➡ Traduction de l’article de Mattias Desmet : Why Robert Malone didn’t make up the term “mass formation psychosis” (2023N1).
Le contenu de cette intervention n’engage que son auteur. Vous pouvez, bien entendu, poster vos remarques dans la partie commentaires.
Pourquoi Robert Malone n’a-t-il pas inventé le terme « psychose de formation des masses » ?
⚪️ Il s’agit d’un phénomène remarquable : plus il se fait évident que le discours dominant sur le coronavirus était erroné, plus on attaque avec véhémence les voix, qui, dès le début, avaient prévenu qu’il était erroné. L’une de ces personnes est le docteur Robert W Malone, qui, à mon humble avis, est l’une des voix critiques les plus raisonnables et les plus efficaces au monde. Calme et précis dans sa formulation, clair comme de l’eau de roche dans son argumentation, charismatique dans son apparence et son ton de voix, Robert a tout pour attirer l’attention des gens, et les amener à envisager de nouvelles perspectives. Et c’est justement ce qui le rend dangereux pour certains, et envié par d’autres.
Je connais bien Robert maintenant. Je l’ai rencontré plusieurs fois à l’étranger, je l’ai accueilli chez moi en Belgique, j’ai séjourné chez lui en Virginie. À ceux qui attaquent Robert, je voudrais dire : vous ne pouvez pas connaître Robert si vous ne l’avez pas vu nourrir ses chevaux dans le ranch qu’il a construit de ses propres mains, avec sa charmante épouse Jill, sa compagne inséparable dans son voyage intellectuel.
Pendant la crise du coronavirus comme aujourd’hui, les attaques contre Robert viennent de différentes directions. L’une des critiques qui lui sont adressées concerne son utilisation du terme « psychose de formation des masses », un terme qui fait référence à une théorie que j’ai moi-même formulée dans l’espace public. Je ne parle pas d’un article critiquant Robert, mais de dizaines d’articles (voir par exemple 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, etc.).
La poussière de la crise du coronavirus commence à retomber un peu, mais la théorie de la formation des masses continue de faire couler beaucoup d’encre. Je l’ai appliquée à la dynamique sociale de cette crise, mais elle s’applique également à la dynamique sociale suscitée par le discours sur le climat et le mouvement « woke ». En tant que telle, elle donne encore lieu à des débats animés sur les médias sociaux et ailleurs.
Quelque part en 2020, j’ai commencé à articuler cette théorie dans certains journaux et podcasts belges et néerlandais. En bref : j’ai suggéré que, pendant la crise du coronavirus, la société était en proie à une sorte de formation de groupe qui pousse les gens à croire fanatiquement à un récit, qui, d’un point de vue rationnel, est absurde, et qui les rend radicalement intolérants à l’égard de tous ceux qui ne suivent pas ce récit. De nombreuses personnes ont reconnu le phénomène que j’ai décrit, affirmant qu’elles comprenaient enfin pourquoi leurs semblables commençaient à se comporter d’une manière aussi étrange, et par conséquent, la théorie s’est répandue dans le monde entier.
Certains n’ont pas apprécié. Les fact-checkers du monde entier ont lancé des attaques virulentes contre ceux qu’ils tenaient pour responsables de la diffusion de cette théorie. Pour avoir voulu décrire ma pensée, le Dr Robert Malone est devenu la cible principale de ces attaques. Lors d’un podcast à The Joe Rogan Experience fin décembre 2021, le Dr Malone a présenté un résumé concis de ma théorie, qu’il a désignée comme une théorie de la « psychose de formation des masses ». De nombreuses personnes avaient essayé de le faire avant lui, mais aucune ne l’a fait d’une manière aussi précise et convaincante que lui. Le podcast a fait le buzz sur internet. Pendant plusieurs jours, il a été le sujet le plus recherché sur Twitter. Tout à coup, la « psychose de formation des masses » est devenue un concept établi dans le discours public.
Des vérificateurs de faits de tous les continents ont tiré la sonnette d’alarme, affirmant que Robert Malone avait totalement fabriqué le terme « psychose de formation des masses ». Cette critique était absurde à au moins deux égards. Premièrement, si nous parlons littéralement de l’expression « psychose de formation des masses », il est clair que Robert ne l’a pas inventée. Robert a regardé avec moi quelques podcasts (plus particulièrement ceux d’Aubrey Marcus et de Chris Martenson) qui utilisaient ce terme dans le titre et/ou dans la description du contenu. Comme Robert l’a mentionné plus tard au cours d’une conversation avec moi, il a retenu le terme, supposant que j’utilisais moi-même cette terminologie. Lorsque j’ai expliqué que je ne le faisais pas, parce que je pense qu’il est contre-productif d’un point de vue pragmatique, intellectuel et éthique d’utiliser un terme psychiatrique comme « psychose » pour décrire des phénomènes sociaux, Robert a immédiatement accepté et a, depuis, utilisé à la place le terme « formation des masses ».
