Rappel du sommaire
⇪ En route avec John Clark (1950)
L’ouvrage de John Clark, Hunza – Lost Kingdom of the Himalayas (1957A11 ou version PDFN22) apporte un témoignage radicalement différent de ceux publiés par ses prédécesseurs. J’en recommande vivement la lecture intégrale en suivant les déplacements sur la carte interactiveN26. Il m’a longtemps captivé, tellement les faits rapportés (avec un redoutable sens de l’humour) me rappellent des moments vécus au nord de l’Inde.
➡ Dans ce qui suit, la pagination est celle de la version PDFN22, différente de celle de l’ouvrage sur papier. Les textes et images sont identiques.
Dès la cinquième page, Clark avertit ses lecteurs :
Je souhaite également exprimer mes regrets aux voyageurs dont les impressions ont été contredites par mon expérience. Lors de mon premier voyage à travers le pays Hunza, j’ai acquis presque toutes les idées fausses : les Hunzas en bonne santé, la Cour démocratique, la terre où il n’y a pas de pauvres et le reste — et seul le long séjour en pays Hunza m’a révélé la situation réelle. Je ne prends aucun plaisir à démystifier ou à confirmer une déclaration, mais il était nécessaire de dire clairement la vérité telle que je l’ai vécue.
⇪ Les objectifs de Clark
John Clark (1909–1994) était un géologue américain invité à faire des relevés géologiques dans le tout nouvel État du Pakistan qui comptait peu de spécialistes de cette discipline. Il poursuivait toutefois d’autres objectifs avec l’approbation du gouvernement pakistanais (1957N22 page 9) :
Mon but était d’essayer de montrer aux membres d’une communauté asiatique comment ils pourraient utiliser les ressources qu’ils possédaient déjà pour améliorer leur vie. Plus important encore, je m’efforcerais d’enseigner aux habitants du Hunza que, dans le cadre de leurs propres efforts, s’ils attendent un avenir meilleur, ils pourront (avec quelques indications au départ) s’élever aussi haut qu’ils le souhaitent, et qu’ils n’ont pas besoin du communisme pour y parvenir. Je savais bien sûr qu’un homme seul ne pourrait pas arrêter le communisme en Asie, mais je savais aussi qu’un projet correctement géré comme le mien pourrait libérer plusieurs milliers d’Asiatiques de sa menace et servir de modèle à des entreprises de plus grande envergure.
À cette époque, la région nouvellement libérée de l’empreinte coloniale anglaise était convoitée par ses voisins immédiats (URSS et Chine) qui espéraient la mettre sous tutelle après une conversion de la population à leur vision du communisme.
L’anticommunisme affiché par John Clark doit être replacé dans le contexte de son époque : la Guerre du Vietnam n’avait pas encore eu lieu et celle de Corée a éclaté pendant son deuxième voyage. L’Amérique de Roosevelt et Truman était un acteur principal de la victoire contre le nazisme et le fascisme. Perçue comme messagère du progrès et de la démocratie, elle était menacée dans cette entreprise par les régimes autoritaires de l’URSS et de la Chine. Les soviétiques avaient notamment commencé à envahir le Gilgit-Baltistan jusqu’à une trentaine de kilomètres de ShimshalN68.
Mais Clark n’était pas un porteur naïf de l’idéal nord-américain. Sa crainte du communisme était motivée par une expérience de terrain. Pendant la guerre, en été 1944, il avait été affecté à la surveillance de routes et de voies ferrées des provinces du XinjiangN92 et du GansuN121 dans la Chine alors présidée par Tchang Kaï-chek. Ce dernier projetait d’installer au Xinjiang tous les réfugiés de la guerre et des inondations « avec l’aide financière des Américains » (1957N22 page 9). Clark raconte son séjour en Chine et ce qu’il a retenu de positif dans les interventions des soviétiques (1957N22 pages 11–12) :
La partie constructive du programme russe était efficace et pratique, grâce à quatre principes de fonctionnement bien fondés. Premièrement, ils traitaient directement avec les personnes qu’ils souhaitaient gagner, jamais par l’intermédiaire de leurs partis politiques ou de leurs gouvernements. Deuxièmement, ils ont démarré des petites industries dans chaque district, de sorte que tout le monde est devenu un peu mieux loti sans provoquer de bouleversements économiques majeurs. Troisièmement, ils ont fourni à la population une aide médicale et une éducation gratuites. (Tous les autres efforts devaient être autosuffisants.) Quatrièmement, ils ont dispensé un enseignement solide et pratique à la masse des enfants des classes et des lycées avant de tenter de former des spécialistes formés à l’université. L’objectif était d’élever un peu le niveau de vie de chacun et de permettre à chaque garçon et chaque fille de mieux subvenir à ses besoins. Leur intention n’était pas de résoudre les problèmes fondamentaux de l’Asie, de développer des génies individuels ou de construire des œuvres publiques monumentales.
Clark condamne, par contre, les atrocités commises par des leaders fanatisés : l’élimination d’opposants — plus de 30 000 leaders musulmans et 50 000 chrétiens orthodoxes — et le massacre de populations pour asseoir leur domination (1957N22 page 11) :
Ils avaient tellement terrorisé les gens que plus tard, dans les petits villages, les enfants s’enfuyaient dès qu’ils voyaient mon uniforme et mon casque car ils pensaient que j’étais russe. […] L’assassinat planifié faisait simplement partie du programme et les populations locales devaient l’accepter, de même que les écoles, les routes et les petites locomotives à vapeur qui fonctionnaient si utilement dans leur ville.
Après la guerre, John Clark a tenté de revenir en Chine, créant dans ce but une fondation qui a collecté assez d’argent pour couvrir une mission d’un an en voyageant seul. Il a choisi de s’y rendre à partir du Pakistan en franchissant le col de MintakaN91 à 4709 mètres pour arriver à KachgarN122. Accompagné de Haibatullah, un Turki (réfugié ouzbek du Turkestan chinois), il a donc remonté la vallée de la Hunza et continué vers le Turkestan chinois, « visitant les nomades Khirgiz et évitant les Tadjiks dégénérés » (Clark J, 1957N22 page 13)…
Cependant, nous avons constaté que le gouvernement chinois poursuivait sa politique suicidaire d’oppression et de meurtre. Naturellement, les responsables locaux n’accueillaient pas les étrangers, c’est pourquoi Haibatullah et moi sommes remontés au Pakistan par le col de Mintaka.
Autorisé par le gouvernement pakistanais à travailler sur place, il s’est installé à Gilgit et a passé les huit mois restants à explorer les régions de ce district (N22 page 13) :
J’ai visité les Yaghistanis, les Baltis, les Cachemiris, les Dards, les Quor, les Berichos et les Beltum. De tous, les Hunzas étaient manifestement le peuple le plus optimiste. Ils étaient debout, intelligents, propres et désespérément impatients de travailler. Ils étaient également extrêmement peuplés et appauvris, et les montagnes qu’ils habitaient étaient assez mornes pour que tout changement soit vu comme une amélioration. Je suis passé de Gilgit à Hunza et j’ai passé les deux derniers mois à faire la connaissance de ces gens et de leur pays.
