogging ou à bicyclette le dimanche matin ne sert pas à grand chose si l’effort est récompensé par des sucreries ou un festin familial… L’entraînement peut d’ailleurs s’avérer dangereux s’il se polarise sur la performance — voir mon article Overdose d’exercice ➜ danger.
- Modifier son régime alimentaire ne produit pas d’effet durable sur la santé à moins d’intervenir simultanément sur la boisson, l’exercice physique, la restriction calorique, le sommeil, le stress… et j’en oublie certainement.

Après quelques années de lecture et de mise à l’essai de multiples recommandations, j’en suis venu à constituer une liste minimale d’améliorations de l’hygiène de vie, une feuille de route que chacun peut adapter à son âge et à sa condition physique :
- Nutrition, hydratation, protéines, glucides et lipides, compléments alimentaires etc.
- Exercice physique d'endurance
- Entraînement fractionné de haute intensité (HIIT)
- Gymnastique involontaire
- Demi-jeûne fractionné
- Sommeil
- Position assise et debout etc.
Une version imprimable de ce programme peut être téléchargée ici — et collée sur votre frigo : N8. 🙂
➡ C’est une synthèse personnelle, pas une « expertise collective ». Les lecteurs sont invités à commenter, compléter ou contredire ces propositions en précisant leurs sources documentaires.
Je tiens à rappeler que ces pratiques ne peuvent pas se substituer à un traitement médical, bien qu’elles puissent contribuer à l’efficacité du soin ou la consolidation d’une guérison. Seuls des professionnels de santé peuvent vous guider en présence de pathologie. Je n’ai aucune compétence ni vocation à donner un avis sur un traitement.
⇪ Les sources
Le site LeBonheurEstPossible.org est la partie visible d’un travail de veille scientifique qui occupe la majeure partie de mon temps depuis avril 2014. Il fait l’objet de mises à jour quasi quotidiennes. La collecte de données touche en priorité les publications de biomédecineN9 porteuses de propositions que l’on peut mettre en pratique dans sa vie personnelle.
Certain·e·s pourront s’étonner que de nombreux sujets qui « font le buzz » ne soient pas abordés : j’ai choisi de me limiter à ceux issus de publications dans la presse scientifique, ou pour le moins qui font état d’une expérience clinique digne d’intérêt. Autrement dit, un éventail un peu plus large que celui de la médecine fondée sur les preuvesN10 en prenant soin de préciser que telle ou telle observation n’a pas encore été « validée » (ou ne peut pas l’être) par des études cliniques.
La page Liens vers d'autres sites permet d’élargir la recherche dans le web francophone et anglophone. Je ne garantis pas la véracité des contenus de ces sites, mais j’essaie d’éviter ceux à vocation visiblement commerciale.
De nombreuses références complètent mes articles pour inviter les internautes à une lecture critique. Je veille toutefois à ce qu’on puisse lire tous les articles « en diagonale », quitte à revenir plus tard sur les liens.
⇪ Wikipedia
Les termes techniques sont explicités, chaque fois que possible, par des liens vers l’encyclopédie coopérative WikipediaN11.
Parmi toutes les sources « tout public » disponibles sur Internet, Wikipedia se veut la plus proche de l’idéal de neutralité : Facebook est devenu un réservoir de désinformation virale, Twitter un espace de défoulement et Youtube le terrain de jeu des trollsN12 et de leurs théories de conspiration (Schwartz O, 2019N13)…
De manière paradoxale, la neutralité (et la pertinence) d’une page de Wikipedia peuvent augmenter lorsque ses éditeurs appartiennent à des camps opposés, c’est le cas par exemple de sujets politiques sensibles. En pratique, cette neutralité est assurée, non par un renoncement des « perdants » à leurs convictions, mais par des règles d’édition qui obligent les éditeurs à adopter un langage respectueux et « distancié » — c’est une encyclopédie — tout en citant des sources vérifiables. À propos de l’étude de Shi F et al. (2019N14), Oscar Schwartz écritN13 :
Ils ont constaté que lorsqu’une communauté d’édition est polarisée politiquement, la profondeur et la précision de l’information s’améliorent considérablement et inversement, à mesure que les communautés de travail deviennent idéologiquement homogènes, la qualité de la page se détériore de manière spectaculaire.
