Article invité de Dr Michael Eades
Extrait de The Arrow #135 (4 août 2023)
Traduit de l’anglais américain
⚪️ Vous trouverez ci-dessous le courriel insaisissable que j’ai finalement retrouvé, à peu près intact, d’un lecteur qui m’a contacté à la suite du texte que j’ai rédigé, il y a quelques semaines, sur l’article de Krauss. Pour chaque personne qui m’écrit pour me poser ce genre de question, je crois que beaucoup d’autres se posent les mêmes questions mais ne m’écrivent pas.
Les résultats de votre analyse sont logiques à première vue, mais je soupçonne que l’accent mis sur les glucides laisse malheureusement inexpliqués certains problèmes courants de perte de poids liés à un régime faible en glucides. Lorsque j’étais plus jeune (milieu de la quarantaine), j’ai facilement et rapidement perdu du poids en réduisant les glucides dans mon régime, et j’ai conservé une masse corporelle relativement maigre en maintenant cette habitude alimentaire. Cependant, lorsque j’ai atteint la soixantaine, j’ai constaté qu’un régime pauvre en glucides ne permettait pas d’éviter la prise de graisse. J’ai d’abord considéré l’échec de ce régime à faible teneur en glucides comme probablement l’issue regrettable d’un déclin général, graduel et inévitable, lié à l’âge dans de multiples systèmes corporels.
Malgré cet échec décourageant du régime, j’ai soumis le régime à un examen beaucoup plus rigoureux que d’habitude, ce printemps, et — sans surprise — j’ai obtenu la même absence de résultat. Bien que j’évitais soigneusement les glucides, la surveillance de ma combustion des graisses sur des bandelettes n’a révélé qu’une très, très légère cétose. J’ai fini par me dire que peut-être mon habitude de mettre une cuillerée de crème non laitière dans mon café était suffisante pour tout gâcher, car les traces de sirop de maïs dans la crème non laitière sont en réalité du glucose. J’ai donc commencé à utiliser de la vraie crème dans mon café, en remplacement de la crème non laitière, et j’ai immédiatement obtenu des bandelettes de test de cétone beaucoup plus foncées au cours de la journée.
Mon interprétation de tout cela est que la plus grande sensibilité à l’insuline engendrée par le maintien d’un régime pauvre en glucides, pendant une vingtaine d’années, finit par se retourner contre le praticien d’un régime pauvre en glucides. À cause de la plus grande sensibilité à l’insuline qu’il a progressivement développée sur le plan métabolique, il sort trop facilement de la cétose au moindre soupçon de glucides.
En résumé, je crois que le fait de se concentrer sur le nombre total de glucides consommés par jour permet de prédire les résultats d’un régime pauvre en glucides, chez des personnes qui commencent à entraîner leur corps à brûler les graisses, mais passe à côté de l’essentiel lorsqu’elles finissent par s’habituer à cette pratique sur le plan métabolique. Ainsi, à long terme, je crois que c’est la sensibilité à l’insuline obtenue par le régime pauvre en glucides au fil du temps qui devrait devenir le facteur de contrôle à suivre et à surveiller.
Il est intéressant de noter que l’expérience locale susmentionnée m’a permis de vérifier que que ma sensibilité à l’insuline était encore très intacte. J’ai constaté, depuis lors, que l’abandon de tout comportement d’évitement des glucides et des calories, mais en ne mangeant qu’un seul repas sans restriction par jour (le dîner), me maintient dans une forte cétose alimentaire pendant la majeure partie des heures de jour, et m’a finalement permis de retrouver la perte de poids graduelle que j’avais initialement constatée en m’aventurant dans le régime à faible teneur en glucides. J’ai également trouvé cette forme de jeûne intermittent beaucoup moins physiquement stressante, beaucoup plus reposante, que d’éviter constamment tous les glucides et de restreindre l’apport calorique au cours d’un repas donné. Malgré cela, l’estomac et les intestins sont bruyants pendant une bonne partie de la journée.
