Propagande

Health coaching” : business models en roue libre…

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Le domaine du coaching pour la santé (health coaching) est en nette crois­sance dans les pays à haut PIB. Nombreux sont celles et ceux qui voudraient se nour­rir saine­ment, et prati­quer de l’exer­cice tout en béné­fi­ciant d’un encadrement.

Cette crois­sance coin­cide avec l’ar­ri­vée sur le « marché » de baby-boomers nés au siècle dernier. Ils ont atteint un âge où la ques­tion de l’es­pé­rance de vie commence à se poser concrè­te­ment. Or, tous ne se satis­font pas des réponses de la méde­cine dite « préventive ».

Tendance de recherche de l'expression “health coaching” montrant un triplement des requêtes depuis 2004 (source Google)
Tendance de recherche de l’ex­pres­sion “health coaching” montrant un triple­ment des requêtes depuis 2004 (source Google)

Les sites qui proposent des solu­tions « en ligne » sont tous construits sur un modèle d’en­tre­priseN1 plus ou moins expli­cite. J’utilise le terme “busi­ness model” pour rappe­ler que ces notions ont vu le jour en Amérique du Nord, dans une culture qui, plus que la nôtre, juge accep­table de privi­lé­gier l’op­ti­mi­sa­tion du profit sur celle de la qualité du service.

La maîtrise du busi­ness model est indis­pen­sable pour assu­rer la renta­bi­lité — donc la survie — de toute entre­prise. Le problème que je vais expo­ser ici est celui de dérives du modèle dans des entre­prises suppo­sées entre­te­nir une rela­tion de confiance avec des personnes en demande de soutien (coaching).

Sommaire

Capture d’adresses

Source : AngelFire

Les auteurs des sites les plus modestes font appel à des dona­tions via un bouton PayPal, simple trans­po­si­tion de l’ap­proche share­ware utili­sée pour la distri­bu­tion de logi­ciels. D’autres proposent un produit « gratuit » — par exemple un simple fichier PDF à télé­char­ger — moyen­nant l’ins­crip­tion de l’internaute.

La gratuité du produit est illu­soire : son prix réel est la capture de l’adresse élec­tro­nique (et autres données person­nelles) d’un·e inter­naute intéressé·e par le contenu du site. Cette adresse pourra par la suite être utili­sée pour des offres publi­ci­taires ou des relances. C’est un « trésor de guerre » d’une telle impor­tance que les spécia­listes de web-marketting proposent des outils (logi­ciels de capture) et des stra­té­gies pour en augmen­ter le volumeN2.

Il est prudent de véri­fier que la cession d’une adresse élec­tro­nique est en confor­mité avec les règles que la Commission natio­nale infor­ma­tique et liber­tés (CNIL) avait instau­rées en France dès 2009N3, aujourd’­hui éten­dues à tous les pays de l’Union Européenne dans le cadre du Règlement géné­ral pour la protec­tion des données (RGPDN4) : on ne peut deman­der l’adresse d’un inter­naute qu’en préci­sant toutes les condi­tions de son utili­sa­tion, en décla­rant qu’elle ne sera jamais cédée à des tiers et en lui permet­tant à tout moment d’an­nu­ler son inscrip­tion sans four­nir de justi­fi­ca­tion. La non-conformité au RGPD est un critère suffi­sant pour ôter toute crédi­bi­lité aux respon­sables du site : soit ils ignorent la règle­men­ta­tion, soit ils ont négligé de mettre à jour leurs outils de communication.

Les adresses collec­tées peuvent aussi géné­rer du profit en étant vendues à des « trafi­quants d’adresses ». Une pratique très répan­due, condam­nable selon la légis­la­tion actuelle, mais diffi­cile à contrôler.

Vente de produits

Sur les sites de santé, la vente de complé­ments alimen­taires et d’ar­ticles pour la « salle de bains » (jusqu’au papier toilette en fibre de bambou !) est une acti­vité plus lucra­tive que le coaching. Les proprié­taires des sites utilisent leur noto­riété — parfois sous le titre abusif de « docteur » — pour promou­voir ces articles, en marge de conseils diffu­sés gratui­te­ment. Par exemple, un texte sur le massage se termine par un bouton à cliquer pour ache­ter de l’huile d’avo­cat cali­for­nienne ; tout est bon à prendre !

Souvent, le gourou-médecin n’uti­lise pas les produits dont il chante les vertus : il suffit de faire le décompte des vita­mines et flacons magiques agités comme « indis­pen­sables » pour réali­ser qu’il ne pour­rait pas tous les ingé­rer au quoti­dien ! D’autant plus que les vendeurs admettent qu’il peut être inef­fi­cace ou dange­reux de les consom­mer simultanément.

Le plus profi­table est de vendre direc­te­ment les produits, mais on peut aussi délé­guer ce service (moyen­nant divi­dendes) à un site partenaire.

Les produits sont mis en valeur par des publi­ca­tions suppo­sées attes­ter leurs vertus cura­tives ou préven­tives. Il est rare que des liens soient inclus, mais on peut les loca­li­ser en s’ai­dant d’un moteur de recherche. Quand l’ar­ticle scien­ti­fique démontre au contraire l’ab­sence de preuve d’ef­fi­ca­cité, il est assez commun d’en détour­ner les conclu­sions ou le résumé, comme je l’ai expli­qué sur mon article Compléments alimentaires (casse-tête) au sujet de probio­tiques pour le trai­te­ment de l’obésité.

