Cancer

Cancer – sources

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Je n’ai pas été person­nel­le­ment exposé à cette mala­die, mais son inci­dence (crois­sante ?) chez des personnes de tous âges m’a incité à collec­ter des infor­ma­tions sur son traitement.

Il est encou­ra­geant de savoir que la recherche s’oriente vers une préven­tion plus effi­cace de cette mala­die, des tech­niques de dépis­tage fiables, et la mise en œuvre de trai­te­ments ciblés, moins agressifs.

La lecture des publi­ca­tions scien­ti­fiques, et encore plus celle de commu­ni­qués de presse annon­çant des avan­cées excep­tion­nelles — néces­site une grande prudence dans la mesure où cet espace de commu­ni­ca­tion est la cible idéale d’ar­ticles frau­du­leux. Cette tendance est deve­nue encore plus forte avec l’ap­pa­ri­tion de dizaines de paper mills : de fausses revues publiant de faux articles (ou la contre­fa­çon de vrais articles) sous le couvert de comi­tés édito­riaux fictifs dont les membres affi­chés ne connaissent pas l’exis­tence. Lire à ce sujet les nombreux articles dans la caté­go­rie cancer research du site For Better ScienceN1.

Sommaire

Facteurs de risque et causes du cancer

Dans mon article Vivre longtemps, j’ai attri­bué la baisse de l’espé­rance de vie en bonne santéN2 à une expo­si­tion à des risques clas­sés dans deux caté­go­ries : envi­ron­ne­men­taux et compor­te­men­taux. On peut utili­ser ces caté­go­ries pour clas­ser les facteurs de risque d’in­ci­dence du cancer. Les facteurs envi­ron­ne­men­taux sont ceux sur lesquels nous ne pouvons agir que collec­ti­ve­ment : pollu­tion, utili­sa­tion de produits phyto­sa­ni­taires, substances radio­ac­tives, molé­cules cancé­ri­gènes présentes dans les textiles, cosmé­tiques et autres produits indus­triels etc., sans oublier l’ex­po­si­tion acci­den­telle à certaines mala­dies infec­tieuses. Les facteurs compor­te­men­taux comprennent la nutrition, l’activité physique, le stress, la consom­ma­tion abusive d’al­cool, de sucre, de sel, de tabac et de stupé­fiants, l’ex­po­si­tion exces­sive au soleil, la quan­tité et la qualité du sommeil etc., sur lesquels il est possible d’in­ter­ve­nir indi­vi­duel­le­ment dans la limite des contraintes écono­miques et sociales. Les conclu­sions d’un groupe de travail (Lauby-Secretan B et al., 2016N3) révèlent que 9% des cancers chez les femmes en Amérique du Nord, en Europe et au Proche-Orient seraient liés à l’obésité.

Il est capi­tal de ne pas faire d’amal­game entre « facteurs de risque » et « causes ». Les premiers sont l’in­ter­pré­ta­tion d’une corré­la­tion qui ne suffit pas à établir une causa­lité. À titre d’exemple, les graphiques ci-dessous affichent des corré­la­tions suppo­sées « prou­ver » qu’une cause de l’au­tisme serait le très contro­versé glypho­sate (herbi­cide Roundup™ N4) ou… la vente d’ali­ments bio ! 😉

glyphosate_autism
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Ces deux graphiques illus­trent l’ef­fet pervers de corré­la­tions utili­sées
abusi­ve­ment pour « prou­ver » un lien de causa­lité entre des phéno­mènes
choi­sis arbitrairement.

Une analyse statis­tique bien conduite permet d’iso­ler un facteur de risque en neutra­li­sant au mieux les effets des variables para­sitesN5 mais il ne faut pas confondre ce procédé de calcul avec la décou­verte d’une cause ; la corré­la­tion n’est jamais qu’un indice dans la recherche des coupables. L’accès de plus en plus géné­ra­lisé à des données statis­tiques donne lieu à toutes sortes de théo­ries déviantes — parfois même mani­pu­la­trices — comme l’illus­trent de manière humo­ris­tique des appa­rie­ments inso­lites de graphes (voir exemplesN6). Il a fallu par exemple plusieurs décen­nies pour prou­ver que fumer était bien une cause de cancer du poumon, alors que le facteur de risque était connu, les indus­triels du tabac ayant tout fait pour retar­der la consti­tu­tion de cette preuve (Lagrue, 2009N7).

Certains médias sont prompts à ériger le risque de cancer comme un épou­van­tail pour induire des chan­ge­ments de pratique en mettant en exergue un seul facteur de risque. Aujourd’hui, les pratiques nutri­tion­nelles sont mises à l’in­dex dans une rhéto­rique qui paraît rele­ver du bon sens mais s’ap­puie sur une lecture biai­sée d’études épidé­mio­lo­giques — voir mon article Faut-il jeter les enquêtes nutritionnelles ?