Ces observations sur le traitement de l’information politique s’appliquent à l’information médicale, sujette elle aussi aux controverses et à la manipulation d’opinions, sans oublier la fraude scientifique. Ainsi, les articles en français sont souvent de bien moindre qualité que ceux en anglais parce que leurs administrateurs ont tendance à gommer toute contradiction pour parvenir à « la vérité ». Selon eux, celle-ci peut émerger d’un consensus plutôt que d’un échange critique obéissant aux règles de bonne pratique éditoriale sur Wikipedia. Ainsi, faute de discussion, certaines pages finissent par afficher l’opinion majoritaire sur un sujet ; mais une opinion n’est pas une réalité scientifique… Sauf peut-être pour la secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences en France déclarant à la radio (24 avril 2020) que cette auguste institution avait pour objectif de rappeler des « vérités scientifiques irréfutables » ! La nature même d’un fait scientifique est de se soumettre à l’épreuve de la réfutationN15. Une proposition irréfutable ne saurait exister que dans les cadres de la métaphysique, de la religion ou d’une idéologie. Mais ce scientisme de bar du commerce est dans l’air du temps…
Selon Justin Knapp, un contributeur très prolifique de l’encyclopédie, la « bureaucratie robuste » de Wikipedia est indispensable pour « cultiver un espace de désaccords signifiants »N13 :
En raison de leur mission partagée [de créer une encyclopédie], les rédacteurs de Wikipedia se situent généralement à un niveau de surplombement de leur propre système de valeurs. Et les valeurs [à ce niveau] prévalent généralement sur tout désaccord sur une question particulière.
Cette vision idéaliste n’est pas partagée par certains spécialistes de Wikipedia, entre autres son co-fondateur Larry SangerN16 qui estime qu’elle est devenue le champ de bataille de groupes œuvrant à la poursuite d’agendas particuliers. Toute tentative d’inscrire un point de vue dissident sur une page contrôlée par ces groupes donne lieu à une révocation. Sanger a rejoint un autre projet d’encyclopédie (EveripediaN17) utilisant la technologie blockchainN18 pour assurer dans la transparence la prise de décision décentralisée de modifications à partir de votes de « porteurs de jetons ».
La bataille fait rage dans le domaine des médecines « non conventionnelles » car des moteurs de recherche (comme Google) ou des hébergeurs de contenus (comme Pinterest) modifient leurs algorithmes pour masquer des contenus qualifiés de « désinformation » par des agences d’évaluation. Ces agences signalent tout désaccord avec les informations fournies par les organismes officiels ou les sociétés savantes. Leurs détracteurs les accusent de complicité avec les industriels de la pharmacie ou de l’agro-alimentaire. Dans le camp opposé, on dénonce les conflits d’intérêt entre auteurs « déviants » et une industrie qui tient le marché de « produits naturels » ou de « traitements alternatifs ». Théâtre de nombreuses confrontations et controverses, la page Wikipédia en français dédiée à Gilles-Éric SéraliniN19 illustre bien ce dilemne et la difficulté d’en fournir un compte-rendu distancié.
Pour éviter de reproduire sur ce site les biais induits (à mon insu) sur les sujets sensibles, je limite autant que possible les liens aux pages Wikipedia facilitant la compréhension d’un terme médical ou technique.