[J’ai souligné en gras]
Ce courriel aborde de nombreux problèmes rencontrés par les personnes qui suivent un régime pauvre en glucides. Après l’avoir lu attentivement, j’ai souligné quelques points à discuter.
Le premier point soulevé par l’auteur du courriel est de ceux avec lesquels nous devons tous vivre. Nous vieillissons chaque jour. Et chaque jour, après l’âge de 30 ans, les choses commencent à se détériorer lentement, mais inexorablement. Prenez à peu près n’importe quel système. Je peux vous garantir qu’il fonctionnait mieux à 25 ans qu’à 65 ans. Aussi horrible que cela puisse paraître, la vérité est que tous nos systèmes corporels ont — faute d’un meilleur terme — un taux de dégradation au cours du temps.
Vous ne remarquez pas cette dégradation à l’âge de 40 ans, bien qu’elle ait déjà commencé il y a environ 10 ans. Pourquoi ? Parce que vous avez beaucoup de capacité dans l’organe sur lequel vous portez votre attention. Vous ne rencontrez des problèmes que lorsque la courbe de décroissance croise et descend en dessous de la capacité fonctionnelle de l’organe en question. Tant que vous disposez d’une capacité suffisante, vous ne remarquez pas beaucoup de changement, voire aucun. Mais ce changement a lieu.
Donc, pour commencer, aucun régime ne fonctionne aussi bien quand on est âgé que quand on est plus jeune.
Nous verrons pourquoi dans un instant, mais je voudrais d’abord parcourir le reste du courriel.
Il y a une clé subtile qui explique ce qui arrive à de très nombreuses personnes qui suivent des régimes à faible teneur en glucides. Dans le premier paragraphe, l’auteur du courriel nous dit qu’il n’a pas réussi avec un régime pauvre en glucides, attribuant cet échec à son vieillissement. Ce qui est effectivement en partie le cas. Mais la première ligne soulignée dans ce paragraphe suivant m’en dit long.
Il écrit qu’il a fait « un essai beaucoup plus rigoureux que d’habitude ». Ce qui implique que les essais précédents n’étaient pas aussi rigoureux. Or je ne suis pas certain que « l’essai plus rigoureux que d’habitude » l’ait été tant que cela.
L’une des choses que j’ai apprises en discutant avec de très nombreux patients, en surveillant mon propre comportement et celui d’autres personnes que je connais bien, c’est que la plupart des gens suivent une sorte de régime à faible teneur en glucides à demi rigoureux, la deuxième ou la troisième fois.
Généralement, lorsque les gens suivent un régime pauvre en glucides (ou probablement n’importe quel régime) la première fois, ils appliquent à la lettre les instructions. Et ils obtiennent généralement de bons résultats. Ils perdent du poids sans effort. Ensuite, une fois leur poids cible atteint, ils croient que le régime est terminé. C’est alors qu’ils se remettent à manger tous les aliments évités pendant le régime. Inexorablement, les kilos reviennent.
En fin de compte, il n’y a qu’un petit nombre de façons de perdre du poids. Vous pouvez réduire les calories, les graisses ou les glucides. Tout régime envisagé entre dans l’une de ces grandes catégories.
Si vous suivez un régime restrictif sur le plan calorique, vous aurez généralement faim. Or, la bataille contre la faim est presque toujours de celles que vous finirez par perdre. Si vous réduisez les graisses, vous finissez par consommer des glucides, ce qui va en quelque sorte à l’encontre du but recherché. Croyez-moi, vous risquez de manger beaucoup de glucides tout en maintenant une faible consommation de graisses. Il n’y a pratiquement pas d’interrupteur pour les glucides, en particulier les glucides transformés.
À mon avis, la meilleure option est une version du régime pauvre en glucides. Lorsque vous réduisez votre consommation de glucides, vous abaissez votre taux d’insuline, ce qui a pour effet d’ouvrir les cellules adipeuses afin que la graisse stockée puisse sortir et être brûlée. Les aliments riches en graisses et en protéines sont très rassasiants. Donc, ces aliments que vous êtes autorisé à manger en quantités illimitées vont, contrairement aux glucides, couper rapidement votre faim. De plus, un régime pauvre en glucides est plus ou moins inscrit dans nos gènes, puisque l’être humain a nécessairement suivi ce type de régime pendant des millénaires.