Par exemple, selon l’en­quête NutriNet-Santé (Fiolet T. et al, 2018N8) portant sur des Français d’âge moyen 42.8 ans, l’in­ci­dence des cancers du sein, de la pros­tate ou colo­rec­tal augmen­te­rait de 12% chez les sujets dont 10% de la nour­ri­ture est compo­sée d’ali­ments « forte­ment trans­for­més ». Il s’agit toute­fois d’une augmen­ta­tion de risque rela­tif : l’in­ci­dence moyenne étant d’en­vi­ron 0.5% sur 5 ans, l’aug­men­ta­tion de risque absolu était de 0.1%. L’étude ayant dénom­bré 2228 cancers dans la période de suivi, cette augmen­ta­tion se rédui­sait à 2 cas… De plus, comme le suggère Gid M‑K (2018N9), pour modi­fier défa­vo­ra­ble­ment l’ori­gine de 10% de sa nour­ri­ture il faut vrai­ment beau­coup fréquen­ter les fast-foods

À l’in­verse, selon des sources média­tiques, manger « bio » rédui­rait le risque de cancer… Les biais métho­do­lo­giques de l’étude obser­va­tion­nelleN10 citée à l’ap­pui de ce message publi­ci­taire sont expo­sés dans l’ar­ticle Consommation d'aliments bio et risque de cancer. Une consom­ma­tion régu­lière de viandes trans­for­mées (2 tranches de bacon par jour) augmen­te­rait de 18% le risque de cancer colo­rec­tal (risque rela­tif). Cette augmen­ta­tion pour­rait être liée à l’ad­di­tion de nitritesN11 dont l’as­so­cia­tion avec les protéines et l’hèmeN12 produi­rait des nitro­sa­minesN13 cancé­ri­gènes lors de la cuis­son à haute tempé­ra­ture. Mais cette obser­va­tion mérite aussi d’être tempé­réeN14 sachant par ailleurs que l’aug­men­ta­tion de risque reste margi­nale en compa­rai­son avec la consom­ma­tion de tabac qui augmente le risque de 2500%N15 — voir mon article Protéines.

➡ Ne pas en conclure que la consom­ma­tion quoti­dienne de nour­ri­ture indus­trielle n’au­rait aucun effet délé­tère sur la santé. On voit seule­ment que l’ef­fet à court terme sur un risque de cancer était négli­geable pour la popu­la­tion étudiée.

Les causes des cancers, en réalité, appa­raissent multi­fac­to­rielles, autant par la diver­sité des inter­ac­tions du patient avec son envi­ron­ne­ment que par celle des méca­nismes en jeu dans son évolu­tion. Une mala­die est dite multi­fac­to­rielle quand son appa­ri­tion renvoie à divers facteurs géné­tiques et envi­ron­ne­men­taux. C’est le cas de la plupart des patho­lo­gies courantes, asso­ciant dans leur étio­lo­gie le terrain héré­di­taire et l’histoire de vie du patient (INSERM).

Comme le résume Janlou Chaput (2012N16) :

La biolo­gie cellu­laire est très complexe : il s’agit de jeux d’équilibres, de rétro­con­trôles, d’inhibitions, de trans­for­ma­tions, etc. Chaque cas de cancer est parti­cu­lier et fait inter­ve­nir diffé­rents acteurs qui ne sont pas impli­qués dans toutes les formes.

L’effet Warburg

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Otto H. Warburg
Bundesarchiv, Bild 102–12525 /
Georg Pahl / CC-BY-SA 3.0

La décou­verte de méca­nismes géné­tiques à l’œuvre dans l’évo­lu­tion du cancer (voir plus bas) a long­temps éclipsé celle d’Otto Heinrich WarburgN17, cher­cheur en biolo­gie qui avait reçu en 1931 le Prix Nobel de méde­cine pour sa décou­verte sur le méta­bo­lisme des cellules de tumeurs cancé­reuses (effet WarburgN18).

Rappelons, pour commen­cer, que les mito­chon­driesN19 sont des orga­nitesN20 simi­laires à des bacté­ries (mais sans noyau) que l’on trouve dans le cyto­plasmeN21 de toutes les cellules du corps, à l’ex­cep­tion des cellules sanguines. Leur nombre dans une même cellule peut varier d’une dizaine à plusieurs milliers. Elles possèdent leur propre ADN, beau­coup plus simple que celui du noyau cellu­laire et hérité exclu­si­ve­ment de la mère. L’ADN que l’on peut séquen­cer dans des fossiles humains est seule­ment de l’ADN mitochondrial.

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Source : N22

Les mito­chon­driesN19 sont connues prin­ci­pa­le­ment pour leur rôle de « centrales d’éner­gie » des cellules, utili­sant comme ressources (dans les cellules saines) aussi bien les réserves de sucre que de graisse. Ce « choix du carbu­rant » est proba­ble­ment le résul­tat d’un proces­sus évolu­tif, les humains ayant dû s’adap­ter à des envi­ron­ne­ments où les ressources nutri­tives venaient pério­di­que­ment à manquer. Il s’en­suit que les pratiques nutri­tion­nelles des ethnies ont favo­risé, selon leur lieu d’ha­bi­tat, tantôt des régimes riches en glucides et tantôt en lipides.