⇪ Autres sources
Quelques sites de littérature « parascientifique » rédigés par des médecins ou chercheurs anglophones — Jason FungN20, Denise MingerN21, Bill LagakosN22, Stephan GuyenetN23, Jane PlainN24 etc. — contiennent des liens vers des sources fiables (journaux à comité de lectureN25) et sont riches en commentaires. Ils me servent souvent de points d’entrée vers les publications scientifiques. Ces auteurs s’affrontent parfois dans des controverses étayées de références précises. Des professionnels de santé, des coaches sportifs et autres « routards de la vie saine » contribuent aux commentaires dont la somme peut dépasser la taille de l’article. Autant de pistes nouvelles…
Par contre, de nombreux sites de « santé naturelle », en français ou en anglais, n’existent que pour soutenir la vente de produits miraculeux avec souvent des annonces de « conditions exceptionnelles », selon un modèle bien rôdé aux USA — voir mon article “Health coaching” : business models en roue libre…
Un des plus fréquentés dans le monde anglophone est celui du Dr. J. Mercola. Il m’arrive d’y faire référence sur des sujets correctement documentés, mais trop de pages de son site sont entachées d’erreurs, que ce soit par un biais de sélection des sources ou le détournement de données statistiques. Quand je signale ces erreurs dans un commentaire, les « disciples » serviles essaient dans un premier temps de me contredire, puis notre échange est effacé lorsqu’ils sont à court d’arguments. D’autre part, j’ai déjà reçu du spam publicitaire dont l’analyse révélait que Mercola avait cédé mon adresse à des sociétés tierces. Pour finir, depuis qu’il se pose en victime d’une censure exercée par Google, J. Mercola fait la promotion d’un des anciens employés devenu « lanceur d’alertes », proche de l’extrême-droite raciste et antisémite, qui présente Donald Trump comme une autre victime de manipulations de requêtes Google et de la traduction automatique — de ses tweets ! L’appétence de Mercola pour les théories de complot est malheureusement indissociable de sa popularité. En décembre 2020 il a pleinement versé dans le complotisme associé à l’épidémie de CoVID-19.
Parmi les sources francophones les plus intéressantes, quelques émissions de radio que l’on peut écouter en podcast. J’ai été (ou suis) abonné aux suivantes — certaines ayant achevé leur diffusion en été 2016 :
- La Conversation scientifiqueN26 (Étienne Klein, France Culture) — ma préférée !
- La Méthode scientifiqueN27 (Nicolas Martin, France Culture)
- Les Cours du Collège de FranceN28 (France Culture)
- Matières à penserN29 (France Culture)
- Science publiqueN30 (Michel Alberganti, France Culture)
- La Tête au carréN31 (Mathieu Vidard, France Inter)
- Sur les épaules de DarwinN32 (Jean-Claude Ameisen, France Inter)
Les sites de ces émissions contiennent des liens vers les sources documentaires et les ouvrages cités.
⇪ Vigilance et esprit critique

La lecture d’une page en ligne me prend parfois plusieurs jours pour consulter les sources et suivre les commentaires qui renvoient à d’autres sites ou à des articles de synthèse.
➡ Différence avec les sites francophones souvent commentés de manière superficielle, quand ils ne sont pas colonisés par des trolls…
Je consulte fréquemment les avis contraires sur des sites comme skepdic.comN33, rationalwiki.orgN34, sciencebasedmedicine.orgN35, ou en tapant un mot clé avec ‘debunked’, ‘quackery’ ou ‘hoax’ comme requête d’un moteur de recherche.
Ici aussi avec prudence, car un scepticisme de façade semble être le fonds de commerce de certains auteurs. Les uns font preuve d’un conformisme naïf drapé dans une rhétorique de « sociologie pour les nuls » (exemple typique d’un site anonyme : N36), d’autres n’existent que pour leur seule activité de quackbusting (chasse aux charlatans).
