⚪️ C’EST UNE OPÉRATION coup de poing sur laquelle la presse a peu tartiné. La semaine dernière, alors que les agriculteurs de la FNSEA, fer de lance du productivisme, manifestaient partout en France contre la nouvelle bioraffinerie Total de la Mède, autorisée à importer 300 000 tonnes d’huile de palme, un petit syndicat agricole, la Coordination rurale, avait, pour sa part, choisi d’investir non pas les installations du pétrolier mais le siège du groupe Avril, l’un des géants français de l’agro-industrie. L’occasion toute trouvée pour « Le Canard » de braquer la lampe à huile sur ce mastodonte agricole.
Avril, avec 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 8 200 salariés, est le premier producteur et transformateur européen d’oléagineux, notamment du colza, avec lequel il concocte du biodiesel. Il a donc comme concurrent direct le biodiesel de Total, fabriqué avec de l’huile de palme… Dès lors, on comprend pourquoi le patron du groupe Avril, Arnaud Rousseau, par ailleurs membre du conseil d’administration de la FNSEA, a été l’un des plus chauds bouillants à protester contre Total. Sauf est que, pour rester compétitif à la pompe, Avril dilue son Diester avec… de l’huile de palme, 17 % moins chère sur les marchés mondiaux que celle de colza et la moins taxée des huiles végétales. Le groupe en importe d’Indonésie près de 200 000 tonnes par an. Mais, qu’on se rassure, ce Niagara d’huile de palme est garanti « zéro déforestation ». On les croit sur parole.
Dans les bidons de l’agro-industriel, on trouve aussi le leader mondial des semences de palmiers à huile, la société PalmElit, dont il détient 34% des actions. Tout ça, comme l’a montré une étude commandée par la Commission européenne, afin que produire du biocarburant trois fois plus nocif pour le climat que le diesel fossile (« Le Canard », 4/4/2018). Avec le soja, comptez deux fois plus et, avec le colza, 1,2 fois plus. Heureusement qu’on l’appelle le « carburant vert » ! Quand Avril n’utilise pas son huile de colza pour faire tourner les moteurs, il nous la met dans l’assiette sous les marques Lesieur ou Puget. Le conglomérat, qui est le leader français de la nutrition animale, vend aussi 25% des œufs consommés dans l’Hexagone, un lapin sur quatre, un porc sur huit.
Comme on dit, ça baigne… dans l’huile. ⚪️
🔵 Lu dans Le Canard Enchaîné, CONFLIT DE CANARD, 20/6/2018, p.5
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Article créé le 24/08/2018 - modifié le 23/07/2021 à 19h10