À cette époque, les 25 000 habitants du Hunza vivaient en quasi autarcie. John Clark avait instauré un rapport de confiance avec le gouverneur local — le Mir Muhammad Jamal KhanN6 — ainsi que, par son entremise, les fonctionnaires pakistanais postés à Gilgit. En été 1949, il est retourné aux USA, à court d’argent mais très clair quant à la mission qu’il souhaitait accomplir.
Après avoir enseigné un semestre à l’Université du Michigan pour économiser de quoi repartir, il a passé deux mois à planifier son nouveau séjour et acquérir le matériel nécessaire (Clark J, 1957N22 page 14) :
Avec 21 000 dollars cette fois, je devrais y aller seul à nouveau. Il me fallait acheter des outils pour une école de sculpture sur bois, des vêtements pour moi-même et mes étudiants, des médicaments pour un dispensaire général, des filets à papillons, des selles, des seringues hypodermiques, deux années de papier toilette — plus de trois mille articles différents.
À côté des relevés géologiques destinés à une possible exploitation minière, il avait pour projet de tenir un dispensaire médical, distribuer aux paysans des semences de bonne qualité et des fournitures scolaires aux écoliers, introduire l’artisanat du bois et enseigner la collecte de papillons rares. Le tout pour améliorer les conditions de vie des Hunzas.
⇪ L’école de sculpture
John Clark a eu de la difficulté à recruter comme professeur un des quatre sculpteurs qui avaient été formés par les Anglais. Il était confronté à une conception passive de l’apprentissage basée sur l’imitation de ce que fait le maître. Il intervient par exemple auprès d’Hayat, un de ses premiers élèves (1957N22 page 127) :
« Scie cette planche, Hayat, » ai-je dit en lui tendant la scie et le bois. Il a essayé, mais sa coupe était de travers. « Maintenant, regarde, » je lui ai dit, et j’ai tracé une ligne droite sur la planche avec une équerre. […] « Pourquoi dessinons-nous des lignes droites ? » J’ai demandé.
Immédiatement ils se sont exclamés : « Parce que tu es notre Sahib et que tu le veux ! » J’ai pourtant remarqué que Hayat avait l’air pensif et ne disait rien.
J’ai scié une coupe droite le long de la ligne et leur ai montré que deux planches coupées droites s’assemblaient bien, alors que des planches coupées de travers ne conviendraient pas. Ils ne voyaient pas pourquoi quelqu’un devrait se soucier de l’assemblage correct ! Ils n’avaient jamais rien vu de mesuré dans leur vie. Ils n’avaient aucune notion du temps, ils n’avaient jamais rien vu d’ajusté, leurs vêtements n’étaient jamais coupés pour s’adapter à une personne en particulier. Il faudrait commencer par l’idée de précision. Je m’attendais à ce que ces garçons accomplissent en un an ou deux le saut d’une culture de l’âge de pierre à la précision moderne. Ce ne serait pas une honte pour eux s’ils n’y réussissaient pas.
L’idée de « précision » me rappelle la même déconvenue lorsque j’avais commandé à des artisans d’Old Delhi du mobilier pour mon atelier d’électronique en 1981 : ils n’utilisaient aucun instrument de mesure gradué.
Clark voulait instaurer de l’interactivité dans l’équipe que formeraient le professeur et ses élèves afin d’inciter ces derniers à penser par eux-mêmes. Après avoir engagé un nouveau professeur qui comprenait sa pédagogie, il y est parvenu au-delà de toute attente. Ce succès n’a pas manqué de provoquer des tensions avec le Mir, hostile à l’apparition de tout esprit critique dans une population qui faisait preuve d’une obéissance aveugle. Le manque d’initiative de ses sujets était reflété par ce triste constat (Clark J, 1957N22 page 211) :
Les habitants du Hunza souffrent de maisons froides depuis deux mille ans, car c’est le destin que les hivers soient froids et aucun d’eux n’a été assez insatisfait pour inventer la cheminée ou une porte qui s’adapte à son cadre.
Voici un autre exemple de dialogue avec les étudiants, le jour où étaient déballés des outils et des matériaux achetés en ville. Clark leur présente des roues métalliques (N22 pages 125–126) :
Burhan a pris une roue noire, l’a tournée sur le côté et l’a faite tourner lentement.
— « Cela ne sert à rien » dit-il, « la jante et cette chose au milieu l’empêchent de rester à plat. Elle ne moudrait pas le blé, même en jouant ! »
— « Tourne-la sur le côté et pousse-la ! » ai-je suggéré. Il l’a fait, et naturellement la roue a roulé.
— « Holà ! Elle bouge toute seule ! » il s’est exclamé. Il a essayé de nouveau et, en un instant, tous les nouveaux garçons faisaient rouler des roues tandis que Hayat et Beg les regardaient avec un amusement sophistiqué. Je leur ai montré comment mettre deux roues sur un essieu, ce qui était encore plus efficace.
— « Sahib », m’a demandé Burhan, « as-tu créé toi-même ces choses que tu appelles roues ? » Je l’ai assuré que la roue avait été inventée un peu avant mon époque.
Barbara Mons affirmait que le seul instrument à roue au Hunza, en 1956, était une brouette (1958A15 page 131). Elle aurait dû mentionner la jeep du Mir…
John Tobe, qui a lu Clark et rencontré le Mir Muhammad Jamal Khan en 1959, s’est rangé à l’avis du prince que le projet d’école de sculpture de Clark était « un non-sens » en raison de la rareté du bois au Hunza (Tobe JH, 1960A16 pages 369–370). Il admet pourtant que les ouvriers initiés au tournage du bois par Clark, dix ans plus tôt, « n’auraient rien à apprendre de nouveau de nos ébénistes » (A16 page 252) :
Le tourneur sur bois fabrique également des charpoy [lits en bois], des coffres, des coffres à bijoux, des bols et des chaises et je crois qu’il est capable de fabriquer tout ce qui peut être fabriqué en bois.
