Par Jay Bhattacharya — 12 septembre 2023
Professeur de Politique de santé à Stanford Medicine, spécialiste en épidémiologie des maladies infectieuses et co-auteur de la Great Barrington DeclarationN1.
Le gouvernement m’a censuré, ainsi que d’autres scientifiques. Nous avons riposté et gagné.
The Illusion of Consensus documente et examine de près la plus importante bataille pour la liberté d’expression de notre époque.
⚪️ Lorsque j’avais quatre ans, ma mère a pris son premier vol et quitté son Inde natale pour se rendre aux États-Unis avec mon jeune frère et moi. Nous allions rejoindre mon père, ingénieur électricien et spécialiste des fusées de par sa formation, qui avait gagné à la loterie des visas américains en 1970. Il s’était installé à New York un an plus tôt. Lorsque nous sommes arrivés, il travaillait chez McDonald’s parce que les emplois d’ingénieur s’étaient taris pendant la récession.
Mes deux parents — enfants de la violente partition de l’Inde et du Pakistan oriental (aujourd’hui Bangladesh) — ont grandi dans la pauvreté, ma mère dans un bidonville de Calcutta. Ils ont immigré dans ce pays parce qu’ils croyaient au rêve américain. Cette croyance a permis à mon père de réussir en tant qu’ingénieur, et à ma mère de diriger une crèche familiale.
Notre famille avait en effet gagné à la loterie. Mais venir en Amérique signifiait quelque chose de plus profond qu’une bonne situation financière.
Je me souviens qu’en 1975, une haute cour a estimé que la Première ministre indienne de l’époque, Indira Gandhi, s’était impliquée illégalement dans une élection. Cette décision la rendait inapte à exercer ses fonctions. En réponse, elle avait déclaré l’état d’urgence, suspendu la démocratie, censuré la presse d’opposition et les critiques du gouvernement, et jeté ses opposants politiques en prison. Je me souviens du choc provoqué par ces événements et du soulagement collectif de notre famille de se trouver aux États-Unis, où il était inimaginable que de telles choses puissent se produire.
À l’âge de 19 ans, je suis devenu citoyen américain. Ce fut l’un des jours les plus heureux de ma jeune vie. L’officier d’immigration m’a fait passer un test d’éducation civique, dont une question sur le premier amendement. C’était un test facile parce que je le savais au plus profond de mon cœur. La religion civique américaine place le droit à la liberté d’expression au cœur de sa liturgie. Je n’avais jamais imaginé qu’il adviendrait un jour où un gouvernement américain envisagerait de violer ce droit, ni que j’en serais la cible.
Malheureusement, pendant la pandémie, le gouvernement américain a violé mon droit à la liberté d’expression, et celui de mes collègues scientifiques, pour avoir remis en question les politiques du gouvernement fédéral en matière de gestion de cette pandémie.
Mes parents m’avaient appris qu’ici, on pouvait critiquer le gouvernement, même sur des questions de vie ou de mort, sans craindre qu’il nous censure ou nous sanctionne. Mais au cours des trois dernières années, j’ai été détrompé de cette conviction. Des représentants du gouvernement américain, travaillant de concert avec de grandes entreprises technologiques, ont attaqué et supprimé mon discours et celui de mes collègues pour avoir critiqué les politiques officielles en matière de pandémie — critiques qui se sont avérées prémonitoires.
Vendredi, la Cour d’Appel des États-Unis de la cinquième circonscription a enfin statué que nous ne nous faisions pas d’illusions, que l’administration Biden avait bel et bien contraint les entreprises de médias sociaux à se plier à ses exigences. La Cour a jugé que la Maison-Blanche de M. Biden, le CDC, le bureau du chirurgien général des États-Unis et le FBI « se sont engagés dans une campagne de pression [sur les médias sociaux] qui a duré des années, et qui visait à garantir que la censure s’aligne sur les points de vue préférés du gouvernement ».
Les juges ont décrit un schéma dans lequel les représentants du gouvernement menaçaient « de procéder à des “réformes fondamentales” telles que des changements de réglementation et des mesures d’application accrues » si nous ne nous conformions pas à la loi. L’implication était claire. Pour paraphraser Al Capone : C’est une belle entreprise que vous avez là. Ce serait dommage qu’il lui arrive quelque chose.
Cela a fonctionné. Selon les juges, « la campagne des fonctionnaires a réussi. Les plateformes, capitulant devant la pression exercée par l’État, ont modifié leur politique de modération ».
En exposant ce comportement — et en déclarant qu’il s’agissait d’une violation probable du Premier amendement — le jugement n’est pas seulement une victoire pour mes collègues scientifiques et moi-même, mais pour chaque Américain.