Les mito­chon­driesN19 inter­viennent aussi dans l’apop­toseN23 : la mort cellu­laire program­mée des cellules dont l’ADN a été endom­magé. Lorsque le méca­nisme d’apop­tose est perturbé, des amas de cellules défec­tueuses peuvent s’ac­cu­mu­ler en répli­quant le code modi­fié. On assiste à la forma­tion d’une tumeur — qui n’est pas forcé­ment cancé­reuse. Une tumeur cancé­reuse devient « maligne », et parti­cu­liè­re­ment dange­reuse, quand des cellules s’en détachent pour colo­ni­ser d’autres endroits du corps : c’est le proces­sus de méta­staseN24 qui rend beau­coup plus incer­taine la guéri­son par abla­tion chirur­gi­cale de la tumeur.

Les cellules cancé­reuses, comme beau­coup de celles qu’on cultive in vitro, fabriquent leur éner­gie prin­ci­pa­le­ment à partir du glucose, par un méca­nisme d’as­si­mi­la­tion (glyco­lyseN25) suivi de fermen­ta­tion produi­sant de l’acide lactiqueN26 dans le cyto­plasmeN21 de la cellule, plutôt que de faire appel, comme les cellules saines, à un méca­nisme plus complexe : une glyco­lyse moins intense suivie d’une oxyda­tion du pyru­vateN27 à l’in­té­rieur des mito­chon­driesN19, qu’on appelle cycle de KrebsN28.

Ces méca­nismes sont très compli­qués à décryp­ter mais il n’est pas néces­saire de les comprendre pour lire la suite ! 🙂 Toutefois, attri­buer exclu­si­ve­ment à l’ef­fet Warburg les dysfonc­tion­ne­ments qui conduisent à la forma­tion et la proli­fé­ra­tion de cellules cancé­reuses est un raccourci intel­lec­tuel qui fait le bonheur de marchands de théra­pies « alter­na­tives », mais ne reflète qu’une partie de la réalité. Les méca­nismes sont bien plus variés et complexes car les cellules tumo­rales savent mettre en place d’autres voies pour la produc­tion d’éner­gie. Une analyse plus proche des données scien­ti­fique est expo­sée dans mon article Cancer - approche métabolique et Cordier-Bussat, M. et al. (2018N29).

Le méta­bo­lisme de produc­tion d’éner­gie à partir du glucose, dans les cellules cancé­reuses, pour­rait décou­ler d’une alté­ra­tion des mito­chon­driesN19 asso­ciée au cancer, de l’adap­ta­tion des cellules tumo­rales à un envi­ron­ne­ment faible en oxygène, ou encore des onco­gènesN30 empê­chant les mito­chon­dries de mener à bien la destruc­tion des cellules cancé­reuses (apop­toseN23). Les onco­gènes sont des gènes qui, une fois acti­vés, provoquent la crois­sance et la proli­fé­ra­tion des cellules. Le méta­bo­lisme perturbé pour­rait aussi être un effet de la proli­fé­ra­tion cellu­laire (voir discus­sionN18).

Le rôle des mito­chon­driesN19 n’était pas encore bien connu à l’époque de Warburg, mais il avait bien iden­ti­fié, sans pouvoir les expli­quer, les méca­nismes fonda­men­taux : au lieu de respi­rer norma­le­ment en présence suffi­sante d’oxy­gène, les cellules cancé­reuses fermentent. Elles fabriquent pour cela d’im­por­tantes quan­ti­tés d’acide lactique. Cette décou­verte a donné lieu à l’hypo­thèse de WarburgN31 selon laquelle le cancer serait causé par une dimi­nu­tion de la respi­ra­tion mito­chon­driale qui obli­ge­rait les cellules à recou­rir à un proces­sus archaïque (d’un point de vue évolu­tion­niste) de fabri­ca­tion d’éner­gie à partir du seul glucose. Cette formu­la­tion simple de l’hy­po­thèse — qui ne corres­pond pas à certains cancers comme celui de la pros­tate — est suffi­sante pour la compré­hen­sion de ce qui suit. Je recom­mande l’au­di­tion de l’ex­cel­lente émis­sion La méthode scien­ti­fique du 24/6/2019 : Mitochondrie, de l’énergie plein la celluleN32 pour une expli­ca­tion plus détaillée.

Il est reconnu aujourd’­hui qu’un dérè­gle­ment du méta­bo­lisme contri­bue à la crois­sance et la proli­fé­ra­tion de cellules cancé­reuses (onco­ge­nèseN33). La ques­tion qui donne lieu à contro­verse est de savoir si ce dérè­gle­ment est (toujours ?) une cause première du cancer. Les cher­cheurs Hirschey MD et al. (2015N34) déclarent :

Alors que plusieurs preuves convain­cantes suggèrent que la recon­fi­gu­ra­tion méta­bo­lique est causée par l’ac­tion concer­tée des onco­gènesN30 et des gènes suppres­seurs de tumeurs, en certaines circons­tances le méta­bo­lismeN35 peut jouer un rôle primaire dans l’onco­ge­nèseN33. Récemment, des muta­tions des enzymesN36 cyto­so­liquesN37 et mito­chon­driales impli­quées dans les voies méta­bo­liques prin­ci­pales ont été asso­ciées à des formes héré­di­taires et spora­diques de cancer. Dans l’en­semble, ces résul­tats montrent que le méta­bo­lisme aber­rant, une fois vu comme un épiphé­no­mèneN38 de la repro­gram­ma­tion onco­gé­nique, joue un rôle clé dans l’on­co­ge­nèse, avec le pouvoir de contrô­ler aussi bien les événe­ments géné­tiques qu’épigé­né­tiquesN39 dans les cellules.