Mon but n’est pas de convaincre mais d’expliquer. Cela, dans les limites de mes compétences et des informations auxquelles j’ai pu avoir accès. N’ayant rien à vendre ni réputation à défendre, j’explore les sujets qui ont des implications pratiques sur notre santé et notre style de vie. J’évite toute prise de position sur ceux qui relèvent de débats d’experts, ce qui ne m’empêche pas de me tenir au courant des débats en cours. C’est pourquoi, entre autres, ce site ne dit rien sur la sécurité des vaccins ni sur le changement climatique…
Ultime précaution : pour tout ouvrage proposé sur une plateforme de vente en ligne, je consulte en premier les avis les plus défavorables — par exemple une seule étoile chez Amazon.com.

En remontant à la source de l’information, par exemple le texte intégral d’un article de journal scientifique, on peut en corriger une description incomplète, voire erronée, qui était celle d’auteurs insuffisamment attentifs à la rédaction de leur résumé. Ces contresens sont reproduits à l’identique sur une multitude de sites. Plus grave pour nous, les citations sont souvent traduites en français sans aucune mention des sources ! 🙁
La différence entre le contenu d’un article et les conclusions apparaissant dans son résumé ou son titre incite le lecteur peu averti à accorder de l’importance à un résultat non significatif. Les auteurs ont réalisé un “spin” pour tromper leur vigilance. En 2019, des spins ont été décelés dans plus de la moitié de 116 articles publiés en psychiatrieN37.
⇪ De l’erreur involontaire à la fraude
Certaines études scientifiques font l’objet de rétractations suite à la découverte d’incohérences, voire de fraudesN38 qui avaient échappé aux relecteurs. Un éditorial du rédacteur en chef du prestigieux journal The Lancet affirmait en 2015 que près de la moitié des études biomédicales seraient faussesN39. Il s’agit surtout de biais méthodologiques qu’Alexis Clapin a décrits dans son excellent ouvrage Enquêtes médicales & évaluation des médicaments : de l’erreur involontaire à l’art de la fraudeN40.
Le signalement de fraudes est devenu monnaie courante car initié de manière transparente par les acteurs de la recherche avec l’installation du site PubPeerN41. Ce site collaboratif permet aux scientifiques de faire la distinction entre des fake news et de véritables alertesN42. Il est bien entendu critiqué par celles/ceux qui se perçoivent comme « victimes » potentielles de ce qui est (incorrectement) désigné comme de la « délation ». Un lecteur commenteN43 :
Et pourquoi les chercheurs auraient-ils peur de se faire « épingler » sur des sites tels que ‘PubPeer’ ou ‘For better science’ lorsque le travail a été fait en toute bonne foi et selon les règles déontologiques ? Bien entendu l’erreur peut se glisser, dans les publications scientifiques comme ailleurs, malgré les filtres imposés par les revues spécialisées. Mais une erreur, tout comme une mauvaise interprétation de données, cela ce corrige !
Certains lanceurs d’alertes interviennent ouvertement, comme Prof. Vicky Vance dans la très médiatisée « affaire Voinnet » tandis que la plupart se protègent par l’anonymat afin d’éviter toute répercussion sur leur carrière, sachant que leurs organismes de tutelle ont tendance à imposer une loi du silenceN44…
➡ Je ne sais s’il vaut mieux rire ou pleurer en écoutant de brillants exposés sur l’éthique scientifique par des orateurs qui paraissent vivre dans un monde où n’existeraient ni fraude scientifique ni conflits d’intérêt !
Un exposé compréhensible sur les méthodes de manipulation de données a été publié par Milton Packer — voir la version française dans mon article Comment détecter une manipulation de données ?
Le processus de rétractation de publications est documenté entre autres par Retraction WatchN45. Voir par exemple, dans le domaine qui nous intéresse, une série d’articlesN46 sur les bienfaits supposés de la curcumineN47 qui avaient été cités plusieurs milliers de fois, ou encore la rétractation de publications aux données manipulées sur les risques des vaccinsN48… Retraction Watch est à son tour la cible de critiques (exempleN49) sur son manque de transparence, de possibles conflits d’intérêt et l’absence de responsabilité (accountability) envers la communauté scientifique dont il est supposé signaler les dérives.