Les données montrent que le régime pauvre en glucides est le meilleur moyen de perdre du poids. La Public Health Collaboration, une organisation britannique à but non lucratif, a recensé toutes les études sur les régimes alimentaires, comparant les régimes pauvres en graisses et riches en glucides (et les régimes hypocaloriques) aux régimes pauvres en glucides, au cours des deux dernières décennies. Vous pouvez consulter leurs données. Sur les 67 études évaluées, le régime pauvre en glucides l’emporte sur le régime pauvre en graisses (pauvre en calories), en termes de perte de poids, dans 58 d’entre elles. Dans 7 études seulement, les sujets ont perdu plus de poids avec un régime pauvre en graisses. Si l’on évalue ces 67 études en termes de signification statistique (faible P, si cela vous intéresse), il s’avère que 36/67 études montrent une différence statistiquement significative dans la perte de poids chez les sujets soumis à un régime pauvre en glucides, et 0/67 pour le régime pauvre en graisses.
(Note : la Public Health Collaboration fait la promotion des régimes pauvres en glucides. Mais je connais certaines des personnes qui la dirigent. Elles n’ont pas toujours été des adeptes de régimes pauvres en glucides. Les données les ont fait changer d’avis.)
Admettons, pour les besoins de la discussion, que le régime pauvre en glucides est le meilleur régime pour la perte de poids pour le plus grand nombre d’individus. Lorsque des personnes suivent le régime pauvre en glucides et perdent du poids, que font-elles lorsqu’elles atteignent leur objectif ? Mettent-elles plus de viande, d’œufs et de fromage dans leur assiette ? Ou bien mangent-elles plus de glucides ? Je crois que tout le monde connaît la réponse à cette question.
Si elles reprennent le poids perdu, il est évident qu’elles ont un problème avec les glucides.
Et, en fait, c’est le cas. On sait depuis des années que l’intolérance au glucose augmente avec l’âge. Un tout nouveau document vient d’être publié le mois dernier, qui illustre bien ce phénomène. Je n’ai pas eu le temps de m’y plonger comme j’aimerais le faire, mais j’y ai jeté un bref coup d’œil. Les graphiques sont éloquents. Voici ce qui arrive à la glycémie et à l’insuline, au fur et à mesure que nous vieillissons.
La ligne continue montre ce qui se passe chez les personnes de poids normal, au fil du temps, tandis que la ligne discontinue montre les résultats pour les personnes en surpoids. Les nuages en grisé montrent la distribution des sujets. La ligne horizontale en pointillé sur le graphique de gauche montre la démarcation entre la glycémie normale et la plage prédiabétique.
Comme vous pouvez le constater, même les sujets de poids normal s’approchent de cette fourchette prédiabétique en vieillissant.
Revenons à ce qui se passe lorsque les gens suivent un régime pauvre en glucides pour la deuxième fois ou plus… Ils ne le font presque jamais aussi strictement qu’ils l’ont fait la première fois. Et ils ont appris toutes sortes de façons de tricher.
D’après mon expérience, les trois aliments non carnés dont les gens ont tendance à s’empiffrer lorsqu’ils suivent un régime pauvre en glucides sont le fromage, les noix et les beurres de noix. Ces aliments — en particulier les noix, dans mon cas — sont vraiment faciles à manger en trop grande quantité tout en respectant la quantité de glucides. (Bien que même les noix consommées en quantité peuvent contenir suffisamment de glucides pour poser problème à certains moments.) Ce sont les premiers aliments au sujet desquels je questionne mes patients qui ont du mal à perdre du poids. Je constate généralement qu’un ou plusieurs de ces aliments sont à l’origine du problème.
