En lisant ces pages, vous cherchez peut-être un antidote à des choix insatisfaisants en matière de soin du corps, hygiène de vie, ou « philosophie de l’existence »… Au fil du texte, vous rencontrerez un large éventail de liens vers des articles de synthèse ou des recommandations.
Ce serait toutefois une erreur d’en attendre des recettes à collectionner pour aller mieux. Du style : « Vous dormez mal ? Prenez du magnésium ! » avec un lien vers un service de vente en ligne… Ce que proposent, ad nauseam, de nombreux sites « de santé ». Or je n’ai rien à vendre !
Je suis de ceux qui déplorent l’envahissement d’un discours New-AgeN1 hostile à la médecine scientifique, bien que porteur d’un consumérisme de thérapies.
Cette obsession du bien-être est nourrie par la crainte du vieillissement et de la maladie, paradoxalement associée chez beaucoup à une hygiène de vie approximative.
Quel que soit votre problème — ou celui de vos proches — une intervention ponctuelle a de fortes chances de se réduire à son effet placeboN2. Au début, tout va mieux, le remède semble tenir ses promesses, et cela peut durer des jours ou des semaines. Puis il perd son efficacité et on passe à autre chose…
Sommaire
⇪ Feuille de route
Il existe, bien entendu, des médicaments et interventions peu efficaces. J’en distingue trois catégories en ordre croissant d’utilité. La première : les arnaques, qui sont légion. La seconde, des pratiques qui permettent une amélioration temporaire, par exemple un régime amaigrissantN3 suivi d’une rechute — l’effet « yo-yo »N4. La troisième catégorie, et la plus intéressante à mes yeux, est celle d’interventions qui ne s’avèrent efficaces qu’une fois intégrées à nos conditions d’existence.
➡ En clair, ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier…
Exemples :
- Consommer « assez » de viande pour couvrir ses besoins en fer héminique (voir N5) et en protéines offre peu d’intérêt si l’on néglige d’inclure aux repas suffisamment de vitamine C permettant l’absorption du fer (voir l’étudeN6), ou encore si des facteurs antinutritionnels empêchent l’assimilation des protéines (voir l’étudeN7).
- Se dépenser en jogging ou à bicyclette le dimanche matin ne sert pas à grand chose si l’effort est récompensé par des sucreries ou un festin familial… L’entraînement peut d’ailleurs s’avérer dangereux s’il se polarise sur la performance — voir mon article Overdose d’exercice ➜ danger.
- Modifier son régime alimentaire ne produit pas d’effet durable sur la santé, à moins d’intervenir simultanément sur la boisson, l’exercice physique, la restriction calorique, le sommeil, le stress… et j’en oublie certainement.
➡ Les textes de couleur orange sont des liens vers les articles de ce site.
Après quelques années de lecture et de mise à l’essai de multiples recommandations, j’en suis venu à constituer une liste minimale d’améliorations de l’hygiène de vie, une feuille de route que chacun peut adapter à son âge et à sa condition physique :
- Nutrition, hydratation, protéines, glucides et lipides, compléments alimentaires etc.
- Exercice physique d'endurance
- Entraînement fractionné de haute intensité et entraînement musculaire MAF
- Gymnastique involontaire
- Demi-jeûne fractionné
- Sommeil
- Position assise et debout etc.
La rédaction de ce site est un travail documentaire personnel, donc certainement pas une « expertise scientifique » : « Il n’y a de vérité scientifique que comme visée collective, jamais comme dévoilement individuel d’une vérité préexistante » (Andreotti B & C Noûs, 2020N8).
Je tiens à rappeler que ces pratiques ne peuvent pas se substituer à un traitement médical, bien qu’elles puissent contribuer à l’efficacité du soin ou la consolidation d’une guérison. Seuls des professionnels de santé peuvent vous guider en présence de pathologie. Je n’ai aucune compétence, ni vocation, à donner un avis sur un traitement.
➡ Les lecteurs sont invités à commenter, compléter ou contredire mes écrits en précisant leurs sources documentaires.
⇪ Les sources
Le site LeBonheurEstPossible.org est la partie visible d’un travail de veille scientifique qui occupe la majeure partie de mon temps depuis avril 2014. Il fait l’objet de mises à jour quasi quotidiennes. La collecte de données vise en priorité les publications de biomédecineN9 porteuses de propositions que l’on peut mettre en pratique dans sa vie personnelle.
Certaines et certains pourront s’étonner que de nombreux sujets qui « font le buzz » ne soient pas abordés : j’ai choisi de me limiter à ceux issus de publications dans la presse scientifique, ou pour le moins qui font état d’une expérience clinique digne d’intérêt. Autrement dit, un éventail un peu plus large que celui de la médecine fondée sur les preuvesN10 en prenant soin de préciser que telle ou telle proposition n’a pas encore été « validée » (ou ne peut pas l’être) par des études cliniques.
La page Liens vers d'autres sites permet d’élargir la recherche dans le web francophone et anglophone. Je ne garantis pas la véracité des contenus de ces sites, mais j’essaie pour le moins d’éviter ceux à vocation commerciale.
De nombreuses références complètent mes articles pour inviter les internautes à une lecture critique. Je veille toutefois à ce que l’on puisse lire tous les articles « en diagonale », quitte à revenir plus tard sur les liens.
⇪ Wikipedia
Les termes techniques sont explicités, chaque fois que possible, par des liens vers l’encyclopédie coopérative WikipediaN11.