⇪ Le projet agricole
John Clark avait apporté des USA un stock de graines de plantes dont il estimait que la culture pourrait améliorer le quotidien des Hunzas. On jugerait cette initiative hasardeuse aujourd’hui, l’effet du déplacement d’espèces végétales étant imprévisible, mais ce risque n’était pas perçu au siècle dernier. Il disposait de nombreux légumes inconnus des Hunzas ainsi que des plantes à usage médicinal ou agricole. Il a entre autres tenté de promouvoir une utilisation plus intensive de la luzerne (Clark J, 1957N22 page 82) :
Si je pouvais leur apprendre à planter de la luzerne sur les deux ou trois cents acres [80 à 120 ha] en employant un homme dont le seul devoir serait de s’occuper du champ communautaire, tout le monde à Khaibar serait plus riche. Ils devraient également apprendre à laisser le foin sécher debout sans le couper afin que leurs troupeaux puissent y paître tout l’hiver. Il n’y avait pas assez de neige ici pour couvrir la luzerne et Khaibar pouvait doubler ses troupeaux avec autant de nourriture pour l’hiver.
Cela prendrait toutefois du temps, et mon personnel et moi-même devrions probablement en démontrer la faisabilité sur une parcelle échantillon avant que la population locale ne l’essaie. Si seulement je pouvais rester à Khaibar assez longtemps pour le faire !
Plus tard, je devais apprendre une véritable objection. Toutes les terres non cultivées au Hunza sont la propriété personnelle du Mir. Il doit donner son consentement avant qu’on puisse creuser un nouveau fossé ou de créer de nouvelles terres. S’il estime qu’un morceau de terrain est particulièrement fertile, il le conserve naturellement pour lui-même.
Pour cette dernière raison, John Clark avait pris soin de confier les nouvelles semences à un cultivateur résidant à Gilgit, hors de la vue immédiate et de l’autorité du Prince.
Le recul des glaciers dans le Karakoram était déjà visible en 1950. On peut le vérifier en suivant les déplacements de Clark sur la carte interactiveN26. Par exemple, page 82 il évoque le franchissement difficile du glacier de Ghulkin alors que celui-ci n’atteint plus le fond de la vallée sur la carte (voir N123 en mode satellite). On pouvait le voir aussi pour la traversée difficile du glacier Batura près de PassuN124, en 1949, par Jean et Franc Shor (1955A12 page 277).
Le réchauffement entraîne déjà, à cette époque, un recul des lieux de pâturage (Clark J, 1957A16 pages 164–165) :
Le plus grave dans toute cette affaire est qu’il n’y a pas de pâturage hivernal ; les hauts pâturages d’été sont gravement surexploités ; et la quantité de fumier produite à l’heure actuelle n’est pas adéquate. De plus, le climat se fait de plus en plus sec et chaud, de sorte que les pâturages d’été se détériorent avec une rapidité croissante. Les fins des vallées de montagne sont en forme de cuvette, avec le fond des cuvettes à environ 12 000 pieds [4000 m]. Les pâturages les plus étendus se trouvent bien entendu dans ces fonds et ce sont les pâturages déjà les plus gravement endommagés. D’ici vingt ans, les meilleures conditions climatiques pour les pâturages seront entre 13 000 et 14 000 pieds [4300 à 4600 m], mais à cette altitude les parois rocheuses sont presque verticales et l’herbe ne peut pas pousser.
Même si les agriculteurs de la région du Hunza se dirigent progressivement vers les hautes vallées du pays Wakhi situé au nord de Ghulmit, la population de la principale oasis est en augmentation constante. Les oasis inférieures de Khizerabad, Hasanabad et Hini sont en train de se dessécher et le haut pays ne peut pas supporter une population nombreuse. Avec la détérioration des pâturages et la diminution de l’approvisionnement en eau, le Hunza se dirige vers des jours sombres.
Les habitants n’ont pas d’autre solution que le recours à la magie pour conjurer la sécheresse (Clark J, 1957A16 page 167) :
Les habitants de Hini montent ici chaque année avant la plantation et sacrifient un mouton à la source pour assurer un débit suffisant. On a des indications que le flux a énormément fluctué dans le passé et qu’il a connu une diminution progressive de production annuelle.
« Dis-moi », demandai-je à Qadir Shah, « tes prières et tes sacrifices sont-ils toujours exaucés ? »
— « Oh non, » répondit-il gaiement, « parfois presqu’aucune eau ne vient. »
— « Alors tu fais quoi ? »
— « Tout d’abord, nous sacrifions un autre mouton. Ensuite, nous essayons de trouver qui dans le village a fait quelque chose qui déplaît à Dieu, afin que nous puissions le punir correctement et que Dieu permet à l’eau de revenir ! »Je me demande combien de petits coupables ont reçu des sanctions déraisonnables en réponse aux aléas de la nappe phréatique. Ni le sacrifice ni la science ne pourraient augmenter le flux de ce printemps. L’approvisionnement en eau de Hini s’épuisait lentement et la communauté de plus de quatre cents familles devait émigrer et disparaître avec elle.
⇪ Médecin malgré lui
Clark parlait couramment l’ourdouN125 et avait acquis des compétences médicales (Clark J, 1957A16 pages 57–58) :
Ma propre formation comprenait un Minor [qualification de base] en anatomie, une année d’études en secourisme et santé publique ainsi que des informations très pratiques fournies par des médecins de l’hôpital Billings à Chicago, John Hopkins à Baltimore et le Conseil médical d’United Mission. En tant que géologue de terrain, j’avais vingt ans d’expérience en secourisme. […] Mais surtout, je disposais des merveilleux médicaments modernes : sulfamides, pénicilline, paludrine, atabrine [quinacrine], acide undécylénique [un fongicide à usage externe] et autres.
L’activité médicale de John Clark a débuté dès son arrivée dans cette deuxième mission en 1950. Il faisait escale dans le village de Nomal, à vingt kilomètres de Gilgit en chemin vers Karimabad/Baltit (1957N22 page 34) :
Lorsque je suis sorti sous le porche, un groupe d’hommes et de garçons vêtus de vêtements gris et marron en lambeaux s’est levé respectueusement de la pelouse. Ensuite, mon travail a vraiment commencé. À celui qui souffrait de paludisme, j’ai donné de l’atabrine ; à un homme atteint de dysenterie bacillaire, de la sulfaguanidine ; il y en avait un qui souffrait d’ascaridiose — pas de souper ni de petit-déjeuner, et il devait revenir à moi pour un vermifuge le matin ; et puis j’ai vu le garçon avec des taches blanches. Je l’ai conduit à l’intérieur et l’ai fait se déshabiller, ce qu’il a fait avec beaucoup de gêne, car à sa pudeur normale musulmane s’est ajoutée l’horreur de sa défiguration. Un seul coup d’œil suffisait : une leucodermie parfaitement inoffensive mais presque incurable. Je lui ai appris comment mélanger une solution faible de permanganate de potassium avec laquelle laver les taches, puis je lui ai donné des comprimés de vitamines, du sulfate ferreux, des sels biliaires et de l’atabrine pour supprimer son paludisme et améliorer son état général. Alors ils sont venus, quatorze en tout, jusqu’à ce que le dernier soit traité. Je savais que si toute l’oasis avait su que je venais, il y en aurait eu plus d’une centaine.