L’autre problème est la malbouffe à faible teneur en glucides. J’entends par là des aliments tels que les brownies, les biscuits, les bonbons et autres saletés qui sont rendus pauvres en glucides en remplaçant le sucre par des alcools de sucre, et la farine de blé par de la farine d’amandes. Pour une gâterie occasionnelle, ce n’est peut-être pas un problème, mais ces cochonneries à faible teneur en glucides ne sont pas quelque chose que l’on peut manger sans modération. Et, bien qu’ils soient pauvres en glucides, ils ne sont généralement pas pauvres en calories, toujours hautement transformés, et contiennent probablement beaucoup de mauvaises huiles. Si vous si vous avez vu mon exposé sur les mauvaises huiles, vous saurez pourquoi elles sont problématiques. Je pense que les graisses saturées sont en fait saines, et non pas nocives. Je pense également qu’une partie de l’épidémie d’obésité est due au fait que nous essayons d’éliminer trop de graisses de notre alimentation.
Je dois admettre que j’ai été moi-même victime d’un régime pauvre en glucides. Lorsque je ne fais pas attention à ce que je mange, je finis par prendre du poids, comme tout le monde. Chaque fois que j’adopte une version « douce » du régime pauvre en glucides, je ne vois pas beaucoup de changement. Lorsque je décide de bien faire les choses, je perds des kilos rapidement.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne faut pas rejeter le régime pauvre en glucides si vous n’essayez qu’un régime à moitié faible en glucides. Il faut vraiment être sérieux. Et, plus on vieillit, plus on doit être sérieux.
L’auteur de notre courriel évoque l’idée qu’avec l’âge et les années passées à suivre un régime pauvre en glucides, il est facile de sortir de la cétose.
Je ne suis pas du même avis.
Cétones et cétose
Il existe trois cétones (le terme technique est « corps cétoniques », mais plus personne ne l’utilise) que votre corps produit : l’acétoneN1, l’acétoacétateN2 et le bêta-hydroxybutyrateN3.
Voici quelques schémas qui vous aideront à expliquer le fonctionnement de la cétoseN4.
Comme vous pouvez le voir, l’acétyl-CoAN5 est en quelque sorte le produit final de de tout le métabolisme alimentaire. Une fois que les aliments sont décomposés en acétyl-CoA, ils peuvent aller dans un certain nombre de directions, y compris dans la production de cétonesN6.
Voici la voie de formation des trois cétones que j’ai mentionnées ci-dessus.
N’oubliez pas l’étape 4 de ce schéma. C’est très intéressant, et nous y reviendrons dans un instant.
Jetons maintenant un coup d’œil à une figure bien connue tiré d’un article de George Cahill. Cette image a été reproduite dans d’innombrables manuels et autres documents.
Le graphe montre ce qui se passe au fil du temps en cas de jeûne (ainsi que, comme Robert Wolfe l’a démontré plus tard, ce qui se produit lors d’un régime pauvre en glucides).
C’est un peu difficile à voir, mais entre le jour zéro et le jour un, les premières cétones libérées sont l’acétone et l’acétoacétone. Au fil du temps, le bêta-hydroxybutyrate (BHB) fait son apparition, et devient finalement la cétone la plus répandue dans les jeûnes de longue durée ou les régimes pauvres en glucides. L’acétone disparaît à peu près complètement.
La plupart des gens vérifient les niveaux de cétone avec les bandelettes Ketostix, facilement disponibles et peu coûteuses. Le problème est que le Ketostix vérifie l’acétone et non le BHB. Par conséquent, si vous suivez un régime pauvre en glucides depuis quelques semaines, il faudra un temps fou pour que votre Ketostix devienne violet. Bien que vous soyez en état de cétose.
Je ne peux pas vous dire combien de patients MD [mon épouse] et moi avons eus, désespérés de ne pas arriver à faire virer au violet leur fichu Ketostix.
Les Ketostix sont faciles à utiliser. Il suffit de faire pipi dessus ou de les tremper dans votre urine.