La liste des co-auteurs de cet article comprend quelques noms à rete­nir, entre autres Ko, Longo et Pedersen dont il sera ques­tion plus bas.

Explication génétique

Bishop and Varmus

Selon la théo­rie « géné­tique » domi­nante aujourd’­hui (Somatic Mutation Theory, SMT), l’effet Warburg N18 ne serait pas la cause du cancer mais un proces­sus d’adap­ta­tion consé­cu­tif à des muta­tions qui ont déclen­ché la crois­sance et la proli­fé­ra­tion des cellules.

En 1989, J. Michael Bishop et Harold E. Varmus ont reçu le Prix Nobel pour leur décou­verte de l’ori­gine cellu­laire des onco­gènes rétro­vi­raux. En 1916, Peyton Rous, un autre lauréat du Prix Nobel de méde­cine, avait décou­vert un virus onco­gèneN40 dans la vaste famille des rétro­vi­rus porteurs d’un maté­riel géné­tique appelé ARN (acide ribo­nu­cléiqueN41). Cet ARN peut être trans­crit en ADN par une enzyme spéci­fique de ce virus (trans­crip­tase inverseN42). La trans­crip­tion inverse a pour effet que le maté­riel géné­tique du virus peut être inté­gré à l’ADN de la cellule hôte. Bishop et Varmus ont décou­vert que l’onco­gèneN30 dans le virus de Rous n’était pas un véri­table gène de virus, mais qu’il avait été prélevé de la cellule pendant la repro­duc­tion du virus, et qu’il contrô­lait la taille et la divi­sion des cellules. Par la suite, plus de 40 onco­gènes diffé­rents ont été iden­ti­fiés. La modi­fi­ca­tion d’un ou plusieurs onco­gènes peut se traduire par le cancer.

Toute dété­rio­ra­tion d’un organe donne lieu à des proces­sus répa­ra­teurs complexes au cours desquels une cellule peut échap­per au proces­sus de contrôle de la crois­sance, et donc déclen­cher une proli­fé­ra­tion anor­male de cellules, dans le pire des cas un cancer. Le proces­sus du cancer implique plusieurs chan­ge­ments consé­cu­tifs du maté­riel géné­tique — on ne sait pas a priori combien. L’étude des gènes cellu­laires (proto-oncogènes) commence à clari­fier les méca­nismes compli­qués gouver­nant la crois­sance et la divi­sion des cellules.

Sans entrer dans les détails (voir le commu­ni­qué de presseN43), les décou­vertes qui ont suivi celle de Bishop et Varmus ont abouti à une descrip­tion du cancer comme une mala­die causée par des muta­tions géné­tiques. Il peut s’agir de modi­fi­ca­tions de gènes héri­tés des parents, dans envi­ron 5% à 10% des cas, qui prédis­posent au cancer mais ne suffisent pas à le déclen­cher. Le plus souvent, ces muta­tions inter­viennent pendant la vie du patient, par exemple suite à son expo­si­tion au soleil ou aux effets de susbs­tances cancé­ri­gènes ; dans ce cas, seules les cellules cancé­reuses sont porteuses de la mutation.

Au moment de la divi­sion cellu­laire, si l’ADN n’a pas été copié correc­te­ment, une cellule saine est sujette à un méca­nisme d’apop­tose (N23 mort cellu­laire program­mée). Mais si ce méca­nisme a été inhibé en raison d’un silence des gènes suppres­seurs de tumeursN44, les cellules se mettent à proli­fé­rer en propa­geant du maté­riel géné­tique incorrect.

Laurent Schwartz, qui pour­suit des pistes complé­men­taires de trai­te­ment du cancer comme une mala­die méta­bo­lique (voir mon article), souligne les limites de cette expli­ca­tion. Il justi­fie ainsi son approche (2019N45, page 58) :

Aujourd’hui, il est admis que rares sont les cancers à avoir une expli­ca­tion stric­te­ment géné­tique. Si une anoma­lie héré­di­taire peut expli­quer la surve­nue de certains cancers de l’en­fant ou du jeune adulte, le facteur géné­tique n’ex­plique pas les cancers les plus fréquents — j’en­tends ceux de l’homme mûr ou du vieillard. La piste géné­tique s’est donc révé­lée erro­née. Le génome n’est qu’une des pièces du puzzle que nous devons tenter de dévoiler.