L’augmentation exponentielle du volume de publications en biomédecine, notamment dans des journaux scientifiques en quête de notoriété, se traduit par un « trop-plein » qui incite les chercheurs à privilégier le facteur d’impactN51 devant la qualité scientifique de leurs productions. Il devient hasardeux de naviguer dans un flot d’informations entretenu par la multiplication des citations. Faute d’accès aux données brutes et de réplication des résultats, la popularité d’une théorie nouvelle n’est pas un indice fiable de sa pertinence. Lire à ce sujet Overflow in science and its implications for trust (Siebert S et al., 2015N52).
La pression exercée sur les chercheurs et leurs équipes par les décideurs chargés de répartir une manne financière toujours plus réduite (dans le secteur public) est à l’origine d’une pratique en rupture avec l’éthique scientifique : la publication dans des journaux « prédateurs » qui acceptent contre paiement à peu près n’importe quel article sans préjuger de sa valeur scientifique — voir la Beall’s listN53. Certains journaux affichent même dans leur « comité scientifique » les noms de professeurs célèbres qui n’ont jamais été sollicités pour en faire partie… Ils sont associés à des groupes sans localisation vérifiable qui décernent — moyennant rémunération — des « prix scientifiques » aux chercheurs en demande de visibilité, ou organisent des predatory conferences sur des bateaux de luxeN54.
David William Hedding signale par exemple, en 2019, que les Sud-Africains publient cinq fois plus que les nord-Américains et les Brésiliens dans cette presse de médiocre qualité, résultat du fait que chaque publication rapporte à l’équipe scientifique une prime d’environ 7000 dollars USN55.
Sur le site For Better Science, Smut Clyde décrit en détail les pratiques frauduleuses d’auteurs ou éditeurs de journaux prédateurs s’efforçant d’accréditer des thèses marginales sur les liens entre vaccination et maladies auto-immunes, la toxicité des adjuvants, de nouveaux traitements « bio-médicaux » de l’autisme etc. Ces publications sont par la suite citées en référence par des groupes de pressionN56 ou des militants en panne d’esprit critique…
Des services de rédaction automatique d’articles fictifs au contenu très élaboré, avec de fausses identités et/ou affiliations (incluant des identifiants ORCID) existent sous le surnom de moulins à papier (paper mills). Ils sont principalement utilisés par des chercheurs en biomédecine chinois en quête de promotion, souvent pour vanter les qualités de la médecine traditionnelle chinoise, ce qui les met à l’abri de toute suspicion de leurs chefs politiques. Les paper mills effectuent toutes les démarches de soumission des articles en se faisant passer pour leurs auteurs avec de fausses adresses mail (2020N57). Il est vraisemblable que des membres de comités éditoriaux (ou des relecteurs) de journaux scientifiques renommés ont été corrompus pour laisser passer de tels articles moyennant rémunération.
Un exposé très clair sur les dérives de pratiques scientifiques a été publié par Jérémy Anso (2019N58). Je tiens à clarifier que, si de telles malversations méritent d’être mises en exergue, c’est uniquement pour inciter les lecteurs à la vigilance : tout ce qui est publié dans une revue à comité de lecture, quelle que soit sa réputation, n’est pas obligatoirement fondé scientifiquement. (Les fact-checkers qui exercent dans les médias tombent facilement dans le panneau…) Il reste que, comme dans toute profession, ce sont des phénomènes marginaux. On ne peut pas nourrir de tels arguments le discours complotiste « on nous cache tout »… Par contre, la réflexion sur les pratiques de recherche et de communication des résultats de recherche peut rappeler ce principe fondamental : La science est un héroïsme collectifN59.

