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Jamais sans mon gluten !

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⚪️ PETITE DEVINETTE. Quel est le point commun entre un jambon sous cello­phane, un yaourt, une bière, une baguette de pain, une brique de pois­son pané, un pot de crème glacée, une saucisse et une tarte­lette indus­trielle ? Réponse : ils ont tous été enri­chis en glutenN1. Une des poudres magiques de l’in­dus­trie agroa­li­men­taire, qui l’uti­lise comme une super glue pour lier les sauces, agglo­mé­rer les protéines de pois­son ou de viande, mais aussi pour donner aux produits de pani­fi­ca­tionN2 le maxi­mum de volume en moins de temps possible. Chaque année, l’in­dus­trie de l’ami­don­ne­rie fran­çaise fabrique 170 000 tonnes de gluten. Chiffre d’af­faires : 2 millions d’euros.

Tout cela serait merveilleux s’il n’y avait la mala­die cœliaqueN3. Les scien­ti­fiques soup­çonnent cette over­dose de gluten de provo­quer une forte into­lé­rance alimen­taire qui affec­te­rait aujourd’­hui près de 8 % des Français. Parmi la flopée de symp­tômes repé­rés par les méde­cins : diar­rhée chro­nique, gaz, ballon­ne­ments, douleurs arti­cu­laires, érup­tions cuta­nées, à quoi s’ajoutent fatigue, irri­ta­bi­lité, voire dépres­sion. A côté des bras­seurs, des fabri­cants de yaourts ou de char­cu­te­rie, le secteur le plus friand en gluten est sans conteste l’in­dus­trie meunière. Celui-ci étant déjà présent dans le blé à l’état natu­rel, il n’est norma­le­ment pas besoin d’en ajou­ter pour faire monter la pâte, d’au­tant que sa teneur dans le blé n’a cessé d’augmenter.

Génétiquement sélec­tion­nées pour géné­rer de hauts rende­ments, les varié­tés modernes affichent 12% de gluten, contre 7% pour les épis tradi­tion­nels du début du siècle dernier. Mais, dans cette course effré­née pour contrac­ter le temps de fermen­ta­tion et de pétris­sage de la pâte, il faut toujours plus de gluten. Pourquoi se gêner, cette substance étant étique­tée comme un auxi­liaire tech­no­lo­gique et non pas comme un addi­tif, il n’existe aucune limite régle­men­taire sur la quan­tité qu’on a le droit d’ajou­ter ! Sans comp­ter que ces mêmes farines, pour la plupart ultra­raf­fi­nées, sont appau­vries en nutri­ments et farcies d’une palan­quée d’ad­di­tifs (« Conflit », 3/2).

Pour sortir de ce pétrin, il y aurait bien une solu­tion : que le minis­tère de la Santé déter­mine enfin une dose jour­na­lière de gluten à ne pas dépas­ser, avec à la clé une teneur maxi­male dans les aliments. Une idée qui file des boutons aux indus­triels de la meune­rie et de l’ami­don. Comme on dit, il y a encore du pain sur la planche… ⚪️

🔵 Lu dans Le Canard Enchaîné, CONFLIT DE CANARD, 9/3/2016, p. 5


Discussion

C’est donc effec­ti­ve­ment l’ajout (non règle­menté) de gluten en quan­tité illi­mi­tée dans les farines de boulan­ge­rie qui les rend toxiques, plus qu’une dégra­da­tion de la qualité des blés culti­vés (voir N4, N5 et N6). On peut veiller, en Europe, à ne consom­mer que des farines « bio » dans lesquelles l’ajout de gluten est inter­dit, et de préfé­rence du pain au levain car ce mode de produc­tion casse les molé­cules de glutenN7.

Évitons de sombrer dans la croyance en une toxi­cité intrin­sèque du gluten, diffu­sée par des natu­ro­pathes qui ne font que donner voix à une indus­trie lucra­tive du « sans gluten » !

Lucy Mailing (2018N8) explique que la sensi­bi­lité non-cæliaque au glutenN9 et certains cas de mala­die cæliaqueN3 sont liés à une dysbiose intes­ti­nale, et parfois confon­dus avec l’hyper­per­méa­bi­lité intes­ti­naleN10 ou une colo­ni­sa­tion bacté­rienne chro­nique de l’in­tes­tin grêle (SIBON11). Elle ajoute que la mala­die cæliaque est bien plus qu’une affaire de gluten et de gènes :

Beaucoup de gens pensent que la mala­die cæliaque est une mala­die géné­tique provo­quée par la seule expo­si­tion au gluten. Cependant, la géné­tique n’ex­plique qu’en­vi­ron un tiers de l’hé­ri­ta­bi­lité de la MC. Par exemple, les deux haplo­types (HLA-DQ2 et HLA-DQ8) repré­sentent les prédis­po­si­tions géné­tiques primaires à la MC. Pourtant, bien que ces gènes soient à la base de presque tous les cas de MC, seule­ment 2 à 5% des personnes porteuses de ces gènes déve­lop­pe­ront une MC.

Cela suggère que les facteurs envi­ron­ne­men­taux jouent un rôle majeur dans le déve­lop­pe­ment de la mala­die cæliaque, une notion étayée par plusieurs études publiées :

  • La prise d’an­ti­bio­tiques au début de la vie et la nais­sance par césa­rienne augmentent le risque de déve­lop­per une MCN12·N13.
  • Il a été démon­tré, dans des études sur des animaux, que le trai­te­ment anti­bio­tique en début de vie condui­sait à une expan­sion du phylum Proteobacteria et à une sévé­rité accrue des réac­tions au glutenN14.
  • L’allaitement prolongé et le main­tien de l’al­lai­te­ment lors de l’in­tro­duc­tion de gluten peuvent réduire le risque ou retar­der l’ap­pa­ri­tion de la MCN15.