Cette critique a été présen­tée de manière très compré­hen­sible par Eléonore Djikeussi dans son ouvrage Cancer : mala­die géné­tique ou crise éner­gé­tique cellu­laire ? (2022N46 p. 54–57). Elle écrit :

Les promesses étaient immenses. En effet, le Projet du Génome Humain [N47] a permis d’iden­ti­fier les anoma­lies géné­tiques présentes dans les cellules au cours des diffé­rentes mala­dies. Mais, s’agis­sant du cancer, il n’a pas été e mesure de déter­mi­ner le rôle causal de celles-ci, pas plus que n’y avaient réussi Theodor Boveri et David Hansemann en leur temps au tout début du XXe siècle.

Il a stimulé depuis 40 ans un engoue­ment fréné­tique pour le gène, « le langage par lequel Dieu a créé la vie », et orienté avec une vision myope la recherche sur le cancer.

[…]

Ce projet a cepen­dant permis d’éta­blir le fait que les cancers comportent une hété­ro­gé­néité géné­tique y compris au niveau de la même famille de tumeurs, que des muta­tions appa­raissent au cours de l’évo­lu­tion d’un cancer, surtout après des théra­pies chimiques compor­tant notam­ment des molé­cules telles que les alky­lants [N48], et après des trai­te­ments tels que la radio­thé­ra­pie. Le PGH a ainsi permis de confir­mer qu’il n’existe pas un gène du cancer (à ce jour).

Cellules souches

Tomasetti C et Vogelstein B (2014N49) ont observé que la capa­cité pour un tissu de produire des cellules cancé­reuses tenait au nombre de divi­sions des cellules souchesN50. Ils ont observé une très forte corré­la­tion entre les taux d’in­ci­dence de divers cancers et une esti­ma­tion du nombre normal de divi­sions des cellules souches dans ces tissus. Cette corré­la­tion suggère, selon eux, qu’un des prin­ci­paux facteurs du déve­lop­pe­ment du cancer serait les erreurs se produi­sant de manière aléa­toire dans la copie de l’ADN des cellules souches normales. Ce « pas de chance » expli­que­rait, selon eux, l’ap­pa­ri­tion des cancers bien plus fréquem­ment que les facteurs envi­ron­ne­men­taux et héré­di­taires, soit 2/3 des cas pour 22 types de cancers qu’ils ont étudiés (voir pageN51). Les cancers du sein et de la pros­tate n’étaient toute­fois pas inclus dans leur étude.

Il a été repro­ché à ces cher­cheurs de confondre corré­la­tion statis­tique et rela­tion causale. Annie Thébaud-Mony écri­vait dans Le Monde (07/01/2015N52) :

Pour eux, sans aucun doute, cette « décou­verte scien­ti­fique » devrait clore toute contro­verse sur le rôle des risques indus­triels dans la surve­nue du cancer !

Elle ajoute que la cellule souche ne se trans­forme pas spon­ta­né­ment en cellule cancé­reuse. Elle le fait sous l’effet de muta­tions qui elles-mêmes sont produites par des agents cancé­ro­gènes externes. La simple corré­la­tion obser­vée ne rend pas compte des très fortes dispa­ri­tés d’ori­gine sociale face au risque de cancer, qui est en France dix fois plus élevé chez les ouvriers ou employés que chez les cadres supé­rieurs. Annie Thébaud-Mony signale enfin un troi­sième angle mort de la démons­tra­tion de Tomasetti et Vogelstein, au-delà des études pure­ment épidémiologiques :

Cette mala­die commence, certes, au cœur des cellules mais s’inscrit, pour chaque indi­vidu touché, à la croi­sée de deux histoires. L’une est celle des atteintes, simul­ta­nées et/ou répé­tées, provo­quées par les agents toxiques (pous­sières, substances chimiques, rayon­ne­ments) au cours de multiples événe­ments de la vie profes­sion­nelle, rési­den­tielle, envi­ron­ne­men­tale et compor­te­men­tale ; l’autre est, face à ces agres­sions, celle des réac­tions de défense de l’organisme, elles-mêmes extrê­me­ment variables selon les individus.

Comme précisé dans WikipediaN53, certains cancers induits par certains compor­te­ments trans­mis de géné­ra­tion en géné­ra­tion (consom­ma­tion d’al­cool ou de tabac) peuvent être confon­dus avec un risque géné­tique vrai, et inver­se­ment certains gènes prédis­po­sant au cancer pour­raient n’être acti­vés que dans certaines circons­tances (obésité, alcoo­lisme, etc.).

La complexité et la varia­bi­lité des méca­nismes de muta­tion pour­raient faire dire que — si l’on s’en tient à la descrip­tion géné­tique de la mala­die — il y aurait autant de formes de cancer que de malades. David Gorski (2011N54) écrit :

Non seule­ment le cancer n’est pas une mala­die unique, mais les cancers indi­vi­duels sont consti­tués de clones multiples de cellules cancé­reuses soumises à une pres­sion sélec­tive qui les rend encore plus inva­sives et mortelles. Vu sous cet angle, on se demande pour­quoi nous ne mourons pas tous de cancer. Nous avons tous, certes, virtuel­le­ment des petits foyers de cancer en nousN55, comme je l’ai déjà signalé. Toutefois, la plupart d’entre nous ne déve­loppent pas un cancer, et encore moins finissent par mourir de cancer, bien que le cancer soit en train de rattra­per les mala­dies de cœur comme cause première de décès dans les socié­tés indus­trielles. Heureusement, les étapes néces­saires au cancer pour deve­nir mortel sont diffi­ciles et nombreuses, et les défenses du corps contre le cancer sont formidables.