Un scepticisme constructif (‘vigilantism’) est donc attendu dans le monde scientifique et celui plus vaste de la presse de vulgarisation, avec des effets positifs et parfois négatifs (Teixeira da Silva JA, 2016N61). Cette vigilance serait le seul rempart contre des mouvements anti-science qui, selon certains, mettent en péril la démocratie dans les pays industrialisés. Réflexion qui trouve un écho inquiétant dans l’actualité partisane. Otto SL (2012N60) cite :
La plateforme du Parti Républicain au Texas condamne « l’enseignement de techniques de pensée critique et programmes du même ordre … qui ont pour objectif de défier les croyances établies des étudiants et de saboter l’autorité parentale ».
Un essai remarquable sur le scepticisme constructif est l’article de Denise Minger qu’elle a construit sur des exemples d’analyse de théories de complot qui circulaient pendant l’épidémie CoVID-19 : Some thoughts on thinking critically in times of uncertainty, and the trap of lopsided skepticism (2020N62).
La compilation et l’analyse d’informations ne se réduit donc pas à l’empilage d’opinions choisies en renforcement d’idées préconçues. Elle nécessite un niveau minimum de compréhension des sujets traités.
⇪ « Experts » Youtube

Les réseaux sociaux et les blogs ont permis la naissance une nouvelle catégorie de scientifiques que je désigne comme « experts Youtube ». Il s’agit de chercheurs qui ont un pédigrée attesté par leurs publications dans des journaux scientifiques à comité de lecture. Certains occupent même un poste de responsabilité dans un organisme de recherche publique. Mais ils se rendent visibles dans les médias grand public ou dans des ouvrages de vulgarisation en abordant des sujets qui n’ont de scientifique que l’apparence.
On voit ainsi d’anciens prix Nobel s’égarer dans des pseudosciencesN63, un syndrome paradoxal désigné comme « maladie du Nobel »N64. Une trentaine de cas pathologiques ont été signalés par leurs pairs, mais dans leur sillage gravitent de nombreux experts Youtube qui occupent l’espace médiatique avec des théories fantaisistes empruntant le vocabulaire scientifique — la physique quantique se prête particulièrement bien à ce type d’enfumage ! Il est difficile, en visionnant leurs vidéos, de distinguer ceux qui croient ce qu’ils racontent de ceux qui se jouent de la crédulité de leur auditoire. Quoi qu’il en soit, cette exposition leur offre une bien plus grande popularité sur Facebook ou Twitter que les articles sérieux soumis « dans la vraie vie » à des revues scientifiques dont le lecteur moyen ne comprendrait même pas les titres.
➡ De manière inexpliquée, ces « experts Youtube » sont très rarement des femmes…
⇪ Le doute, le regret et la curiosité

Dans son exposé Les pseudosciences ont-elles gagné sur Internet ?N66, Acermendax expose les biais inhérents aux mécanismes cognitifs que nous mettons en œuvre dans un souci de rationalisation :
En résumé, nous commençons par croire, et ensuite nous cherchons des raisons de justifier nos croyances. Pour le chercheur en psychologie Daniel Kahnemann, cela s’explique par l’existence de deux « systèmes » dans notre cerveau [N67]. Le système 1 est rapide, toujours à l’affût, il saute sur toutes les anomalies ou tous les schémas qui offrent de quoi construire une narration. Le système 2 est plus lent, coûteux, il analyse, il raisonne.
Mais le système 2 est-il lui-même objectif ? Peut-on le comparer à un scientifique rationnel qui évalue prudemment la vraisemblance des propositions ? En réalité, il est souvent au service du système 1 comme un avocat au service de son client [N68] : il cherche à valider les conclusions, à donner de la cohérence à ses cognitions. Il est un artisan besogneux du biais de confirmation, et un humain peut être très intelligent, posséder un système 2 extraordinairement efficace et malgré tout persister dans des croyances fausses, car son intelligence lui fournit de grandes quantités d’arguments donnant un semblant de validité à sa vision du monde. Bon gré mal gré, nous confondons « vrai » et « facilement justifiable à l’aide d’arguments qui me viennent à l’esprit ».