Il existe des kits de test pour le BHB, mais ils sont chers, nécessitent de se piquer le doigt et d’utiliser une bandelette coûteuse (plus chère que les Ketostix) pour chaque test. Les kits que je préfère sont fabriqués par Keto-Mojo, une société avec laquelle je n’ai aucune affiliation financière, bien que je les aie rencontrés et que j’aie parlé avec eux lors de conférences médicales. Vous pouvez vous procurer leurs kits sur Amazon ou sur leur site web.
Si vous suivez un régime pauvre en glucides depuis un certain temps, et que vous voulez savoir si vous êtes ou non en cétose, procurez-vous l’un de ces kits. Ne faites pas de folies avec ça, ou vous brûlerez votre budget alimentaire en achetant des bandelettes !
Bon, passons maintenant à la partie intéressante que j’ai mentionnée plus haut. Le graphique ci-dessus montre comment les cétones sont synthétisées à partir de l’acétyl-CoA. Au cours de ce processus, un NAD+N7 est généré. Le graphique ci-dessous montre le processus de métabolisation des cétones, c’est-à-dire comment les cétones sont utilisées pour produire de l’ATPN8 (énergie).
Si vous regardez l’étape 1 ci-dessus, vous verrez que le BHB est converti en acétoacétate, lors de la première étape de sa conversion finale en acétyl-CoA, puis dans le système de Krebs. CoA, puis en ATP dans le cycle de Krebs — également appelé cycle de l’acide tricarboxylique, TCAN9. Il consomme le NAD+ qu’il a rejeté à l’étape 4 du graphique de la formation des cétones. Ainsi, si le BHB est entièrement métabolisé, il n’y a pas de changement net de NAD+.
Mais si le BHB est libéré dans l’urine, comme c’est souvent le cas en cas de cétose, alors il n’y a pas de consommation de NAD+. Ce qui signifie qu’il y a une augmentation nette de NAD+.
Le NAD+ (Nicotinamide adénine dinucléotide) est une substance merveilleuse qui possède toutes sortes de propriétés intéressantes. Vous pouvez en savoir plus à ce sujet ici. Malheureusement, elle diminue avec l’âge. Il s’agit d’un supplément coûteux à l’achat, mais vous pouvez l’obtenir gratuitement en étant simplement en cétose. Même si vous êtes vieux.
Un état stable
L’auteur de notre courriel a écrit que les personnes qui suivent des régimes à faible teneur en glucides, stimulant généralement la combustion des graisses, cessent de perdre « lorsqu’elles s’habituent à cette pratique sur le plan métabolique ».
Il a en quelque sorte raison sur ce point.
Pensez à n’importe quel type de machine. Lorsqu’elle fonctionne en régime permanent, elle utilise une quantité minimale de carburant. Si vous la sortez de son état stable, la consommation de carburant augmente. Si vous faites rouler votre voiture à une vitesse constante de 65 mph, vous consommerez moins de carburant en un temps donné que si votre vitesse est variable mais que la vitesse moyenne est la même : tantôt 85 mph et tantôt 45 mph. Il ne s’agit pas d’un état stable.
Il en va de même pour votre corps.
Si vous mangez la même chose tous les jours à la même heure, vous allez fonctionner métaboliquement à un état stable.
Il faut secouer les choses.
Variez les heures de repas, les quantités et les aliments que vous mangez.
Notre correspondant a décidé de manger ce qu’il voulait une fois par jour. Et, d’après son rapport, il perd du poids. C’est là tout l’intérêt du jeûne intermittent. Il bouscule les choses, et permet aux paramètres de votre système métabolique de revenir à leur niveau de base.
Mais si vous mangez la même chose chaque jour à la même heure, vous vous retrouverez dans un état stable. Et vous prendrez probablement du poids ou cesserez de perdre du poids à un moment ou à un autre.
Bon, passons à quelque chose de vraiment intéressant.
La clairance
Vous n’avez probablement jamais entendu parler de la clairance dans un régime, mais c’est important.
Tout d’abord, une définition.
