Wozniak
⚪️ PETITE DEVINETTE. Quel est le point commun entre un jambon sous cellophane, un yaourt, une bière, une baguette de pain, une brique de poisson pané, un pot de crème glacée, une saucisse et une tartelette industrielle ? Réponse : ils ont tous été enrichis en gluten (lien:i54t). Une des poudres magiques de l’industrie agroalimentaire, qui l’utilise comme une super glue pour lier les sauces, agglomérer les protéines de poisson ou de viande, mais aussi pour donner aux produits de panification (lien:9s77) le maximum de volume en moins de temps possible. Chaque année, l’industrie de l’amidonnerie française fabrique 170 000 tonnes de gluten. Chiffre d’affaires : 2 millions d’euros.
Tout cela serait merveilleux s’il n’y avait la maladie cœliaque (lien:5w58). Les scientifiques soupçonnent cette overdose de gluten de provoquer une forte intolérance alimentaire qui affecterait aujourd’hui près de 8 % des Français. Parmi la flopée de symptômes repérés par les médecins : diarrhée chronique, gaz, ballonnements, douleurs articulaires, éruptions cutanées, à quoi s’ajoutent fatigue, irritabilité, voire dépression. A côté des brasseurs, des fabricants de yaourts ou de charcuterie, le secteur le plus friand en gluten est sans conteste l’industrie meunière. Celui-ci étant déjà présent dans le blé à l’état naturel, il n’est normalement pas besoin d’en ajouter pour faire monter la pâte, d’autant que sa teneur dans le blé n’a cessé d’augmenter.
Génétiquement sélectionnées pour générer de hauts rendements, les variétés modernes affichent 12% de gluten, contre 7% pour les épis traditionnels du début du siècle dernier. Mais, dans cette course effrénée pour contracter le temps de fermentation et de pétrissage de la pâte, il faut toujours plus de gluten. Pourquoi se gêner, cette substance étant étiquetée comme un auxiliaire technologique et non pas comme un additif, il n’existe aucune limite réglementaire sur la quantité qu’on a le droit d’ajouter ! Sans compter que ces mêmes farines, pour la plupart ultraraffinées, sont appauvries en nutriments et farcies d’une palanquée d’additifs (« Conflit », 3/2).
Pour sortir de ce pétrin, il y aurait bien une solution : que le ministère de la Santé détermine enfin une dose journalière de gluten à ne pas dépasser, avec à la clé une teneur maximale dans les aliments. Une idée qui file des boutons aux industriels de la meunerie et de l’amidon. Comme on dit, il y a encore du pain sur la planche… ⚪️
🔵 Lu dans Le Canard Enchaîné, CONFLIT DE CANARD, 9/3/2016, p. 5
Discussion
C’est donc effectivement l’ajout (non règlementé) de gluten en quantité illimitée dans les farines de boulangerie qui les rend toxiques, plus qu’une dégradation de la qualité des blés cultivés (voir lien:s41q, lien:fz3n et lien:kqgn). On peut veiller, en Europe, à ne consommer que des farines « bio » dans lesquelles l’ajout de gluten est interdit, et de préférence du pain au levain car ce mode de production casse les molécules de gluten (lien:3ryt).
Évitons de sombrer dans la croyance en une toxicité intrinsèque du gluten, diffusée par des naturopathes qui ne font que donner voix à une industrie lucrative du « sans gluten » !
Lucy Mailing (2018 lien:6unp) explique que la sensibilité non-cæliaque au gluten (lien:gsn0) et certains cas de maladie cæliaque (lien:5w58) sont liées à une dysbiose intestinale, et parfois confondues avec l’hyperperméabilité intestinale (lien:jw6k) ou une colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle (SIBO lien:eda2). Elle ajoute que la maladie cæliaque est bien plus qu’une question de gluten et de gènes :
Beaucoup de gens pensent que la maladie cæliaque est une maladie génétique provoquée par la seule exposition au gluten. Cependant, la génétique n’explique qu’environ un tiers de l’héritabilité de la MC. Par exemple, les deux haplotypes (HLA-DQ2 et HLA-DQ8) représentent les prédispositions génétiques primaires à la MC. Pourtant, bien que ces gènes soient à la base de presque tous les cas de MC, seulement 2 à 5% des personnes porteuses de ces gènes développeront une MC.
Cela suggère que les facteurs environnementaux jouent un rôle majeur dans le développement de la maladie cæliaque, une notion étayée par plusieurs études publiées :
- La prise d’antibiotiques au début de la vie et la naissance par césarienne augmentent le risque de développer une MC (lien:w4vl ; lien:cmx9).
- Il a été démontré, dans des études sur des animaux, que le traitement antibiotique en début de vie conduisait à une expansion du phylum Proteobacteria et à une sévérité accrue des réactions au gluten (lien:xnsf).
- L’allaitement prolongé et le maintien de l’allaitement lors de l’introduction de gluten peuvent réduire le risque ou retarder l’apparition de la MC (lien:ffbj).
Plusieurs groupes de recherche indépendants ont découvert que la MC était associée à un microbiote intestinal altéré. Les études chez les nourrissons ont confirmé que cette dysbiose semble précéder le développement de la maladie. Dans une étude de cohorte de nourrissons humains génétiquement à risque de MC, les diminutions relatives de l’abondance de Bifidobacterium et les augmentations de Staphylococcus et Bacteroides fragilis dans des échantillons fécaux au début de la vie étaient associées à un risque plus élevé de développer une MC (lien:9ed3). Des analyses plus récentes ont ont montré que les gènes HLA à haut risque eux-mêmes pouvaient influencer la composition du microbiote intestinal (lien:3zw9). Les nourrissons présentant un haplotype HLA-DQ2 ont présenté une augmentation du nombre de Firmicutes et de Protéobactéries et une diminution du nombre d’Actinobactéries (y compris le genre Bifidobacterium).
Le gène FUT2 est également associé à la MC et influe sur la composition microbienne intestinale. Les individus qui possèdent deux copies d’une variante particulière du gène FUT2 ne parviennent pas à sécréter certains composés dans la couche de mucus de l’intestin. Cela se traduit par une altération des microbes associés au mucus et une réduction de la diversité, de la richesse et de l’abondance des espèces de Bifidobacterium (lien:bmab ; lien:sg8a ; lien:fq0b).
[…] Des recherches sur les humains ont confirmé que les patients atteints de MC avaient des pertes de liquide dans le tube digestif et que la plupart des patients avaient une fonction de barrière intestinale rétablie après un régime sans gluten (lien:nlnp). Toutefois, d’autres facteurs peuvent également contribuer à une altération de la fonction de barrière, notamment de certains médicaments. toxines environnementales, stress chronique, hyperglycémie et régime alimentaire extrêmement raffiné.
L’étude de Bledsoe AC et al. (2018 lien:625b) signale aussi, pour la maladie cæliaque, des carences en micronutriments, plus nettement le zinc, l’albumine, le cuivre et la vitamine B12.
L’allergie au blé (lien:kocs) n’entre pas dans ces catégories.
(Discussion ouverte…)
Article créé le 16/03/2016 - modifié le 19/02/2020 à 22h55
One thought on “Jamais sans mon gluten !”