Les ennuis ont débuté le 4 octobre 2020, lorsque mes collègues et moi-même — Martin Kulldorff, professeur de médecine à l’université de Harvard, et Sunetra Gupta, épidémiologiste à l’université d’Oxford — avons publié la Déclaration de Great BarringtonN1. Cette déclaration appelait à mettre fin aux confinements économiques, aux fermetures d’écoles et aux politiques restrictives similaires, au motif qu’ils nuisent de manière disproportionnée aux jeunes et aux personnes économiquement défavorisées, tout en n’apportant que des avantages limités à l’ensemble de la société.
La Déclaration préconisait une approche de « protection ciblée » qui préconisait des mesures fortes pour protéger les populations à haut risque, tout en permettant aux individus à faible risque de reprendre une vie normale avec des précautions raisonnables. Des dizaines de milliers de médecins et de spécialistes de la santé publique ont signé notre déclaration.
Avec le recul, il est clair que cette stratégie était la bonne. La Suède, qui a en grande partie renoncé au confinement et, après les premiers problèmes, a opté pour une protection ciblée des populations plus âgées, a enregistré une surmortalité toutes causes confondues ajustée à l’âge parmi les plus faibles de presque tous les autres pays d’Europe, et n’a pas souffert du déficit d’apprentissage de ses enfants à l’école primaire. De même, depuis le début de la pandémie, la Floride a enregistré une surmortalité cumulée, toutes causes confondues et ajustée à l’âge, inférieure à celle de la Californie, obsédée par le confinement.
Mais à l’époque, notre proposition a été vue comme une sorte d’hérésie par des hauts fonctionnaires comme Anthony Fauci, et certains membres de la Maison Blanche de Trump, dont Deborah Birx, alors coordinatrice à la Maison Blanche de la lutte contre le coronavirus.
Les fonctionnaires fédéraux ont immédiatement pris pour cible la Déclaration de Great Barrington afin de la censurer, parce qu’elle contestait la réponse au Covid préconisée par le Gouvernement. Quatre jours après la publication de la déclaration, le Dr Francis Collins, alors directeur des Instituts nationaux de la santé [NIH], a envoyé un courrier électronique à M. Fauci pour lui demander de mettre en place un « démontage massif » de la déclaration.
Presque immédiatement, les entreprises de médias sociaux telles que Google/YouTube, Reddit et Facebook ont censuré les citations de la Déclaration.
Comme l’a révélé The Free Press dans son rapport Twitter Files, en 2021, Twitter m’a mis sur liste noire pour avoir publié un lien vers la Déclaration de Great Barrington. YouTube a censuré une vidéo d’une table ronde sur les politiques publiques, où je me trouvais avec le gouverneur de Floride Ron DeSantis, pour lui avoir dit que les preuves scientifiques concernant le masquage des enfants étaient faibles.
Depuis des dizaines d’années, je suis professeur de politique de santé et d’épidémiologie des maladies infectieuses dans une université de renommée mondiale. Je ne suis pas un politicien ; je ne suis inscrit dans aucun parti. C’est en partie parce que je veux préserver ma totale indépendance en tant que scientifique. J’ai toujours considéré que mon travail consistait à informer honnêtement les gens sur les problèmes liés aux données, que les Démocrates ou les Républicains apprécient ou non le message.
Pourtant, au plus fort de la pandémie, je me suis retrouvé diffamé pour mes supposées opinions politiques, et mes vues sur la politique de Covid et l’épidémiologie ont été retirées de la place publique sur toutes sortes de réseaux sociaux. Je n’arrivais pas à croire que cela se produisait dans ce pays que j’aime tant.
En août 2022, mes collègues et moi-même avons enfin eu l’occasion de riposter. Les procureurs généraux du Missouri et de la Louisiane m’ont demandé de me joindre à eux en tant que plaignant dans leur affaire, représentée par la New Civil Liberties Alliance, contre l’administration Biden. L’objectif de ce procès était de mettre fin au rôle du gouvernement dans cette censure, et de rétablir la liberté d’expression de tous les Américains sur la place publique numérique.
Les avocats de l’affaire Missouri contre Biden ont fait déposer sous serment des représentants de nombreuses agences fédérales impliquées dans les efforts de censure, dont Anthony Fauci.
La découverte d’échanges de courriels entre le gouvernement et les entreprises de médias sociaux a montré que l’administration était prête à utiliser ses pouvoirs réglementaires contre les entreprises de médias sociaux qui ne se conformaient pas aux exigences de la censure.
L’affaire a révélé qu’une douzaine d’agences fédérales — dont le CDC, le Bureau de l’Administrateur de la santé publique des États-Unis, et la Maison-Blanche de M. Biden — ont fait pression sur des entreprises de médias sociaux comme Google, Facebook et Twitter, pour qu’elles censurent et suppriment même les discours véridiques contredisant les stratégies fédérales en matière de pandémie. Par exemple, en 2021, la Maison Blanche a menacé les entreprises de médias sociaux de mesures réglementaires préjudiciables si elles ne censuraient pas les scientifiques qui partageaient le fait démontrable que les vaccins Covid n’empêchent pas les gens d’attraper le Covid.
Vrai ou faux, si le discours interfère avec les objectifs du gouvernement, il doit disparaître.