John Clark a par la suite établi son « camp de base » et un dispensaire médical dans le fort de Baltit, une ancienne habitation de la famille princière. À cette époque, aucun médecin ne résidait dans la vallée de la Hunza. En 1949, Jean Shor avait écrit — avec une pointe d’ironie (Shor JB, 1955A12 page 283) :
Le Mir décide et collecte les droits de passage des caravanes, utilisant l’argent pour acheter les médicaments de base. Il n’y a pas de médecin chez les Hunzas — mis à part de temps en temps un praticien de médecine étranger qui leur rend visite pour s’émerveiller de leur absence phénoménale de maladies.
Clark a pris soin de décliner l’offre hospitalière du Mir Muhammad Jamal Khan pour travailler en toute indépendance (Clark J, 1957N22 page 44) mais il lui a fallu déployer beaucoup d’énergie et de diplomatie pour dissiper la méfiance et les malentendus qui mettaient en danger son projet.
Le lendemain de son arrivée, les patients ont commencé à affluer au dispensaire et leur nombre n’a cessé de croître, lui inspirant cette réflexion (1957N22 page 57) :
Le travail médical répondait à un besoin grandement ressenti, mais il ne servait pas mon objectif fondamental d’aider le peuple Hunza à s’aider lui-même. Je devais trouver le temps de mener une étude géologique, de créer des jardins expérimentaux et d’organiser une école de sculpture sur bois. La plupart du temps, je devais gagner la confiance des gens pour qu’ils puissent discuter de choses avec moi de leur plein gré. Comment faire cela face aux besoins personnels angoissants des malades était le problème. Si seulement il y avait un docteur pour me soulager du fardeau du dispensaire !
[…]
Le chirurgien de la [Gilgit] Agency, le Dr Mujrad Din, situé à Gilgit, à 18 km de distance, était le médecin le plus proche. Autrefois, le chirurgien de l’agence britannique couvrait toute la région à cheval une fois par an. Le Dr Din avait déjà fait une tournée jusqu’à Baltit et depuis lors, il avait laissé le Hunza complètement seul.
Ceci confirme que les contacts avec la population rurale de McCarrison — chirurgien de l’agence britannique — étaient restés très limités.
Au cours de ses deux voyages, John Clark a traité 5684 patients (1957N22 page 58) :
Aucun patient n’est jamais mort ou n’a empiré à cause de mon traitement. Certains sont décédés malgré le traitement et d’autres parce qu’ils auraient eu besoin d’un traitement bien au-delà de mes capacités. La plupart des gens qui sont venus chez moi ont été aidés ou guéris par les choses simples que je pouvais faire pour eux. Cinq ou six seraient probablement décédés si aucun traitement n’avait été disponible.
Il ne faut pas oublier qu’en 1950 la panoplie d’antibiotiques était encore très réduite. Clark ne disposait pas de streptomycineN126, premier traitement efficace (mais d’utilisation risquée) contre la tuberculose découvert par Albert Schatz en 1943 et validé cliniquement en 1946. Il n’est donc pas choquant qu’il ait annoncé au conjoint d’une femme malade de tuberculose que « sa femme aurait rejoint le paradis d’Allah d’ici un mois » (1957N22 page 62).
Son activité n’a cessé d’augmenter, limitée seulement par sa disponibilité sur d’autres projets, notamment les travaux de prospection géologique qu’il devait mener à bien pour justifier l’autorisation de séjour qui lui avait été accordée par le gouvernement pakistanais. En 1951 il écrit (N22 page 86) :
Les infections à la dysenterie, au paludisme et au staphylocoque avaient augmenté tout l’été, chaque nouveau patient devenant un foyer d’infection. Maintenant, je traitais quarante à cinquante patients par jour. Le paludisme et le staphylocoque ont magnifiquement été vaincus par les nouveaux médicaments, mais la dysenterie était résistante. Aucun de ces patients n’est décédé. Ils n’ont pas réussi à s’améliorer pendant les trois premiers jours, mais ont ensuite progressé lentement.
La pression du travail médical, pour lequel il ne pouvait compter sur aucun remplaçant, malgré le zèle de ses jeunes assistants, s’ajoutait à celle des autres projets qu’il menait de front.
⇪ Le travail du géologue
Clark était officiellement engagé pour de la prospection géologique dans les vallées du Gilgit-BaltistanN2 : localiser des filons de matériaux intéressants et évaluer le coût de leur exploitation. Il a repéré en premier des gisements de mica et de quartz, à l’époque très recherchés pour l’industrie électronique, ainsi que du grenat pour la fabrication d’abrasifs.
Afin d’assurer la continuation des travaux après son séjour, il a demandé aux autorités pakistanaises de nommer un géologue pour l’accompagner dans ses prospections. Un homme d’une vingtaine d’années lui a été envoyé. C’était un étudiant de faible niveau de formation et sans expérience de terrain, soucieux avant tout de dissimuler son incompétence. Les rapports ont été tendus, bien que Clark ait essayé par tous les moyens de lui faire gagner confiance et de l’assurer de l’utilité de leur coopération. Cet insuccès l’a conduit à une réflexion plus générale, en comparaison avec Puri, un autre jeune homme intelligent et coopératif (1957N22 pages 136–137) :
En marchant, je pensai à Qadir [nom d’emprunt de l’étudiant] et au dilemme du « jeune intellectuel » asiatique. Le problème est pire en Inde, et particulièrement au Bengale, mais il est suffisamment grave, même au Pendjab. Pour chaque Puri bien équilibré, il y a deux ou trois Qadirs. Ce n’est pas simplement une question de jeunesse ou d’un système éducatif imposé par l’étranger. Je pense plutôt que c’est le signe d’un effort déterminé pour défendre et maintenir leur propre culture tout en faisant face à la nécessité absolue d’essayer d’absorber la philosophie occidentale. Ils ont démontré qu’il est aussi impossible de greffer la technologie occidentale sur une culture orientale que de fabriquer un pommier en y greffant des poires mûres.
Qadir avait mémorisé bon nombre de techniques géologiques et, dans une mesure limitée, s’appuyait sur l’Ouest. Il avait complètement échoué à apprendre l’objectivité et la détermination de soi de l’Occident, qui rendent l’application de ces techniques utilisables, et ne pourrait donc jamais faire de recherche réellement acceptable. Faute de quoi, il s’est tourné vers la conscience de soi et l’autoritarisme de sa propre culture, seulement pour constater qu’il n’était plus vraiment inspiré par celle-ci. Le résultat était un homme malheureux et instable, attisé par le chauvinisme frénétique qui est toujours un rempart contre l’admission de la défaite. Qadir, dans un anglais simple, ne pourrait pas plus apprendre à être géologue que je ne pourrais apprendre à être un grand poète ourdou. Chacun de nous devrait changer d’attitude fondamentale et pas simplement apprendre une technique. Le dilemme et l’amertume de l’Orient qui en résulte résident dans le fait qu’ils doivent former des scientifiques et des ingénieurs pour survivre.
