Après mon incident coronarien et la pose de 2 stents — voir mon article Je suis à l'hôpital — j’ai été dirigé vers un centre de réhabilitation cardiologique.
Ma première visite a été consacrée à un bilan de santé cardiovasculaire un mois après les angioplasties : électrocardiogramme, épreuve d’effort métabolique, vitesse d’onde pulsatile et autres tests de performance physique.
Suite à cela, il m’a été prescrit 20 séances de réadaptation cardiaque, une « éducation thérapeutique » et un « diagnostic thérapeutique hypocholestérolémiant » (sic).
Le projet thérapeutique se déclinait ainsi :
- Amélioration de la qualité de vie du coronarien (réassurance psychologique et amélioration de la tolérance à l’effort)
- Réassurance psychologique et réinsertion dans la vie normale et/ou professionnelle
- Obtenir la meilleure autonomie physique possible par le réentraînement musculaire et la gymnastique respiratoire
L’observation médicale concluait sur le traitement en cours qui ne comportait pas moins de 6 médicaments, parmi lesquels une incontournable statineN1 et un inhibiteur de la pompe à protonsN2.
À raison de 2 ou 3 séances par semaine, ces soins étaient entièrement pris en charge par la Sécurité Sociale, y compris le trajet en taxi depuis mon domicile.
J’ai eu droit à des entretiens avec la cardiologue responsable du centre et l’infirmière chargée de l’éducation thérapeutique. Cette éducation pourrait se résumer aux conseils égrenés par la presse féminine ou des sites comme Doctissimo, avec la recommandation expresse de « bien suivre son traitement ». Le soin médicamenteux est en effet la pièce maîtresse du « suivi ».
J’ai aperçu une dizaine de piles de dépliants diffusés par les labos pharmaceutiques sur le bureau de la cardiologue. Un petit tour dans la base Transparence-SantéN4 m’a confirmé qu’elle pourrait en accrocher les logos à son blouson… Sans surprise, j’ai critiqué cette approche prétendument scientifique — voir mon article Statines et médicaments anticholestérol — et lui ai remis une clé USB de la centaine de publications à l’appui de ma critique. Elle a insisté lourdement pour que je ne communique rien au personnel soignant du centre !
Je n’ai passé au total que trois journées dans ce centre, le temps de voir ce qui faisait office de « réadaptation cardiaque ». Nous avions, entre autres, des séances d’entraînement sur des vélos d’appartement imposant un effort, une cadence et une durée déterminés — programmés, je le suppose, par un logiciel d’optimisation qui tenait compte de l’évolution du patient.
Une kinésithérapeute était chargée de la « gymnastique respiratoire ». Elle n’a pas su répondre lorsque je lui ai demandé, sur un mouvement, si elle attendait une respiration costale, abdominale ou « en décompression » (postério-latérale) — voir mon article Entraînement fractionné de haute intensité. Cela me paraissait pourtant fondamental pour un entraînement respiratoire, mais pas prévu au programme…
Pour d’autres activités, nous étions collectivement guidés par des intervenantes qui avaient quelque difficulté à corriger individuellement les exercices d’une vingtaine de patients différents en âge et en condition physique.
Adaptation au patient
Mises à part ces réserves au sujet de l’approche médicamenteuse et de l’inefficacité de la gymnastique respiratoire, je n’ai rien à dire de négatif sur ce centre de réhabilitation en particulier. Le personnel était attentionné et l’ambiance certainement propice à la réassurance psychologique de personnes ayant subi le choc d’un syndrome coronarien.
Je n’ai pas continué leur programme car il me paraissait inadapté à mon état : la vérité était que j’avais surtout besoin de 2 stents supplémentaires pour retrouver une bonne santé cardiovasculaire, comme la suite des événements l’a confirmé — voir mon article Je suis à l'hôpital. Dans l’attente de cette nouvelle intervention, j’ai repris l’entraînement quotidien à mon domicile, pendant plusieurs mois, sans observer d’amélioration notable ni de dégradation.
Ma critique concerne la prise en charge de la « rééducation » dans sa totalité. L’évaluation des progrès du patient — et par extension celle de l’institution — repose sur son observation pendant la durée du soin, soit 2 à 3 mois. Qu’en advient-il une fois rentré chez lui ? La seule continuité à peu près garantie est celle de la prise de médicaments : la peur d’une rechute et la pression familiale suffisent pour beaucoup à maintenir le cap. Le patient est aussi supposé consulter régulièrement un cardiologue qui effectue les tests de base, adapte le traitement au vu des (inévitables) effets secondaires et met en garde son client contre tout laisser-aller. De nombreux patients mentent à leur médecin au sujet de la prise de médicaments et le reconnaissent en privé, ce qui explique le faible taux d’effets indésirables signalés en pharmacovigilance.