En termes physiologiques, la clairance consiste à éliminer quelque chose du sang. L’élimination la plus courante, connue de la plupart des médecins, est probablement celle de la créatinineN10. La créatinine est un déchet issu de la dégradation musculaire et elle est excrétée par les reins. Un test de laboratoire, appelé clairance de la créatinine, est une mesure couramment utilisée pour détecter les problèmes rénaux. Il s’agit d’une mesure de la quantité de créatinine qui est éliminée du sang par les reins. Si la quantité est insuffisante, cela peut être le signe que les reins sont endommagés.
Presque tout est éliminé du sang, avec le temps. Et c’est important pour rester en bonne santé. Prenons un exemple extrême.
Imaginez que vous marchez sur un sentier dans la forêt, que vous contournez un buisson dense et vous retrouvez face à un ours énorme. Votre corps sera instantanément inondé de toutes les hormones de combat ou de fuite. Nous savons tous ce que l’on ressent lorsqu’on a soudain la peur au ventre — ce n’est pas agréable. Mais vous remarquez alors qu’il s’agit d’un ours en peluche, et non d’un véritable ours. Au cours des quelques minutes qui suivent, les hormones de lutte ou de fuite disparaissent, et votre rythme cardiaque, votre respiration, la couleur de votre peau et tout le reste reviennent à la normale.
Où sont passées les hormones de lutte ou de fuite qui sont apparues presque instantanément ? Elles ont été éliminées de votre sang par votre foie et d’autres organes.
La même chose se produit lorsque vous libérez n’importe quel type d’hormone pour n’importe quelle raison. L’hormone en question fait son travail, puis est éliminée de votre circulation. Si ce n’était pas le cas, vous pourriez avoir de gros problèmes.
Prenons l’exemple de l’insuline. Si vous mangez un biscuit, votre taux d’insuline va augmenter afin de maintenir votre glycémie à un niveau normal. Elle pousse le sucre du biscuit dans vos cellules pour y être stocké, puis elle est éliminée du sang. Si elle n’était pas éliminée, elle continuerait à agir et à faire baisser votre glycémie, au point de vous faire perdre connaissance.
La plupart des substances sont éliminées par le foie, dont c’est l’une des principales fonctions. Certaines sont éliminées par les reins et d’autres par les deux.
Peu de temps après avoir compris ce que sont l’insuline et la résistance à l’insuline, ainsi que le rôle de l’alimentation dans ce phénomène, j’ai conclu que l’insuline était, d’une manière ou d’une autre, éliminée du sang après avoir fait son travail. À l’époque, il n’existait pas de PubMed en ligne pour rechercher de telles choses. En fait, il n’y avait même pas de « en ligne ». Pour trouver quelque chose, il fallait avoir en main une copie papier d’un document de recherche pour commencer. On regardait les citations à la fin de l’article, puis on commençait à chercher celles en lien avec ce que l’on voulait savoir. Vous recherchiez ces documents, jusqu’à ce que vous ayez votre propre petite bibliothèque de documents de recherche.
À l’époque, il y avait peu d’articles sur la résistance à l’insuline et/ou l’hyperinsulinémie. En fait, lorsque j’ai décidé de commencer à vérifier les taux d’insuline chez mes patients, le laboratoire national de référence n’avait pas la possibilité de vérifier la présence d’insuline. J’ai dû les harceler pendant des mois avant qu’ils finissent par trouver une méthodologie qui, comme vous pouvez l’imaginer, était coûteuse.
Pendant tout ce temps, j’ai commencé à réfléchir à la manière dont l’insuline pourrait être éliminée du sang. Cela devait être le cas. Mais je n’ai trouvé aucun article à ce sujet.
Je me suis dit que le foie devait jouer un rôle important dans l’élimination de l’insuline. J’ai donc commencé à réfléchir à la manière d’améliorer le fonctionnement du foie. Je n’ai pas vraiment trouvé de plan pour améliorer le fonctionnement du foie, mais j’ai trouvé comment l’empêcher de fonctionner moins bien.
Comme je l’ai mentionné plus haut dans cette section, la fonction et la capacité de tous les organes se dégradent avec le temps. Le foie a une capacité limitée à faire ce qu’il fait. Si une partie de cette capacité est utilisée, il en reste moins pour d’autres choses.