D’autre part, un garçon oriental avec une éducation purement orientale devient trop souvent un leader politico-religieux réactionnaire qui complique plutôt que clarifie la situation. Les tentatives de mélange des deux systèmes produisent la schizophrénie tragique constatée chez les jeunes Asiatiques intellectuels.
Accompagné de Qadir, Clark a localisé des gisements de minerais de fer et de cuivre, mais sa trouvaille la plus prometteuse sur le court terme a été, près de Hini, celle de marbre magnésien de haute qualité « aussi beau que le meilleur Carrare » (1957N22 page 166) :
Voici une véritable ressource pour le Hunza ! Je résolus d’encourager le Mir à construire une petite usine avec des tours à propulsion hydraulique pour fabriquer des panneaux destinés à l’exportation. Ma fondation pourrait facilement lever des fonds pour financer un projet aussi précis et concret. Ce financement nous donnerait une participation majoritaire. Je pourrais alors gérer l’usine jusqu’à ce que certains de mes garçons de l’école d’artisanat soient formés, et tout le Hunza en bénéficierait. Tant que le Mir réaliserait des bénéfices, il serait possible de mettre en place une politique de salaires et d’emploi vraiment équitable et d’établir ainsi un précédent approprié pour les industries hunza.
La présentation du projet au Mir et à son frère Ayash est édifiante (1957N22 page 174) :
« Mir Sahib », lui ai-je dit une fois les formalités terminées, « je ne vous ai pas encore rendu compte de mon voyage. J’ai enfin trouvé une véritable ressource pour vous, à Hini. »
Ayash et lui se sont penchés en avant, attentifs.
— « Le marbre là-bas, » ai-je poursuivi, « est égal au meilleur du monde, et vous en avez cinquante millions de tonnes ! Vous pouvez utiliser de l’énergie hydraulique pour le couper et les grenats de Murtzabad pour les abrasifs. Le nullah [torrent de la vallée] à l’ouest d’Hini vous fournirait suffisamment d’énergie pour découper le marbre en dalles, et vous pourriez construire une usine à Maiun ou à Shispar Nullah pour finaliser la découpe et le polissage. »
— « Combien cela coûterait ? » Ayash m’a envoyé avec méfiance.
— « Combien cela vaut-il — que ferais-je ? » Le Mir est entré par effraction.
— « Cela coûterait environ deux mille cinq cents roupies », ai-je dit. « Si vous approuvez, je pourrai choisir les machines pour vous, agir en tant qu’acheteur, installer les machines et apprendre à votre personnel à les faire fonctionner. Au total, une petite usine vous coûterait environ un tiers du prix de votre jeep. »
— « Et vos bénéfices » — je me suis tourné vers le Mir — « se monteraient à au moins cinquante roupies par tonne de carrière, soit plusieurs milliers de roupies par an. »Je leur ai ensuite fourni tous les détails que j’avais élaborés : coût de main-d’œuvre, coût de transport, types de produits, marketing, volume de commerce probable. Puis, peu à peu, j’ai amené la conversation au point crucial.
Dans de nombreux grands pays, ai-je expliqué, toutes les industries minières appartiennent au gouvernement, tandis que les magasins et l’artisanat villageois appartiennent à la population. Jamais auparavant la possibilité d’industries et d’artisanat ne s’était présentée au Hunza. Si le Mir décidait d’organiser l’industrie du marbre tout en cédant à son peuple des activités de petite taille telles que le tissage, l’entretien des magasins et la sculpture sur bois, il suivrait le précédent des grands pays. Bien entendu, les habitants paieraient des impôts sur les bénéfices tirés de l’artisanat villageois tout comme ils paient maintenant des impôts sur leurs produits agricoles.
Les deux visages se sont figés dans une immobilité glacée et aucun d’eux n’a dit mot. Les bénéfices tirés de l’industrie du marbre et les taxes sur la sculpture sur bois ne constituaient apparemment pas une récompense suffisante pour les persuader de donner à leur peuple la liberté, même dans un espace aussi restreint que celui de l’artisanat.
La réponse a été franche et sans appel (1957N22 pages 174–175) :
Deux jours plus tard, le Mir m’a convoqué dans ses bureaux pour une autre conférence. Il avait réfléchi à tout, a‑t-il dit, et estimé qu’il serait bien que ma fondation lui fasse cadeau d’une fabrique de marbre toute installée au Hunza. Même si je restais bouche bée, j’ai compris que c’était probablement l’offre habituelle d’une bonne affaire en Asie. Mes garçons pourraient apprendre à gérer leur propre industrie de la sculpture sur bois en échange du cadeau d’une usine de marbre au Mir. Entretemps, il a enchaîné en douceur sur son prochain plan.
« Toutes vos nouvelles idées, John, donnent aux responsables de Gilgit des excuses pour s’opposer à votre présence ici », a‑t-il déclaré. « Si vous étiez mon employé, ils ne pourraient rien dire contre vous. Laissez tomber ces autres projets ; venez vous installer dans le palais, soyez le tuteur de mon fils et donnez des soins médicaux à ma famille. »
« Je ne peux pas faire ça ! » ai-je répondu, retenant désespérément ma colère. « Ma fondation doit dépenser son argent pour aider les pauvres du Hunza. Cet argent ne m’appartient pas personnellement. Je n’en suis que le gérant. Je peux créer une usine pour vous, mais je ne peux pas vous en faire cadeau. Et s’il advient que je ne peux plus mener à bien mes projets, alors je devrai partir et rentrer chez moi. »
Nous avons finalement trouvé un compromis. Par consentement tacite, le marbre et la sculpture sur bois n’ont plus été discutés ; j’ai accepté de donner des cours d’anglais à Bapu [Ghazanfar Ali Khan] pendant une demi-heure chaque matin. Cela a préservé la permission tacite du Mir de poursuivre mes projets, mais à l’ombre de sa méfiance accrue. J’avais fait mon possible.
John Clark avait aussi repéré des filons aurifères mais ceux-ci ne se sont pas révélés exploitables. Deux ans plus tard, le Mir en a fait ce commentaire à Jean et Franc Shor (Shor F, 1953A10 page 492) :
« Il y a deux ans, quelqu’un avait cru découvrir une riche veine d’or. Heureusement, il s’est avéré qu’il s’était trompé [sic], mais pendant quelques jours nous avons été inquiets. »
Il m’a semblé difficile de croire que quelqu’un pourrait avoir une objection à posséder une mine d’or, et je le lui dis.