➡ On assiste en ce moment à une bataille rangée média­tique orches­trée par des « experts », entre le commerce floris­sant de l’huile de noix de coco et celui des autres huiles végé­tales (colza, soja…) qui repré­sente un enjeu consi­dé­rable aux USA. Tous les argu­ments sont bons à prendre, y compris celui d’un profes­seur d’Harvard qui remet le couvert sur le « choles­té­rol [des graisses satu­rées de l’huile de coco] qui bouche les artères » — voir mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ?

Exploiter la noto­riété de scien­ti­fiques renom­més est un excellent inves­tis­se­ment pour vendre un produit, ou déni­grer la concur­rence, comme nous venons de le voir. La super­che­rie peut prendre une dimen­sion spec­ta­cu­laire quand il s’agit d’an­ciens prix Nobel à la recherche d’un regain de popu­la­rité — à moins qu’ils aient déjà « claqué leur pognon » ? Voir par exemple Louis J. Ignarro, co-primé en 1998 pour des décou­vertes au sujet de « l’oxyde nitrique comme molé­cule de signa­le­ment dans le système cardio­vas­cu­laire »N6. Selon un rapport de Pershing Square Capital Management, ce cher­cheur a su moné­ti­ser ses décou­vertes en rece­vant plus de 15 millions de dollars du marchand de complé­ments alimen­taires HerbalifeN7. Or Ignarro s’ap­puie, pour la promo­tion de ses produits, sur des publi­ca­tions scien­ti­fiques où il appa­raît en co-auteur et dont les figures ont été gros­siè­re­ment falsi­fiées — une fraude récur­rente en biomé­de­cine. Ceux qui connaissent le domaine peuvent en contem­pler les détails sur le site de Leonid Schneider : N8. Depuis 2004, la démarche commer­ciale d’Ignarro est concur­ren­cée par celle de Ferid Murad, son ancien coéqui­pier du prix Nobel qui s’est lui aussi lancé dans la promo­tion d’un produit de compo­si­tion similaire.

De manière géné­rale, toute page qui se termine par une offre commer­ciale — à l’ex­cep­tion peut-être du bouton « dona­tion » — devrait être lue avec une « pincée de sel ». Il est néces­saire de recou­per les infor­ma­tions avec d’autres sources plus fiables et moins direc­te­ment inté­res­sées, le plus sage étant de consul­ter un large éven­tail de publi­ca­tions scien­ti­fiques… Ce n’est pas facile pour celles et ceux qui ne lisent pas l’an­glais, prin­ci­pale langue de commu­ni­ca­tion acadé­mique, ou ne béné­fi­cient pas d’un bagage suffi­sant en matière de docu­men­ta­tion. C’est pour cette raison que le web fran­co­phone sur la santé est d’une affli­geante pauvreté. La plupart des pages y sont fabri­quées en copiant-collant d’autres pages, les plus anciennes étant de mauvaises traduc­tions… de mauvais résu­més. Je souhaite contri­buer à quelques gouttes de discer­ne­ment dans cet océan de confusion !

Faux commentaires

Pinocchio

Des pratiques plus insi­dieuses appa­raissent sur certains sites à grande fréquen­ta­tion. Il est impor­tant de les repé­rer pour ne pas trop se « faire avoir ». Par exemple, ouvrir un fil de commen­taires rensei­gné en premier par des commen­ta­teurs (rétri­bués) allant dans le sens du contenu de l’ar­ticle, sous le couvert de préten­dus débats sur des détails annexes. Sur un des sites anglo­phones les plus répu­tés de « méde­cine natu­relle », je vois surgir les commen­taires d’un même inter­ve­nant dans les minutes qui suivent la publi­ca­tion de chaque article. Ses inter­ven­tions sont docu­men­tées, souvent consti­tuées de frag­ments en prove­nance d’autres sources (par exemple Wikipedia) et suscitent donc les réponses élogieuses de lecteurs bernés par ce proces­sus. Celles (mais le plus souvent ceux) qui inter­viennent posi­ti­ve­ment finissent pas se voir attri­buer le grade de “super user” ou “super savvy” !

Il est maté­riel­le­ment impos­sible que cette personne rédige des commen­taires aussi détaillés en si peu de temps. Un surdoué (super savvy) de son calibre devrait trou­ver mieux à faire que passer ses jour­nées à surveiller les publi­ca­tions du site pour cirer les pompes de l’au­teur ! Il s’agit proba­ble­ment d’une personne réelle, inci­dem­ment bilingue anglais-espagnol comme le site… Ce monsieur “super savvy” n’a pas réagi à mes soup­çons d’as­so­cia­tion avec les auteurs du site, et mon commen­taire a été immé­dia­te­ment supprimé. Je n’ai donc plus aucun espoir de quali­fi­ca­tion comme “super user” !

Cette manière de procé­der peut être auto­ma­ti­sée sans diffi­culté. Elle l’est certai­ne­ment sur d’autres sites : program­mer la publi­ca­tion d’un article et, dans les minutes qui suivent, l’en­voi de commen­taires d’abon­nés virtuels, prépa­rés à l’avance, qui ouvrent un (faux) débat afin d’at­ti­rer du traf­fic vers la publi­ca­tion — avec les offres commer­ciales qui lui sont associées…

Sur des sites de vente en ligne comme Amazon, la publi­ca­tion de faux commen­taires desti­nés à faire la promo­tion (ou la contre-publicité) d’un produit peut conduire à des actions en justiceN9 en appli­ca­tion de lois améri­caines qui défendent la libre concur­rence loyale. Des dispo­si­tifs tech­niques (algo­rithmes de recherche) ont été mis en place pour détec­ter et empê­cher ces pratiques. Toutefois, sur un site de « santé », rien ne prouve que les mêmes précau­tions aient été prises, ni que les auteurs du site ne s’y adonnent pas eux-mêmes.

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