Le Jour de l’Indépendance de cette année, le juge fédéral Terry Doughty a émis une injonction préliminaire dans cette affaire, ordonnant au gouvernement fédéral de cesser immédiatement de contraindre les entreprises de médias sociaux à censurer la liberté d’expression à laquelle elles ont droit. Dans sa décision, le juge Doughty a comparé l’infrastructure de censure de l’administration à un ministère de la vérité orwellien. Sa décision dénonce la vaste entreprise de censure fédérale qui dicte quels sont les contenus et les personnes que les entreprises de médias sociaux peuvent publier..
Le gouvernement a fait appel, convaincu qu’il devrait avoir le pouvoir de censurer le discours scientifique. Un sursis administratif a suivi et a duré une bonne partie de l’été. Mais vendredi, un panel de trois juges de la Cour d’appel des États-Unis pour le cinquième circuit a rétabli à l’unanimité une version modifiée de l’injonction préliminaire, demandant au gouvernement de cesser d’utiliser les entreprises de médias sociaux pour faire son sale boulot de censure :
Les défendeurs, ainsi que leurs employés et agents, ne doivent prendre aucune mesure, formelle ou informelle, directe ou indirecte, pour contraindre ou encourager de manière significative les entreprises de médias sociaux à supprimer, effacer, supprimer ou réduire, y compris en modifiant leurs algorithmes, les contenus de médias sociaux affichés contenant des propos libres et protégés. Cela inclut, sans s’y limiter, le fait de contraindre les plateformes à agir, par exemple en laissant entendre qu’une forme de sanction suivra le non-respect d’une demande, ou le fait de superviser, diriger ou contrôler de manière significative les processus décisionnels des entreprises de médias sociaux.
En lisant la décision, j’ai été submergé d’émotion. Je pense que mon père, qui est mort lorsque j’avais 20 ans, serait fier que j’aie joué un rôle dans cette affaire. Je sais que ma mère l’est aussi.
En effet, la victoire n’est pas seulement pour moi, mais pour tous les Américains qui ont ressenti la force oppressive de ce complexe industriel de censure pendant la pandémie. Elle donne raison aux parents qui ont défendu un semblant de vie normale pour leurs enfants, mais qui ont vu leurs groupes Facebook supprimés. Elle donne raison aux patients vaccinés qui aspiraient à la compagnie en ligne et aux conseils d’autres patients, mais auxquels les entreprises de médias sociaux et le gouvernement ont fait croire que leur expérience personnelle d’effets indésirables n’était qu’une vue de l’esprit.
La décision apporte un certain réconfort aux scientifiques qui avaient de profondes réserves sur les confinements, mais qui se sont censurés par peur de l’atteinte à leur réputation que représentait le fait d’être étiquetés à tort comme des désinformateurs. Ils n’avaient pas tort de penser que la science ne fonctionnait pas correctement ; la science ne peut tout simplement pas fonctionner sans liberté d’expression.
La décision n’est pas parfaite. Certaines entités au cœur de l’entreprise de censure du gouvernement peuvent encore s’organiser pour supprimer la liberté d’expression. Par exemple, l’Agence pour la cybersécurité et la sécurité des infrastructures (CISA), qui fait partie du ministère de la sécurité intérieure, peut encore travailler avec des universitaires pour dresser une liste de documents à censurer par le gouvernement. Et l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), l’ancienne organisation de M. Fauci, peut encore coordonner les censures dévastatrices de scientifiques extérieurs qui critiquent la politique du gouvernement.
Mais le message est bon : le gouvernement fédéral ne peut plus menacer les entreprises de médias sociaux de destruction si elles ne censurent pas pour le compte du gouvernement.
L’administration Biden, qui s’est révélée être un ennemi de la liberté d’expression, fera certainement appel de cette décision devant la Cour suprême. Mais j’ai bon espoir que nous gagnerons là aussi, comme nous l’avons fait à chaque fois dans le cadre de ce litige. Je suis reconnaissant à la Constitution américaine d’avoir été à la hauteur de ce défi.
Mais je ne pourrai jamais revenir à la foi spontanée et à la confiance naïve que j’avais en l’Amérique quand j’étais jeune. Notre gouvernement n’est pas à l’abri d’une tendance autoritaire. J’ai appris à mes dépens que c’est à nous, le peuple, qu’il incombe de demander des comptes à un gouvernement autoritaire qui viole nos droits les plus sacrés. Sans notre vigilance, nous les perdrons. ⚪️
➡ Le soutien implicite que j’apporte aux points de vue d’éminents scientifiques nord-américains ne s’étend pas à leurs opinions politiques, philosophiques ou religieuses.
Compléments de lecture
- Article de Robert Malone : La publicité prend les armes
- Article de RF Kennedy : Anthony Fauci et le système de santé publique
- Article “Cancel Me, Baby!”
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- N1 · mtk4 · Great Barrington Declaration
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Article créé le 16/09/2023 - modifié le 12/02/2024 à 17h36