À l’ap­pui de cette propo­si­tion, le fait que le cancer exis­tait bien avant l’époque indus­trielle qui a produit en quan­tité des substances cancé­ri­gènes, voire même à l’époque préhis­to­rique selon les décou­vertes récentes sur des fossiles (voir articleN56).

De la génomique à la protéomique

L’avènement de tech­niques de séquen­çage d’ADNN57 a permis de lancer aux USA, en 2005, The Cancer Genome Atlas (TCGA, « L’atlas du génome du cancer »N58) visant à iden­ti­fier les sché­mas de muta­tions asso­ciées à toutes les formes de cancer.

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Jean Claude Zenklusen
Source : N59

Jean Claude Zenklusen annonce le 8 février 2016 (voir pageN59) :

Après avoir collecté des échan­tillons de plus de 11000 patients couvrant 33 types de tumeurs, et créé une base de données vaste et compré­hen­sible pour la descrip­tion des chan­ge­ments molé­cu­laires qui se produisent dans les cancers, le projet The Cancer Genome Atlas est en train de s’ache­ver. La collecte des échan­tillons de tissus et la géné­ra­tion des données sont termi­nées. Dix-huit analyses inté­gra­tives de types de cancers indi­vi­duels ont été publiées et les analyses de quinze autre articles sont en cours.

Dans le même commu­ni­qué, le direc­teur de TCGA recon­naît que l’uti­li­sa­tion de ces données aux fins d’ap­pli­ca­tions cliniques est encore au stade préli­mi­naire. Il ajoute : « Dans le projet Exceptional Responders, plusieurs des tumeurs analy­sées jusqu’ici révèlent une expli­ca­tion géno­mique évidente de la réponse excep­tion­nelle au traitement. »

L’investissement finan­cier dans ce projet serait aux alen­tours de 575 millions de dollars (sourceN60).

L’oncologue David Agus débute sa confé­rence TEDmed en 2009N61 par le constat que, depuis 1950, on n’a pas réussi à dimi­nuer le taux de morta­lité du cancer malgré la mobi­li­sa­tion massive de moyens finan­ciers et humains. Il rappelle l’im­por­tance d’un diag­nos­tic précoce qui permet de trai­ter le cancer avec une meilleure esti­ma­tion de durée de survie, et affirme que l’in­ves­tis­se­ment prin­ci­pal devrait être dans la préven­tion — ce que la suite de son exposé ne fait que contre­dire… Il déplore une tendance « réduc­tion­niste » qui consiste à recher­cher l’ex­pli­ca­tion du cancer dans l’ac­ti­va­tion d’un petit nombre de gènes. (Le projet The Cancer Genome Atlas en était à son début, mais les analyses statis­tiques avaient déjà montré que les données étaient moins parlantes qu’on l’au­rait espéré.)

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David Agus
Source : N62

Selon Agus, le voca­bu­laire descrip­tif du cancer est pauvre et archaïque : une mala­die diag­nos­ti­quée unique­ment par ses symp­tômes ou sa loca­li­sa­tion dans le corps ne peut pas donner lieu à une théra­pie basée sur des règles. Un symp­tôme n’est que la mani­fes­ta­tion de dérè­gle­ments. Agus espère qu’une approche tech­no­lo­gique sur le modèle de TCGA fera émer­ger une nouvelle base descrip­tive basée sur la géné­tique : « Une rupture assu­rée par la tech­no­lo­gie dans la pratique du soin sera celle qui permet un diag­nos­tic précis du cancer par sa cause plutôt que par la loca­li­sa­tion anato­mique ou des symp­tômes physiques ». En d’autres termes, passer de l’art de la méde­cine à la science de la méde­cine, comme on l’a fait pour les mala­dies infec­tieuses grâce à l’iden­ti­fi­ca­tion de bacté­ries ou de virus.

Le cancer n’est pas une mala­die génétique…
Serait-ce plutôt une mala­die du micro-environnement ? L’évolution sélec­tionne le phéno­type, pas le géno­type. Or le cancer est l’in­te­rac­tion d’une cellule avec son environnement.
Le but n’est donc pas de comprendre le cancer mais de le contrô­ler : la compré­hen­sion est un outil en vue du contrôle [???]. On s’est trompé en deve­nant réductionniste.

Source : N63

Il évoque sans tran­si­tion la protéo­miqueN64 et son travail avec Danny Hillis (voir vidéoN63). Cette tech­nique nouvelle rend possible un recen­se­ment des protéomesN65, c’est-à-dire l’en­semble des protéines d’une cellule, d’un orga­nite, d’un tissu, d’un organe ou d’un orga­nisme à un moment donné et sous des condi­tions données. L’élec­tro­pho­rèse bidi­men­sion­nelle N66 permet, à partir de mélanges protéiques complexes, de sépa­rer et visua­li­ser des centaines voire des milliers de protéines sous forme de taches ou « spots » (WikipediaN64).