Ensuite, au-delà de la simple utilisation du terme, la légitimité académique de la théorie, dans son ensemble, a été remise en question. Le professeur Nassir Ghaemi, l’un des participants à une réunion de la Karl Jaspers Society qui discutait de mon livre The Psychology of Totalitarianism, est même allé jusqu’à dire que le terme « formation des masses » n’avait jamais été utilisé auparavant dans l’histoire de l’humanité. Il pensait que je l’avais entièrement inventé, et qu’il ne reposait sur aucune base académique. Il y a quelques mois, j’ai rédigé un article de substack dans lequel je répondais à cette critique (entre autres choses) et présentais une liste de publications d’éminents chercheurs qui ont utilisé le terme « formation des masses » avant que je ne le réarticule pendant la crise du coronavirus. Je cite cet essai :
Voici les termes (durs) dans lesquels le professeur Ghaemi énonce cette affirmation radicale :
« Au fait, j’ai oublié de préciser un autre point important : le concept de “formation des masses” n’a jamais existé dans l’histoire de l’humanité. » … Il s’agit peut-être de la critique la plus étonnante de la part de Ghaemi. Examinons d’abord brièvement l’utilisation du terme lui-même. Est-il vrai que ce terme n’a jamais existé dans l’histoire de l’humanité ? En allemand, le terme est “Massenbildung”, en néerlandais “mass formation”, en anglais généralement “crowd formation”, mais parfois aussi “mass formation”. Vous trouverez ci-dessous une sélection d’exemples, parmi celles beaucoup plus nombreuses, d’occurrences du terme “formation des masses”, qu’il soit traduit en anglais par “crowd formation” ou “mass formation” :
- Le terme « formation des masses » apparaît sur la quatrième de couverture de la traduction néerlandaise du livre d’Elias Canetti “Masse und macht” (Massa en Macht, 1960) et le terme est utilisé deux fois dans le texte de ce livre. Dans l’édition anglaise, le mot est traduit par “crowd formation”.
- Dans le texte de Freud intitulé “Massenpsychologie und ich-analyse” (1921), le terme “Massenbildung” est utilisé dix-neuf fois. Dans l’édition néerlandaise, il est traduit par « formation des masses » et dans l’édition anglaise par « formation de foule ».
- Salvador Giner utilise le terme « formation des masses » dans son livre “Mass Society” (1976).
- L’édition néerlandaise du livre de Kurt Baschwitz sur l’histoire de la psychologie des masses “Denkend mensch en menigte” (1940) cite fréquemment le terme « formation des masses ».
- L’édition néerlandaise du livre de Paul Reiwald “Vom Geist der Massen” (De geest der massa [1951]) mentionne le terme « formation des masses » environ quarante-six (!) fois.
- Et ainsi de suite…
Même si, dans un moment d’extrême bienveillance à l’égard du professeur Ghaemi, nous supposions qu’il parle spécifiquement du terme « formation des masses » et non du terme « formation des foules », son affirmation selon laquelle ce terme n’apparaît pas serait donc toujours erronée. Et ce qui est certainement inexact, c’est de prétendre qu’il n’existe pas de base conceptuelle pour le phénomène de formation des masses. Il est à peine nécessaire de dire que le professeur Ghaemi dépasse les bornes ici.
Y a‑t-il vraiment quelqu’un qui doute que le phénomène de formation des masses ait fait l’objet de recherches conceptuelles ? La critique est si manifestement absurde qu’il est presque tout aussi absurde d’y répondre. En signe de bonne volonté, je vais tout de même le faire, en remerciant tout particulièrement Yuri Landman, qui m’a aidé à donner un aperçu de la littérature tant sur les médias sociaux que dans des communications privées :
L’étude scientifique de la formation des masses a débuté au XIXe siècle, avec les travaux de Gabriel Tarde (Laws of Imitation, 1890) et de Scipio Sighele (The Criminal Crowd and Other Writings on Mass Psychology, 1892). Gustave Le Bon a développé ces travaux en 1895 avec « La psychologie des foules » (The Crowd : A Study of the Popular Mind). Sigmund Freud a publié en 1921 son traité “Massenpsychologie und ich-analyse”, dans lequel il utilise fréquemment le terme “Massenbildung”, traduit littéralement par « formation des masses » en néerlandais. La théorie de la formation des masses est soutenue et complétée par Trotter (Instincts of the Herd in Peace and War, 1916), McDoughall avec “Group Mind” (1920), Baschwitz (Du und die masse, 1940), Canetti avec “Crowds and Power” (1960) et Reiwald (De geest der massa, 1951). Dans l’entre-deux-guerres, les fondateurs de la gestion de la propagande moderne et des relations publiques, comme Edward Bernays et Walter Lippman, se sont appuyés sur la littérature relative à la formation des masses pour diriger et manipuler psychologiquement la population.
