Un documentaire récent (2014), Sleepless in AmericaN1 coproduit par le National Geographic Channel, révèle que 40% des habitants des USA souffrent de privation de sommeil. Les travaux de recherche montrent qu’un sommeil inadéquat contribue à de nombreuses pathologies qui vont des maux de tête au diabète, d’une diminution des défenses immunitaires, aux maladies de cœur et même à une détérioration irréversible du cerveau.
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) aux USA classent donc le manque de sommeil comme un problème majeur de santé publique. L’étude de Miller et al. (2014N2) révèle que les personnes âgées de plus de 65 ans qui dorment moins de 6 heures ou plus de 8 heures par nuit ont de moins bons scores dans les fonctions cognitives liées à la mémoire.
Un article de Blackwell et al. (2014N3) conclut : Parmi des hommes clients de maisons de retraites, une moins grande efficacité de sommeil, des périodes d’éveil plus fortes la nuit, de fréquentes longues insomnies et la reconnaissance d’une mauvaise qualité de sommeil étaient associées à un déclin cognitif subséquent.
Di Meco et al. (2014N4) ont montré que des souris privées de sommeil souffraient de troubles de mémoire avec une augmentation du risque de maladies neurologiques comme celle d’Alzheimer. D’après Bellesi et al. (2017N5), cette privation rendrait invasives et destructrices les cellules glialesN6 chargées d’éliminer les débris et de mettre à jour les connexions neuronales. Enfin, Kahn et al. (2014N7) ont montré qu’une seule nuit de sommeil interrompu, chez 40 femmes âgées de 20 à 29 ans, avait le même effet délétère qu’une privation de sommeil.
Est-il judicieux de faire des « grasses matinées » pour rattraper les heures de sommeil perdues ? Les Français, qui sont pour beaucoup en déficit de sommeil, dorment en moyenne une heure de plus le weekend qu’en semaine. Jérémy Anso a montré que les études scientifiques n’étaient pas unanimes quant au bénéfice de cette pratiqueN8.
Trop dormir peut signaler un risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVCN9) selon l’étude de Leng et al. (2015N10) publiée dans la revue Neurology, portant sur 9692 participants âgés de 42 à 81 ans. Il s’agit d’une simple corrélation, le lien de cause à effet n’étant pas démontré, mais le risque d’AVC est plus grand de 48% en moyenne chez les personnes (pour la plupart des femmes âgées) dormant plus de huit heures par nuit. La même étude observe une augmentation de risque d’AVC en cas d’insuffisance de sommeil, qui peut aller jusqu’à 87% pour des personnes jeunes. Le risque le plus grand signalé ainsi serait celui d’un accident ischémiqueN11 pour un temps de sommeil insuffisant, et plutôt hémorragiqueN12 pour un temps de sommeil excessif.
En expérimentation animale, des chercheurs ont montré que l’exposition du fœtus à l’éthanol (autrement dit, la consommation d’alcool pendant la grossesse) aurait pour conséquence un dérèglement des phases de sommeil profond, celles pendant lesquelles le cerveau enregistre le souvenir d’événements importants dans la mémoire à long terme (Wilson DA et al., 2016N14).
Les auteurs commentent (voir pageN15) :
Il a été constaté que les souris exposées à l’éthanol passaient moins de temps dans en sommeil lent profond (slow-wave sleepN16) et subissaient une sévère fragmentation du sommeil, ces deux dispositions ayant un lien significatif avec un handicap de mémoire. L’équipe de recherche a aussi observé que les souris exposées à l’éthanol étaient hyperactives alors que celles du groupe de contrôle ne l’étaient pas. Les souris exposées à l’éthanol montraient aussi un sommeil lent profond réduit et fragmenté, ainsi qu’une augmentation des transitions entre sommeil et veille par périodes de 24 heures.
De plus, on a observé chez les souris exposées à l’éthanol, mais pas dans le groupe de contrôle, un handicap de peur contextuelle qui conditionnait la mémoire, caractérisé par un défaut de mémorisation d’événements survenus dans des contextes spécifiques. La sévérité de ce handicap de mémoire était directement corrélée à l’importance de la fragmentation du sommeil.
La chronobiologie au service du sommeil
Les troubles du sommeil peuvent être envisagés dans le cadre plus vaste de la chronobiologie qui étudie les mécanismes synchronisés par notre horloge biologique circadienneN17. Les ruptures accidentelles de cycles sont associées à des troubles de l’humeurN18 et peuvent être traités par voie médicamenteuse — comme l’administration de mélatonineN19 pour faciliter l’endormissement — ou par une « chronothérapie » qui consiste à améliorer les conditions dans lesquelles cette horloge se resynchronise : exposition à la lumière matinale, nutrition restreinte dans le temps (TRF, Time-Restricted Feeding) favorisant la prise de nourriture le matin (voir mon article Jeûne et restriction calorique), exercice le matin etc.
➡ Quelques recettes pour une amélioration de la qualité et quantité de sommeil sont proposées dans mon article Une éducation du sommeil.
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- N1 · bs7b · Vidéo “Sleepless in America – National Geographic Channel”
- N2 · gjwd · Cross-Sectional Study of Sleep Quantity and Quality and Amnestic and Non-Amnestic Cognitive Function in an Ageing Population : The English Longitudinal Study of Ageing (ELSA)
- N3 · 4gsh · Associations of objectively and subjectively measured sleep quality with subsequent cognitive decline in older community-dwelling men : the MrOS sleep study
- N4 · 7qef · Sleep deprivation impairs memory, tau metabolism, and synaptic integrity of a mouse model of Alzheimer’s disease with plaques and tangles
- N5 · igd3 · Sleep Loss Promotes Astrocytic Phagocytosis and Microglial Activation in Mouse Cerebral Cortex
- N6 · wfip · Cellule gliale – Wikipedia
- N7 · 9gyx · Effects of one night of induced night-wakings versus sleep restriction on sustained attention and mood : a pilot study
- N8 · qear · Grasses matinées : le mythe des heures de sommeil à rattraper ?
- N9 · jrzg · Accident vasculaire cérébral – AVC – Wikipedia
- N10 · uzzx · Sleep duration and risk of fatal and nonfatal stroke
- N11 · f42s · Ischémie – Wikipedia
- N12 · q6ty · Hémorragie – Wikipedia
- N13 · fu7u · What can Stroke Victims do to Speed Their Recovery ?
- N14 · jo7f · Developmental ethanol exposure-induced sleep fragmentation predicts adult cognitive impairment
- N15 · bnnq · Sleep changes seen with fetal alcohol exposure partly explain learning and mood problems
- N16 · upgh · Slow-wave sleep – Wikipedia
- N17 · z1o8 · Horloge biologique circadienne – Wikipedia
- N18 · c5yv · Prospects for circadian treatment of mood disorders
- N19 · 9ihl · Mélatonine – Wikipedia
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Article créé le 23/09/2015 - modifié le 21/05/2023 à 10h34