[…]
Le remède aux croyances fausses tient dans le bon usage d’un outil simple : l’inhibition cognitive. Il s’agit tout simplement d’un « frein mental ». Il permet de prendre le temps de questionner une idée, une inférence, une opinion, avant de l’incorporer à notre vision du monde. Pour aller vers plus de rationalité, nous devons avoir un recours conscient et méthodique à ce frein, un outil d’autant plus vital que votre bolide est puissant : les personnes très intelligentes, si elles ne savent pas freiner, peuvent finir par croire des choses complexes, baroques, complètement fausses, voire dangereuses non pas malgré mais en raison même de leur intelligence.
Dans une émission La Méthode scientifique (16/5/2019N69), le chercheur en psychologie Olivier Houdé utilise le terme « système 3 » pour désigner l’inhibition cognitive, précisant que ce système peut être actionné par trois émotions : le doute, le regret et la curiosité. Je recommande vivement, à ce sujet, la lecture de l’ouvrage L’intelligence humaine n’est pas un algorithme (Houdé O, 2019N65).
⇪ Le défi de l’actualisation des pratiques médicales
Depuis une quinzaine d’années à l’écoute d’usager·e·s du système de santé français, je suis convaincu que les pratiques médicales ont besoin d’évoluer pour mériter la qualification de « médecine scientifique ». Les professionnels de santé que je croise (et parfois consulte) ne disposent ni du temps ni des compétences pour mettre à jour leurs connaissances en lisant des publications scientifiques. La plupart se contentent de ce qu’ils ont appris sur les bancs de la faculté. Imaginez un garagiste qui ne connaîtrait que les véhicules du début de sa carrière !
Ce qui passe aujourd’hui pour de la « formation continue » se réduit à la transmission d’éléments de langage de l’industrie pharmaceutique. On peut en mesurer l’impact sur chaque médecin en consultant la base de données publique Transparence-SantéN70.
Le lobbying des industriels s’étend aux « experts » de « sociétés savantes » — guillemets nécessaires — qui participent à la rédaction de recommandations de pratique clinique ou de notes d’information publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS). Un article de la revue indépendante Prescrire (janvier 2018, page 71) suggère qu’environ 80% de ces documents ne sont pas en accord avec les données actuelles de la science, supposées servir de référentiel du code de déontologie médicaleN71. Or les médecins sont légalement contraints de suivre les recommandations de pratique clinique !
⇪ La périnatalité

Ce site n’aborde que très rarement le sujet de la recherche médicale dans le domaine de la périnatalité : grossesse, accouchement, soins aux nouveau-nés et jeunes enfants.
C’est un choix délibéré car je suis concepteur et administrateur, depuis 2004, d’une grande base de données coopérative, accessible au public et aux professionnels, qui traite ces sujets en détail : la base de données bibliographiques de l’AFARN72.
⇪ Positionnement éthique
Ma critique vise principalement les prescriptions supposées prévenir des maladies ou des accidents avec la seule aide de médicaments, sans considération des facteurs de risque modifiables — en résumé, l’hygiène de vie. Je suis fermement convaincu de l’efficacité de la médecine moderne dans les situations d’urgence et pour les opérations chirurgicales quand celles-ci ne peuvent pas être évitées.
Sur le plan éthique, bien qu’obligé de citer les études basées sur l’expérimentation animale, et conscient de la difficulté — parfois l’impossibilité — d’en extrapoler les résultats aux humains, je souhaiterais chaque fois que possible son remplacement par des procédures qui n’induisent pas de souffrances inutiles : modélisation informatique, cultures in vitro etc. Voir le dossier Les méthodes « alternatives » à la recherche animaleN73.
⇪ Vous avez la parole !