Le philosophe Ortega y Gasset (The Revolt of the Masses, 1930), le psychanalyste Erich Fromm (The Fear of Freedom, 1942), le psychanalyste Wilhelm Reich (The Mass Psychology of Fascism, 1946), la philosophe Hannah Arendt (The Origins of Totalitarianism, 1951) ont également apporté d’importantes contributions à la réflexion sur le phénomène de la formation des masses. En outre, toute la littérature secondaire basée sur ces auteurs précurseurs peut être citée, presque sans fin, lorsqu’il s’agit d’illustrer que, en contradiction radicale avec ce que prétend le professeur Ghaemi, il existe bien une base conceptuelle pour le terme « formation des masses », qui continue d’être approfondie aujourd’hui.
Dans le même essai, je réponds également à six autres critiques formulées par le professeur Ghaemi, en montrant qu’en fin de compte, aucune d’entre elles n’a de sens. Jusqu’à présent, le professeur Ghaemi n’a pas réagi. Il y a une petite chance qu’il n’ait pas encore lu ma réponse ; il y a une plus grande chance qu’il ait commencé à voir l’absurdité de sa critique.
Puisqu’il est clair que les critiques telles que celles évoquées ci-dessus sont incorrectes, il serait bon que les personnes qui les ont lancées — souvent de manière implacable et condescendante — admettent qu’elles se sont trompées. Jusqu’à présent, cela n’a pas été le cas. Et ce n’est pas innocent. La critique du professeur Ghaemi a été utilisée pour justifier l’interdiction de mon livre sur la formation des masses lors d’un cours à l’Université de Gand. Lorsque j’ai confronté mes collègues de l’Université à ma réponse à Ghaemi, prouvant noir sur blanc que ses critiques n’avaient aucun sens, aucun d’entre eux ne s’est montré capable d’admettre que les critiques de Ghaemi étaient erronées. Ils ont tous trouvé une raison d’ignorer ce que je leur ai dit — en déclarant que la discussion était close, qu’ils faisaient confiance aux commissions qui avaient pris la décision d’interdire mon livre, etc.
Nous vivons une époque remarquable. Un discours qui se veut scientifique affiche de plus en plus un mépris radical pour les faits (pour reprendre une expression d’Hannah Arendt). Au cours des derniers mois, il est apparu de plus en plus clairement que la thèse du coronavirus était absurde à bien des égards. Pensons aux dossiers sur le confinement en Grande-Bretagne (qui montrent que le gouvernement britannique a en fait menti sur pratiquement tout ce qui concerne le coronavirus et, par exemple, qu’il a toujours su que le virus était beaucoup moins dangereux qu’il ne l’avait annoncé), aux résultats de l’étude Cochrane sur l’inefficacité du port de masques, les révélations en Suisse et en Allemagne selon lesquelles les journalistes et les médias sociaux ont été conseillés (et même payés par le gouvernement) pour promouvoir son discours, le fait que les vaccins n’ont pas empêché la transmission, comme même Fauci le reconnaît maintenant (alors qu’il a été initialement affirmé qu’ils empêchaient 95 % de toutes les infections), et ainsi de suite.
Curieusement, malgré le raz-de-marée de documents et d’informations démontrant les échecs tragiques du processus décisionnel en matière de santé publique, l’intolérance à l’égard des voix dissidentes qui ont tenté d’avertir la société de l’absurdité de ce discours n’a pas du tout disparu. Au contraire, elles sont visées avec plus de véhémence que jamais. Tout cela rappelle une citation de Gustave Le Bon : « Les foules n’ont jamais eu soif de vérités. Devant les évidences qui leur déplaisent, elles se détournent, préférant déifier l’erreur, si l’erreur les séduit. Qui sait les illusionner est aisément leur maître ; qui tente de les désillusionner est toujours leur victime. […] L’individu en foule est un grain de sable au milieu d’autres grains de sable que le vent soulève à son gré. » — Psychologie des foules (1895N2)
Cela nous montre que le processus de formation des masses et de totalitarisation ne s’est pas arrêté avec la fin de la crise du coronavirus. Il se poursuit. Il utilise une diversité de récits comme véhicule : le récit du coronavirus, le récit du climat, le discours « woke », et ainsi de suite. Chacun de ces récits est, en fin de compte, une sorte de propagande pour une idéologie sous-jacente — diffusée intentionnellement par des institutions, ou avec enthousiasme par des croyants fanatiques. Cette idéologie est le modèle mécaniste, matérialiste et rationaliste (quel que soit le nom que l’on attribue à cet assemblage d’idées) qui croit que l’univers est une machine qui peut être entièrement comprise et contrôlée d’une manière strictement rationnelle. La version la plus récente de cette idéologie est le transhumanismeN3, qui croit que le destin ultime de l’être humain est d’être technologiquement optimisé et intégré à une société technologique et numérisée.