Parmi toutes les ressources « grand public » disponibles sur Internet, Wikipedia se revendique la plus proche d’un idéal de neutralité. Effectivement, comme le déplore Oscar Schwartz (2019N12), Facebook est devenu un réservoir de désinformation virale, Twitter un espace de défoulement, et YouTube le terrain de jeu des trollsN13 et de leurs théories de conspiration…
De manière paradoxale, la neutralité (et la pertinence) d’une page de Wikipedia pourrait augmenter lorsque ses éditeurs appartiennent à des camps opposés. En pratique, cette neutralité est supposée être atteinte, non par un renoncement des « perdants » à leurs convictions, mais par des règles d’édition qui obligent les éditeurs à adopter un langage respectueux et « distancié » — c’est une encyclopédie — tout en citant des sources vérifiables. À propos de l’étude de Feng Shi et al. (2019N14), Oscar Schwartz écritN12 :
Ils ont constaté que lorsqu’une communauté d’édition est polarisée politiquement, la profondeur et la précision de l’information s’améliorent considérablement, et inversement, à mesure que les communautés de travail deviennent idéologiquement homogènes, la qualité de la page se détériore de manière spectaculaire.
Ces observations sur le traitement de l’information politique s’appliquent à l’information médicale, sujette elle aussi à des controverses et à de la manipulation d’opinions, sans oublier la fraude scientifique. Toutefois, les articles en français sont de bien moindre qualité que ceux en anglais parce que leurs rédacteurs s’efforcent de gommer toute contradiction pour parvenir à « la vérité » — qu’ils croient irréfutable car « conforme à la Science ». Selon eux, celle-ci devrait émerger d’un consensus plutôt que d’un examen critique obéissant aux règles de bonne pratique documentaire. Ainsi, faute de discussion, les pages finissent par afficher l’opinion majoritaire sur un sujet. Or une opinion n’est pas un « fait scientifique » : l’aspect itératif et collaboratif du discours scientifique est seul garant de sa qualité…
Une ânerie reproduite des centaines de fois dans des « sources secondaires » ne devient pas une vérité ! Sauf peut-être pour la secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, en France, déclarant à la radio (le 24 avril 2020) que cette auguste institution avait pour objectif de rappeler des « vérités scientifiques irréfutables » ! La nature même d’un fait scientifique, en « sciences dures », est qu’on puisse le mettre à l’épreuve de la réfutationN15. Une proposition irréfutable ne saurait exister que dans les cadres de la métaphysique, de la religion ou d’une idéologie. Mais ce scientisme de café du commerce est dans l’air du temps…
Selon Justin Knapp, un contributeur — il va de soi « mâle et blanc » — très prolifique de l’encyclopédie, la « bureaucratie robuste » de Wikipedia serait indispensable pour « cultiver un espace de désaccords signifiants »N12 :
En raison de leur mission partagée [de créer une encyclopédie], les rédacteurs de Wikipedia se situent généralement à un niveau de surplombement de leur propre système de valeurs. Et les valeurs [à ce niveau] prévalent généralement sur tout désaccord sur une question particulière.
Cette vision idéaliste n’est pas partagée par certains grands noms de Wikipedia, entre autres son co-fondateur Larry SangerN16 qui estime que l’encyclopédie s’est transformée en champ de bataille de groupes œuvrant à la poursuite d’agendas incompatibles. Toute tentative d’inscrire un point de vue dissident sur une page contrôlée par ces groupes donne lieu à une révocation. Larry Sanger a écrit (le 14 juillet 2021N17) : « Si une seule version des faits est autorisée, cela donne une énorme possibilité aux personnes riches et puissantes de prendre le contrôle de choses comme Wikipedia afin de renforcer leur pouvoir ». Se décrivant lui-même comme un « conservateur libertaire », il a rejoint un autre projet d’encyclopédie (EveripediaN18) utilisant la technologie blockchainN19 pour assurer dans la transparence la prise de décision décentralisée de modifications à partir de votes de « porteurs de jetons ».
La critique de Sanger rejoint celle d’intellectuels qui déplorent que le consensus faisant office de « preuve », sur Wikipedia, réclame nécessairement l’appui d’une autorité (organisme de recherche, publication, personne célèbre…) basée en Occident. Par exemple, l’affirmation de Stephen Hawking selon laquelle une « singularité » proche du Big Bang échapperait aux « lois » de la physique et serait donc l’instant de la « création divine » ne soulève aucune protestation, en dépit de son caractère religieux qui légitime un récit créationniste…
Même problème avec les récits mythiques de personnages comme Euclide, Pythagore, etc., artisans d’une science mise au crédit des « anciens Grecs », malgré l’absence de preuve et l’existence de traditions bien antérieures en mathématiques — par exemple les méthodes de calcul en provenance de l’Inde. Pour plus d’information, voir les ouvrages de mon collègue C.K. Raju, tels que Is Science Western in Origin ? dont j’ai effectué la traduction (Raju 2022N20). Raju écrit dans California, Indian Calculus and the Technology Race (2021) :
[…] exactement la position de Wikipedia, la vérité de l’histoire occidentale doit être décidée, non pas sur la base de sources primaires, mais seulement en référence aux croyances (ou à la foi) en une « source fiable », et comme chacun le sait (!) seules les sources blanches/occidentales sont fiables !
Une différence radicale entre les pages de mon site et celles de Wikipedia est donc la citation de sources primaires, par exemple un article sur le site d’une revue scientifique à comité de lectureN21, là où Wikipedia n’accepte que des sources secondaires, par exemple ce que tel journal ou tel ouvrage dit du même article (WikipediaN22) :
La présence d’une information dans une source secondaire donne un certain degré d’objectivité et de neutralité aux choix des informations retenues dans un article, car cette sélection a été faite par des tiers, et non par les wikipédiens.