Plusieurs groupes de recherche indé­pen­dants ont décou­vert que la MC était asso­ciée à un micro­biote intes­ti­nal altéré. Les études chez les nour­ris­sons ont confirmé que cette dysbiose semble précé­der le déve­lop­pe­ment de la mala­die. Dans une étude de cohorte de nour­ris­sons humains géné­ti­que­ment à risque de MC, les dimi­nu­tions rela­tives de l’abon­dance de Bifidobacterium et les augmen­ta­tions de Staphylococcus et Bacteroides fragi­lis dans des échan­tillons fécaux au début de la vie étaient asso­ciées à un risque plus élevé de déve­lop­per une MCN16. Des analyses plus récentes ont ont montré que les gènes HLA à haut risque eux-mêmes pouvaient influen­cer la compo­si­tion du micro­biote intes­ti­nalN17. Les nour­ris­sons présen­tant un haplo­type HLA-DQ2 ont présenté une augmen­ta­tion du nombre de Firmicutes et de Protéobactéries et une dimi­nu­tion du nombre d’Actinobactéries (y compris le genre Bifidobacterium).

Le gène FUT2 est égale­ment asso­cié à la MC et influe sur la compo­si­tion micro­bienne intes­ti­nale. Les indi­vi­dus qui possèdent deux copies d’une variante parti­cu­lière du gène FUT2 ne parviennent pas à sécré­ter certains compo­sés dans la couche de mucus de l’in­tes­tin. Cela se traduit par une alté­ra­tion des microbes asso­ciés au mucus et une réduc­tion de la diver­sité, de la richesse et de l’abon­dance des espèces de Bifidobacterium (N18 ; N19 ; N20).

[…] Des recherches sur les humains ont confirmé que les patients atteints de MC avaient des pertes de liquide dans le tube diges­tif et que la plupart des patients avaient une fonc­tion de barrière intes­ti­nale réta­blie après un régime sans glutenN21. Toutefois, d’autres facteurs peuvent égale­ment contri­buer à une alté­ra­tion de la fonc­tion de barrière, notam­ment de certains médi­ca­ments. toxines envi­ron­ne­men­tales, stress chro­nique, hyper­gly­cé­mie et régime alimen­taire extrê­me­ment raffiné.

L’étude de Bledsoe AC et al. (2018N22) signale aussi, pour la mala­die cæliaque, des carences en micro­nu­tri­ments, plus nette­ment le zinc, l’al­bu­mine, le cuivre et la vita­mine B12.

L’aller­gie au bléN23 n’entre pas dans ces catégories.

(Discussion ouverte…)

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  • N1 · i54t · Gluten – Wikipedia
  • N2 · 9s77 · Fabrication du pain – Wikipedia
  • N3 · 5w58 · Maladie cœliaque – Wikipedia
  • N4 · s41q · Can an Increase in Celiac Disease Be Attributed to an Increase in the Gluten Content of Wheat as a Consequence of Wheat Breeding ?
  • N5 · fz3n · Peptides from gluten diges­tion : A compa­ri­son between old and modern wheat varieties
  • N6 · kqgn · Detection and quan­ti­ta­tion of immu­no­ge­nic epitopes rela­ted to celiac disease in histo­ri­cal and modern hard red spring wheat cultivars
  • N7 · 3ryt · Le gluten est-il dangereux ?
  • N8 · 6unp · Gluten into­le­rance or gut dysbio­sis ? The role of the gut micro­biome in celiac disease and non-celiac gluten sensitivity
  • N9 · gsn0 · Sensibilité non-cœliaque au gluten – Wikipedia
  • N10 · jw6k · Hyperperméabilité intes­ti­nale – Wikipedia
  • N11 · eda2 · Colonisation bacté­rienne chro­nique de l’in­tes­tin grêle – SIBO – Wikipedia
  • N12 · w4vl · Cesarean Delivery Is Associated With Celiac Disease but Not Inflammatory Bowel Disease in Children
  • N13 · cmx9 · Pregnancy Outcome and Risk of Celiac Disease in Offspring : A Nationwide Case-Control Study
  • N14 · xnsf · Intestinal Microbiota Modulates Gluten-Induced Immunopathology in Humanized Mice
  • N15 · ffbj · Effect of breast feeding on risk of coeliac disease : a syste­ma­tic review and meta-analysis of obser­va­tio­nal studies
  • N16 · 9ed3 · Influence of Milk-Feeding Type and Genetic Risk of Developing Coeliac Disease on Intestinal Microbiota of Infants : The PROFICEL Study
  • N17 · 3zw9 · The HLA-DQ2 geno­type selects for early intes­ti­nal micro­biota compo­si­tion in infants at high risk of deve­lo­ping coeliac disease
  • N18 · bmab · Faecal micro­biota compo­si­tion in adults is asso­cia­ted with the FUT2 gene deter­mi­ning the secre­tor status
  • N19 · sg8a · Secretor geno­type (FUT2 gene) is stron­gly asso­cia­ted with the compo­si­tion of Bifidobacteria in the human intestine
  • N20 · fq0b · Colonic mucosa-associated micro­biota is influen­ced by an inter­ac­tion of Crohn disease and FUT2 (Secretor) genotype
  • N21 · nlnp · Intestinal Permeability in Long-Term Follow-up of Patients with Celiac Disease on a Gluten-Free Diet
  • N22 · 625b · Micronutrient Deficiencies Are Common in Contemporary Celiac Disease Despite Lack of Overt Malabsorption Symptoms
  • N23 · kocs · Allergie au blé – Wikipedia

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Article créé le 16/03/2016 - modifié le 5/11/2023 à 07h25

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