En fin de compte, cette idéologie prétend que tout peut et doit être compris et contrôlé rationnellement, y compris la pensée des gens, et les processus psychologiques dans la société. C’est la raison d’être de la propagande : contrôler l’esprit des gens, leur faire croire ce que l’on veut qu’ils croient, les amener à ne plus penser par eux-mêmes, à penser tous de la même manière, de la manière dont le grand supra-organisme auquel ils appartiennent — l’État — veut qu’ils pensent. C’est exactement le contraire de ce que la tradition des Lumières visait initialement, à savoir encourager les gens à penser par eux-mêmes. Voir l’essai de Kant : Was ist Aufklärung ? — Qu’est-ce que les Lumières ?
C’est dans les périodes où l’espace public est saturé d’endoctrinement et de propagande — saturé d’un discours purement instrumental et dépourvu de toute sincérité et honnêteté — que certaines personnes commencent véritablement à réapprécier la vérité. C’est en effet ce que nous devrions réaliser : il n’y a pas tant de crise terroriste, de crise climatique, de crise MeToo ou de crise bancaire — il y a une crise de la vérité.
Personne ne peut posséder la vérité. Et plus nous pensons la posséder, plus nous risquons de la perdre de vue. Nous devons reconsidérer cette question : que signifie « dire la vérité » ? Nous ne pourrons jamais déterminer rationnellement et de manière définitive ce qu’est la vérité. C’est quelque chose que nous devons expérimenter, nous pouvons sentir que quelqu’un dit la vérité, mais nous ne pouvons pas tout à fait la saisir avec notre esprit rationnel.
L’acte de dire la vérité est plus crucial que l’acte de penser rationnellement. Avoir le courage de remettre en question un récit auquel la société croit fanatiquement, voilà en quoi consiste l’acte de dire la vérité, depuis des temps immémoriaux. La première caractéristique du discours de vérité est donc la suivante : si vous essayez de le pratiquer, le monde des apparences vous résistera. Et les gens risquent de se mettre en colère contre vous. Parfois très en colère. Les Grecs de l’Antiquité le savaient très bien : il y a un prix à payer pour dire la vérité. Mais d’un autre côté, on reçoit aussi quelque chose en retour, quelque chose qui est plus important que tout ce qui peut être perdu. Je suis sûr que Robert Malone sait de quoi je parle. ⚪️
🔵 Mattias Desmet
➡ Sur un sujet apparenté, lire ou écouter :
• un commentaire par Taty Lauwers (2021N4) de l’ouvrage Psychologie du totalitarisme
• mon article Vers un nouvel ordre mondial ?
• l’article de Matthias Desmet : John Clauser : “Le discours sur le climat est une dangereuse corruption de la science”
• l’article de Robert Malone : La publicité prend les armes
• l’article de Jay Bhattacharya : Le Gouvernement m'a censuré
• un entretien de Matthias Desmet avec Jay Bhattacharya, le 16 février 2024 (sous-titré en anglais)
▷ Liens
🔵 Notes pour la version papier :
- Les identifiants de liens permettent d’atteindre facilement les pages web auxquelles ils font référence.
- Pour visiter « 0bim », entrer dans un navigateur l’adresse « https://leti.lt/0bim ».
- On peut aussi consulter le serveur de liens https://leti.lt/liens et la liste des pages cibles https://leti.lt/liste.
- N1 · m5ed · Why Robert Malone didn’t make up the term “mass formation psychosis”
- N2 · k2e6 · Ouvrage “Psychologie des foules” – Gustave Le Bon
- N3 · 4k3x · Transhumanisme – Wikipedia
- N4 · v61o · “Psychologie du totalitarisme” de Mattias Desmet (ou comment les masses se forment)
This post has 3156 words.
This post has 19309 characters.
Article créé le 26/04/2023 - modifié le 14/03/2024 à 14h17