Le problème est que ces sources secondaires reflètent, au mieux, le consensus sur une question controversée, les sources divergentes étant délibérément écartées — aujourd’hui étiquetées « complotistes ». Wikipedia apporte plus d’importance à la « pertinence » qu’à la fiabilité d’une source. Par exemple, une information publiée au Journal Officiel français ne peut être citée que par l’intermédiaire de sources secondaires ! 🙁
Le monde des médias conventionnels et des réseaux sociaux est devenu le terrain de jeu d’experts qui ont réponse à tout, au détriment des scientifiques qui savent poser des questions. Experts qui s’arrogent le droit de parler « au nom de la Science » ! La situation risque d’empirer avec la popularisation de robots conversationnels comme ChatGPTN23 ou GoogleBardN24, entraînés à la restitution de théories, croyances et explications majoritaires : reflets de ce consensus tyrannique des sources secondaires, supposé satisfaire toutes les requêtes, encensé par Wikipedia…
La bataille fait rage dans le domaine des médecines « non conventionnelles », car des moteurs de recherche (comme Google) ou des hébergeurs de contenus (comme Pinterest) modifient leurs algorithmes pour masquer des contenus qualifiés de « désinformation » par des agences d’évaluation, souvent commissionnées et financées par des instances gouvernementales. Ces agences signalent tout désaccord avec les informations fournies par les organismes officiels ou les sociétés (soi-disant) savantes. Leurs détracteurs les accusent de complicité avec les industriels de la pharmacie ou de l’agro-alimentaire. Dans le camp d’en face, on dénonce les conflits d’intérêt entre auteurs « déviants » et une industrie qui tient le marché de « produits naturels » ou de « traitements alternatifs ».
Théâtre de nombreuses confrontations et controverses, la page Wikipedia en français dédiée à Gilles-Éric SéraliniN25 et son onglet de discussion (quoi qu’on en pense) illustrent bien ce dilemme et l’impossibilité d’en fournir un compte-rendu neutre et « distancié ».
Autre exemple caricatural de rédaction de pages biographiques par des personnes incompétentes qui ne prennent pas la peine d’étudier les objets qu’elles décrivent : la biographie de Michel de LorgerilN26 où l’on apprend qu’il affirme[rait] que les statines sont inutiles dans le traitement de l’hypercholestérolémie. Interprétation d’une insondable idiotie : personne n’a jamais contesté que les statines font « baisser le cholestérol » ; c’est uniquement la preuve d’une relation causale entre le niveau de cholestérol et le risque d’accident cardiovasculaire qui est discutée dans les ouvrages de ce chercheur — voir mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ? et une version de la page antérieure à cette manipulation (Wikipedia avant 2017N27).
Un administrateur commente sur l’onglet « discussion » :
Le problème est surtout que nous ne sommes pas là pour rechercher la Vérité mais pour retranscrire les articles de presse jugés fiables car provenant de sources fiables. Que vous ne soyez pas en accord avec le contenu de ces articles n’y changera donc rien, puisque WP est un simple miroir – synthétique – de ces sources de référence.
Le même onglet « discussion » affichait d’autres critiques, notamment celles, très pertinentes, de l’utilisateur “Parler vrai” qui a été banni de Wikipedia au motif : « Pas venu pour contribuer sereinement ». La suppression de toutes ses remarques est emblématique de la censure exercée par une poignée d’administrateurs — voir ma saisie PDF avant modification le 8/4/2024.
Les anglophones peuvent consulter l’onglet « discussion » de la page consacrée à Dr John Campbell (suivre ce lien). Ici aussi, les manipulateurs se limitent à un petit nombre de crétins dissimulés derrière leurs pseudonymes.
Wikipedia est en définitive la pire source d’informations sur des personnalités ou des ouvrages qui vont à l’encontre d’idées reçues, de par sa dépendance exclusive de sources secondaires, à savoir les opinions partagées par des articles — voire de simples coupures de presse — produites ou copiées par des gens qui pour la plupart n’ont pas lu les travaux qui en sont à l’origine !
Le plus affligeant est que les rectifications suggérées dans l’onglet « discussion » sont à leur tour réfutées à partir de « sources secondaires » aussi ridiculement désinformées — allant jusqu’à citer comme « sources indépendantes » des entreprises de fact checking comme la sulfureuse « Fact & Furious »…
Pour éviter de reproduire sur ce site les biais induits (souvent à mon insu) sur les sujets sensibles, je restreins donc, autant que possible, les liens aux pages Wikipedia conçues pour faciliter la compréhension d’un terme médical, culturel ou technique, qui à première vue ne fait l’objet d’aucune controverse. Malgré les réserves exprimées ici, j’ai dès le début soutenu — y compris financièrement, par naïveté — ce projet d’encyclopédie coopérative…
⇪ Les archives ouvertes
Les publications scientifiques (en texte intégral) peuvent en principe être téléchargées à partir du site de l’organisme qui en a assuré la publication. Un lien vers ce téléchargement est dans ce cas publié dans des répertoires comme PubMedN28 pour ce qui concerne la médecine et la biologie. Ces liens sont à présent rendus pérennes grâce à l’utilisation d’identifiants pérennes (persistent identifiers, PIDN29) qui permettent au lien de rester valide si le document a changé de place. Un autre serveur d’identifiants pérennes a été implémenté sur ce site (voir explications techniques).
Il peut être coûteux d’accéder aux téléchargements si l’on n’y accède pas depuis un site institutionnel bénéficiant d’un abonnement forfaitaire aux journaux concernés. En effet, la plupart font payer chaque téléchargement — quelques dizaines d’euros — de sorte que le partage des données de recherche n’est pas une opération ouverte (à tous les citoyens). Ce problème d’éthique de la recherche a fait l’objet de longues négociations entre les communautés de chercheurs, les maisons d’édition et les pouvoirs publics.