« Cela aurait signifié la fin du Hunza et de notre mode de vie », expliqua le Mir. « On nous laisse seuls parce que nous n’avons rien que d’autres voudraient avoir. Si nous étions riches, un pays pourrait saisir un prétexte pour venir nous ‘protéger’. »
⇪ Obstacles
John Clark avait planifié un séjour de vingt mois — correspondant à son budget — et il a effectivement pu travailler jusqu’à la fin du projet, malgré les obstacles dès le début dressés devant lui qu’il analyse ainsi (1957N22 pages 59–60) :
J’ai réalisé que ce projet n’allait pas fonctionner du tout comme je l’avais prévu. Je m’étais imaginé naïvement qu’il s’agirait d’un simple conflit entre ma formation technique et la pauvreté et le sous-développement du Hunza. Il pourrait y avoir des spectateurs, mais ce serait essentiellement un duel romantique, comme celui de Saint Georges et du dragon. Maintenant, je comprenais qu’au lieu de cela, je n’étais qu’un acteur dans une pièce où chacun avait sa propre idée du scénario ! Il y avait tout d’abord le Gouvernement pakistanais à Karachi qui demandait des études et des rapports techniques. Deuxièmement, le groupe officiel local à Gilgit, dont beaucoup voulaient m’expulser. Troisièmement, le Mir du Hunza qui souhaitait ma présence, mais dans des conditions que je ne connaissais pas encore. Quatrièmement, les vieillards du Hunza qui étaient favorables à la médecine et aux cadeaux tout en étant hostiles aux idées étrangères. Cinquièmement, les jeunes hommes du Hunza qui pourraient saisir toute occasion d’améliorer leur sort. Chaque action, chaque décision que je prenais serait jugée par les cinq. N’importe lequel d’entre eux pourrait ruiner mon entreprise si je faisais quelque chose qui lui déplaisait vraiment.
Il a fini par établir des priorités : en premier, s’occuper des jeunes gens qui seraient les principaux acteurs du changement. En second, le gouvernement qui aurait pu mettre un terme à ses activités. Le Mir et sa famille n’arrivaient qu’en troisième place, suivis par les politiciens et les vieillards qui, quoi qu’il fasse, resteraient réfractaires à ses idées (1957N22 page 60).
Le rapport avec le Mir Muhammad Jamal Khan a toujours été des plus délicats (1957N22 page 78) :
J’apprenais mes périmètres avec le Mir. Il était heureux de m’avoir au Hunza, heureux d’avoir le dispensaire médical. Il me fournirait de la farine, du foin et d’autres produits à un prix raisonnable et il contribuerait à me défendre contre les rumeurs de Gilgit. Cependant, il semblait ne pas vouloir contrôler les malversations de ses propres serviteurs et lumbardars [chefs de villages], il était peu enthousiaste au sujet de mon école d’artisanat et son appétit pour les cadeaux américains était insatiable.
Les opposants aux projets de Clark propageaient des rumeurs difficiles à désamorcer (1957N22 page 82) :
À Pasu, j’ai trouvé très dérangeant, étant données les histoires émanant de Gilgit, de ne pas pouvoir comprendre ce que ces Wakhi étaient en train de dire. Ils se sont rassemblés autour du bungalow et se sont assis pour bavarder, me montrant du doigt et riant parfois. Certaines des histoires que je savais répétées de Gilgit disaient que j’étais communiste ; que j’essayais de saper la religion islamique ; que j’avais pour projet d’envahir le pays ; que j’essayais d’acheter toutes les terres du Hunza afin que les Hunzas meurent de faim. Toutes ces histoires étaient ridicules, mais pour les central-Asiatiques, il était naturel qu’un nouveau venu soit considéré avec suspicion — ici, ces idées folles étaient des possibilités concrètes. Quand quinze ou vingt personnes sont assises sur le porche de votre bungalow tout l’après-midi en train de parler, quand vous ne comprenez qu’un mot sur quarante et savez qu’elles parlent de vous, il est très difficile de paraître indifférent. Quand cela dure depuis des mois, cela devient presque impossible.
Clark reconnaissait que cette défiance était générale (1957N22 page 85) :
Les Hunzas en général n’ont pas trop apprécié mes efforts. Ils exprimaient beaucoup de gratitude, mais j’ai parfois eu le sentiment qu’ils me considéraient comme un simple voyageur étranger dont on pourrait tirer des revenus au passage. La difficulté réside peut-être en partie dans le fait que personne n’a jamais essayé de les aider et qu’ils ne pouvaient pas comprendre mes motivations.
Ou encore (1957N22 page 120) :
À Pasu, nous avons […] acheté une chèvre pour quarante roupies, soit le double de ce qu’elle valait ici. L’homme qui me l’a vendue avait reçu des médicaments gratuits pour toute sa famille lors de voyages précédents, mais l’idée de la réciprocité ne venait tout simplement pas à l’esprit de la plupart de ces personnes […]. Pour eux, les « Sahibs » appartenaient à un monde différent.
Toutefois, les jeunes étaient en attente réelle de changement. Il décrit la réaction de Muhammad Hamid qu’il a admis dans son école (1957N22 page 84) :
Son sentiment général était le suivant : « Pourquoi devrions-nous vivre ici comme des animaux, à moitié affamés chaque hiver, alors que d’autres personnes peuvent apprendre et faire des choses ? Mon père est l’homme le plus riche de Khaibar et gagne environ 20 roupies par an (6 dollars). Le sel nous coûte une roupie le pau (60 centimes la livre), le tissu deux roupies par guz (60 centimes le yard) et il ne dure que trois lavages. Si vous voulez bien m’enseigner, j’aimerais apprendre à vivre comme les autres gens. » Je lui ai promis qu’il pourrait étudier dans mon école de sculpture sur bois dès son ouverture.
Les jeunes hommes comme lui ont donné de l’intérêt à ce projet. Il y en avait un ou deux dans chaque village ; le problème était de les trouver et de les rassembler. Après deux ou trois années d’éducation, chacun pourrait rentrer chez lui et enseigner dans son propre village. C’était le seul moyen. Je pouvais voir maintenant que l’éducation directe des adultes était presque impossible. La tradition avait bloqué l’esprit des hommes plus âgés.
Les réactions positives des jeunes gens renforçaient chez Clark la conviction que le progrès social pouvait émerger de changements de mentalité des individus plus que l’investissement dans des projets de développement à grande échelle. C’est ce qui lui avait fait rejeter le communisme. Il écrit à ce sujet (1957N22 page 152) :
Les apologistes classent la pauvreté, la mauvaise santé et le manque d’éducation parmi les facteurs inhibiteurs. Personnellement, je respecte trop les Hunzas pour leur accorder ces excuses. L’ignorance et la pauvreté étaient des symptômes et non des causes. Il suffit de comparer les huttes stériles du Hunza avec les vieilles sculptures sur bois et l’artisanat soigné de la Suisse pour reconnaître que des montagnes inhospitalières et un manque d’éducation ne détruisent pas nécessairement les qualités des hommes. Les garçons enthousiastes ont prouvé de manière vivante que seules les coutumes et les traditions restreignaient le Hunza. Une fois que les liens qu’ils avaient eux-mêmes fabriqués ont été supprimés, rien ne pouvait les retenir.