L’une des principales tâches du foie est la détoxification. Les êtres humains consomment toutes sortes de choses qui ont besoin d’être détoxifiées. Alcool, caféine, divers médicaments, pour n’en citer que quelques-unes. Ces substances occupent le foie, diminuant progressivement la capacité du foie à faire son travail.
La plupart des gens — moi y compris — peuvent boire autant de café qu’ils le veulent quand ils sont jeunes, et n’ont jamais de problème pour s’endormir. En vieillissant, ils découvrent qu’ils ne peuvent pas. Le foie de 50 ans n’est pas à la hauteur de la tâche, comme l’était celui de 20 ans.
Avec l’âge, les gens sont plus enclins à prendre des médicaments sur ordonnance, pour une raison ou une autre. Ou même des médicaments en vente libre pour soulager les douleurs. S’y ajoutent quelques tasses de café et un ou deux cocktails le soir, et le vieux foie est mis à rude épreuve.
Même si je n’ai trouvé aucun document sur la clairance de l’insuline, je savais qu’elle devait exister. Et je me suis dit que tous les médicaments, l’alcool, le café, etc., que les personnes âgées prenaient, devaient rendre plus difficile l’élimination de l’insuline par le foie.
Ainsi, lorsque les gens avaient des difficultés à perdre du poids, j’ai commencé à essayer de les inciter à réduire leur consommation de café, d’alcool (qui, s’il s’agit d’alcool pur, ne contient pas de glucides), et au moins les médicaments en vente libre, afin de donner un répit à leur foie. Cela a semblé fonctionner.
J’ai découvert que l’espresso ne contient que la moitié de la caféine du café normal. MD et moi avons donc commencé à en boire nous-mêmes. (C’était bien avant l’existence de Starbucks.) La caféine est soluble dans l’eau, ce qui signifie que qu’elle est extraite du marc de café par l’eau. Le café au goutte-à-goutte maintient le marc en contact avec l’eau plus longtemps, ce qui augmente la quantité de caféine dans le café. Le café percolé ou pressé à la française est encore plus concentré pour la même raison : un contact plus long extrait plus de caféine du marc.
Lors de la préparation de l’espresso, la vapeur sous pression n’absorbe pas autant de caféine que l’eau. Mais elle extrait davantage d’huiles que le café au goutte-à-goutte — un peu comme dans le cas de la fracturation. L’espresso obtenu est donc plus intense que le café au goutte-à-goutte, mais ce n’est pas à cause de la caféine, c’est à cause de la plus grande concentration d’arômes et de saveurs.
Je ne saurais vous dire combien de personnes m’ont dit qu’elles ne pouvaient pas boire d’espresso, parce que toute la caféine qu’il contient les rend nerveux ! L’esprit humain est une drôle de chose.
Si vous aimez boire du café, comme moi, passez à l’espresso. Vous obtiendrez deux fois moins de caféine qu’en buvant du café au goutte-à-goutte. Si vous n’aimez pas l’intensité, buvez-le comme MD et moi. Comme un americano. Il s’agit d’une dose d’espresso et d’une dose d’eau chaude. Les cafetières goutte-à-goutte sont rares en Italie, c’est donc ainsi qu’ils préparent le café pour les Américains. J’ai tellement fait la promotion des americanos dans diverses publications que j’ai finalement décidé de faire une vidéo de démonstration, il y a quelques années. Vous pouvez la regarder ci-dessous :
Ne soyez pas trop critique. C’était mon premier essai. En réalité, ça a été mon seul essai. Je n’ai jamais réalisé d’autre vidéo. J’ai enregistré des conférences et des interviews, mais jamais de vidéo directement face à la caméra.
La conclusion de tout cela est que, si vous voulez éliminer l’insuline et perdre du poids plus rapidement, ne monopolisez pas la capacité d’épuration de votre foie. Réduisez votre consommation de caféine et d’alcool, et débarrassez-vous de tous les médicaments que vous pouvez éliminer.