C’est dans ce cadre qu’ont été créés des sites d’archives ouvertes dont le plus connu en France est le site d’archive ouverte pluridisciplinaire « HAL ». Les dépôts sur HAL sont effectués par les auteurs de l’article, et le dépôt du texte intégral — PDF gratuitement téléchargeable — n’est qu’en option. Pour cette raison, de nombreux dépôts se limitent aux notices bibliographiques, ce qui permet au mieux un catalogage de productions scientifiques. J’ai fait partie des archivistes qui militent pour un dépôt intégral des publications, et donc pour la gratuité des partages de données, quel que soit le statut du requérant (Ha-Duong M & E Daphy, 2010N30).
Entretemps, d’autres systèmes d’archives ouvertes ont été mis en place par des entreprises privées, qui tirent profit d’abonnements premium permettant un suivi plus détaillé des consultations ; c’est le cas d’Academia et de ResearchGate. Pour un auteur inscrit (c’est mon cas), ces plateformes « moissonnent » d’autres archives ou catalogues en créant automatiquement des notices. L’auteur est ensuite contacté pour autoriser le dépôt du texte intégral — par exemple disponible sur HAL. Les auteurs associés à un même article, ou cités dans un article, sont aussi contactés pour valider la citation ou l’association. Ces dispositifs favorisent considérablement la circulation des publications scientifiques et les échanges entre auteurs. L’inconvénient est que des articles non publiés peuvent être déposés sur ces plateformes, ce qui exclut toute garantie de validation par des relecteurs.
⇪ Autres sources
Quelques sites de littérature « parascientifique » rédigés par des praticiens de santé ou des chercheurs anglophones — Lucie MailingN31, Denise MingerN32, Bill LagakosN33 etc. — ou francophones tels que Jérémy AnsoN34, contiennent des liens vers des sources fiables (journaux à comité de lectureN21) et sont riches en commentaires. Ils me servent de points d’entrée vers les publications scientifiques. Ces auteurs s’affrontent parfois dans des controverses étayées de références précises. Des professionnels de santé, des entraîneurs sportifs et autres « routards de la vie saine » contribuent aux commentaires, dont la somme peut dépasser la taille de l’article. Autant de pistes nouvelles…
Par contre, de nombreux sites de « santé naturelle », en français ou en anglais, n’existent que pour promouvoir la vente de produits miraculeux, avec souvent des annonces de « conditions exceptionnelles » selon un modèle bien rôdé aux USA — voir mon article “Health coaching” : business models en roue libre…
Sans nécessairement partager ses opinions politiques, j’adhère pleinement à la thèse d’Anne-Sophie Chazaud (2020N35) selon laquelle la mission du pouvoir politique est de dire le droit et de défendre la liberté d’expression exercée sous la forme de débats contradictoires, indispensables à une démarche citoyenne ou scientifique. La vérité est du ressort de la science, pas de la politique…
⇪ Vigilance et esprit critique
La lecture d’une page en ligne me prend parfois plusieurs jours pour consulter les sources et suivre les commentaires qui renvoient à d’autres sites ou à des articles de synthèse.
➡ Différence avec les sites francophones souvent commentés de manière superficielle, quand ils ne sont pas colonisés par des trolls…
Je consulte fréquemment les avis contraires sur des sites comme skepdic.comN36, rationalwiki.orgN37, sciencebasedmedicine.orgN38, ou en tapant un nom ou un mot clé avec ‘debunked’, ‘quack’ ou ‘hoax’ comme requête d’un moteur de recherche.
Ici aussi avec prudence, car un scepticisme de façade semble être le fonds de commerce de certains auteurs. Les uns font preuve d’un conformisme naïf drapé dans une rhétorique de « sociologie pour les nuls » — exemple typique d’un site anonyme : N39.
D’autres n’existent que pour leur seule activité de quack busting (chasse aux charlatans). Une critique de leurs postures a été clairement exposée dans l’article Contre l’imposture et le pseudo-rationalisme (Andreotti B & C Noûs, 2020N8). Lire aussi une série d’articles consacrés à une critique des fondements de la zététiqueN40, une pratique qui s’affiche comme exemplaire de scepticisme méthodologique (Enthalpiste, 2023N41) :
[…] la zététique prétend se fonder sur la recherche et la pratique scientifique, mais ne fait qu’en singer l’apparence et en réclamer le prestige. Elle n’est qu’un appel à quelques notions de « bon sens » avec un vernis de pseudo-protocoles de recherche alors qu’elle ne se fonde sur rien, et ne rentre dans aucun des critères de caractérisations de la recherche académique. Des aspects qui sont indéniablement propres aux pratiques pseudoscientifiques.
À titre d’exemple de réponse à une manipulation politique, on peut visionner l’exposé du statisticien Pierre Chaillot (5 mars 2023N42) répondant aux fact checkers (sic) de Conspiracy Watch qui ont tout essayé pour discréditer son ouvrage (2023N43) — sauf d’en analyser et critiquer le contenu !
J’évite aussi de relayer les « révélations » de personnes qui font étalage de leurs diplômes universitaires, et paraissent de bonne foi, sauf qu’elles ignorent tout des techniques numériques de recherche documentaire qui leur permettraient d’étayer leurs propos. Par exemple la recherche dans l’Archive InternetN44 des modifications du contenu d’un site… Grisées par un biais de confirmationN45, elles relaient sans vérification tout ce qui va dans leur sens de leurs convictions.
Comme l’explique Marc Girard, « il s’agit d’esquisser une juste voie entre la confiance aveugle d’une part et la défiance systématique d’autre part » (Girard M, 2011N46 pièce jointe Pourfendeurs de “hoax” page 4).
Mon but n’est pas de convaincre mais d’informer. Cela, dans les limites de mes compétences et des informations auxquelles j’ai pu avoir accès. N’ayant rien à vendre ni réputation à défendre, j’explore tout sujet qui a des implications pratiques sur notre santé et notre style de vie. S’il relève de débats d’experts, je commence par l’aborder via des articles invités. Mais si je ressens la nécessité de m’y investir, il fait l’objet d’un travail documentaire de longue haleine, avec d’incessantes corrections d’erreurs.