Il n’existe aucun suivi digne de ce nom de l’activité physique après les séances dans le centre de réhabilitation. Présumé guéri, le malade peut revivre « comme avant », ayant éventuellement diminué ou supprimé sa consommation de tabac et d’alcool. Sans oublier le discours habituel sur les « dangers du gras » — voir mon article Pourquoi diminuer le cholestérol ? — moins virulent si le médecin a pris connaissance des recommandations de bonnes pratiques de la SFC (2011N5) qui incluent le régime méditerranéenN6… Beaucoup de ces patients sont des personnes âgées qui estiment que la détérioration plus ou moins rapide de leur santé, notamment les douleurs musculaires et articulaires, est un effet inévitable de « l’âge » — voir mon article Vivre bien et longtemps.
La seule recommandation pour l’activité physique est de « faire de l’exercice » mais sans autre indication. Cela peut être de la marche à pied, de la natation, du jardinage, etc. En visite chez un ami ancien sportif qui venait d’être soigné pour un problème cardiovasculaire, je remarque un vélo d’appartement sur sa terrasse. Il m’explique que son cardiologue lui a conseillé d’en « faire ». Mais à quelle fréquence ? Combien de temps ? À quelle intensité ? Vu son passé sportif, on peut craindre qu’il pratique un surentraînement qui nuira gravement à sa santé. Dans le centre de réhabilitation, l’exercice d’endurance (vélo ou tapis roulant) était calibré, mais hors de cet environnement le patient est en « roue libre »… Je remarque que son vélo (ancien) ne comporte pas de mesure de la fréquence cardiaque ni de la quantité d’énergie dépensée. Je lui explique donc les bases du dosage d’effort — voir mon article Exercice d'endurance — ainsi que l’importance de complémenter cet entraînement par de l’exercice de haute intensité.
Des humains plutôt que des machines
Aujourd’hui, une partie des personnes qui ont été hospitalisées pour une affection coronarienne ne se présentent pas au centre de réhabilitation cardiologique ou abandonnent en route, faute de pouvoir se libérer de leurs obligations familiales ou professionnelles. Or ce sont celles qui, soumises au stress, bénéficieraient le plus d’un suivi thérapeutique qui ne se limite pas à la consommation de médicaments. Les centres de réhabilitation cardiologique ne sont pas adaptés à leur population cible et les rechutes encore trop fréquentes, malgré leur camouflage sous « les effets de l’âge » — voir mon article Soigner ses artères.
La réinsertion dans la vie normale nécessiterait, entre autres, une meilleure adéquation entre les capacités du patient et son lieu de vie. Pour être efficace sur le long terme, ce travail doit être effectué à son domicile par l’observation et les recommandations d’ergothérapeutesN7. Des physiothérapeutesN8 pourraient compléter ces interventions en conseillant le patient sur l’utilisation d’un vélo d’appartement ou elliptique, l’usage d’un cardiofréquencemètreN9 et plus généralement l’insertion dans son environnement : trajets de marche à pied ou de cyclisme etc.
On aurait intérêt à remplacer en majeure partie les « salles de machines » et l’encadrement des centres de réhabilitation cardiologique par des missions de suivi à domicile assurées par les personnels ainsi libérés. Une fois mis en confiance, la plupart des patients accepteraient de communiquer à distance et de recevoir des conseils personnalisés.
Ce déplacement du soin en institution vers un suivi à domicile serait un gain considérable à la fois en termes de santé publique et sur le plan financier… Sauf que ce mode d’intervention se prête mal aux évaluations chiffrées imposées par les instances du système de santé : il est tellement plus facile de réduire l’état de santé des patients/clients aux cellules d’un tableau Excel ! 🙁
▷ Liens
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- On peut aussi consulter le serveur de liens https://leti.lt/liens et la liste des pages cibles https://leti.lt/liste.
- N1 · 23mb · Statine – Wikipedia
- N2 · jc8g · Inhibiteur de la pompe à protons – Wikipedia
- N3 · u16l · Big Pharma is op hol geslagen
- N4 · 5wge · Transparence-Santé. Base de données publique des liens d’intérêts avec les acteurs du secteur de la santé (France).
- N5 · 4p7c · Pratique de la réadaptation cardiovasculaire chez l’adulte (SFC)
- N6 · 6edf · Régime méditerranéen – Wikipedia
- N7 · ntrk · Ergothérapie – Wikipedia
- N8 · q407 · Physiothérapeute – Wikipedia
- N9 · lpr0 · Cardiofréquencemètre – Wikipedia
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Article créé le 17/10/2019 - modifié le 28/01/2023 à 21h58