L’analyse protéo­mique est une étude dyna­mique, dans laquelle la dimen­sion du temps peut être prise en compte, alors que l’ana­lyse géno­mique ne rend compte que d’un état. Un seul génome peut conduire à diffé­rents protéomes en fonc­tion des étapes du cycle cellu­laire, de la diffé­ren­cia­tion, de la réponse à diffé­rents signaux biolo­giques ou physiques, de l’état physio­pa­tho­lo­gique… Le protéome reflète les réper­cus­sions de ces événe­ments cellu­laires au niveau tant traduc­tion­nel que post-traductionnel. De ce point de vue, seule une analyse protéique directe peut donner une image globale des systèmes biomo­lé­cu­laires dans leur complexité (WikipediaN64). Les études compa­rées des kinomesN67 de cellules cancé­reuses devraient permettre d’étu­dier des méca­nismes de résis­tance et d’iden­ti­fier de nouvelles cibles thérapeutiques.

En contra­dic­tion avec cette nouvelle pers­pec­tive techno-scientifique (projet MMRF Proteomics Initiative), l’ar­gu­ment final d’Agus est que, plutôt que cher­cher à « comprendre » la mala­die, il convien­drait d’ana­ly­ser pour­quoi certaines théra­pies médi­ca­men­teuses ont réussi dans certains cas. Il donne un exemple d’ad­mi­nis­tra­tion empi­rique d’un médi­ca­ment (acide zolé­dro­niqueN68) en complé­ment de la chimio­thé­ra­pie à un groupe de femmes souf­frant de cancer du sein, qui a abouti sur deux ans à une dimi­nu­tion de 36% de la morta­lité, alors que ce médi­ca­ment n’avait aucun effet sur les cellules cancé­reuses. Il ajoute qu’au­cune « chimio » connue à ce jour n’agit direc­te­ment sur la cellule cancé­reuse, faisant l’éloge d’une approche théra­peu­tique par essai et erreur qui sera peut-être amélio­rée — mais on ne voit pas bien comment — par la mise en œuvre de l’at­ti­rail tech­no­lo­gique. Une méta­phore poétique permet de rassu­rer les spec­ta­teurs : « On a réduit le cancer avec un médi­ca­ment qui ne touchait pas au cancer, un peu comme modi­fier le terrain pour que la graine pousse différemment. »

Protein-dynamic-range-and-percentage-in-blood-plasma
Spectrométrie de masse pour la protéo­mique trans­la­tion­nelle.
Source : N69

Il reste que cette approche par essai et erreur n’est autre que la conti­nua­tion de 59 années de tâton­ne­ments dans la lutte contre le cancer. L’optimisme affi­ché par Agus dans cet exposé appa­raît comme une façade. Son patient et ami Steve Jobs était encore en vie à cette époque. C’est d’ailleurs lui qui l’avait convaincu de choi­sir une « pensée posi­tive » comme titre de son livre : The End of Illness (« La fin de la mala­die ») — voir articleN62

La géno­miqueN70 de TCGA et la protéo­miqueN64 propo­sée par Hillis et Agus mettent en œuvre des algo­rithmes d’ap­pren­tis­sage auto­ma­tique (machine lear­ning) sur de très grandes quan­ti­tés de données, une approche popu­la­ri­sée aujourd’­hui sous l’ap­pel­la­tion Big Data N71. Une des diffi­cul­tés de l’ana­lyse des protéines est un facteur d’échelle — le rapport entre les concen­tra­tions les plus élevées et les plus faibles est de l’ordre de 1011 (cent milliards) alors que les protéines ciblées par l’ana­lyse (cyto­kinesN72) figurent au bas de l’échelle. Pour un élec­tro­ni­cien, ce que le confé­ren­cier désigne élégam­ment comme un « ordre de gran­deur de magni­tude 11 » est analogue à un phéno­mène dont l’ob­ser­va­tion néces­si­te­rait un dispo­si­tif d’am­pli­fi­ca­tion de rapport signal sur bruit supé­rieur à 110 dB !

L’article de Maryáš J et al. (2014 autre N73) fait le point sur cinq années de recherche en protéo­mique, citant 112 réfé­rences biblio­gra­phiques. Il admet que la traduc­tion des décou­vertes dans ce domaine en termes de diag­nos­tic et d’ex­pé­ri­men­ta­tion clinique restent inscrites dans un « avenir proche » (sic) :