Ultime précaution : pour tout ouvrage proposé sur une plateforme de vente en ligne, je consulte en premier les avis les plus défavorables — par exemple une seule étoile chez Amazon.com. Et surtout, contrairement aux wikipédiens, je n’en publie aucun commentaire avant de l’avoir lu !
En remontant à la source de l’information, par exemple le texte intégral d’un article de journal scientifique, on peut en corriger une description incomplète, voire erronée, qui était celle d’auteurs insuffisamment attentifs à la rédaction de leur résumé. Ces contresens sont reproduits à l’identique sur une multitude de sites. Plus grave pour nous, les citations sont souvent traduites en français sans aucune mention des sources ! 🙁
La différence entre le contenu d’un article et les conclusions apparaissant dans son résumé ou son titre incite le lecteur peu averti à accorder de l’importance à un résultat non significatif. Les auteurs ont réalisé un “spin” pour tromper leur vigilance. En 2019, des spins ont été décelés dans plus de la moitié de 116 articles publiés en psychiatrie (Maisonneuve H, 2019N47).
L’effondrement du professionnalisme scientifique n’est pas un phénomène récent, bien qu’il soit dénoncé avec plus de véhémence depuis la « crise sanitaire » associée à la pandémie CoVID. Un thème plus ancien, porteur d’enjeux à long terme pour la santé (si ce n’est la survie) de l’espèce humaine, est celui de la « crise climatique ». Sa médiatisation abusive m’a convaincu d’ouvrir ce dossier — voir mon article Discours sur le climat.
⇪ De l’erreur involontaire à la fraude
Certaines études scientifiques font l’objet de rétractations suite à la découverte d’incohérences, voire de fraudesN48 qui avaient échappé aux relecteurs. Un éditorial du rédacteur en chef du prestigieux journal The Lancet affirmait en 2015 que près de la moitié des études biomédicales seraient fausses (Verschoore V, 2015N49). Il s’agit surtout de biais méthodologiques qu’Alexis Clapin a décrits dans son excellent ouvrage Enquêtes médicales & évaluation des médicaments : de l’erreur involontaire à l’art de la fraude (2018N50).
H Edmund Pigott et al. ont par exemple refait les calculs de l’étude Sequenced Treatment Alternatives to Relieve Depression (STAR*D) (NIMH, 2006N51) qui mesurait les effets de 14 traitements antidépresseurs. Ils ont montré que le protocole annoncé n’avait pas été suivi scrupuleusement. Selon les investigateurs de STAR*D, près de 70 % des patients traités n’auraient plus de symptômes. Ce résultat est important, compte tenu de l’énorme publicité accordée à STAR*D pour justifier la prescription de médicaments antidépresseurs. La réalité est bien différente (Pigott HE et al., 2022N52) :
Les chercheurs de STAR*D n’ont pas utilisé le HRSD [Hamilton Rating Scale for Depression] prévu par le protocole pour rapporter les taux cumulés de rémission et de réponse dans leur article de synthèse, et ont plutôt utilisé une évaluation clinique non aveugle. Cela a gonflé leur rapport sur les résultats, tout comme l’inclusion de 99 patients qui avaient atteint un score positif de rémission selon le HRSD au début de l’étude, ainsi que 125 qui ont atteint un score positif de rémission selon le HRSD lorsqu’ils ont commencé leur traitement de niveau suivant. Ces patients auraient dû être exclus de l’analyse des données. Contrairement au taux de rémission cumulatif de 67 % rapporté par STAR*D après un maximum de quatre essais de traitement antidépresseur, le taux était de 35.0 % lorsque l’on utilisait le HRSD stipulé dans le protocole et les critères d’inclusion dans l’analyse des données.
Ed Pigott et al. ont mené cette étude critique à partir des données de l’essai STAR*D, gardées secrètes par le NIMH, mais rendues publiques par leur requête de Freedom of Information Act. Un autre résultat significatif est que seuls 3 % des 4041 participants à cet essai, qui étaient « entrés en rémission », l’étaient encore à la fin de leur suivi d’un an, contrairement aux 70 % annoncés par le directeur du National Institute of Mental Health (NIMH) en 2009.
Il arrive que les éditeurs mènent une enquête sur la base de soupçons de liens d’intérêt des auteurs d’une publication. C’est le cas de Sage Journals qui a rétracté trois études sur l’avortement — dont deux citées par un juge fédéral dans une affaire contre la pilule abortive mifépristone (RU-486) — après qu’une enquête a révélé des failles méthodologiques et des conclusions trompeuses (Robertson R, 2024N53) :
Sage a confirmé que tous les auteurs de l’article, sauf un, étaient affiliés à un ou plusieurs des organismes suivants : Charlotte Lozier Institute, Elliot Institute, American Association of Pro-Life Obstetricians and Gynecologists [AAPLOG], tous des organismes “Pro-Life”, bien qu’ils aient déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts lorsqu’ils ont soumis l’article pour publication ni dans l’article lui-même.
Le signalement de fraudes est devenu monnaie courante, car initié de manière transparente par les acteurs de la recherche avec l’installation du site PubPeerN54. Ce site collaboratif permet aux scientifiques de faire la distinction entre des fake news et de véritables alertes (Forest C, 2018N55). Il est bien entendu critiqué par celles/ceux qui se perçoivent comme « victimes » potentielles de ce qui est (abusivement) désigné comme de la « délation ». Un lecteur commente (Chevassus-au-Louis N, 2018N56) :
Et pourquoi les chercheurs auraient-ils peur de se faire « épingler » sur des sites tels que ‘PubPeer’ ou ‘For Better Science’ lorsque le travail a été fait en toute bonne foi et selon les règles déontologiques ? Bien entendu l’erreur peut se glisser, dans les publications scientifiques comme ailleurs, malgré les filtres imposés par les revues spécialisées. Mais une erreur, tout comme une mauvaise interprétation de données, cela ce corrige !