Effectivement, tous les jeunes gens engagés dans son école de sculpture ont développé leur habilité technique, mais aussi une aptitude à créer de nouveaux objets ou perfectionner ceux qui étaient fabriqués.
Clark gérait avec humour les difficultés de communication avec les Hunzas, notamment ceux qui tentaient de lui imposer leurs pratiques traditionnelles dans des domaines qu’il maîtrisait suffisamment. Le soin des chevaux par exemple (1957N22 page 118) :
Tout le monde dans le village s’est efforcé de me faire soigner mes chevaux selon leurs coutumes, mais j’ai résisté. Ils partageaient avec le reste des Hunzas un certain nombre de superstitions :
1. Les chevaux doivent être attachés très étroitement avec la tête haute pour qu’ils ne puissent pas la ramener dans une position confortable.
2. Peu importe que le cheval ait froid ou que l’endroit soit chaud, ne jamais enlever la selle pendant les deux ou trois heures qui suivent votre arrêt.
3. Donnez toujours d’abord du foin à un cheval, puis de l’orge.
4. Donnez toujours d’abord de l’orge au cheval, puis du foin.
5. Un cheval ne devrait jamais être nourri ni abreuvé avant d’avoir uriné. Il se peut qu’il l’ait fait cent mètres avant d’arriver à l’arrêt, mais cela ne compte pas.
6. (et le plus important) les Sahibs qui possèdent des chevaux ne savent rien d’eux ; tout Hunza qui n’a jamais possédé de cheval sait tout sur eux.
7. La sangle de la bride doit être au moins aussi serrée que le bas du ventre — qui a déjà entendu parler d’un cheval qui voulait respirer ?
8. Peu importe la manière dont un paquet est arrangé ou fixé ; c’est la volonté d’Allah que tous les paquets tombent, et qui sommes-nous pour contredire Allah ?
9. Laissez une bride sur le sol gelé toute la nuit, puis piquez le morceau de glace dans la bouche du cheval. Si sa langue se déchire, c’est une poule mouillée.
10. Les chevaux doivent toujours être abreuvés avant d’être nourris.
11. Les chevaux ne doivent jamais être abreuvés avant d’être nourris.
⇪ Le départ
Le plus sérieux obstacle aux travaux de John Clark avait certainement été l’attitude du Mir Muhammad Jamal Khan. Il écrit (1957N22 page 173) :
Quelles étaient les vraies attitudes des Mir, de toute façon ? Il disait qu’il souhaitait un traitement médical pour son peuple et qu’il approuvait chaleureusement le dispensaire, mais tous les efforts que j’avais déployés pour enseigner la santé publique avaient été discrètement bloqués. Lorsque ses chefs locaux ont volé les médicaments que je leur avais laissés pour leurs villageois, ils sont restés impunis. Il avait accepté l’école d’artisanat, mais il semblait maintenant qu’il ne voulait que des charpentiers bénévoles à son service. Il m’a constamment demandé des cadeaux de médicaments, de semences, de toutes sortes d’outils et de matériel coûteux que je ne pouvais pas facilement garder. Sa contribution au projet se réduisait au prêt d’une partie de l’ancien château, d’une chambre à Gilgit et d’un petit jardin. Il parlait très bien anglais, il utilisait tous les shibboleths occidentaux, « démocratie », « liberté » et le reste, mais se pouvait-il qu’au fond il s’accroche aux mêmes idées autocratiques et au même paternalisme qui avaient motivé ses ancêtres ? […]
Littéralement, il n’y avait pas d’État de Hunza. Ce peuple a contribué au trésor personnel du Mir et non à un impôt au gouvernement du Hunza. Les fossés, les sentiers, les bâtiments et tous les travaux publics ont été réalisés par des personnes sans rémunération, à la demande du Mir. L’Agha Khan et le gouvernement pakistanais ont soutenu les écoles existantes. J’ai fait fonctionner le dispensaire.
Les mentalités avaient peu évolué et les résistances des aînés restaient immuables (1957N22 page 195) :
Je n’avais certainement pas tout gagné au Hunza. Les garçons étaient naturellement inspirés par l’idée qu’ils étaient compétents pour apprendre et faire tout ce que d’autres pouvaient faire. La communauté des adultes était reconnaissante envers le dispensaire et profitait sans gratitude des hauts salaires que je payais, mais était amèrement hostile à l’adoption par les garçons d’attitudes occidentales.
Clark écrit dans son épilogue (1957N22 page 212) :
Objectivité, insatisfaction, confiance créative, individualité et responsabilité : tels sont les cinq principes fondamentaux de la philosophie occidentale. Ils ont rendu possible le développement spirituel, intellectuel et matériel souhaité par le reste du monde. Ceux-ci sont notre patrimoine et nous devons le partager librement.
Il n’y a qu’une façon de donner des idées, c’est par l’intermédiaire des personnes qui les détiennent. Ce dont l’Asie a besoin aujourd’hui, ce n’est pas de millions de dollars, mais des milliers des meilleurs de nos enseignants occidentaux. Peu importe que les grandes idées soient enseignées au moyen de la sculpture sur bois, de l’amélioration de l’agriculture ou des mathématiques, tant que ces projets spécifiques sont des véhicules d’instruction et non une fin en soi.
Il faut ici aussi replacer ces idées dans le contexte d’un Occident fraîchement libéré du cauchemar de la seconde guerre mondiale et grisé par les promesses du progrès technique. Les initiatives de Clark, depuis la planification d’une usine d’extraction de marbre jusqu’à la suggestion à ses apprentis de découper des plaques de mica pour couvrir les fenêtres, s’inscrivent dans le même optimisme entrepreneurial qui caractérisait son époque.
Les difficultés se sont enchaînées en fin de parcours : la perte de confiance du Mir et les réticences de l’administration pakistanaise à autoriser un Américain à se déplacer dans une zone aussi proche de la Chine et de l’Union soviétique. À son départ en novembre 1951, John Clark apprend donc que ni le Mir du Hunza ni les autorités pakistanaises — dans le tumulte consécutif à l’assassinat du Premier ministre Liaquat Ali Khan — ne lui permettront de retourner dans la vallée de la Hunza.
