⚪️ EDF propose de fermer les réacteurs les plus récents… ou de stopper toute la filière.
C’est un document confidentiel et plein de surprises touchant à l’avenir du nucléaire que « Le Canard » a pu consulter. Daté de mai et constitué d’analyses réalisées par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à partir d’éléments plus anciens émanant d’EDF, il s’attaque au dossier brûlant des combustibles radioactifs. Ceux-ci commencent leur vie dans les centrales et la terminent sous forme de déchets — des centaines de tonnes — dans les « piscines » des centrales puis dans celles de l’unité de retraite-ment de la Hague.
Dans son rapport, l’IRSN commente et actualise une étude — aussi secrète — réalisée par EDF en 2016. L’électricien y dressait, pour la période 2015–2025, un tableau exhaustif des flux de matières radioactives (uranium, plutonium) nécessaires à la bonne marche des 58 réacteurs du parc français. Et passait en revue les installations existantes ou destinées à gérer les combustibles usés. Surprise : motus sur la loi de transition énergétique, pourtant adoptée un an plus tôt, qui pré-voyait, à l’horizon 2025, une baisse de 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité ! A aucun moment la fermeture de 19 réacteurs, conséquence de cette baisse, n’était envisagée. L’IRSN ayant souligné cette incohérence, EDF a prévenu : si ces 19 réacteurs ferment, « l’arrêt de tous les réacteurs devient inéluctable au plus tard cinq ans après l’arrêt de la première tranche ». Fini, le nucléaire !
De qui se MOX-t-on ?
Pourquoi une conclusion aussi radicale ? Parce que, précisent les experts d’EDF (et d’Orano — ex-Areva), les vieilles centrales vouées à la fermeture carburent au MOX, un mélange d’uranium et de plutonium issu du retraitement des combustibles usés des centrales les plus récentes. Si elles stoppent toute activité, leur nourriture radioactive va s’en-tasser dans les piscines jusqu’à saturation — d’ici cinq ans. Sans compter que l’établissement de re-traitement de la Hague ne dispose plus que de 7,4 % de ses capacités. Seule solution, selon les électriciens : bloquer l’ensemble de la chaîne de production… EDF propose une alternative gaguesque : fermer en premier… quelques centrales parmi les plus récentes, sans assécher la filière MOX. Cela permettrait, conclut le « numéro 2 mondial de l’électricité », de retarder le risque de saturation (piscines et la Hague) de quelques années. Réponse sèche de l’IRSN : « Ce scénario présente un caractère fortement théorique. » Heureusement, EDF et Orano ont un autre plan pour stocker toujours plus de combustible usé : construire (à Belleville-sur-Loire, selon « Reporterre ») une nouvelle « piscine d’entreposage centralisé » géante d’ici à 2030. Mais, de nouveau, l’IRSN tique : « La capacité industrielle à réaliser ces projets dans les délais prévus n’est pas définitivement acquise. » Ces antinucléaires sont partout ! ⚪️
🔵 J. C.
Lu dans Le Canard Enchaîné, 11/10/2018, p.4
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Article créé le 31/10/2018 - modifié le 31/05/2022 à 05h38