Certains lanceurs d’alertes interviennent ouvertement, comme Prof. Vicky Vance dans la très médiatisée « affaire Voinnet », tandis que la plupart se protègent sous l’anonymat afin d’éviter toute répercussion sur leur carrière, sachant que leurs organismes de tutelle ont tendance à imposer une loi du silence (Schneider L, 2018N57). Voir par exemple une lettre ouverte adressée à la direction du CNRS par un collectif de lanceurs d’alerte (Bishop D et al., 2023N58) et les échanges de courriers qui ont suivi… La France est le théâtre de pratiques frauduleuses d’autant plus scandaleuses que leurs auteurs échappent à toute investigation des tutelles — voir par exemple l’article Lille Papermille (Schneider L, 2023N59).
➡ Je ne sais s’il vaut mieux rire ou pleurer en écoutant de brillants exposés sur l’éthique scientifique par des orateurs ou des “fact checkers” qui paraissent vivre dans un monde où n’existeraient ni fraude scientifique ni conflits d’intérêt !
Un exposé compréhensible sur les méthodes de manipulation de données a été publié par Milton Packer — voir la version française dans l’article Comment détecter une manipulation de données ?
Le processus de rétractation de publications est documenté entre autres par Retraction WatchN60. Voir par exemple, dans le domaine qui nous intéresse, une série d’articlesN61 sur les bienfaits supposés de la curcumineN62 qui avaient été cités plusieurs milliers de fois, ou encore la rétractation de publications aux données manipulées sur les risques des vaccinsN63… Retraction Watch est à son tour la cible de critiques (exempleN64) sur son manque de transparence, de possibles conflits d’intérêt et l’absence de responsabilité (accountability) envers la communauté scientifique dont il est supposé signaler les dérives.
L’augmentation exponentielle du volume de publications en biomédecine, notamment dans des journaux scientifiques en quête de notoriété, se traduit par un « trop-plein » qui incite les chercheurs à privilégier le facteur d’impactN66 devant la qualité scientifique de leurs productions. Il devient hasardeux de naviguer dans un flot d’informations entretenu par la multiplication des citations. Faute d’accès aux données brutes, et faute de réplication des résultats, la popularité d’une théorie nouvelle n’est pas un indice fiable de sa pertinence. Lire à ce sujet Overflow in science and its implications for trust (Siebert S et al., 2015N67) et un article sur la fraude à la citation dans les métadonnées de publication (Guérineau E, 2024N68).
La fraude scientifique ne se limite pas à la biomédecine. Elle touche tous les domaines de recherche dans lesquels une découverte spectaculaire pourrait résoudre des problèmes vitaux de l’humanité : la santé, l’environnement, la production d’énergie… On peut citer pour exemple des inventeurs affirmant maîtriser la Fusion froideN69 pour produire de l’énergie à très bas coût. Les anglophones peuvent lire la saga de ces découvertes (Clyde S, 2020N70 ; Bryce I, 2019N71) dont les auteurs ont réussi à berner, non seulement le grand public et des journalistes scientifiques, mais jusqu’à des lauréats de Prix Nobel !
La pression exercée sur les chercheurs et leurs équipes par les décideurs chargés de répartir une manne financière toujours plus réduite (dans le secteur public) est à l’origine d’une pratique en rupture avec l’éthique scientifique : la publication dans des journaux « prédateurs » qui acceptent contre paiement à peu près n’importe quel article sans préjuger de sa valeur scientifique. Certains journaux (réellement prédateurs) affichent dans leur « comité scientifique » les noms de professeurs célèbres qui n’ont jamais été sollicités pour en faire partie… Ils sont associés à des groupes sans localisation vérifiable qui décernent — moyennant rémunération — des « prix scientifiques » aux chercheurs en demande de visibilité, ou organisent des conférences prédatrices sur des bateaux de luxe (Schneider L, 2017N72). Une liste noire de journaux prédateurs (Beall’s listN73) avait été rendue publique jusqu’en 2015, recopiée, modifiée ou reconstruite depuis, mais une telle pratique basée sur des critères incomplets ou contestables fait apparaître comme discriminatoire tout recours à des listes « noires » ou « blanches » (Teixeiera da Silva J et al., 2022N74). Les dérives de cette approche dépassent le cadre de simples « controverses scientifiques » (Teixeiera da Silva J & SG Kimotho, 2021N75 p. 2) :
Beall a également fait preuve d’une attitude condescendante, et potentiellement raciste : Lorsqu’il s’agit d’éditeurs de pays en développement, il déclare : « Ecoutez, lorsque je découvre un nouvel éditeur du Nigeria, j’admets que je suis plus méfiant que je ne le serais si l’éditeur venait, par exemple, du Vatican. » […]
Sur le site For Better Science, ‘Smut Clyde’ (nom d’emprunt) décrit en détail les pratiques frauduleuses d’auteurs ou éditeurs de journaux prédateurs s’efforçant d’accréditer des thèses marginales sur les liens entre vaccination et maladies auto-immunes, la toxicité des adjuvants, de nouveaux traitements « bio-médicaux » de l’autisme etc. Ces publications sont par la suite citées en référence par des groupes de pression ou des militants en panne d’esprit critique…
Créer une nouvelle « revue scientifique » est en réalité très facile : il suffit par exemple de remplir le formulaire de SciEPN76, un service prédateur lancé en 2012 avec la création simultanée de 85 « revues » (Schneider L, 2021N77). Selon la Beall’s list, « cette pratique consistant à créer un éditeur avec un nombre excessif de revues est appelée “démarrage de flotte” »…
Les articles publiés dans ces journaux prédateurs peuvent néanmoins être référencés sur PubMedN28 via des pratiques de contournement. Schneider cite le cas d’un professeur de médecine à New York (2021N77) :
Ce qui est bizarre, c’est que les articles de McFarlane (et de sa femme !) publiés dans ces revues prédatrices, principalement dans l’American Journal of Medical Case Reports, sont tous bien répertoriés dans PubMed, ce qu’il obtient en utilisant une faille accessible aux chercheurs financés par les NIHN78 [National Institutes of Health aux USA]. Seulement, McFarlane n’est pas vraiment financé par les NIH, le professeur blanc utilise la subvention d’un collègue de la faculté destinée à la formation à l’antiracisme et au recrutement des minorités ! Et il n’y a rien que PubMed puisse ou veuille faire contre cet abus du système.
