⚪️ BIEN sûr, il reconnaît qu’elles sont choquantes, ces images de vaches abattues alors qu’elles ne vont pas tarder à mettre bas, ces images de tueurs d’abattoir qu’on voit extirper au couteau des fœtus de veaux déjà presque à terme, qui mesurent plus de 1 mètre et ont déjà, parfois, poils et sabots. Mais, se défend le directeur de l’abattoir municipal de Limoges, « notre métier, ici, est d’abattre des bêtes qui nous sont amenées par nos clients, nous n’avons pas de question à poser » (« Libé », 4/11). Ni même à se poser : « Il ne se pratique rien à Limoges qu’on ne puisse voir dans un autre abattoir en France… »
Eventrer une vache alors qu’elle est grosse jusqu’aux yeux, et à quelques jours de la délivrance (neuf mois et deux semaines de gestation chez les bovins), c’est en effet parfaitement légal. Donc circulez y a rien à voir ! Guillaume Guérin, premier adjoint au maire de Limoges, conseiller régional LR et par ailleurs orateur national chargé de la ruralité dans l’équipe de campagne de Sarkozy, y est allé de sa blagounette : « Aussi choquant que cela puisse paraître, dans un abattoir, on tue des animaux. Il est rare que l’un d’entre eux ressorte vivant. » Ouaf ! On comprend que ce Guérin fasse équipe avec Sarkozy. Ces histoires de souffrance animale, ça commence à bien faire…
On aurait pourtant cru qu’à force de se faire piéger par les militants de L214, qui, pour la septième fois en deux ans, ont mis sur le Net des vidéos montrant des cas de maltraitance dans les abattoirs français, les responsables de ces entreprises feraient le ménage et mettraient fin aux pratiques les plus ostensiblement barbares. Mais non. Les habitudes. Les cadences à respecter. La rentabilité… Si les éleveurs envoient à l’abattoir leurs vaches laitières à quelques jours du vêlage, c’est parce qu’elles pèsent alors plus lourd et peuvent donc être vendues plus cher : que vaut la sensiblerie de quelques bébêtes amis des bêtes contre ça ? Et que vaut la dignité des employés de l’abattoir, priés d’effectuer ces massacres le cœur léger ?
Pour la première fois, c’est un tueur professionnel qui a filmé, et témoigné à visage découvert. Mauricio Garcia-Pereira, 47 ans, travaille depuis sept ans dans l’abattoir de Limoges : « Quand on en parle entre collègues, on se dit que c’est dégueulasse, et on continue. Ce métier déshumanise » (« Le Monde », 4/11). Et de décrire son boulot : « On jette le veau dans une poubelle pleine de merde. On fait ça tous les jours, au moins cinquante fois par semaine. Comment on peut les tuer, nom de Dieu ? » On entend d’ici les ricanements, ouaf, du fameux Guérin : si les tueurs se mettent à avoir des états d’âme, où va la ruralité ?
L’Allemagne, dont quatre Länder ont déjà interdit l’abattage des vaches lors du dernier trimestre de la gestation, a demandé à la Commission européenne d’étendre cette interdiction à l’Europe. Elle se tâte, et attend la réponse des experts à cette grave question : le fœtus souffre-t-il vraiment quand sa mère est abattue, hmmm ?
Les militants de L214 ont encore de la bidoche sur la planche. ⚪️
🔵 Jean Luc Porquet
Lu dans Le Canard Enchaîné, « PLOUF », 9/11/2016, p. 5
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Article créé le 21/11/2016 - modifié le 28/06/2020 à 06h48