⚪️ Si la France a mis toutes les chances de son côté pour rater son objectif européen de 23 % d’énergies renouvelables en 2020, elle investit beaucoup en Afrique sur ce même créneau : c’est plus rentable…
L’Agence française de développement (AFD), qui fêtera ses 75 ans en décembre, s’est donné pour principale mission d’aider les pays pauvres à lutter contre le réchauffement climatique : la moitié des prêts qu’elle accorde à ces pays doivent désormais être labellisés « Climat ».
Nombre d’entre eux passeront par l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, qui doit débloquer 10 milliards d’euros d’ici à 2020 pour construire 10 gigawatts de capacité de production, soit l’équivalent de 10 réacteurs nucléaires. Ségolène Royal ne manque pas de se féliciter du fait qu’à elle seule la France va en financer plus d’un cinquième. Une ferme éolienne en Egypte, une centrale solaire au Bénin, de la géothermie au Kenya… la liste est longue.
Tout cela pour la bonne cause, bien sûr. Mais c’est aussi un bon business. Car, si l’AFD finance les énergies renouvelables en Afrique, c’est avec bénéfice à la clé. L’Agence emprunte pour rien : elle bénéficie de la même notation que la France sur les marchés. Avec les taux négatifs, les investisseurs sont même ravis de payer pour avoir le privilège de détenir un petit bout de dette française.
Climat taux sceptiques
En revanche, l’AFD ne prête pas pour rien. Les intérêts des prêts qu’elle propose au Bénin, par exemple, sont calculés en fonction du risque du pays et du projet financé. Or le petit pays d’Afrique centrale n’a pas tout à fait le même profil que Bercy, et les prêteurs ne se pressent pas au portillon. Du coup, il doit les rémunérer plus : le Bénin emprunte actuellement à 6 % par an. Des intérêts qu’empoche l’AFD, quand bien même l’argent ne lui coûte rien. Du coup, sa cagnotte a tendance à embellir : sa principale activité étant le prêt à des pays d’Afrique où les risques sont, par définition, élevés, plus elle prête, plus elle gagne.
Un mécanisme que les ONG comme Oxfam critiquent vertement. Et pour cause : lors de la COP21, les pays du Nord sont convenus qu’en vertu de leur responsabilité ils allaient donner un coup de main au Sud pour financer la lutte contre le changement climatique et des programmes d’adaptation. Mais, dans son rapport sur « les vrais chiffres du financement climat », Oxfam estime carrément que ceux qui sont annoncés par l’OCDE concernant l’aide climatique entre Nord et Sud sont artificiellement gonflés, et propose d’évincer tous les prêts de ces calculs. De 41 milliards en 2013 et en 2014, les transferts tombent ainsi à 21 milliards d’assistance nette spécifique sur le climat. Bref, quand la France se vante de consacrer près de 2 milliards aux énergies renouvelables en Afrique et qu’elle comptabilise cette somme dans ses engagements en faveur du climat, elle triche, puisque ce ne sont pas des dons mais de simples prêts.
Et qui rapportent gros ! ️⚪️
🔵 Professeur Canardeau
Lu dans Le Canard Enchaîné, 16/11/2016, p. 5
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Article créé le 23/11/2016 - modifié le 1/03/2020 à 19h10