Des services de rédaction automatique d’articles fictifs au contenu très élaboré, avec de fausses identités et/ou affiliations (incluant des identifiants ORCID) existent sous le surnom de moulins à papier (paper mills). Ils ont été créés en réponse à la pression exercée par le gouvernement chinois en matière de publications (Lin S, 2013N79), et principalement utilisés par des chercheurs en biomédecine en quête de promotion, souvent pour vanter les qualités de la médecine traditionnelle chinoise, ce qui les met à l’abri de toute suspicion de leurs supérieurs hiérarchiques. Ces moulins à papier effectuent toutes les démarches de soumission des articles en se faisant passer pour leurs auteurs avec de fausses adresses mail (Schneider L, 2020N80, 2021N81 ; Byrne JA & J Christopher, 2020N82). Il est vraisemblable que des membres de comités éditoriaux (ou des relecteurs) de journaux scientifiques renommés ont été corrompus pour laisser passer de tels articles moyennant rémunération.
Les moulins à papier peuvent fabriquer automatiquement de faux articles en assemblant des fragments de textes et des images copiés d’autres publications dans le même champ disciplinaire. Pour échapper aux logiciels de détection de plagiat, une astuce consiste à passer par la traduction automatique dans une quelconque langue étrangère puis à revenir à la langue d’origine (reverse-translation). On remplace de cette manière des suites de mots courantes par des « expressions torturées » de sens identique, comme par exemple « Counterfeit consciousness » à la place de « Artificial Intelligence » (Else H, 2021N83).
La détection des fraudes a été accélérée par la mise à disposition de techniques d’analyse d’images qui détectent les copies et transformations simples de fragments d’images réalisées à l’aide de logiciels tels que Photoshop™. Cette détection fonctionne sur les images « brutes », sans connaissance préalable du domaine scientifique. Des bases de données peuvent aussi aider à repérer les emprunts d’images à d’autres articles. Toutefois, les informaticiens des moulins à papier développent de nouvelles techniques de transformation, notamment à base d’intelligence artificielle, pour contourner ces systèmes de détection.
Un exposé très clair sur les dérives de pratiques scientifiques a été publié par Jérémy Anso (2019N84). Je tiens à clarifier que, si de telles malversations méritent d’être mises en exergue, c’est uniquement pour inciter les lecteurs à la vigilance : tout ce qui est publié dans une revue à comité de lecture, quelle que soit sa réputation, n’est pas obligatoirement fondé scientifiquement. (Les fact-checkers qui exercent dans les médias tombent facilement dans le panneau…)
Comme dans toute profession, ce sont des phénomènes marginaux, bien que nocifs en raison des contenus frauduleux véhiculés et de la défiance envers la science qu’ils entretiennent. La proportion d’articles entachés de « méconduite scientifique » serait aux environs de 0.3 à 4.9 % (Thiese MS et al., 2017N86) mais elle paraît plus importante dans des domaines très valorisés, en médecine, comme l’oncologie, les cellules souches, la lutte anti-vieillissement, et les nano-technologies. La fraude existe à tous les niveaux de compétence des chercheurs, sans oublier certains Prix Nobel (Schneider L, 2020N87) !
On ne peut pas, pour autant, nourrir avec de tels arguments le discours complotiste « on nous cache tout »… Par contre, la réflexion sur les pratiques de recherche et de communication des résultats de recherche peut rappeler ce principe fondamental : La science est un héroïsme collectif (La Tronche en Biais, 2020N88).
Un scepticisme constructif (vigilantism) est donc attendu dans le monde scientifique et celui plus vaste de la presse de vulgarisation, avec des effets positifs et parfois négatifs (Teixeira da Silva JA, 2016N89). Cette vigilance serait le seul rempart contre des mouvements anti-science qui, selon certains, mettent en péril la démocratie dans les pays industrialisés. Réflexion qui trouve un écho inquiétant dans l’actualité partisane. Shawn Lawrence Otto cite (2012N85) :
La plateforme du Parti Républicain au Texas condamne « l’enseignement de techniques de pensée critique et programmes du même ordre … qui ont pour objectif de défier les croyances établies des étudiants et de saboter l’autorité parentale ».
Un essai remarquable sur le scepticisme constructif est l’article de Denise Minger qu’elle a construit sur des exemples d’analyse de théories de complot qui circulaient pendant l’épidémie CoVID-19 : Some thoughts on thinking critically in times of uncertainty, and the trap of lopsided skepticism (Minger D, 2020N90).
La compilation et l’analyse d’informations ne se réduit donc pas à l’empilage d’opinions choisies en renforcement d’idées préconçues. Elle nécessite un niveau minimum de compréhension des sujets traités.
⇪ « Experts » YouTube
Les réseaux sociaux et les blogs ont permis la naissance une nouvelle catégorie de scientifiques que je désigne comme « experts YouTube ». Il s’agit de chercheurs qui ont un pedigree attesté par leurs publications dans des journaux scientifiques à comité de lecture. Certains occupent même un poste de responsabilité dans un organisme de recherche publique. Mais ils se rendent visibles dans les médias grand public ou dans des ouvrages de vulgarisation en abordant des sujets qui n’ont de scientifique que l’apparence.