J’invite les lectrices et lecteurs à faire preuve de sens critique : consulter les sources et m’informer de toute incohérence dans leur interprétation. Enfin, signaler d’autres sources, surtout lorsqu’elles paraissent contredire mon propos.
➡ Utiliser les commentaires au bas des articles sur le site pour les messages publics, ou le formulaire de contact pour les messages privés.
⇪ ▷ Liens
🔵 Notes pour la version papier :
- Les identifiants de liens permettent d’atteindre facilement les pages web auxquelles ils font référence.
- Pour visiter « 0bim », entrer dans un navigateur l’adresse « https://leti.lt/0bim ».
- On peut aussi consulter le serveur de liens https://leti.lt/liens et la liste des pages cibles https://leti.lt/liste.
- N1 · sres · New Age – Wikipedia
- N2 · 3kr9 · Effet placebo – Wikipedia
- N3 · erdv · Régime amaigrissant – Wikipedia
- N4 · 92g5 · Yo-yo effect – Wikipedia
- N5 · n5mf · Métabolisme du fer – Wikipedia
- N6 · 0mop · The role of vitamin C in iron absorption
- N7 · vmbz · Impact of antinutritional factors in food proteins on the digestibility of protein and the bioavailability of amino acids and on protein quality
- N8 · 4jlk · Fiche technique “Le service minimum”
- N9 · l0fo · Biomédecine – Wikipedia
- N10 · oyf0 · Médecine fondée sur les faits – Evidence-based medicine (EBM) – Wikipedia
- N11 · 2zuk · Wikipedia – Accueil
- N12 · 74bc · Troll (Internet) – Wikipedia
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- N16 · bax6 · Larry Sanger – Wikipedia
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- N18 · jbm7 · Registre distribué – blockchain – Wikipedia
- N19 · 3cjv · Gilles-Éric Séralini – Wikipedia
- N20 · teo0 · Site “The Fasting Method” – Jason Fung
- N21 · rd19 · Site Raw Food SOS – Rescuing good health from bad science – Denise Minger
- N22 · o2om · Site The poor, misunderstood calorie – Bill Lagakos
- N23 · xh16 · Site The science of body weight and health – Stephan Guyenet
- N24 · xlb3 · Site The Scribble Pad – Jane Plain
- N25 · ipkj · Évaluation par les pairs – Wikipedia
- N26 · 670d · Êmission “La Conversation scientifique” – France Culture
- N27 · qlz1 · La Méthode scientifique – France Culture
- N28 · 30ql · Les Cours du Collège de France – France Culture
- N29 · ynxw · Matières à penser
- N30 · hcf9 · Science publique
- N31 · 4kuy · La Tête au Carré
- N32 · og5o · Sur les épaules de Darwin
- N33 · do6h · The Skeptic’s Dictionary
- N34 · w0pj · RationalWiki
- N35 · m20g · Science-Based Medicine
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- N37 · 6kfo · Plus de 50 % des résumés d’essais randomisés en psychiatrie contiennent des spins pour tromper le lecteur
- N38 · h5y8 · Fraude scientifique – Wikipedia
- N39 · eie9 · La moitié des études biomédicales seraient fausses, selon The Lancet
- N40 · oi79 · Clapin, A (2018). Enquêtes médicales & évaluation des médicaments : de l’erreur involontaire à l’art de la fraude. Éditions Désiris. ➡ Existe aussi en version Kindle sur Amazon.
- N41 · xtm3 · PubPeer, the online Journal club
- N42 · uazv · PubPeer contre “fake news” en Sciences ?
- N43 · 49ve · La biologie à l’heure de la délation : PubPeer, le site qui fait peur aux scientifiques
- N44 · 319e · Olivier Voinnet : not guilty in past, present and future
- N45 · rd6i · Retraction Watch
- N46 · bw6m · Journal retracts 7 papers by MD Anderson cancer researcher long under investigation
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Article créé le 21/08/2015 - modifié le 10/12/2020 à 06h52
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