En anticipation de ce refus, il avait envisagé d’inviter aux USA ses deux plus proches collaborateurs, Gohor Hayat et Sherin Beg, pour qu’ils suivent une formation de deux ans leur permettant de reprendre l’école d’artisanat dans les meilleures conditions. Le Mir y était hostile et cette autorisation n’a pas été accordée. John Tobe aborde le sujet dans son livre et se range bien entendu à l’avis du Mir (Tobe JH, 1960A16 pages 367–368) :
Je ne savais pas alors quelles étaient les vraies raisons du refus de Mir ni si d’autres intrigues étaient impliquées. Lorsque je l’ai interrogé à ce sujet et qu’il m’a expliqué, j’ai réalisé qu’il avait agi avec sagesse et vous l’admettrez aussi.
« Si je permettais à ces garçons d’aller en Amérique pour y être éduqués puis revenir à Hunza dans quelques années, les Chinois et les Russes pourraient dire que je les ai envoyés en Amérique pour y recevoir un lavage de cerveau, de la propagande ou une formation à des activités capitalistes subversives. » […]
« Ils ont dit que j’avais refusé de laisser les garçons partir parce que j’avais peur que, quand ils reviendraient, ils enseignent aux gens à la manière américaine, et cela saperait mon pouvoir, à un degré c’est vrai car je pense que mon peuple est des plus heureux et des plus sains au monde, et c’est plus que ce que n’importe quelle autre nation peut prétendre. Je voudrais donc les retenir de cette manière, si possible. »
Le prétexte invoqué pour refuser aux étudiants de l’école d’artisanat une formation en Amérique n’était pas sincère : Muhammad Jamal Khan a embauché en 1952 Winston Mumby, précepteur américain et fils d’un pasteur méthodiste, pour éduquer huit de ses enfants pendant cinq ans (Mons B, 1958A15 page 108). Mumby basait sa pédagogie sur la méthode Calvert (Henrickson JH, 1960A14 page 99).
On peut comprendre que les relations dégradées entre le Mir Muhammad Jamal Khan et son hôte John Clark aient incité le Prince à n’inviter par la suite que des Occidentaux qu’il savait à l’avance convaincus des vertus extraordinaires du mode de vie et de la saine gouvernance de son peuple. C’était le cas des auteurs d’ouvrages (plus connus que celui de Clark) : Jean et Franc Shor en 1952 (1953A10), Barbara et Peter Mons en 1956 (1958A15), Jewel Henrickson en 1955 (1960A14), Allen Banik en 1958 (1960B2), John Tobe en 1959 (1960A16), Renée Taylor en 1961 (1962B3 ; 1964N60) et Jay Milton et Trudie Hoffman en 1961 (1968B5).
⇪ Envol
À celles et ceux qui construisent des mondes imaginaires propulsés par leur insatiété métaphysique, j’ai envie de dire : « Le réel est mille fois plus beau et plus impressionnant que vos rêves ! » L’exemple de cette vallée mystérieuse, semblable à bien d’autres, est emblématique d’une tromperie qui perdure depuis un siècle… au profit des marchands de régimes, de méthodes de guérison ou de mysticisme prêt à porter. Son horizon à perte de vue n’est autre que le contour d’un New-AgeN85 qui mure dans le silence toute pensée critique.
Je laisse la parole — et l’image — à Bernard Grua pour nous faire partager un peu d’air pur à haute altitude… Son texte est extrait d’un commentaire au bas d’une page de blogN34 décrivant les Hunzas comme « des Turcs qui peuvent vivre jusqu’à 145 ans » — excusez du peu !
Voilà un article étonnant qui ressemble à un conte de fées. Et pourtant, il fait référence à un lieu ainsi qu’à des habitants dont la réalité est sensiblement différente.
Les habitants de Hunza ne sont pas des Turcs. Ils se disent descendants des Macédoniens et parlent trois langues non turques qui se succèdent lorsque l’on remonte la vallée depuis Gilgit jusqu’au cold de Khunjerab (frontière chinoise). La première langue est le shina d’origine indo-iranienne. Vers le milieu de la vallée, on parle bourouchaski. C’est un isolat linguistique, comme le basque. Au Nord, on parle le wakhi comme dans le corridor du Wakhan (Afghanistan et Tadjikistan) dont la population est originaire. Il s’agit bien d’une langue persane et non pas turque comme celle des Kirghizes ou des Ouighours. D’ailleurs les Wakhis portent parfois les noms de Badashkhi (en référence au Badakhshan afghan et tadijk où se trouve le Wakhan) ou même Tadjik. […]
La Hunza est une vallée merveilleuse et les habitants, de religion ismaélienne, sont particulièrement accueillants. Le taux d’alphabétisation est tout à fait similaire à celui des pays développés et bien supérieur à la moyenne du Pakistan. La réalité, en elle même, est assez belle pour qu’il ne soit pas nécessaire d’écrire une fable.
Ceux qui le souhaitent peuvent voir, ici, des photos d’habitants de la haute vallée de la Hunza, que j’ai réalisées récemmentN31. […]
J’ai fait différents papiers sur mon blog à leur sujet. En voici le principal : At the knot of past empires : Zood Khun, a Wakhi village in the high northern mountains of PakistanN129.
Bernard Grua écrit aussi sur son blog en 2018N128 :
La vallée de la Hunza est très différente des autres endroits du Pakistan que j’ai pu visiter, comme Islamabad, Rawalpindi, Lahore, la vallée de Kaghan, la chaîne de Galyat. Les autres régions sont, bien sûr, intéressantes. Cependant, la vallée de la Hunza n’est pas surpeuplée. Elle est calme, propre, sûre, non bruyante. Elle est magnifique. La communication y est plus facile, avec tous, car les habitants ont un bon bagage scolaire, voire universitaire. Ils sont plus en attente d’interactions avec leurs hôtes étrangers, que dans d’autres régions du pays. Les parents et les enfants ne vous demandent rien à la différence d’autres lieux touristiques dans monde, où l’on est véritablement harcelé. Ils vous respectent. S’ils vous posent des questions, c’est simplement pour apprendre de vous. Comme leurs parents, les enfants vous invitent à boire le thé chez eux.
Bernard Bel, hiver 2019
⇪ Bibliographie
La date apparaissant éventuellement entre crochets carrés est celle de la première visite de l’auteur·e au Gilgit-Baltistan.
Mes sources préférées pour la qualité des photos sont Shor F (1953A10), Clark J (1957A11) et Mons B (1958A15).
⇪ ✓ Ouvrages et articles dont je recommande la lecture ❤️
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⇪ ✓ Ouvrages qu’on pourrait ne pas lire 😣
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⇪ ✓ Ouvrages que je n’ai pas pu acheter 😢
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- C2 · 4sl5 · [?] Stephens, IM (1955). The Horned Moon : An account of a journey through Pakistan, Kashmir, and Afghanistan. Bloomington IN : Indiana University Press.
⇪ ▷ Liens
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Article créé le 18/10/2019 - modifié le 14/10/2024 à 12h49