On voit ainsi d’anciens prix Nobel s’égarer dans des pseudosciencesN91, un syndrome paradoxal désigné comme « maladie du Nobel »N92. Une trentaine de cas pathologiques ont été signalés par leurs pairs, mais dans leur sillage gravitent de nombreux experts YouTube qui occupent l’espace médiatique avec des théories fantaisistes empruntant le vocabulaire scientifique — la physique quantique se prête particulièrement bien à ce type d’enfumage ! Il est difficile, en visionnant leurs vidéos, de distinguer ceux qui croient ce qu’ils racontent de ceux qui se jouent de la crédulité de leur auditoire. Quoi qu’il en soit, cette exposition leur offre une bien plus grande popularité sur Facebook ou Twitter que les articles sérieux soumis « dans la vraie vie » à des revues scientifiques dont le lecteur moyen ne comprendrait même pas les titres.
➡ De manière inexpliquée, ces « experts YouTube » sont très rarement des femmes…
⇪ Le doute, le regret et la curiosité
Dans son exposé Les pseudosciences ont-elles gagné sur Internet ? (2018N94), Acermendax (Thomas Durand) expose les biais inhérents aux mécanismes cognitifs que nous mettons en œuvre dans un souci de rationalisation :
En résumé, nous commençons par croire, et ensuite nous cherchons des raisons de justifier nos croyances. Pour le chercheur en psychologie Daniel Kahnemann, cela s’explique par l’existence de deux « systèmes » dans notre cerveau [N95]. Le système « 1 » est rapide, toujours à l’affût, il saute sur toutes les anomalies ou tous les schémas qui offrent de quoi construire une narration. Le système « 2 » est plus lent, coûteux, il analyse, il raisonne.
Mais le système « 2 » est-il lui-même objectif ? Peut-on le comparer à un scientifique rationnel qui évalue prudemment la vraisemblance des propositions ? En réalité, il est souvent au service du système « 1 » comme un avocat au service de son client [N96] : il cherche à valider les conclusions, à donner de la cohérence à ses cognitions. Il est un artisan besogneux du biais de confirmation, et un humain peut être très intelligent, posséder un système « 2 » extraordinairement efficace et malgré tout persister dans des croyances fausses, car son intelligence lui fournit de grandes quantités d’arguments donnant un semblant de validité à sa vision du monde. Bon gré mal gré, nous confondons « vrai » et « facilement justifiable à l’aide d’arguments qui me viennent à l’esprit ».
[…]
Le remède aux croyances fausses tient dans le bon usage d’un outil simple : l’inhibition cognitive. Il s’agit tout simplement d’un « frein mental ». Il permet de prendre le temps de questionner une idée, une inférence, une opinion, avant de l’incorporer à notre vision du monde. Pour aller vers plus de rationalité, nous devons avoir un recours conscient et méthodique à ce frein, un outil d’autant plus vital que votre bolide est puissant : les personnes très intelligentes, si elles ne savent pas freiner, peuvent finir par croire des choses complexes, baroques, complètement fausses, voire dangereuses, non pas malgré, mais en raison même de leur intelligence.
Dans une émission La Méthode scientifique (16/5/2019N97), le chercheur en psychologie Olivier Houdé utilise le terme « système 3 » pour désigner l’inhibition cognitive, précisant que ce système peut être actionné par trois émotions : le doute, le regret et la curiosité. Je recommande vivement, à ce sujet, la lecture de l’ouvrage L’intelligence humaine n’est pas un algorithme (Houdé O, 2019N93).
⇪ Le défi de l’actualisation des pratiques médicales
Depuis une quinzaine d’années à l’écoute d’usagères et usagers du système de santé français, je suis convaincu que les pratiques médicales ont besoin d’évoluer pour mériter la qualification de « médecine scientifique ». Les professionnels de santé que je croise (et parfois consulte) ne disposent ni du temps ni des compétences pour mettre à jour leurs connaissances en lisant des publications scientifiques. La plupart se contentent de ce qu’ils ont appris sur les bancs de la faculté. Imaginez un garagiste qui ne connaîtrait que les véhicules du début de sa carrière !
Le Dr Michael Eades raconte que, lorsqu’il démarrait ses études de médecine (aux USA), le professeur responsable de la formation a accueilli les étudiants en proclamant : « Tout ce qu’on va vous enseigner ici sera faux dans dix ans ! » Bel exemple de l’inévitable évolution des connaissances en médecine scientifique…
Ce qui passe aujourd’hui pour de la « formation continue » se réduit à la transmission d’éléments de langage de l’industrie pharmaceutique. Chacun peut en mesurer l’impact sur son médecin en consultant la base de données publique Transparence-SantéN98.
Le lobbying des industriels s’étend aux « experts » de « sociétés savantes » — guillemets nécessaires — qui participent à la rédaction de recommandations de pratique clinique ou de notes d’information publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS). Un article de la revue indépendante Prescrire (janvier 2018, page 71) suggère qu’environ 80 % de ces documents ne sont pas en accord avec les données actuelles de la science, supposées servir de référentiel du code de déontologie médicale (Maisonneuve H, 2018N99). Or les médecins sont légalement contraints de suivre les recommandations de pratique clinique !
⇪ Vous avez la parole !
J’invite les lectrices et lecteurs à faire preuve de sens critique : consulter les sources et m’informer de toute incohérence dans leur interprétation. Enfin, signaler d’autres sources, surtout lorsqu’elles paraissent contredire mon propos.
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Article créé le 21/08/2015 - modifié le 15/06/2024 à 12h28
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