Comme cela a été montré dans les études exami­nées ici, de nombreuses protéines ont été iden­ti­fiées par les tech­no­lo­gies de protéo­miqueN64 comme clai­re­ment asso­ciés à un proces­sus complexe de méta­stase du cancer, sur la base de l’ana­lyse protéo­mique des tissus, des systèmes modèles, du sécré­tome, ou l’ana­lyse des protéines de surface avec une véri­fi­ca­tion quan­ti­ta­tive et/ou fonc­tion­nelle des résul­tats. La protéo­mique a égale­ment contri­bué à la descrip­tion fonc­tion­nelle de ces objec­tifs, que ce soit dans le cadre des études fonc­tion­nelles, ou par l’ana­lyse des inter­ac­tomesN74. Il est donc évident que la protéo­mique actuelle a un poten­tiel pour four­nir des données fonc­tion­nel­le­ment signi­fi­ca­tives dans ce domaine. Ceci est posi­tif car de nombreux écrans protéo­miques, en parti­cu­lier dans le passé, n’avaient affi­ché que les protéines très abon­dantes. Cela a été à juste titre inter­prété comme une preuve de l’uti­lité limi­tée de la métho­do­lo­gie. En outre, il est évident que la traduc­tion de n’im­porte lequel de ces résul­tats en essais cliniques géné­ra­le­ment valides et en approches théra­peu­tiques néces­si­tera une vali­da­tion complète sur de grandes séries d’échan­tillons cliniques, et devien­dra une tâche longue, exigeante, pas toujours couron­née de succès.

Néanmoins, nous suppo­sons que l’aug­men­ta­tion de la couver­ture du protéomeN65 réali­sable avec les dernières tech­no­lo­gies de protéo­mique non ciblées, en combi­nai­son avec l’aug­men­ta­tion de la capa­cité d’échan­tillon­nage de la protéo­mique ciblée, est capable, dans un avenir proche, de rappro­cher la protéo­mique du cancer des appli­ca­tions cliniques.

Confronté aux inco­hé­rences appa­rentes des sché­mas de muta­tion induits par l’étude systé­ma­tique des données de TCGA, Bert Vogelstein a dési­gné comme « matière noire »N75 les phéno­mènes encore non-identifiés suscep­tibles de restau­rer cette cohé­rence. Ce terme avait été inventé pour dési­gner une caté­go­rie de matière hypo­thé­tique, invo­quée pour rendre compte d’ob­ser­va­tions astro­phy­siques inex­pli­cables par d’autres moyens.

Dans Tomasetti, Cristian et al. (2015N76), Vogelstein écrit :

La rareté des muta­tions pour­rait indi­quer qu’il y a de la « matière noire » dans le génome du cancer, à savoir, des chan­ge­ments épigé­né­tiquesN39 et des alté­ra­tions géno­miques qui ne peuvent pas être faci­le­ment iden­ti­fiés par un séquen­çage paral­lèle massif ni d’autres méthodes couram­ment utilisées.

Épigénétique ?

L’épigé­né­tiqueN39 désigne tout chan­ge­ment d’ex­pres­sion des gènes qui n’im­plique pas de chan­ge­ment dans la séquence ADN, qui est stable mais demeure réver­sible. Elle s’intéresse à une “couche” d’informations complé­men­taires qui défi­nit comment ces gènes sont suscep­tibles d’être utili­sés par une cellule.

Cette approche, qui défie (en partie) le déter­mi­nisme du « capi­tal géné­tique » enfermé dans notre ADN, a suscité l’es­sai de nouveaux médi­ca­ments, appe­lés « épidrogues ». Edith Heard décla­rait dans Le Monde (Rosier F, 2012N77) :

Les varia­tions épigé­né­tiques sont fina­le­ment assez plas­tiques. Elles peuvent être effa­cées par des trai­te­ments chimiques, ce qui ouvre d’im­menses pers­pec­tives théra­peu­tiques. Cet espoir s’est déjà concré­tisé par le déve­lop­pe­ment de premières « épidrogues » pour trai­ter certains cancers

Les pers­pec­tives sont moins promet­teuses à court terme que ne le laissent espé­rer les infor­ma­tions qui circulent dans les médias. Dans CNRS Le Journal (n°295, 2019 page 34), Edith Heard précisait :

Le problème, avec le cancer, c’est que rien n’est simple : le génome est modi­fié, avec des muta­tions de gènes, et l’épi­gé­nome est modi­fié aussi, sans que l’on sache si ces chan­ge­ments sont liés et dans quel sens ils opèrent. L’utilisation des épidrogues pose aussi des ques­tions, car elles n’agissent pas de façon ciblée, sur un gène ou deux, mais sur l’en­semble des marques épigé­né­tiques de l’in­di­vidu, avec des consé­quences que l’on ne maîtrise pas encore complè­te­ment. Voilà où on en est aujourd’­hui [2019], sur le cancer et l’épi­gé­né­tique. Ce sont des recherches qui suscitent beau­coup d’es­poir, mais qui n’avancent pas très vite. À nouveau, cela demande de faire énor­mé­ment de recherche fonda­men­tale. Contrairement au génome, qui lui a été décrypté entiè­re­ment, on ne connaît pas encore tout sur notre épigé­nome, en parti­cu­lier dans le domaine du cancer.

(Suite sur la page Cancer - nouvelles pistes)

➡ Les réfé­rences biblio­gra­phiques complètes sont sur la page Cancer - conclusion et références.

➡ Le contenu de cet article ne se substi­tue pas aux recom­man­da­tions des profes­sion­nels de santé consul­tés par les lecteurs.

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Article créé le 22/02/2016 - modifié le 19/10/2024 à 18h10

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