C’est ce que je recommande à mes patients depuis des années. En me préparant à écrire ce chapitre, j’ai parcouru PubMed pour voir si quelqu’un avait écrit quelque chose sur la clairance de l’insuline. Imaginez ma surprise de trouver une littérature florissante sur le sujet. Il existe aujourd’hui plus de 7000 articles sur la clairance de l’insuline !
Je n’ai pas eu le temps de les lire tous. En fait, je ne les ai trouvés qu’hier, et j’ai donc passé un peu de temps hier soir à en parcourir quelques-uns. Comme je le pensais il y a longtemps, l’insuline est éliminée principalement dans le foie, un peu dans les reins et un peu dans les tissus adipeux et les muscles.
Voici un schéma qui le montre plus clairement.
Pour vous expliquer, les cellules bêta du pancréas libèrent de l’insuline qui est envoyée au foie par la veine porte. Ceci est important, car la plupart des gens croient que l’insuline est libérée dans le sang. Ce n’est pas le cas. Le tube digestif et tous les organes qui s’y trouvent, y compris le pancréas, libèrent leurs produits dans une grosse veine qui va dans le foie avant d’aller ailleurs. Cela signifie que le foie a la possibilité de le peaufiner. Le foie étant le grand directeur de tout le métabolisme, c’est logique.
Le foie finit par dégrader (ou éliminer) de 50 à 70 % (selon les articles) de l’insuline qui lui parvient. Il libère ce qui reste dans le sang, où les autres organes mentionnés ci-dessus s’occupent du reste en fonction des besoins.
Le foie joue donc un rôle extrêmement important dans le devenir de l’insuline.
Et, comme je l’ai expliqué il y a longtemps, il fera un meilleur travail lorsqu’il fonctionne à plein régime, sans limitation majeure de sa capacité.
Examinons quelques scénarios.
Tout d’abord, imaginez que vous êtes jeune et que vous mangez une friandise sucrée. Votre glycémie augmente ; votre pancréas déverse une grande quantité d’insuline ; votre jeune foie, qui fonctionne bien, élimine suffisamment d’insuline pour que ce qui arrive dans le sang soit juste suffisant pour abaisser rapidement votre glycémie à des niveaux normaux. Ensuite, le foie, les reins, les muscles et le tissu adipeux éliminent l’excès d’insuline. Tout revient à la normale.
Aujourd’hui, vous êtes plus âgé et vous mangez la même friandise. Votre glycémie augmente ; votre pancréas déverse l’insuline dans la veine porte. Mais votre foie âgé, avec la caféine, l’alcool, l’Advil et Dieu sait quoi d’autre à gérer, n’arrive pas à éliminer l’insuline comme il le devrait. Les niveaux sanguins augmentent, et peut-être font baisser le taux de sucre, ce qui vous donne faim et vous incite à manger davantage. (La baisse de la glycémie est la plus puissante des incitations à manger.) Les taux d’insuline chroniquement élevés régulent alors les récepteurs d’insuline, qui ont besoin d’encore plus d’insuline pour faire leur travail. L’hyperinsulinémie s’installe.
Il y a deux, et seulement deux, mesures à prendre pour arrêter ou inverser ce phénomène. La première consiste à ne pas manger la friandise sucrée. La seconde est de maintenir votre foie dans le meilleur état de fonctionnement possible, compte tenu de votre âge.
En parcourant une poignée d’articles sur la clairance de l’insuline hier soir, j’ai remarqué que l’obésité et le diabète réduisaient tous deux l’élimination de l’insuline par le foie. Sans parler de l’infiltration graisseuse du foie, appelée stéatose hépatique non alcoolique, NAFLDN11, qui met un frein à la clairance de l’insuline. Donc…. ⚪️
[À suivre]
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- N8 · 6qeo · Adénosine triphosphate (ATP) – Wikipedia
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- N11 · a5en · Stéatose hépatique non alcoolique – Wikipedia
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Article créé le 6/08/2023 - modifié le 10/08/2023 à 08h33